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    A la Conquête des 10 Plus Hauts Sommets du Monde

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    Escalader l’un des plus hauts sommets du monde, à plus de 8 000 m, est un défi pour les alpinistes. Chaque montagne est dangereuse à cause des conditions extrêmes, des pentes abruptes et des neiges éternelles. Quels sommets sont les « huit mille » et quels défis posent-ils ? La plupart se trouvent en Asie, dans l’Himalaya et le Karakoram, formés il y a environ 60 millions d’années par la tectonique des plaques. Ces montagnes dangereuses, comme l’Everest ou le K2, attirent des alpinistes en quête d’exploits. Cet article raconte l’histoire de l’ascension des 10 plus hauts sommets du monde.

    Le Mont Everest : le plus haut sommet du monde

    L'Everest est le plus haut sommet du monde dans le massif de l'Himalaya. Crédit photo : Flickr by theglobalpanorama is licensed under CC BY-SA 2.0.
    L’Everest, le plus haut sommet de montagne du monde et les pics de la chaîne de l’Himalaya.

    Au Népal, le Mont Everest (Sagarmatha en népalais) est situé dans la chaîne de l’Himalaya, elle-même constituée de 7 hauts sommets d’est en ouest : Dolpo, Mustang, Manaslu Annapurna, Langtang Helmabu, Everest, Makalu et Kangchenjunga. Frontalier de la région autonome du Tibet dans le Mahalangur Himal, le Mont Everest est la plus haute montagne du monde avec ses 8 848 mètres d’altitude.

    Il y a environ 50 à 60 millions d’années, la collision entre le sous-continent indien et le reste du continent asiatique a été l’événement déclencheur de la formation de l’Himalaya. Le massif de l’Everest est formé de 3 unités tectoniques principales : les nappes du Khumbu, l’écaille du Nuptse et la « dalle du Tibet ». Depuis lors, son relief est forgé par l’érosion glaciaire. Les températures y sont extrêmement froides allant de -19°C en été à -60°C en hiver. 

    Découvert en 1847, le plus haut sommet du monde est baptisé en 1865 en l’honneur de Georges Everest, un arpenteur britannique. Pour autant, ce n’est que le 29 mai 1953 qu’Edmund Hillary et Tensing Norgay seront les premiers grimpeurs à atteindre le sommet officiellement. 

    L’Everest devient alors le « toit du monde » accueillant les plus grands exploits humains. En 1978, Reinhold Messner complète sa liste des sommets de plus de 8 000 mètres d’altitude en grimpant sans oxygène avec son coéquipier Peter Habeler. Plus récemment, le 22 mai 2024, l’alpiniste Kami Rita Sherpa, recordman des ascensions de sommets de plus de huit mille mètres, a atteint pour la 30e fois le point culminant du massif.

    Depuis cette époque, ces exploits ont donné l’envie à des milliers d’alpinistes d’accomplir les mêmes prouesses. Pour autant, le gouvernement népalais a dû limiter l’accès à son sommet en raison du tourisme de masse qui dégrade cette région montagneuse et augmente les risques d’accidents.

    K2 : la montagne sauvage du Pakistan

    K2, 2e plus haut sommet de montagne avec un ciel bleu.
    Le K2 culmine à 8 611 mètres d’altitude. Crédit photo : Photo de Daniel Born sur Unsplash

    Le K2, à la frontière du Pakistan et de la Chine, culmine à 8 611 mètres d’altitude. C’est la deuxième plus haute montagne du monde et l’une des plus difficiles à gravir. Explorée dès 1909 par l’expédition du duc des Abruzzes, elle ne fut conquise qu’en 1954 par des Italiens de la cordée d’Achille Compagnoni et de Lino Lacedelli. 

    Le K2 a été nommé en 1856 ainsi par l’ingénieur et colonel Thomas George Montgomerie. Il effectua la mesure des 12 montagnes de la chaîne pour le compte de la Great Trigonometrical Survey en les nommant par la lettre K (de Karakoram) suivie de leur numéro de position du plus élevé au plus bas. Les données géodésiques actuelles ont permis de définir l’altitude officielle. Le K2 se trouve finalement en première position devant le Gasherbrum I culminant à 8 080 mètres. Depuis cette expédition, chaque sommet a été renommé par un nom local, mais le K2 conserve tout de même son titre.

    Particulièrement redoutable avec son dénivelé abrupt, ses crevasses et ses conditions météorologiques rudes, c’est une montagne hostile pour ceux qui tentent de l’escalader. En effet, des vents de 200 km/h soufflent à son sommet et les avalanches sont fréquentes.

    4 camps de base ont été créés en partant de la rive du glacier Godwin-Austen à partir de 5 000 mètres pour arriver au point culminant. 

    Le 16 janvier 2021, une équipe népalaise de haut niveau a grimpé pour la première fois le K2 en hiver, ce qui n’avait jamais été tenté jusqu’à présent.

    Kangchenjunga, au sommet de l’Inde

    Prise de vue du Kangchenjunga, 3e plus haut sommet de montagne.
    Le Kangchenjunga est le point culminant de l’Inde. Crédit photo : by Labun Hang Limboo from Pixabay

    Kangchenjunga est le 3e sommet du monde à une altitude de 8 586 mètres d’altitude et le point culminant de l’Inde. Ce sommet himalayen se situe à la limite indo-népalaise à l’est du Népal entre le district de Taplejung et l’État indien du Sikkim. Kangchenjunga signifie « Les cinq trésors de la grande neige » en tibétain puisqu’il est composé de 5 sommets, dont quatre sommets de plus de 8450 m.

    En 1899, Douglas William Freshfield tente son ascension pour établir une cartographie de la montagne. Grâce à ces données cartographiques, Georges Band et Joe Brown, les alpinistes britanniques de l’expédition du Dr Ch. Evans ont pu atteindre son sommet le 25 mai 1955. L’histoire raconte qu’ils se sont arrêtés à quelques mètres du sommet réel par respect pour les croyances religieuses des Népalais et du Sikkim.

    Depuis cette ascension, l’accès au Kangchenjunga a longtemps été fermé à l’alpinisme. Situé à la frontière entre le Népal et l’Inde, il a été source de tensions politiques jusqu’en 1988. Cette montagne est donc mieux préservée de la trace humaine, avec des sentiers peu balisés et abrupts. Les Limbu, parents des Raï, peuple vivant sur ces terres, sont les gardiens de cette muraille de roc et de glace. Avec le soutien du WWF Népal, une aire de conservation a été créée en mars 1997 afin de préserver les rivières et lacs de haute altitude ainsi que biodiversité. 

    Lhotse préserve sa nature

    Lhotse à droite de l'Everest. Crédit photo : Pixabay
    Lhotse à droite de l’Everest. Crédit photo : Pixabay

    Le Lhotse atteint les 8 516 mètres entre la Chine et le Népal au cœur de l’Himalaya. Nommé « pic sud », le Lhotse est situé à 2,4 kilomètres au sud de l’Everest. D’ailleurs, le Lhotse est souvent escaladé à la suite de l’Everest, ce qui permet de grimper 2 sommets en faisant une économie d’énergie substantielle.

    Les Suisses Fritz Luchsinger et Ernst Reiss ont réussi le 18 mai 1956, l’ascension de ce 4e plus haut sommet du monde. C’est une montagne plutôt préservée aujourd’hui grâce aux mesures gouvernementales.

    Pour protéger les espèces rares, comme le léopard des neiges et le petit panda, le Népal a fondé le Parc national de Sagarmatha en 1976. Près de 114 800 hectares sont protégés, abritant plus de 6000 Sherpas répartis dans une vingtaine de villages. La population régule ainsi la chasse et l’abattage des animaux entre autres sur ce lieu protégé.

    Makalu, le Géant qui dort six mois

    Vue de haut du mont Makalu, 5e plus haut sommet de montagne, avec ses glaciers blanc et bleu ciel et ses crêtes de couleurs rouges et marrons.
    Le Makalu surplombe 3 pays : le Tibet, la Chine et le Népal.Crédit photo : by Ben Tubby is licensed under CC BY 2.0, Flickr

    Au Népal, le Makalu est nommé par les communautés locales Khumbakarna « le Géant qui dort six mois ». Sa proéminence est telle qu’il surplombe 3 pays : le Tibet, la Chine et le Népal.

    Ce 5e sommet d’une hauteur de 8 485 mètres a été gravi avec succès, le 15 mai 1955 par les Français Lionel Terray et Jean Couzy.

    De nombreux alpinistes considèrent le Makalu comme le plus technique des sommets. Plusieurs voies d’accès ont été tentées. Le versant nord et le versant sud constituent à ce jour les grandes voies d’accès au sommet. La face ouest, quant à elle, est jugée plus difficile.

    Le Makalu est protégé au sein du parc national de Makalu Barun depuis 1992 sur le versant népalais. Une réserve de biosphère, nommée réserve naturelle de Qomolangma, se trouve aussi du côté tibétain. Ces zones de préservation garantissent la conservation de la biodiversité et le développement durable.  

    Les plus hauts sommets du monde, dominés par des conditions climatiques extrêmes, illustrent la force de la nature et le courage humain.

    Cho Oyu, la déesse turquoise

    au premier plan, une étendue de terre et de caillou marrons et au second plan, Cho Oyu, 6e plus haut sommet de montagne du monde au reflet bleu et blanc par temps nuageux.
    Cho Oyu, la déesse turquoise. Crédit photo : Hiroki Ogawa, Wikimédia Commons

    Une neige abondante recouvre le Cho Oyu, 6e sommet le plus élevé au monde culminant à 8 188 mètres d’altitude. Son sommet est accessible depuis la capitale du Tibet, Lhassa. Le Cho Oyu est également appelé « tête puissante », « tête de dieu » ou encore « dieu chauve ».

    Facile d’ascension, le Cho Oyu tire son nom de la langue tibétaine que l’on traduit par « déesse turquoise » en raison de la luminosité qui teinte ses roches en fin d’après-midi. C’est une montagne réputée pour sa facilité d’ascension sans passages techniques difficiles. 

    C’est l’expédition autrichienne menée par Herbert Tichy, Sepp Jöchler et le sherpa Pasang Dawa qui a eu le plaisir de finaliser sa première ascension le 19 octobre 1954. Les voies les plus couramment empruntées pour la gravir sont l’arête ouest puis la face nord-ouest. Sa descente peut se faire à ski. Tout comme le Lhotse, il se situe dans le parc national de Sagarmatha dont 69 % de sa superficie s’établit au-delà de 5 000 mètres d’altitude. 

    Ce sommet est idéal pour battre des records, ce que Benedikt Böhm et son guide des montagnes Prakash Sherpa ont réalisé le 7 octobre 2023. Ces alpinistes de l’extrême ont réussi à gravir la montagne enneigée en 12 heures et 35 minutes sans apport d’oxygène artificiel ni camp intermédiaire.  

    Dhaulagiri, la montagne blanche

    Dhaulagiri, 7e plus haut sommet de montagne du monde enneigée sur un fond bleu et une nuée de nuage en son centre.
    Dhaulagiri, la montagne blanche. Crédit photo : Solundir

    Ce 7e sommet s’érige au centre du Népal à 8 167 mètres d’altitude, dans la province de Gandaki Pradesh. Dhaulagiri est la plus haute montagne du Népal, à 34 km de distance du pic de l’Annapurna. Son nom est tiré du sanscrit (langue indo-européenne) « Dhavali giri » traduit par « la montagne blanche » ou « la montagne éblouissante ». Entre l’Annapurna et le mont Dhaulagiri coule la rivière de Gandaki, dans les gorges de Kali Gandaki.

    Le massif du Dhaulagiri est composé d’une série de 5 sommets numérotés d’est en ouest sur une crête longue de 120 km. Chaque montagne s’élève à plus de 7 500 mètres dont le Dhaulagiri I constitue le pic le plus élevé, au sud-est de la chaîne montagneuse. Les grimpeurs sont nombreux à apprécier le trek de Churen Himal à l’automne ou au printemps pour ses paysages et sa richesse culturelle.  

    Après de nombreuses expéditions, une équipe suisse dirigée par Max Eiselin a réussi à conquérir pour la première fois « la montagne éblouissante ». Le 13 mai 1960, cinq alpinistes chevronnés ont pris d’assaut les arêtes sinueuses et les glaciers instables du Dhaulagiri.

    Ainsi, ils ont créé la voie la plus empruntée à ce jour, par l’arête nord-est. Pour autant, durant leur expédition, ils font une avancée majeure et exceptionnelle à l’aide d’un avion Pilatus PC-6, surnommé « Yéti ». Bien qu’il ait établi un record d’atterrissage à 5 750 mètres, l’aéroplane s’est finalement écrasé dans la vallée cachée, où sa carcasse est encore visible aujourd’hui.  

    Manaslu, la montagne de l’esprit

    Le Manaslu au soleil couchant.
    Le Manaslu au coucher du soleil. Crédit photo : by bentubby.com is licensed under CC BY-NC-ND 2.0, Flickr

    Le Manaslu s’élève à une altitude de 8 163 mètres, ce qui en fait le 8e plus haut sommet du monde. Le 9 mai 1956, 9 jours avant l’ascension du Lhotse, Toshio Imanishi et le sherpa Gyalzen Norbu atteignent le sommet par le versant nord-est. 

    Le Manaslu est constitué de leucogranite du Miocène vieux de 23 à 18 millions d’années issu du choc des plaques continentales indiennes et eurasiennes. Cette chaîne de montagnes nommée pluton en géologie fait partie des 12 recensés dans le massif himalayen, indiquant une forte activité magmatique en profondeur lors de leur genèse.

    Considérée comme l’un des plus difficiles sommets, la « montagne de l’Esprit » est un pic pyramidal où se trouvent 4 glaciers :

    • Le glacier Manaslu (face nord-est) alimentant le lac Birandra ;
    • le glacier Pung-Gien (face sud-est) ;
    • le glacier Thulagi (face sud-ouest) se déversant dans le lac Duna ;
    • la haute vallée Domen Khola au Nord-Ouest est couverte de corniches de glace dans sa partie haute.

    Considéré comme l’un des plus dangereux de la famille des « 8000 », Jackson Groves, le reporter d’aventure australien, a pris des images avec un drone pour la 1re fois depuis le sommet du Manaslu à l’automne 2021. Il a capturé des photos saisissantes des grimpeurs des sommets, appelés les « summiters », escaladant la crête en pleine ascension vers le pic. 

    Nanga Parbat, la montagne tueuse

    Nanga Parbat, le 9ème plus haut sommet de montagne.
    Nanga Parbat est l’une des montagnes les plus difficiles à gravir. Crédit photo : Wikimédia Commons

    Nanga Parbat est la montagne la plus redoutée, nichée au cœur du Pakistan à une hauteur de 8 123 mètres d’altitude. Cette montagne aux pentes extrêmement escarpées et exposées aux chutes de pierres et aux avalanches est certainement une des plus difficiles à gravir. 

    Le Nanga Parbat est à la limite de deux zones thermiques ce qui provoque des vents forts et de dangereux couloirs d’avalanche. Constitués de granites et de gneiss, les versants nord et sud sont formés par un succession de couloirs glaciaires et d’énormes séracs.

    Preuve de sa dangerosité, A. F Mummery, pionnier de l’alpinisme moderne en 1895 et l’équipe allemande menée par Willy Merkl en 1934 ont tenté l’ascension en y laissant leur vie.

    C’est l’alpiniste expérimenté Hermann Buhl, le 3 juillet 1953, qui réussit cette prouesse inédite à l’époque d’atteindre le sommet du Nanga Parbat en solo et sans oxygène. Avant cette ascension victorieuse, 31 alpinistes avaient péri en tentant de conquérir cette montagne. C’est ainsi que le Nanga Parbat a hérité de son surnom tragique de « Montagne Tueuse ».

    En juillet 2024, Vadim Druelle, alpiniste français, reproduit l’ascension difficile de Hermann Buhl en un temps record de 15 heures et 18 minutes. Fait remarquable, il a dû affronter des températures glaciales de -50 °C en ne portant qu’un pantalon léger. Une rafale de vent avait emporté son pantalon polaire alors qu’il se trouvait dans sa tente. 

    L’Annapurna I, la mère nourricière

    L'Annapurna sous le ciel bleu.
    L’Annapurna I est le 10e plus haut sommet du monde à 8 091 mètres d’altitude. Crédit Photo : mo jiaming sur Unsplash

    Au centre de l’Himalaya, à l’ouest de Dhaulagiri et à l’est du Manaslu, l’Annapurna I est le 10e plus haut sommet du monde à 8 091 mètres d’altitude. Son nom signifie mère « purna » et nourriture « anna » en sanscrit. Il est surnommé « l’Ogresse gavée de nourriture » en référence à la déesse indienne Durga, symbole d’abondance et de générosité. L’Annapurna est un massif montagneux constitué de plusieurs crêtes dont l’Annapurna I est le plus haut sommet. 

    L’Annapurna I fait beaucoup parler de lui. Et, pour cause, il a le taux de mortalité le plus élevé des 10 montagnes les plus hautes du monde (34 %, chiffres publiés en mars 2012 dans le revue The Economist). Malgré sa beauté lunaire et ses pics couverts de neige éternelle et de glaciers bleus azurés, les avalanches de cette montagne himalayenne sont la principale cause de décès. 

    Pourtant, le 3 juin 1950, les Français Louis Lachenal et Maurice Herzog réussirent à défier le sommet de l’Annapurna I et devinrent les premiers à escalader un sommet de plus de 8 000 mètres.

    Malgré des conditions météorologiques imprévisibles et la technicité de ces itinéraires, des milliers de grimpeurs expérimentés osent défier ses pentes raides. En 1995, Andrej et Davo Karnicar ont même dévalé ses pentes en ski pour la première fois.

    Le top 10 des plus hautes montagnes situées en Himalaya ou au Karakorum représente un véritable défi pour les alpinistes les plus aguerris. Atteindre ces hauteurs exige une bonne condition physique et une maîtrise technique irréprochable, en raison des conditions climatiques extrêmes. La météo a souvent été déterminante dans la réussite ou l’échec des expéditions de haute montagne. Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, ces écosystèmes uniques, perchés aux plus hauts sommets du monde, sont pourtant menacés, tout comme ceux proches de la calotte glaciaire du Groenland

     

    RETENEZ


    • Les « huit mille » : Ce terme désigne les sommets de plus de 8 000 mètres, principalement situés en Asie (Himalaya et Karakoram).
    • Le Mont Everest est le plus haut sommet du monde (8 848 m) et a été gravi pour la première fois en 1953. Le toit du monde subit des problèmes liés au tourisme de masse.
    • L’ascension de l’Annapurna, réalisée par 2 français, est considérée comme l’une des plus difficiles en raison des conditions météorologiques imprévisibles et des risques d’avalanches.

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    Alpine Mag [En ligne]. Vadim Druelle au sommet du Nanga Parbat en un temps record; 14 juill 2024 [cité le 20 oct 2024]. Disponible: https://alpinemag.fr/vadim-druelle-nanga-parbat-sans-oxygene-temps-record/
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    Outside.fr : l’aventure au coeur de l’actualité [En ligne]. clement.thomas@outsidemedia.fr. Vues du ciel : les images rares de l’ascension du Manaslu et de l’Ama Dablam par Jackson Groves; 22 déc 2021 [cité le 20 oct 2024]. Disponible: https://www.outside.fr/portfolio-nepal-au-coeur-de-lascension-du-manaslu-et-de-lama-dablam-avec-jackson-groves/
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    Alpine Mag [En ligne]. Le Cho Oyu 8188 m. en 12h35 pour Benedikt Böhm et Prakash Sherpa; 9 oct 2023 [cité le 20 oct 2024]. Disponible: https://alpinemag.fr/cho-oyu-8188-m-en-12h35-pour-benedikt-bohm-prakash-sherpa/
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    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Parc national de Sagarmatha; [cité le 20 oct 2024]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/120/
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    Montagnes Magazine : l’actu montagne, alpinisme, test matériel ski rando, randonnée [En ligne]. Montagnes. Nanga Parbat : toutes les voies du versant Diamir et leur historique; [cité le 20 oct 2024]. Disponible: https://www.montagnes-magazine.com/topos-nanga-parbat-toutes-les-voies-versant-diamir-historique
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    Futura [En ligne]. rédaction la. L’Annapurna, le premier « 8.000 » gravi par l’Homme; [cité le 20 oct 2024]. Disponible: https://www.futura-sciences.com/planete/photos/terre-top-15-sommets-plus-hauts-monde-1236/terre-annapurna-premier-8000-gravi-homme-8914/
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    Sommets de plus de huit mille mètres. Dans: Wikipédia [En ligne]. 2024 [cité le 20 oct 2024]. Disponible: https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Sommets_de_plus_de_huit_mille_m%C3%A8tres&oldid=219565168
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    Veyret P. Desio (Prof. A.). — La conquête du K2. 1957 [cité le 20 oct 2024]; Disponible: https://www.persee.fr/doc/rga_0035-1121_1957_num_45_4_1810_t1_0791_0000_4

    La Plus Haute Montagne du Monde : un Titre Disputé

    Quelle est vraiment la plus haute montagne du monde ? La définition même de la « hauteur » peut varier selon la méthode de mesure choisie. Étant donné la diversité des montagnes, la communauté scientifique s’accorde sur un repère universel pour mesurer leur hauteur : le niveau de la mer. Selon ce critère, l’Everest reste le sommet le plus haut du monde avec ses 8 848 mètres d’altitude. Cependant, en adoptant d’autres manières de calculer la hauteur d’une montagne, ce titre peut être remis en question. À l’image de la face cachée d’un iceberg, certains géants prennent racine dans les profondeurs du plancher océanique. D’autres apparaissent plus imposants depuis leur plateau, ou depuis le centre de la Terre. Alors, quel est le sommet le plus haut du monde ?

    Depuis le niveau de la mer : l’Everest, la plus haute montagne du monde

    La chaîne Himalayenne : quand les continents s’entrechoquent

    La Terre ressemble à un vaste puzzle. En effet sa surface est découpée en de multiples morceaux qui se déplacent les unes par rapport aux autres. Ces mouvements sont à l’origine de nombreux tremblements de terre et éruptions volcaniques.

    La formation de la chaîne de l’Himalaya est le résultat de la tectonique des plaques. Il y a 50 millions d’années, la croûte océanique de la plaque indienne est entrée en collision et a glissé sous la plaque continentale eurasienne. Cette collision a provoqué un plissement de la croûte terrestre, donnant naissance à la majestueuse chaîne de l’Himalaya. La chaîne himalayenne repose sur le plateau tibétain et forme un arc de cercle d’environ 2 500 kilomètres. Il abrite 30 des plus hauts sommets du monde, dont l’Everest. La plaque indienne, toujours en mouvement, s’enfonce de quelques centimètres supplémentaires chaque année et contribue ainsi à l’élévation continue des sommets.

    L’Everest au sommet du monde

    Située à la frontière entre la Chine et le Népal, l’Everest attire chaque année des alpinistes passionnés malgré les dangers qu’elle représente. Son nom en tibétain, Chomolungma, se traduit par « Déesse mère du monde ». Avec ses 8 848 mètres de hauteur, l’Everest est internationalement reconnu comme la plus haute montagne du monde. Pour étayer cette affirmation, les scientifiques mesurent l’élévation de la montagne par rapport au niveau moyen des océans. Il s’agit d’un point de repère universel pour quantifier l’altitude d’un lieu. En suivant cette règle, l’Everest est le plus haut sommet du monde, et continue de gagner en altitude en raison des mouvements continus des plaques tectoniques.

    Le sommet le plus haut depuis les profondeurs de l’océan : l’archipel d’Hawaï

    L’archipel d’Hawaï : l’émergence de volcans sous-marins

    La naissance de l’archipel d’Hawaï remonte à 42 millions d’années. Cette apparition a longtemps été un mystère pour les géologues. Le scientifique John Tuzo Wilson propose la théorie du point chaud en 1963. Ce processus se traduit par une effusion de magma qui remonte du noyau terrestre vers le manteau terrestre. De manière générale, cette matière en fusion stagne temporairement dans une chambre magmatique du manteau terrestre et finit par remonter progressivement tout en se frayant un chemin à travers la lithosphère océanique.

    A chaque épisode éruptif, la lave s’est déposée sur le plancher océanique donnant naissance à des volcans sous-marins. Au fil des éruptions répétées, ils ont fini par émerger et former des îles volcaniques.

    Les volcans-boucliers de Big Island

    Big Island, la principale île d’Hawaï, abrite trois volcans majeurs : le Mauna Loa, le Mauna Kea et le Kilauea.

    Le Mauna Kea est un volcan-bouclier, caractérisé par sa grande taille, ses pentes douces, ainsi que ses éruptions effusives et coulées de lave. Actuellement en sommeil, sa dernière éruption remonte à 4 500 ans. Selon les scientifiques, le Mauna Kea est le volcan subaquatique le plus élevé de la planète depuis le plancher océanique. Son sommet atteint 4 207 mètres au-dessus du niveau de la mer. Si l’on mesure son élévation depuis la base du plancher océanique, ce volcan atteint 10 210 mètres d’altitude. Ainsi, le Mauna Kea dépasse l’Everest de 1 362 mètres. 

    Le parc national des volcans d’Hawaï, inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987, abrite deux des volcans les plus actifs de la planète : le Mauna Loa et le Kilauea. Contrairement au Mauna Kea, le Mauna Loa est toujours en activité. Depuis 1843, il a connu 33 éruptions, la plus récente datant du 27 novembre 2022. Selon l’USGS, son altitude depuis le plancher océanique est de 9 170 mètres.

    Bien que le Mauna Kea soit le plus haut sommet, le Mauna Loa est également d’un grand intérêt pour les géologues pour deux raisons :

    1. Sa base subaquatique s’enfonce à environ 8 000 mètres jusqu’au niveau du plancher océanique.
    2. Son activité volcanique continue pourrait lui permettre de croître et de gagner en altitude.

    Ainsi, si l’on mesure le Mauna Loa depuis sa base, il atteint 17 170 mètres, faisant de lui la plus haute montagne sous-marine du monde.

    Schéma de la comparaison de la plus haute montagne du monde depuis le plancher océanique : Everest et Mauna Kea.
    Comparaison de la plus haute montagne du monde depuis le plancher océanique : Everest et Mauna Kea. Crédit schéma : Anaïs Meignan, pour l’Odyssée de la Terre, Tous droits réservés, diffusion interdite.

    Pour mesurer la hauteur d’un sommet, plusieurs critères peuvent être utilisés, chacun offrant une perspective différente sur la notion de « plus haute montagne du monde ».

    L’élévation verticale la plus importante depuis le plateau de la montagne : le Denali

    Le Denali, autrefois appelé mont McKinley, est le point culminant de l’Amérique du Nord. Son nom, qui signifie « le plus haut » en koyukon (une langue athapascane), lui convient parfaitement. Situé dans la chaîne d’Alaska, dans l’État éponyme, il domine les terres glacées du Yukon. Surnommé le « toit de l’Amérique », il s’élève à 6 190 mètres au-dessus du niveau de la mer, soit 2 658 mètres de moins que l’Everest.

    Cependant, il repose sur un plateau beaucoup plus bas que celui de l’Himalaya. Tandis que le plateau tibétain atteint 5 200 mètres d’altitude, celui du Denali n’atteint que 700 mètres de hauteur. Cette montagne de la chaîne d’Alaska s’élève ainsi à 5 200 mètres par rapport à la base de son plateau. A l’inverse, l’Everest atteint 3 648 mètres d’altitude par rapport au plateau tibétain. Ainsi selon cette méthode de calcul, le Denali peut donc être considéré comme la plus haute montagne du monde lorsqu’on utilise le plateau de la montagne comme référence.

    Schéma de la comparaison de la plus haute montagne du monde depuis le plateau de la montagne.
    Comparatif des hauteurs : Everest et Denali. Crédit schéma : Anaïs Meignan pour l’Odyssée de la Terre, Tous droits réservés, diffusion interdite.

    Le point culminant le plus éloigné du centre de la Terre : le volcan Chimborazo

    Le Chimborazo est un volcan situé en Équateur, en Amérique du Sud. Bien qu’il soit encore actif, sa dernière éruption date de 10 000 ans. Ce sommet fait partie de la cordillère des Andes, une vaste chaîne de montagnes qui s’étend sur plus de 8 000 kilomètres à travers sept pays. Son altitude est de 6 268 mètres, soit 2 580 mètres plus bas que l’Everest.

    Cependant, le Chimborazo suscite l’intérêt scientifique en raison de son emplacement unique : il est le point le plus éloigné du centre de la Terre. En effet, la planète n’est pas parfaitement sphérique mais légèrement aplatie aux pôles. Elle forme ainsi une figure ellipsoïdale avec un renflement équatorial, similaire à celui observé en exerçant une pression sur les extrémités d’un ballon. Ainsi, la distance entre le centre de la Terre et l’équateur terrestre est environ 21 000 kilomètres plus grande que celle entre le centre et les pôles.

    En prenant en compte ce repère, le sommet de l’Everest se trouve à 6 382,605 kilomètres du centre de la Terre, tandis que celui du Chimborazo atteint 6 384,416 kilomètres. Par conséquent, le volcan équatorien dépasse l’Everest de 1 811 mètres. De ce fait, il peut être considéré comme le point terrestre le plus élevé sur Terre.

    Schéma comparaison de la plus haute montagne du monde depuis le centre de la terre.
    Comparaison de la plus haute montagne du monde depuis le centre de la terre : Everest et Chimborazo. Crédit photo : Anaïs Meignan pour l’Odyssée de la Terre, Tous droits réservés, diffusion interdite.

    Le titre de « la plus haute montagne du monde » varie selon le point de référence utilisé. Ainsi, l’Everest peut perdre son statut selon la base de mesure choisie. En élargissant notre perspective au-delà de la planète, la question peut également s’étendre à notre système solaire. Dans ce cas, la montagne la plus haute est le mont Olympe sur Mars. Avec ses 22 500 mètres, il est presque trois fois plus élevé que l’Everest.

    RETENEZ


    • Le plus haut sommet depuis le niveau de la mer est l’Everest, situé dans l’Himalaya. Il culmine à 8 848 mètres d’altitude.
    • Depuis la base du plancher océanique, le Mauna Loa, un volcan hawaïen, dépasser les 17 000 mètres de haut.
    • Le sommet le plus éloigné du centre de la Terre est le Chimborazo, un volcan situé en Équateur.

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    La Faille de San Andreas, la Bombe à Retardement Sismique

    La Californie, célèbre pour ses paysages de rêves, ses plages qui regorgent de soleil et son dynamisme économique, vit sous une menace géologique de taille : la faille de San Andreas. Vieille de plus de 30 millions d’années, cette faille tectonique forme une frontière naturelle de 1300 kilomètres depuis le nord-ouest près de Cape Mendocino jusqu’à la frontière mexicaine au sud-est. Cette cicatrice, au carrefour des plaques tectoniques pacifique et nord-américaine, interroge les sismologues et les experts en gestion des risques naturels. Chaque jour qui passe rapproche un peu plus le jour tant redouté du Big One, un séisme de grande intensité qui menace la côte Ouest des États-Unis. Comment cette faille s’est-elle formée ? Pourquoi suscite-t-elle autant d’inquiétude ? Et surtout, comment la population se prépare à la survenue d’un nouveau tremblement de terre ? Découvrez l’origine de la formation de la faille de San Andreas et les efforts de préparation pour faire face au risque sismique.

    La faille de San Andreas, une faille dite transformante

    Il y a environ 30 millions d’années, la faille de San Andreas s’est formée lorsque la plaque pacifique est entrée en contact direct avec la plaque nord-américaine. Avant cela, la côte ouest des États-Unis était marquée par une zone de subduction. Ce phénomène sismique se manifeste par l’enfoncement d’une plaque lithosphérique océanique sous une plaque continentale adjacente. Dans ce contexte, la plaque Farallon s’enfonçait sous la plaque nord-américaine. Au fur et à mesure de la subduction de la plaque Farallon et de sa quasi-disparition, la plaque pacifique a commencé à se déplacer latéralement vers la plaque nord-américaine.

    Carte qui délimite la faille de San Andreas en Californie.
    Carte qui délimite la faille de San Andreas : limite entre la plaque pacifique et la plaque nord-américaine. Crédit photo : US Geological Survey (USGS)

    La faille de San Andreas est l’une des structures tectoniques les plus significatives de la planète. Les chercheurs, notamment ceux de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), la qualifient de “faille transformante” en raison des mouvements horizontaux des deux plaques tectoniques.

    En effet, les scientifiques distinguent 3 types de failles :

    1. La faille normale : lorsque la croûte terrestre s’étire, le bloc supérieur, appelé le “toit”, glisse vers le bas par rapport au bloc inférieur, appelé le “mur”. Ce genre de faille se forme dans les zones de divergence où les plaques tectoniques s’éloignent l’une de l’autre.
    2. La faille inverse : le bloc supérieur (le toit) se déplace vers le haut par rapport au bloc inférieur (le mur). Ce phénomène, dû à une compression, se produit dans les zones de convergence, c’est-à-dire où les plaques tectoniques se rapprochent.
    3. La faille transformante : les deux blocs de la faille glissent latéralement l’un par rapport à l’autre, sans mouvement vertical significatif.
    Différence entre les trois types de failles.
    Schéma représentatif des trois types de failles. Crédit photo : Geodiversité.net

    Contrairement aux failles normales ou inverses qui provoquent des mouvements verticaux, les failles transformantes se distinguent par un déplacement latéral, souvent considérable.

    Ce phénomène se manifeste surtout le long de la faille de San Andreas. La plaque pacifique et la plaque nord-américaine glissent parallèlement, mais dans des directions opposées, transformant le relief environnant. La plaque pacifique se déplace vers le nord-ouest à un rythme d’environ 3 à 4 centimètres par an, tandis que la plaque nord-américaine se déplace vers le sud-est. Cette faille est toujours active de nos jours, ce qui en fait une des zones sismiques les plus actives au monde.

    L’activité des plaques tectoniques dans cette région de la Californie entraîne l’accumulation d’importantes tensions dans la croûte terrestre. Quand les tensions accumulées au fil du temps se relâchent, elles entraînent des séismes ou tremblements de terre. Certains s’avèrent très dévastateurs comme par exemple le séisme du 11 mars 2011 au Japon. En Californie, ce fut le cas du tristement célèbre séisme de San Francisco en 1906.

    Les ravages du séisme de San Francisco en 1906

    Le 18 avril 1906 à 5 heures 12 survint l’épisode sismique le plus destructeur de l’histoire des États-Unis. Un séisme d’une magnitude de 7.8 sur l’échelle de Richter réveilla San Francisco. Une première secousse de 45 à 60 secondes se fit ressentir. Puis, s’en suit une seconde, plus dévastatrice, de 20 à 25 secondes. Durant les heures et les jours suivants, plusieurs autres répliques se manifestèrent. L’épicentre du séisme se situait à seulement 12 kilomètres de la ville. Les secousses sismiques les plus intenses ont été ressenties dans un rayon de plus de 400 000 kilomètres carrés, jusque dans les états voisins de l’Oregon et du Nevada.

    Photographie des dégâts après le tremblement de terre de San Francisco en 1906.
    Photographie du tremblement de terre de San Francisco prise en avril 1906 par Chadwick, H. D. Crédit photo : Wikimedia Commons

    Cette catastrophe naturelle fut provoquée par un mouvement brutal le long de la taille de San Andreas. En effet, les scientifiques comme le géodésien Harry Fielding Reid mettent en avant la théorie du “rebond élastique” pour expliquer ce séisme majeur. Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), les mesures effectuées à l’époque ont permis de conclure que la plaque pacifique s’est déplacée en 40 secondes de 6 mètres par rapport à la plaque nord-américaine. Ce phénomène libéra toute l’énergie accumulée pendant plusieurs années.

    Des dégâts structurels et des conséquences géologiques

    Suite au séisme de 1906, de nombreux dommages ont été identifiés, à savoir :

    • 28 000 bâtiments furent détruits ou sérieusement endommagés.
    • De nombreux bâtiments historiques se sont effondrés.
    • Des incendies de taille ont ravagé la ville pendant trois jours. La lutte contre les incendies s’est compliquée en raison des conduites d’eau coupées.
    • Le déplacement des axes de communication : chemins de fer, ponts et routes qui ont entravé les déplacements et ont rendu difficile l’accès des secours aux zones sinistrées.
    • La coupure des lignes électriques a plongé la ville dans le désordre.

    Outre les dégâts en surface, le tremblement de terre a engendré d’importantes conséquences géologiques. Le séisme a provoqué des déformations du sol et des modifications de la géométrie des cours d’eau. Des effondrements rocheux ont également été enregistrés dans les zones côtières et dans les zones humides environnantes

    Les scientifiques ont aussi observé des phénomènes de liquéfactions des sols. Dans des sols saturés en eau, les vibrations sismiques peuvent entrainer une perte de résistance des grains de sable entre eux. Les couches se comportent alors comme un liquide et les infrastructures peuvent être déstabilisées et parfois s’enfoncer littéralement dans le sol sous leur propre poids.

    Un bilan humain conséquent

    Le séisme qui a frappé San Francisco toucha une grande partie de la population. Un bilan officiel de 1990 fait état d’environ 3 000 morts, bien que certaines estimations plus récentes suggèrent que le nombre pourrait être plus élevé, plutôt de l’ordre de 5 000 morts. Les effondrements de bâtiments et les multiples incendies qui ont suivi le tremblement de terre ont fait plusieurs milliers de blessés graves.

    À l’époque, cette expérience traumatisante laissa plus de 250 000 personnes sans domicile fixe sur une population totale d’environ 400 000 habitants. Cette proportion correspond aux deux tiers de la population. Suite à la catastrophe, un exode majeur s’est produit. En effet, beaucoup d’habitants quittèrent la ville afin de se réfugier dans les environs.

    Le danger représenté par la faille de San Andreas n’est pas une question de « si », mais de « quand ». Un tremblement de terre majeur est inévitable, et il pourrait causer des destructions sans précédent en Californie. Dr Lucy Jones, sismologue

    Photo aérienne de la faille de San Andreas en Californie.
    Photo aérienne de la célèbre faille de San Andreas en Californie, une faille transformante particulièrement surveillée par les sismologues. Crédit photo : John Wiley/Wikimedia Commons

    Le Big One, le géant endormi aux pouvoirs dévastateurs

    Le « Big One » désigne un tremblement de terre de forte intensité qui surviendra dans les prochaines années le long de la faille de San Andreas. Ce mégaséisme serait susceptible de causer des destructions massives dans des zones densément peuplées, telle que la mégalopole de Los Angeles dont l’aire métropolitaine compte à ce jour environ 13 millions d’habitants.

    Cette faille a connu des séismes importants au cours de l’histoire, mais certaines parties, notamment la partie sud, n’ont pas été affectées par un séisme majeur depuis plus de 160 ans, depuis le séisme de Fort Tejon en 1857. En raison de cette accumulation de tension, un séisme de cette ampleur est statistiquement inévitable.

    La faille de San Andreas : une zone surveillée en permanence par les scientifiques

    Les scientifiques se posent la même question : quand aura lieu le Big One ? Malheureusement, il est très difficile, voire impossible de prédire précisément quand le Big One aura lieu. Toutefois, les sismologues comme Lucy Jones étudient la faille quotidiennement pour mieux comprendre ses mouvements et évaluer les risques.

    Les chercheurs considèrent aujourd’hui qu’il existe une forte chance qu’un puissant séisme frappe la Californie du Sud dans les prochaines décennies. Selon les modèles sismiques développés par l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS) et le rapport sur les probabilités de survenue des séismes en Californie, un tremblement de terre de type 1906 se produit en moyenne tous les 200 ans. Un groupe de travail a estimé qu’il y avait 67% de chances qu’un tremblement de terre de magnitude 7 se produise dans les 30 prochaines années dans la région de la baie de San Francisco. La faille de Hayward, le segment de la péninsule de la faille de San Andreas est particulièrement concerné.

    Pour rappel, le système de faille de San Andreas traverse des zones densément peuplées avec des enjeux économiques importants, c’est pourquoi cette faille est l’une des plus étudiées au monde. Il est crucial d’analyser attentivement son comportement pour prévoir les impacts des futurs séismes dévastateurs. Cela permettra également de développer des techniques de construction parasismique et des stratégies de préparation pour protéger les populations face au risque sismique.

    Des mesures de prévention et de préparation

    Une récente étude parue en 2023 suggère que le Big One pourrait être moins destructeur que prévu, en particulier à proximité de Los Angeles. Les scientifiques ont notamment étudié un amas de rochers situés à 15 kilomètres de la faille, pour comprendre l’histoire des secousses au cours de 50 000 dernières années. Les scientifiques ont étudié les isotopes radioactifs de la roche pour déterminer leur fragilité et modéliser leur résistance aux secousses sismiques. Les résultats indiquent que le sol pourrait trembler jusqu’à 65% moins intensément que les modèles de risques sismiques actuels ne le suggèrent.

    Carte qui montre la probabilité d'un séisme de 6.7 ou plus d'ici les prochaines années.
    Carte qui représente les 7 systèmes de failles de la baie de San Francisco avec la probabilité qu’un séisme de magnitude 6.7 ou plus se produise entre 2003 et 2032. Crédit photo : US Geological Survey (USGS)

    Malgré une surveillance accrue de la zone sismique, il n’est pas possible de prédire avec exactitude quand se produira le tant redouté Big One. Les autorités et les habitants doivent donc rester vigilants et se préparer le mieux que possible pour faire face aux conséquences d’un séisme d’une telle ampleur. De plus, les récentes recherches soulignent l’importance de renforcer les infrastructures, les plans d’urgence et les normes pour minimiser les pertes humaines et matérielles. Afin de sensibiliser la population et d’adopter les bons comportements en cas de catastrophe, chaque année sont organisés des exercices de préparation tels que le Great California ShakeOut.

    La faille de San Andreas ne se limite pas à une simple fracture dans la croûte terrestre. Cette faille transformante est à la fois un sujet de recherche scientifique et une menace persistante pour les millions d’habitants qui vivent à proximité. Le mystère et la crainte qui plane au-dessus de la faille nous rappellent que notre planète demeure en activité permanente.

    RETENEZ


    • Il y a 30 millions d’années, la faille de San Andreas s’est formée lorsque la plaque pacifique est entrée en contact avec la plaque nord-américaine.
    • La faille est toujours active de nos jours, ce qui en fait une des zones sismiques la plus étudiée au monde.
    • Le séisme de San Francisco en 1906 est désigné comme étant le plus destructeur de l’histoire des Etats-Unis.
    • Le « Big One » désigne un tremblement de terre de forte intensité qui pourrait causer des destructions massives.
    • Les chercheurs affirment qu’un séisme de magnitude supérieure à 7 est susceptible de se produire dans les 30 prochaines années.

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    Le Big Bang : Un Voyage vers les Origines de l’Univers

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    La théorie du Big Bang est l’un des plus fascinants et des plus importants concepts de la cosmologie moderne. Elle décrit l’origine et l’évolution de l’Univers, expliquant comment un point infiniment dense et chaud a donné naissance à tout ce que nous voyons aujourd’hui. Comment sommes-nous arrivés là ? D’où venons-nous ? Que s’est-il passé avant l’explosion de ce minuscule atome primordial ? Comment l’Univers va-t-il évoluer ? Pour ce voyage vers les origines de l’Univers, nous allons explorer les principes fondamentaux de la théorie du Big Bang, les preuves qui la soutiennent, et les mystères qui l’entourent.

    La naissance de l’Univers : une incroyable explosion

    La singularité initiale ou l’instant zéro

    Tout aurait commencé il y a environ 13,7 milliards d’années. À cette époque il n’y avait ni matière ni atome. Cela ressemblait à une sorte de bouillon de particules élémentaires énergétiques, constitué de photons, d’électrons et de quarks. Toute cette énergie pure était condensée dans un état de densité infinie où régnait le chaos et la température avoisinait les millions de degrés. La taille de l’Univers n’était alors nullement observable : on pouvait le visualiser comme un point microscopique. C’est ce qu’on appelle la singularité initiale ou l’instant zéro, qui précède l’explosion du Big Bang.

    L’inflation cosmique ou l’expansion soudaine de l’Univers

    Environ 10⁻³⁵ secondes après l’explosion de ce point dense est chaud, est survenue une incroyable phase d’expansion évoluant plus rapidement que la vitesse de la lumière. Durant un intervalle de temps estimé à 10−34 et 10−32 secondes, l’Univers se met à croître de manière exponentielle multipliant ainsi les distances d’un facteur 1050 ! Lors du Big Bang, les 4 forces fondamentales (la gravitation, la force électromagnétique, l’interaction forte et l’interaction faible) qui régissent les interactions entre les particules élémentaires étaient unifiées. Après cette inflation explosive, ces forces et leurs particules se sont séparées lors du refroidissement de l’Univers et sont subitement réparties à travers tout le cosmos. Cette période est nommée « inflation cosmique » pour la première fois en 1979 par le physicien américain Alan Guth.

    Les scientifiques ne savent pas ce qui a provoqué cette inflation ou ce qui l’a alimentée. Les cosmologistes pensent que celle-ci explique de nombreux aspects de l’Univers que nous observons aujourd’hui, comme sa planéité, ou son manque de courbure, sur les plus grandes échelles. Il s’agit de la densité critique ou masse volumique critique, c’est-à-dire la densité d’énergie pour laquelle l’espace-temps est plat à grande échelle. En d’autres termes, un univers dont la densité est égale à la densité critique possède une courbure spatiale nulle. Cependant, dans les dernières données transmises par le satellite Planck lancé en 2009, des astronomes affirment avoir trouvé des indices pointant sur un univers fermé en forme de sphère. Cette étude fut publiée dans la revue Nature Astronomy le 4 novembre 2019.

    Frise chronologique de l'histoire de l'Univers.
    Frise chronologique de l’histoire de l’Univers depuis le Big Bang. Crédit photo : Wikimédia

    Le Big Bang expliqué en 8 étapes

    1. De l’instant 0 à 10-43 seconde après le Big Bang, l’espace et le temps apparaissent simultanément dans une explosion d’énergie. Nous ne connaissons pas exactement l’état de l’Univers après cette explosion mais il est extrêmement chaud et les 4 forces fondamentales sont réunies (la gravitation, la force électromagnétique, l’interaction forte et l’interaction faible).
    2. À 10-43 seconde, on parle de l’ère unifiée ou Grande Unification. Cette ère marque la séparation entre la gravitation et les autres forces fondamentales. Lors de ce court laps de temps, la matière et l’énergie ne font qu’une et sont sous forme liquide que l’on nomme la masse-énergie.
    3. À 10-35 seconde, on entre dans la phase de l’inflation, ce moment où l’Univers subit une inflation explosive, pendant laquelle une quantité phénoménale de masse-énergie apparaît. Durant cette étape, l’interaction nucléaire forte se sépare des deux forces fondamentales restantes. L’Univers est alors rempli d’amas d’énergie électromagnétique, les photons (particules élémentaires qui composent la lumière).
    4. À 10-32 seconde, c’est la fin de l’inflation cosmique. À ce stade, la température de l’Univers atteint 10 trillions de degrés Celsius. L’Univers baigne alors dans un plasma de particules et d’antiparticules (paire de quark/antiquark) connue sous le nom de « plasma de quarks et de gluons » ou QGP pour Quark-Gluon Plasma.
    5. À 10-12 seconde, c’est la séparation finale : l’interaction faible, responsable de la radioactivité bêta, et l’interaction électromagnétique, à la base de tous les phénomènes électriques, magnétiques, optiques et chimiques se divisent en deux. À ce stade, l’Univers a atteint 100 millions de kilomètres de diamètre.
    6. À 10-6 seconde, l’Univers s’est refroidi pour que les quarks (briques fondamentales de la matière) commencent à être liés par les gluons pour former des particules composites comme les protons et les neutrons. Par la suite, le refroidissement « gèle » la production de paires hadrons/antihadrons (quarks/antiquarks), et celles qui existent encore s’annihilent. Cependant, un léger excès de matière demeure : plusieurs scénarios tentent d’expliquer cette domination de la matière sur l’antimatière, toujours mystérieuse.
    7. 3 minutes : Les trois premières minutes cruciales dans l’histoire de l’univers, pendant lesquelles les collisions entre les protons et neutrons commencent à former des noyaux d’hélium-4, puis des noyaux légers tels que les noyaux d’hydrogène, de deutérium, de lithium et de béryllium. L’hélium est le second élément le plus présent dans l’Univers.
    8. 380 000 ans après le Big bang, les premiers atomes se forment. Les électrons qui ont une charge électrique négative ont été capturés par l’orbite des noyaux, donnant ainsi naissance aux premiers atomes, notamment celui d’hydrogène, qui reste encore aujourd’hui le plus répandu dans l’Univers. Une fois liés, ils ne pouvaient plus interférer avec les photons qui commencèrent à se déplacer librement dans l’espace sous forme de radiations électromagnétiques et la lumière envahit ainsi l’Univers créant le fond diffus cosmologique. À ce stade, l’Univers n’atteint plus que 2 700 degrés Celsius tandis que son diamètre a désormais atteint 100 millions d’années-lumière. Cette date de 380 000 ans correspond à la limite observable de l’Univers.

    Selon les scientifiques, les premières étoiles se sont formées à partir de nuages interstellaires composés essentiellement d’hydrogène et d’hélium environ 150-200 millions d’années après le Big Bang.

    La théorie du Big Bang est l’un des plus fascinants et des plus importants concepts de la cosmologie moderne. Elle décrit l’origine et l’évolution de l’Univers, expliquant comment un point infiniment dense et chaud a donné naissance à tout ce que nous voyons aujourd’hui.

    Depuis 13,7 milliards d’années, l’Univers n’a cessé d’évoluer. Contrairement à ce que nous disent nos yeux lorsque l’on contemple le ciel, ce qui le compose est loin d’être statique. Les physiciens disposent des observations à différents âges de l’Univers et réalisent des simulations dans lesquelles ils rejouent sa formation et son évolution. Il semblerait que la matière noire ait joué un grand rôle depuis le début de l’Univers jusqu’à la formation des grandes structures observées aujourd’hui. Crédit vidéo : @CEA

    L’origine de la théorie du Big Bang 

    Le début de la cosmologie moderne

    De 1907 à 1915, le célèbre physicien Albert Einstein travaille depuis quelques années sur la plus grande œuvre de sa carrière : la théorie de la relativité générale (E=mc²), selon laquelle la matière aurait une influence sur le mouvement des astres. Elle énonce notamment que la gravitation n’est pas une force, mais la manifestation de la courbure de l’espace-temps. Einstein soutient alors fermement la thèse d’un univers immuable et statique. Cette découverte majeure marque le début de la cosmologie moderne.

    Les preuves d’un Univers en expansion

    En 1912, Vesto Slipher, un astronome américain, observe un décalage vers le rouge de certaines galaxies qui suggère qu’elles s’éloignent de nous. Mais ce n’est qu’en 1922 que le physicien et mathématicien russe Alexandre Friedmann découvre que les équations sur la relativité générale d’Einstein permettent la description d’un univers qui n’est pas statique mais dynamique dans le temps, impliquant notamment une « explosion initiale ». Il corrobore ainsi les constatations de Slipher. La thèse d’un univers en constante évolution se répand alors au sein de la communauté scientifique.

    Quelques années plus tard, Georges Lemaître, un prêtre et cosmologiste belge, propose à son tour que l’Univers s’est formé à partir d’une seule particule infiniment dense, qu’il baptisa « atome primitif ». En explosant, il suggère que cette particule donna naissance à l’espace, au temps et à l’expansion de l’Univers. En 1927, il publie dans les « Annales de la Société scientifique de Bruxelles » un article dans lequel il s’oppose frontalement au père de la relativité générale, et y suggère au contraire l’idée que celui-ci pourrait bien être en constante évolution.

    « Vos calculs sont corrects, mais votre physique est abominable », lui lance alors Einstein.

    Cette contribution de Lemaître a jeté les bases de ce qui deviendra plus tard connu sous le nom de la théorie du Big Bang. Et en 1933, Einstein adhérait sans réserve à la théorie défendue par le prêtre belge.

    La loi de Hubble : des galaxies qui s’éloignent les unes des autres

    Deux ans plus tard, les observations de l’astronome américain Edwin Hubble vont lui donner raison. En 1929, il publie ses résultats qui démontrent une relation linéaire entre la distance des galaxies et leur vitesse de récession (vitesse d’éloignement). Le décalage vers le rouge de leur spectre lumineux témoigne que les galaxies s’éloignent les unes des autres à une vitesse proportionnelle à leur distance. Autrement dit, la vitesse de récession est d’autant plus élevée que la galaxie est éloignée dans l’Univers. Cela confirme avec brio l’idée d’une expansion constante telle que proposée par le prêtre belge. Cette étude rebaptisée aujourd’hui sous le nom de loi de Hubble-Lemaître est une preuve cruciale que l’Univers s’étend de plus en plus à mesure du temps.

    La nucléosynthèse primordiale : l’explosion d’un atome primitif

    Le 1er avril 1948, le physicien et astronome russe George Gamow publie un article avec l’aide de son étudiant Ralph Alpher, définissant l’origine du cosmos comme une « soupe dense de neutrons et de protons ». Ils démontrent ensuite par des calculs qu’une formation d’éléments légers, tels que l’hydrogène, l’hélium et le lithium, s’est constituée dans les premières minutes après l’explosion d’un atome primitif. C’est ce que les scientifiques nomment la nucléosynthèse primordiale.

    Cette démonstration scientifique corrobore le concept du Big Bang, terme employé pour la première fois à la radio en 1949 par l’astronome britannique Fred Hoyle. Les observations modernes confirment que les proportions de ces éléments dans le cosmos sont en accord avec les hypothèses théoriques.

    La découverte du fond diffus cosmologique (Cosmic Microwave Background)

    Au cours de l’année 1964, deux astronomes américains, Arno Penzias et Robert Wilson, travaillent sur l’antenne cornet de Holmdel pour les laboratoires Bell. L’objectif de cet antenne construite en 1959 était de détecter l’écho radar de satellites en forme de ballon agissant comme réflecteur. Les deux physiciens avaient pour mission d’observer la Voie lactée à des longueurs d’onde aux alentours de 7 cm. Mais alors qu’ils éliminèrent toutes les sources de bruit d’origine thermique pour mesurer le signal, ils constatèrent un fond sonore équivalent à une température d’environ 3,5 ± 1 Kelvin. En 1965, ils expliquèrent qu’il s’agissait d’un rayonnement électromagnétique diffus et isotrope (qui présente les mêmes propriétés dans toutes les directions), en provenance de l’Univers et apparu peu après le Big Bang : le fond diffus cosmologique (Cosmic Microwave Background) ou rayonnement fossile. Il s’agit de la plus ancienne lumière observable de l’Univers. Cette découverte s’est révélée être une confirmation majeure de la théorie du Big Bang, car elle permet d’étayer les travaux menés par Gamow et ses collègues. Les deux américains furent récompensés en 1978 par le prix Nobel de physique pour cette incroyable découverte accidentelle.

    Dernière photo du fond diffus cosmologique par la satellite Planck.
    La force du fond diffus cosmologique mesurée par le satellite Planck est illustrée sur cette carte de l’espace par une variation de température. On peut observer de minuscules variations de températures sous forme de tâches colorées. Les tâches bleu foncé indiquent des régions plus froides, d’à peine 0,0002°C inférieure à la température moyenne du fond diffus. Les tâches rouge-orange indiquent une température d’à peine 0,0002°C supérieure à la température moyenne du fond diffus. Crédit photo : CNRS

    Les mystères non résolus autour du Big Bang 

    Une matière noire qui consoliderait tout

    En 1933 l’astrophysicien suisse Fritz Zwicky tente d’expliquer les comportements mystérieux d’objets cosmiques. En étudiant l’amas de galaxies de la Chevelure de Bérénice, il remarqua que la masse gravitationnelle totale des galaxies était bien plus élevée que celle déduite de leur luminosité observable. Il en déduisit qu’une matière invisible devait exercer une force gravitationnelle suffisamment puissante pour maintenir les galaxies rapprochées, autrement elles se disperseraient. Il est le premier à suggérer l’existence d’une matière noire. Malheureusement, les idées de Fritz Zwicky étaient souvent rejetées et considérées comme farfelues par ses pairs à cause de son caractère jugé « détestable ». Ainsi, cette hypothèse ne trouva pas d’écho au sein de la communauté scientifique.

    Trente ans plus tard, des astronomes étudièrent le mouvement des étoiles et des gaz dans des galaxies spirales. Et c’est en 1970 que l’astronome américaine Vera Rubin fait sa grande découverte, en étudiant les astres en rotation dans la galaxie d’Andromède. Elle observe que les étoiles situées à la périphérie tournent aussi vite que celles du centre. Ainsi, d’après la théorie d’Albert Einstein, la gravité produite par la matière visible ne pourrait pas les faire tenir ensemble. Logiquement, elles devraient être expulsées par la force centrifuge, qui se manifeste lorsqu’un corps est en mouvement circulaire. Il en est de même pour les amas de galaxies.

    C’est pourquoi l’astronome est convaincu qu’intervient un élément invisible : une masse supplémentaire, qui produit le surplus de gravité dont elles ont besoin pour ne pas se démanteler. Elle suppose que la galaxie est entourée d’un halo de matière noire qui affecterait le mouvement des étoiles, tel que le suggérait Fritz Zwicky. Cette matière obscure représenterait un volume six fois supérieur à celui de la matière ordinaire — que l’on nomme également matière baryonique car elle est composée essentiellement de baryons (protons et neutrons). Mais contrairement à cette dernière, elle n’est pas sensible à la force électromagnétique. De ce fait, elle ne peut absorber, refléter ou émettre de la lumière, ce qui la rend extrêmement difficile à détecter.

    Aujourd’hui, l’existence de cette matière noire aurait été confirmée depuis que nous sommes capables d’observer le ciel aux rayons X. Des gigantesques nuages de gaz très chauds (quelques dizaines de millions de degrés) ont été détectés dans les amas de galaxies.

    Image composite de l'amas de la Balle.
    Image composite de l’amas de la Balle, résultat de la collision de deux amas de galaxies, à environ 3,4 milliards d’années-lumière de la Terre. Cette image est constituée de trois éléments : la lumière visible (étoiles et galaxies en blanc et orange) collectée par les télescopes Hubble et Magellan; les zones roses où l’observatoire de rayons X Chandra a détecté du gaz chaud, où se trouve la majorité de la matière « ordinaire » de l’amas; les zones bleues où les astronomes ont observé que l’amas était le plus massif. Crédit photo : NASA/CXC/M. Markevitch et coll./STScI/Magellan/Université de l’Arizona/D. Clowe et coll./ESO WFI.

    L’énergie noire : une puissance mystérieuse à l’origine de l’expansion

    L’Univers n’en finit pas de nous surprendre. À partir de 1998, des astrophysiciens découvrent avec stupéfaction que, non seulement ce dernier s’étire, mais que l’expansion est entrée dans une phase d’accélération inexpliquée depuis 6 milliards d’années. À force d’observations, une conclusion s’impose néanmoins : tout se passe comme si le cosmos était empli d’une forme d’énergie sombre de nature inconnue qui, s’opposant à la gravitation, conduit celui-ci à se dilater toujours plus vite.

    Cette force invisible, nommée énergie noire par les scientifiques, est insaisissable et impossible à observer. Elle représenterait pourtant 70 % du contenu total en énergie de l’Univers. Depuis, cette énigme hante la cosmologie et les scientifiques tentent de comprendre en vain cette mystérieuse puissance qui pousse notre espace à s’étaler davantage.

    L’énergie sombre pourrait représenter une propriété encore inconnue du cosmos et de la gravité, ou bien être constituée de tachyons, des particules hypothétiques se déplaçant plus rapidement que la lumière. Actuellement, la compréhension des chercheurs s’arrête à ce stade, mais grâce à l’émergence de nouvelles technologies, telles que le télescope spatial James Webb, la connaissance de l’univers promet de s’approfondir dans les années à venir !

    Photo du télescope Euclid pour comprendre l’origine de l'accélération de l’expansion de l’univers (ESA)
    Le télescope Euclid de l’ESA a notamment été lancé pour comprendre l’origine de l’accélération de l’expansion de l’Univers. Le satellite a passé des tests de qualification thermique dans les locaux de Thales Alenia Space à Cannes, en France. Crédit photo : ESA/S.Corvaja

    La théorie du Big Crunch : l’effondrement de l’Univers ou le Big Bang inversé

    Et si l’Univers venait à disparaître ? L’expansion semble vouée à se poursuivre indéfiniment, conduisant à une mort froide. Toutefois, une autre hypothèse théorique prévoit que cette expansion pourrait s’inverser, entraînant une contraction et un Big Crunch ou effondrement terminal. Actuellement, cette possibilité est écartée à cause de l’énergie noire qui accélère l’expansion, mais sa nature inconnue pourrait bien changer la compréhension que les scientifiques ont de l’Univers.

    Si l’énergie noire n’influençait pas l’expansion et si la densité de matière était double de celle actuellement estimée, la relativité générale prévoit que celle-ci continuerait pendant environ 50 milliards d’années, ralentissant progressivement, jusqu’à atteindre sa taille maximale. Ensuite, l’Univers commencerait à se contracter pendant encore 60 milliards d’années, avec une densité et une température croissantes.

    À l’approche du Big Crunch, les amas de galaxies fusionneraient et les galaxies commenceraient à s’interpénétrer, augmentant la température de l’Univers. Lorsque la température atteindrait 3000 degrés, le processus du Big Bang se déroulerait à l’envers : les photons détruiraient les atomes, rendant l’Univers opaque.

    Finalement, à des températures de dix millions à dix milliards de degrés, les étoiles et les noyaux atomiques se désintégreraient, et les forces fondamentales se réunifieraient. À un certain point, les conditions deviendraient similaires à celles de l’ère de Planck, une phase que les théories actuelles ne peuvent décrire. Cela pourrait aboutir à une singularité ou à un nouveau Big Bang, créant potentiellement un nouvel univers !

    Les premiers instants de l’Univers : un secret encore bien gardé

    Qu’y avait-il avant l’instant zéro ? Voilà une des principales questions toujours en suspens. Les conditions exactes et les mécanismes physiques des premiers instants de l’Univers, pendant l’ère de Planck, restent obscurs et font l’objet de recherches intenses. Comprendre ces premiers moments nécessite une théorie unifiée de la gravité quantique, qui n’a pas encore été développée. Car au-delà de cette limite de temps (la plus petite mesure à laquelle nous puissions avoir accès), les lois physiques cessent d’être valides. Les scientifiques sont donc pour l’heure face à un mur, le fameux mur de Planck, qui les empêche de comprendre les tous premiers instants de l’Univers, soit les quelque 10-43 secondes survenues après le Big Bang. A quoi ressemblait l’univers « avant » ce mur ? Peut-on réellement considérer le Big Bang comme l’instant 0 ?

    Certaines théories suggèrent même que ce que nous nommons Big Bang ne serait qu’une période de transition entre une phase de contraction et l’expansion que nous observons actuellement. La genèse de l’Univers commencerait alors bien plus tôt ! On l’imagine souvent comme une grosse explosion, mais qui avait-il avant ? Voilà la plus grande énigme de la cosmologie moderne encore non élucidée à ce jour. Il n’est également pas exclu que l’Univers soit né à partir de rien mais cela nous emmènerait au-delà de la physique, d’après Johan Richard, astrophysicien à l’université Claude Bernard de Lyon.

    Malgré tout, la théorie du Big Bang a révolutionné notre compréhension de l’Univers, offrant des réponses à certaines de nos interrogations les plus fondamentales sur nos origines. Cependant, elle soulève également de nouvelles questions passionnantes. À mesure que la technologie avance et que les observations scientifiques deviennent plus précises, les chercheurs continuent à approfondir leur connaissance de cet événement cosmique extraordinaire. Et si un jour nous venions à découvrir enfin la vérité, ceci bouleverserait sûrement la vision que nous avons du monde. Les scientifiques pourront-ils vraiment la découvrir un jour ? Selon le physicien et philosophe des sciences Étienne Klein : « Les scientifiques n’ont pas la preuve que l’Univers a une origine mais nous n’avons pas non plus la preuve scientifique qu’il n’en n’a pas eu ! »

     

    RETENEZ


    • L’Univers est né il y a 13,7 milliards d’années suite à l’explosion du Big Bang puis est survenue une phase d’expansion qui n’a jamais cessé depuis.
    • Einstein défend l’idée d’un Univers immuable et statique qui sera contestée par les travaux de George Lemaître et Edwin Hubble.
    • En 1964, Arno Penzias et Robert Wilson découvre le fond diffus cosmologique qui est la plus ancienne lumière observable de l’Univers.
    • En 1970, Vera Rubin découvre l’existence de la matière noire qui consolide les amas de galaxies.
    • À partir de 1998, les scientifiques découvrent une mystérieuse énergie noire qui accélère l’expansion de l’Univers depuis 6 milliards d’années.

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    CNRS Le journal [En ligne]. Euclid, l’énergie noire en ligne de mire; [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://lejournal.cnrs.fr/articles/euclid-lenergie-noire-en-ligne-de-mire
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    Agence spatiale canadienne [En ligne]. canadienne A spatiale. Le télescope spatial Planck, le sondeur cosmique; 21 nov 2012 [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://www.asc-csa.gc.ca/fra/satellites/planck/
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    Vauglin I, de Lyon CO. Vera Rubin une grande astronome trop méconnue. 2017; Disponible: http://clea-astro.eu/archives/cahiers-clairaut/CLEA_CahiersClairaut_158_03.pdf
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    Agence spatiale canadienne [En ligne]. canadienne A spatiale. Les mystères de la matière noire et de l’énergie noire; 28 sept 2022 [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://www.asc-csa.gc.ca/fra/astronomie/au-dela-systeme-solaire/matiere-noire-et-energie-noire.asp
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    Sciences et Avenir [En ligne]. Khalatbari A. L’Univers est-il plat ou sphérique ? Les cosmologistes en plein débat !; 7 nov 2019 [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://www.sciencesetavenir.fr/espace/univers/univers-plat-ou-spherique-les-cosmologistes-en-plein-debat_138876
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    UCLouvain [En ligne]. La loi de Hubble rebaptisée en loi de Hubble-Lemaître; [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://uclouvain.be/fr/chercher/actualites/la-loi-de-hubble-rebaptisee-en-loi-de-hubble-lemaitre.html
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    CEA/Découvrir & Comprendre [En ligne]. CEA. L’astrophysique nucléaire; 10 déc 2015 [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://www.cea.fr/comprendre/Pages/matiere-univers/astrophysique-nucleaire.aspx
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    Du Big bang à nos jours | Etienne Klein [En ligne]. Site de vulgarisation scientifique d’Etienne Klein. [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://etienneklein.fr/du-big-bang-a-nos-jours-2/
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    CERN [En ligne]. L’Univers primordial; 18 juill 2024 [cité le 28 août 2024]. Disponible: https://home.cern/fr/science/early-universe

    La Formation de l’Ambre : Chronique d’une Captivante Métamorphose

    Les propriétés de l’ambre fascinent l’humanité depuis la Préhistoire. Véritable capsule temporelle, cette résine fossile renferme parfois des inclusions. Ces éléments emprisonnés se révèlent d’une valeur inestimable pour reconstituer l’histoire des écosystèmes disparus. Quels sont les processus à l’œuvre dans la formation de l’ambre ? Comment expliquer la présence d’organismes piégés parfaitement conservés ? Depuis des siècles, les « larmes des dieux » intriguent les scientifiques. Pour en percer les secrets, zoom sur l’ambre de la Baltique, le plus célèbre et le plus étudié.

    Quelle est l’origine de l’ambre ? 

    À l’état brut, l’ambre ressemble à de petites pierres inégales, de couleurs variées, mates à translucides, voire fluorescentes.

    Amas de nodules d'ambre de la Baltique brut.
    Ambre de la Baltique brut. Crédit photo : Lanzi, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

    La résine est une substance collante et aromatique sécrétée par certains arbres, principalement des conifères. Ces représentants du groupe des gymnospermes se caractérisent par des organes reproducteurs en forme de cône (pommes de pin) et des aiguilles persistantes. Les cèdres, mélèzes, ifs, cyprès, thuyas, pins et autres sapins en font partie. Attention à ne pas confondre la résine avec la sève dont elle se distingue par sa composition et un rôle différent.

    Les arbres fabriquent de la résine pour se protéger des blessures, des maladies, des champignons et des insectes xylophages. Elle est produite par des cellules spécialisées avant de circuler dans des petits tubes, appelés canaux résinifères situés dans le bois (xylème) et occasionnellement dans l’écorce (phloème).

    Vue au microscope de canaux résinifères de pin.
    Canaux résinifères de pin vus au microscope. Crédit photo : Bweil2, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

    Quand l’arbre est blessé, la résine s’écoule de ces canaux pour recouvrir et cicatriser la plaie. Exposée à l’air libre et au soleil, elle commence à durcir. Elle agit alors comme un pansement, formant une barrière physique et chimique contre les agresseurs : la sécrétion de résine est donc avant tout un mécanisme de défense.

    Comment se forme l’ambre ?

    La transformation graduelle de la résine en ambre est un processus long et complexe qui s’étend sur des millions d’années et suit plusieurs étapes. 

    1. Sécrétion de résine

    Le processus débute avec la sécrétion de résine fraîche. Essentiellement constituée de terpènes – les huiles volatiles qui donnent aux plantes leur odeur caractéristique –, cette oléorésine est instable et sujette aux changements.

    Écoulement de résine sur un tronc de conifère.
    Résine s’écoulant d’un tronc de résineux. Crédit photo : Kanechka via Pixabay

    2. Oxydation et déshydratation initiales

    Dès qu’elle est exposée à l’air, la résine s’oxyde et se déshydrate. Les terpènes les plus légers s’évaporent, ce qui entraîne un durcissement partiel de la substance.

    3. Enfouissement

    Pour entamer sa métamorphose, la résine doit être rapidement ensevelie dans des conditions anaérobies (sans oxygène). Cet enfouissement peut se produire de différentes manières :

    • La résine coule le long du tronc et se retrouve enterrée au pied de l’arbre, sous une couche d’humus.
    • Elle peut atterrir directement dans la boue ou le sable.

    Transportés par l’eau, des morceaux sont déposés au fond d’un lac ou d’une plaine alluviale puis recouverts par le limon.

    4. Polymérisation et durcissement

    Une fois enfouie, la résine entame un processus de polymérisation lent, mais régulier. Sous l’effet de la chaleur et des hautes pressions dues à l’accumulation de sédiments, elle poursuit sa solidification. Appelée diagenèse, cette évolution se déroule en plusieurs étapes :

    • L’évaporation des composés volatils restants se poursuit doucement.
    • Les molécules résiduelles se lient entre elles et forment progressivement un réseau tridimensionnel qui se densifie avec le temps : c’est la réticulation avancée. Les connexions moléculaires se multiplient et s’entremêlent, ce qui renforce la dureté et la stabilité de la matière.

    5. Maturation

    La formation de l’ambre résulte de la polymérisation complète de la résine. Après des millions d’années, la structure moléculaire se stabilise. Les réactions chimiques ralentissent considérablement, et la composition devient quasi inerte, c’est-à-dire qu’elle ne change presque plus.

    6. Processus géologiques ultérieurs

    Une fois formé, l’ambre peut encore subir divers bouleversements géologiques qui influencent sa répartition et son accessibilité :

    • Les mouvements tectoniques et l‘érosion exposent des gisements auparavant enfouis.
    • Les fluctuations du niveau marin découvrent et submergent les dépôts.
    • Les courants océaniques ou fluviaux déplacent et redistribuent certains morceaux vers de nouveaux sites.
    Taphonomie de l'ambre : de la sécrétion de résine à la formation de l'ambre.
    (A) Les insectes sont piégés par la résine. (B) La résine peut s’accumuler dans les fissures et poches internes du bois, ainsi que sous et entre l’écorce. (C) Lorsque la résine n’est pas contrainte, elle peut former des stalactites, des gouttes et des écoulements, et piéger des insectes et d’autres organismes. Dans des conditions subaériennes, les résines perdent des substances volatiles. (D) Des dépôts souterrains de résines se forment également, produits par les racines et par les parties aériennes de l’arbre, et s’accumulent sous forme de grandes masses au pied de l’arbre. (E) Dans la majorité des cas, on ne sait pas si la résine est transportée jusqu’au gisement dans lequel elle se fossilise avec l’arbre ou séparément. (F) Les résines tombent dans l’eau directement ou suite à l’érosion du sol. (G) Dépôt initial de la résine, généralement associé à des sédiments riches en matières organiques. (H) La diagenèse de la résine commence par l’enfouissement. (I) L’ambre est souvent déplacé et redistribué au cours du temps. Crédit schéma : Image reproduite avec l’aimable autorisation de Xavier MartínezDelcìos (Barcelone) sous licence Creative Commons.

    Où trouve-t-on de l’ambre ?

    Les gisements d’ambre sont disséminés dans le monde entier. La plupart se rencontrent dans les couches sédimentaires d’anciens lagons et deltas fluviaux.

    Des gisements sur tous les continents

    On connaît de grands dépôts dans le nord du Myanmar (~100 millions d’années), en République dominicaine et au Mexique (15-17 Ma). L’Inde et l’Indonésie recèlent de vastes gisements d’ambre du Tertiaire. Le Liban, le New Jersey et l’ouest du Canada possèdent des filons plus modestes datant du Crétacé.

    L’Europe n’est pas en reste avec des gisements en Roumanie, dans les Alpes, en Espagne (105 Ma), en Sicile et même en France (100 Ma), notamment dans l’Oise et en Charente. La source la plus généreuse repose dans les sédiments littoraux de la mer Baltique.

    La formation de l’ambre de la Baltique : genèse et caractéristiques

    « L’or du Nord » se démarque pour plusieurs raisons :

    • Son abondance : les anciennes forêts de conifères en auraient produit plus de 100 000 tonnes. C’est actuellement le plus grand gisement connu au monde.
    • Sa portée culturelle et économique : prisé dès le Paléolithique, valorisé pour sa beauté et ses propriétés supposées curatives depuis l’Antiquité, l’ambre est devenu la base d’importantes routes commerciales aux époques romaine et médiévale. La plus célèbre reliait la mer Baltique à la Méditerranée.
    • La diversité des organismes vivants retrouvés.

    La sécrétion de résine : une réponse adaptative aux bouleversements climatiques

    Pour comprendre l’origine de l’ambre balte, également appelé succin, nous devons remonter le temps jusqu’au Cénozoïque, il y a 65,5 millions d’années. Cette ère géologique se subdivise en trois périodes :

    • le Paléogène (65,5 à 23 Ma), lui-même découpé en Paléocène (65,5-56 Ma), Éocène (56-34 Ma) et Oligocène (34-23 Ma) ;
    • le Néogène (23 à 2,58 Ma) ;
    • le Quaternaire (débuté il y a 2,58 Ma).

    À l’Éocène (56-34 Ma), le paysage de l’Europe du Nord ne ressemble pas à celui d’aujourd’hui. Le climat chaud et humide favorise le développement de vastes forêts d’apparence subtropicale dominées par les conifères. Ces peuplements denses sont bordés de marécages et de clairières ouvertes.

    La formation de l’ambre jaune est intimement liée aux changements climatiques survenus entre la fin de l’Éocène et le début de l’Oligocène (34-23 Ma). Cette période est marquée par un refroidissement progressif et une intense activité volcanique. Les arbres sont confrontés à des températures plus fraîches et des conditions plus sèches. De plus, les émissions massives de cendres obstruent les stomates des feuilles. Or, ces orifices assurent les échanges gazeux entre la plante et l’atmosphère. En réponse à ce stress environnemental, les conifères augmentent leur production de résine.

    Dépôts et extraction d’ambre balte : de la mer aux mines

    Les gisements de succinite sont parmi les plus étudiés. Ils sont situés dans les régions côtières de la mer Baltique :

    • Russie, en particulier dans l’enclave de Kaliningrad d’où provient plus de 90 % de l’ambre mondial ;
    • Allemagne (ambre de Bitterfeld) ;
    • pays baltes : Estonie, Lituanie, Lettonie ;
    • Pologne ;
    • Ukraine (ambre de Rovno) ;
    • Danemark et Suède.
    Carte de répartition de l'ambre de la Baltique.
    Sources d’ambre de la Baltique. Crédit photo : carte bathymétrique de la mer Baltique Oona Räisänen CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons, adaptée par AM

    Aujourd’hui, l’industrie de l’ambre continue de jouer un rôle économique important dans des pays comme la Russie, la Pologne et la Lituanie. Il est largement utilisé dans la bijouterie, l’artisanat, mais également dans la fabrication de vernis ! La technique d’exploitation dépend de la nature du gisement :

    • Ramassage : rejeté par la mer, il est récolté sur les plages, surtout après les tempêtes, lorsque l’action des vagues détache des morceaux de la couche de « terre bleue » (glauconite) située à environ 25-40 mètres de profondeur.
    • Dragage : dans les zones côtières peu profondes.
    • Plongée.
    • Extraction souterraine ou à ciel ouvert : la majorité de l’ambre balte commercialisé de nos jours provient de la carrière de Iantarny, située dans l’enclave de Kaliningrad.

    La formation de l’ambre, de la résine fraîche à la matière inerte arrivée jusqu’à nous, résulte d’un lent, mais régulier processus de polymérisation sur des millions d’années.

    Gisement d'ambre balte de la mine de Iantarny, dans l'enclave de Kaliningrad.
    Mine d’ambre de la Baltique en 2014 (Iantarny, Kaliningrad). Crédit photo : PrinWest Handelsagentur J. Kossowski, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons

    Des propriétés physico-chimiques singulières

    Les caractéristiques chimiques de l’ambre de la Baltique sont bien documentées et présentent plusieurs aspects distinctifs :

    • Il contient entre 3 % et 8 % d’acide succinique, ce qui le différencie des résines modernes de conifères et d’autres variétés d’ambre.
    • Avec une densité comprise entre 1,05 et 1,10, il flotte sur l’eau salée.
    • Sous la lumière UV, il émet une fluorescence qui révèle le fluage, c’est-à-dire les traces des écoulements successifs de résine.
    • Il se dissout dans certains solvants organiques (chloroforme, alcool) mais pas dans l’eau.
    • Son point de fusion, autour de 350-380 °C, est plus élevé que la plupart des autres ambres.
    • Il est inflammable et brûle en produisant une odeur aromatique.
    Morceau d'ambre enflammé.
    L’ambre, facilement inflammable, tire son nom allemand « Bernstein » du bas allemand « börnen » qui signifie « brûler ». Crédit photo : Rhetos CC0 1.0, via Wikimedia Commons
    • Propriétés électrostatiques : frotté, l’ambre se charge en électricité et attire les matières légères. Cette caractéristique observée dès l’Antiquité a conduit les Grecs anciens à le nommer elektron, à l’origine du mot « électricité ».

    En fonction de son âge et des conditions de dépôt, il peut être transparent, translucide ou opaque, sa couleur variant du jaune au noir, en passant par le rouge, le bleu, le blanc et même le vert.

    Comprendre la formation de l’ambre jaune : une origine végétale connue depuis l’Antiquité

    De nombreux scientifiques cherchent à déterminer l’espèce d’arbre productrice d’ambre et à décrypter les différentes étapes de sa formation.

    Antiquité : premières hypothèses sur les sources du succin

    L’origine botanique de l’ambre est attestée depuis l’Antiquité. Le philosophe grec Aristote (384-322 av. J.-C.) est l’un des premiers à l’évoquer. Dans son ouvrage Les Météorologiques (Livre IV), il suggère qu’il se forme par solidification. Cette théorie s’appuie sur la présence d’animaux piégés.

    Cette idée sera également soutenue par le naturaliste romain Pline l’Ancien (23-79 apr. J.-C.) dans son Histoire naturelle. Celui-ci ne cache pas son mépris pour les fables et légendes qui expliquent sa création (mythe de Phaéton, larmes d’Apollon, urine de lynx durcie…).

    Bien que les mécanismes exacts lui échappent, il pressent que des processus géologiques sont à l’œuvre. À partir de ses observations, il décrit l’ambre comme une résine de pin solidifiée au fil du temps sous l’effet du froid ou de l’eau de mer : (III.) […] Ce qui prouve qu’il provient du pin, c’est que frotté il exhale l’odeur de cet arbre, et qu’enflammé il brûle à la façon et avec l’odeur des torches résineuses. […] Ce qui prouve qu’il est d’abord à l’état liquide, c’est qu’on voit à l’intérieur, grâce à sa transparence, différents objets, tels que des fourmis, des moucherons, des lézards. […].

    Ces constatations, quoique rudimentaires, posent les premiers jalons de notre compréhension. Mais comment passe-t-on de l’intuition à la preuve scientifique ?

    XVIIIe-XIXe siècles : l’ambre jaune sous la loupe des naturalistes

    Au XVIIIe siècle, le développement de la microscopie optique et l’essor des sciences conduisent à un intérêt renouvelé pour l’ambre. Les cabinets d’histoire naturelle fleurissent. Les naturalistes Buffon (Œuvres complètes, vol. 2) et Linné (Systema Naturae,1735) confirment son origine végétale, mais l’associent, à tort, au pétrole. Dans son Discours sur la naissance des métaux par les tremblements de terre (1757), le savant russe Mikhaïl Lomonossov (1711-1765) réfute cette analogie et le relie à la résine d’arbres anciens. Le géologue Charles Lyell (1797-1875) confortera cette théorie.

    XIXe-XXIe siècles : vers l’identification des arbres producteurs

    En 1811, le naturaliste et géologue Ernst Friedrich Wrede, après l’examen minutieux de morceaux de bois fossilisés, suggère que la formation de l’ambre balte provient de la résine d’anciens conifères, probablement des pins. En 1890, le biologiste Wilhelm Hugo Conwentz regroupe ces arbres sous le terme générique de Pinus succinifera. À sa suite, le botaniste et paléontologue Heinrich Göppert (On Amber and the Organic Remains Found in It, 1846) et le savant Georg Karl Berendt réalisent des études pionnières sur les inclusions, établissant des liens entre espèces modernes et préhistoriques.

    Les méthodes d’analyse sophistiquées qui caractérisent le XXe siècle permettent aux chercheurs d’extraire un maximum d’informations des échantillons :

    • Les images en haute définition produites par la microscopie électronique à balayage (MEB) facilitent l’observation de l’ambre en surface et dévoilent les infimes détails des inclusions.
    • La chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) est une technique puissante qui, en séparant et identifiant les composés chimiques, permet d’examiner les altérations et de comparer les divers types d’ambre. La spectroscopie infrarouge vient en complément. Ces procédés combinés révèlent que le succin diffère des résines d’arbres actuels et que sa formation s’est étendue sur une période trop longue pour être attribuée à une seule espèce de conifère.
    • Les analyses isotopiques qui étudient les variantes d’un même élément chimique (isotopes), en déterminent l’âge, la source et le processus de formation.
    • La spectroscopie RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) représente une méthode d’analyse non destructive. En comparant les « signatures » des ambres avec celles de résines de plantes contemporaines, elle spécifie leur origine botanique. En discernant les types en fonction de leur âge géologique et de leur structure chimique, elle participe à l’authentification des échantillons. Elle favorise également la compréhension des processus de polymérisation et de dégradation.
    • Les résines fossiles et modernes de conifères examinées avec la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) ont démontré que des arbres apparentés aux Sciadopityaceae sont impliqués dans la production des ambres baltes. Le Pin parasol du Japon (Sciadopitys verticillata) est aujourd’hui l’unique représentant de cette famille.
    Pin parasol du Japon, unique représentant actuel de la famille des Sciadopytyaceae.
    Pin parasol du Japon (Sciadopitys verticillata), seul représentant moderne de la famille des Sciadopytyaceae. Crédit photo : Goonmirk CC BY 2.0 via Flickr

    Cette chronologie reflète l’évolution de la connaissance : chaque avancée technologique dévoile de nouvelles facettes de ce matériau fascinant tout en ouvrant d’autres pistes de recherche.

    Pourquoi peut-il y avoir des insectes dans l’ambre ?

    Pour répondre à cette « captivante » question, penchons-nous sur les inclusions.

    Le petit peuple de l’ambre : une mine d’or pour la paléontologie

    Des êtres vivants se retrouvent parfois englués dans la résine fraîche avant d’être totalement recouverts par les écoulements. Au cours de la solidification, les composants acides de celle-ci pénètrent leur corps et le déshydratent, créant les fameuses inclusions.

    Création d'une inclusion d'insecte résumée en 4 étapes.
    Processus de formation d’une inclusion d’insecte. Crédit photo : Dinosaurnot CC BY 4.0 via Wikimedia Commons

    Les micro-organismes (bactéries, protozoaires, champignons) et les arthropodes représentent les formes de vie les plus couramment observées, en particulier :

    • les insectes avec plus de 3 500 espèces allant des mouches et des moustiques aux fourmis, abeilles, guêpes parasitoïdes, sauterelles et coléoptères, etc. ;
    • les arachnides avec plus de 650 espèces d’araignées et d’acariens.
    Une fourmi, d'une espèce aujourd'hui disparue, piégée dans l'ambre de la Baltique.
    Spécimen mâle de Proceratium eocenicum, une espèce éteinte de fourmi, figé dans l’ambre balte. Éocène moyen. (Institut et musée géologiques et paléontologiques, Université de Hambourg Anciennement spécimen CGC nº 3306 ; Collection privée Carsten Gröhn). Crédit photo : Vincent Perrichot from www.AntWeb.org CC BY 4.0 via Wikimedia Commons

    Quoique plus rares, des parties de plantes (pollen, feuilles, fleurs, graines, écorce) et de petits vertébrés (lézards, grenouilles, plumes), mais aussi des bulles d’air et d’eau, sont également représentées.

    Les organismes présents dans l’ambre ne sont pas à proprement parler des « fossiles », mais plutôt des « momies ». En effet, la fossilisation est un processus de substitution de matière organique par des minéraux. Dans l’ambre, au contraire, les tissus mous sont préservés dans un état proche de l’original. Cette momification s’explique par la composition chimique de la résine et l’absence d’oxygène : elles protègent les inclusions de la putréfaction.

    Bien que l’ADN des individus incrustés soit trop dégradé pour envisager un clonage à la Jurassic Park, leur parfaite conservation permet un examen détaillé de leur anatomie.

    Un aperçu des écosystèmes et de la biodiversité de l’Éocène

    De nombreux genres et espèces de plantes et d’animaux aujourd’hui éteints ont été découverts et décrits grâce aux inclusions. Grâce à l’étude de feuilles, de fleurs et de graines incrustées, les scientifiques ont identifié une centaine de plantes à fleurs (angiospermes), dont la graminée Eograminis balticus, à présent disparue. La comparaison des individus piégés avec les taxons modernes (Cf. le gecko Yantarogekko balticus, daté d’environ 54 millions d’années) permet de comprendre l’évolution des espèces et certains changements morphologiques.

    Les organismes figés dans l’ambre témoignent des interactions entre espèces (prédation, parasitisme, communautés végétales, etc.) et des relations au sein d’une même espèce, comme l’accouplement chez les termites.

    Ils délivrent aussi des informations sur la diversité des écosystèmes, les conditions climatiques (températures, régimes des précipitations) et les bouleversements environnementaux qui caractérisent l’Éocène.

    Néanmoins, les inclusions ne reflètent pas de manière exhaustive la biodiversité de l’époque : certains groupes, comme les petits insectes volants, sont surreprésentés, tandis que d’autres, comme les vertébrés, sont minoritaires. Les chercheurs doivent tenir compte de ces biais dans leur interprétation des données.

    Préservation et étude des incrustations : défis et solutions

    L’ambre de la Baltique constitue une ressource scientifique d’une valeur inestimable pour la compréhension de l’histoire de la vie. Néanmoins, les scientifiques sont confrontés à plusieurs difficultés. En effet, l’extraction et la conservation des inclusions demeurent problématiques. On l’a vu, l’ambre est sensible à la lumière, à la température, à l’humidité relative, à l’oxygène, ainsi qu’à certains produits. Sa porosité le rend vulnérable aux contaminations liées aux manipulations et aux traitements de conservation. Tous ces éléments compliquent le dégagement des spécimens. Les techniques modernes, comme l’imagerie par tomographie aux rayons X (Synchrotron) et la dissolution contrôlée de la matière par des moyens chimiques, visent à concilier recherche d’informations et sauvegarde des collections.

    L’ambre de la Baltique est le fruit d’un long processus de transformation s’étendant sur des millions d’années. La résine d’anciens conifères, riche en terpènes, s’écoule en réponse à un stress. Elle piège parfois des organismes avant d’être enfouie sous des sédiments, à l’abri de l’oxygène. La chaleur et la pression entraînent alors une modification chimique durant laquelle les molécules de terpènes se polymérisent, solidifiant la résine. Grâce aux inclusions, les scientifiques d’hier et d’aujourd’hui parviennent à retracer les différentes étapes de cette fascinante métamorphose.

     

    RETENEZ


    • La formation de l’ambre est d’origine organique. C’est une résine « fossile ».
    • La sécrétion de résine est un mécanisme de défense provoqué par un stress.
    • La transformation de la résine en ambre implique des processus chimiques et géologiques complexes.
    • Des organismes englués dans la résine fraîche sont incrustés dans l’ambre, créant des inclusions.
    • L’ambre de la Baltique, qui provient de conifères d’Europe du Nord et date de l’Éocène (il y a 56 à 34 millions d’années), est le mieux connu.

    1.
    Giroire C, Bentouati S, Robcis D, Langlois J. Les ambres : approche morphologique des altérations. Technè La science au service de l’histoire de l’art et de la préservation des biens culturels [En ligne]. 1 déc 2015 [cité le 13 août 2024];(42):84‑91. Disponible: https://journals.openedition.org/techne/7026
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    National Geographic [En ligne]. Comment l’ambre crée des fossiles exquis; 13 août 2024 [cité le 13 août 2024]. Disponible: https://www.nationalgeographic.com/science/article/what-is-amber-fossils-science

    L’Échelle des Temps Géologiques : Dater et Cartographier l’Évolution de la Terre

    Léchelle des temps géologiques est un système de classement chronologique utilisé en géologie, paléontologie et climatologie. La datation des événements géologiques est essentielle pour comprendre l’histoire de la Terre, une histoire qui s’étend sur des milliards d’années. Comment les géologues déterminent-ils l’âge des roches et des fossiles ? Quelles méthodes de datation utilisent-ils pour établir une chronologie précise des événements géologiques ? Quelles sont les avantages et les limites des deux principales méthodes de datation : la datation relative et la datation absolue ? Grâce à ces différentes méthodes de datation, les scientifiques ont pu construire l’échelle des temps géologiques, divisée en éons, ères et périodes en fonction des bouleversements géologiques, climatiques ou des crises écologiques. En examinant des principes tels que la superposition des strates géologiques, la continuité sédimentaire, et la radiochronologie basée sur les isotopes radioactifs, cet article met en lumière les techniques utilisées pour déchiffrer l’histoire complexe de notre planète. Les défis et les limites de ces méthodes seront également discutés, ainsi que le rôle de la Commission internationale de la stratigraphie dans la nomenclature des divisions géologiques.

    Le temps, une question d’échelle

    Nous avons pour habitude de mesurer le temps en heures, en mois, en années. Cependant, cette échelle est bien trop petite pour rendre compte de l’histoire de la Terre qui a commencé il y a 4,5 milliards d’années (Ga). Ainsi, en 1913, le géologue britannique Arthur Holmes publie le premier calendrier de notre planète : l’échelle des temps géologiques.

    Malheureusement, en géologie on ne peut pas se servir d’un simple calendrier pour dater une période. L’analyse des fossiles et des roches sont au cœur de cette datation. Les paysages qui nous entourent sont les témoins et les garants de l’évolution de la Terre. Il est possible d’attribuer certaines couches de roches à des époques précises qui témoignent de l’évolution de notre planète. En effet, les géologues sont capables d’attribuer certaines couches de roches à des époques précises où régnaient des conditions environnementales différentes. Pour cela, les scientifiques utilisent deux grands types de datation : la datation relative et la datation absolue.

    La datation relative

    La datation relative est une méthode permettant de déterminer l’ordre chronologique d’événements géologiques ou biologiques les uns par rapport aux autres. Cette méthode est basée sur un ensemble de principes physiques dont les quatre principaux sont : le principe de superposition, le principe de continuité, le principe de recoupement et le principe d’identité paléontologique.

    Principe de superposition et de continuité

    Le principe de superposition indique que la strate la plus profonde est la plus ancienne tandis que la strate supérieure est la plus récente. Ce principe repose sur l’idée que les couches sédimentaires se déposent horizontalement au fil du temps. Au fur et à mesure que les sédiments s’accumulent, les couches inférieures sont de plus en plus anciennes.

    Les conditions de sédimentation sont généralement uniformes sur une large zone géographique. Ainsi, une couche sédimentaire donnée a le même âge sur toute son étendue : c’est le principe de continuité.

    Schéma du principe de superposition et de continuité pour la datation relative.
    Schématisation du principe de superposition et de continuité. Inspiré de Marshak, S. (2010) Terre, portrait d’une planète. Crédit photo : Elise Heinen

    Principe de recoupement et inclusion

    Un site géologique n’est pas forcément un empilement parfait de différentes strates de roches. Il arrive régulièrement que des événements géologiques, tels que les intrusions magmatiques, les failles, les plissements et l’érosion, modifient le paysage. Ainsi, tout événement géologique qui en recoupe un autre est plus jeune : c’est le principe de recoupement. De même, tout événement géologique qui en inclut un autre est plus jeune : c’est le principe d’inclusion.

    Schéma du principe de recoupement et d'inclusion pour la datation relative.
    Schématisation du principe de recoupement et d’inclusion. Ici, les couches A, B, C et D se sont déposées au fil du temps puis la faille les a recoupées. La couche E s’est ensuite déposée incluant des roches plus anciennes (inclusions). Inspiré de Marshak, S. (2010) Terre, portrait d’une planète. Crédit schéma : Elise Heinen

    Principe d’identité paléontologique

    Enfin, le principe d’identité paléontologique se base sur l’idée que les fossiles sont des indicateurs fiables. Ce principe suggère que deux couches sédimentaires éloignées mais contenant les mêmes fossiles sont considérées comme ayant le même âge. En effet, des couches sédimentaires contenant les mêmes fossiles ont probablement été déposées pendant la même période géologique mais se retrouvent aujourd’hui à des emplacements différents.

    Schématisation du principe d'identité paléontologique pour la datation relative.
    Schématisation du principe d’identité paléontologique. Inspiré de Marshak, S. (2010) Terre, portrait d’une planète. Crédit schéma : Elise Heinen

    Limites de la datation relative

    La datation relative est un outil indispensable pour comprendre l’histoire de notre planète et de la vie qu’elle a hébergée au fil du temps. Cependant, les principes qui la régissent peuvent être parfois difficiles à appliquer sur le terrain, notamment dans des régions où les couches sédimentaires ont été fortement déformées ou érodées. De plus, la datation relative ne permet pas de déterminer précisément l’âge d’un événement en années. Pour ce faire, il est nécessaire d’utiliser des méthodes de datation absolue.

    L’échelle des temps géologiques est essentielle pour comprendre l’évolution de la Terre, en fournissant une base pour dater les événements passés et anticiper les changements futurs.

    La datation absolue

    La méthode la plus répandue de datation absolue est la radiochronologie (ou datation radiométrique). Cette méthode repose sur la mesure du taux de désintégration de certains éléments chimiques présents dans l’échantillon.

    Principe de la datation radiométrique

    Tous les éléments chimiques ne sont pas stables dans le temps. Certains isotopes (comprenez différentes versions d’un même élément chimique n’ayant pas le même nombre de neutrons) sont radioactifs. Cela signifie qu’ils se désintègrent spontanément en un autre élément au fil du temps.

    Le taux de désintégration radioactive est constant pour chaque isotope radioactif. Cela signifie qu’une quantité donnée d’un isotope radioactif se désintègre toujours à un rythme constant, peu importe les conditions environnantes.

    La durée de vie d’un isotope radioactif est imprévisible, mais les physiciens peuvent déterminer le temps nécessaire pour que la moitié d’un échantillon d’isotopes radioactifs se désintègre, ce qu’on appelle la demi-vie. Pour dater un échantillon, les scientifiques mesurent le rapport entre l’isotope radioactif dit père (élément à l’origine) et son produit de désintégration, l’isotope dit fils. En comparant ce rapport à la demi-vie de l’isotope radioactif, ils peuvent calculer l’âge de l’échantillon.

    Schéma représentant le concept de demi-vie pour la datation absolue.
    Schéma représentant le concept de demi-vie. La courbe orange représente l’évolution du nombre d’isotopes pères dans le milieu et la courbe marron celle des isotopes fils. Les ratios des isotopes sont représentés par les diagrammes en secteurs. Au fil du temps, le nombre d’isotopes radioactifs père diminue tandis que le nombre d’isotopes radioactifs fils augmente. Inspiré de Marshak, S. (2010) Terre, portrait d’une planète. crédit schéma : Elise Heinen

    Utilisation de la datation radiométrique

    Il existe plusieurs méthodes de datation radiométrique basées sur différents isotopes radioactifs. Chacune permet de dater avec précision certains éléments. Les méthodes les plus connues restent celles présentées dans le tableau ci-dessous.

    Tableau présentant différents couples d'éléments chimiques et leur demi-vie.
    Tableau regroupant différents couples d’éléments, leur demi-vie ainsi que leur domaine d’utilisation. D’après Boesch, Q., (2023) Paléontologie, Reconstituer le scénario de l’évolution du vivant. *Ces isotopes font partie de la chaîne de désintégration de l’Uranium-238. Cela signifie que le Thorium-230 est produit par désintégration radioactive et que l’isotope fils Radium-226 est lui-même radioactif. Crédit schéma : Elise Heinen

    A titre d’exemple, en mesurant le ratio entre le rubidium 87 et le strontium 87 dans une roche, les géologues peuvent estimer le temps écoulé depuis sa formation. Le rubidium 87 se désintègre en strontium 87 avec une période de demi-vie de 48,8 milliards d’années.

    Construction de l’échelle des temps géologiques

    A l’aide de ces deux méthodes de datation, les scientifiques ont pu construire une échelle des temps géologiques en étudiant et en corrélant une succession de strates aux caractéristiques communes dans le monde entier. Il est à noter que les différentes dates qui définissent les temps géologiques peuvent évoluer en fonction des nouvelles découvertes scientifiques.

    Cette échelle est découpée en plusieurs niveaux : différentes périodes sont regroupées en ères, elles-mêmes regroupées en éons. Ce découpage se base sur les grands bouleversements environnementaux que la planète a connus.

    Généralement, les bornes de ces différents niveaux sont attribuées à des crises géologiques (ex : formation de continents), climatiques (ex : période glaciaire) ou écologiques avec des explosions de la biodiversité ou au contraire des extinctions de masse. C’est le cas notamment de la fin de la période Crétacée marquée par l’extinction des dinosaures.

    Carte stratigraphique des temps géologiques.
    Échelle simplifiée des temps géologiques. Ga : milliards d’années. Ma : millions d’années. D’après Boesch, Q., (2023) Paléontologie, Reconstituer le scénario de l’évolution du vivant. Crédit schéma : Elise Heinen

    Enfin, la Commission internationale de la stratigraphie (ICS) est responsable de la nomenclature des différentes divisions géologiques. Elle instaure des règles pour la proposition et l’adoption de nouveaux noms. Pour cela, l’ICS tient compte de divers facteurs tels que l’antériorité historique, la clarté et la signification géologique. Parfois, c’est même l’emplacement d’un gisement de roche emblématique d’une période qui donnera son nom à celle-ci. C’est le cas notamment de l’époque du Jurassique qui tire son nom de l’affleurement du massif du Jura en France.

    RETENEZ


    • L’échelle des temps géologiques est un système de classification chronologique utilisé dans de nombreuses disciplines scientifiques pour dater les événements marquants de l’histoire de la Terre.
    • La datation relative détermine l’ordre des événements géologiques par comparaison, en utilisation des principes tels que la superposition et la continuité des strates.
    • La datation absolue utilise des techniques radiométriques pour estimer l’âge exact des roches et des fossiles, en mesurant la désintégration d’isotopes radioactifs.
    • La corrélation de différentes strates géologiques de composition similaire à travers le monde permet de construire une chronologie des temps géologiques, divisée en éons, ères et périodes.
    • Les limites entre les différentes subdivisions de l’échelle des temps géologiques témoignent des événements géologiques, climatiques et écologiques majeurs survenus au cours de l’histoire de notre planète.

    1.
    Boesch Q. Paléontologie: reconstituer le scénario de l’évolution du vivant [En ligne]. Louvain-la-Neuve (Belgique) Paris : De Boeck supérieur; 2023. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807348363-paleontologie
    1.
    Marshak S, Evrard O. Terre : portrait d’une planète. 2e éd. [En ligne]. Louvain-la-Neuve [Paris] : De Boeck; 2014. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782804188092-terre-portrait-d-une-planete

    Antelope Canyon : Chef-d’œuvre Naturel Sculpté par le Temps et l’Eau

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    Situé dans l’État de l’Arizona, Antelope Canyon est l’un des sites naturels les plus photographiés au monde. Ses parois ondulantes, délicatement sculptées par l’érosion, attirent chaque année des milliers de visiteurs venus des quatre coins du globe. Au-delà de cette singulière beauté naturelle, on peut entrevoir la fascinante histoire géologique de la formation d’Antelope Canyon et découvrir l’importance de ce lieu dans la culture Navajo. Partons sans plus tarder sur les terres ancestrales du peuple Diné pour un voyage dans la machine à remonter le temps.

    La formation géologique d’Antelope Canyon

    Le grès Navajo, l’origine d’Antelope Canyon

    La formation d’Antelope Canyon commence à la période Jurassique, il y a environ 190 millions d’années. La région est alors un vaste désert de dunes issues de dépôts de sable, de limon et de gravier. On pourrait le comparer au Sahara actuel.

    Au fil des millénaires, tous ces dépôts ont été enfouis pour former de nombreuses strates de sédiments. La pression sur les grains de sable a augmenté et ces derniers se sont rapprochés de plus en plus les uns des autres. C’est ce que l’on appelle la compaction.

    Des minéraux transportés par l’eau se sont ensuite déposés entre les fins débris, remplissant les espaces poreux et collant les fragments ensemble. Le sable meuble s’est alors transformé en une roche solide. C’est la cimentation.

    À travers les âges, ces dunes se sont compactées et cimentées en couches entrecroisées pour former une roche sédimentaire détritique : le grès rouge Navajo. Cette structure tendre et uniforme, particulièrement sensible à l’érosion, a joué un rôle primordial dans le modelage d’Antelope Canyon.

    La couleur rouge du grès d'Antelope Canyon.
    Antelope Canyon est constitué d’une roche sédimentaire : le grès rouge. Crédit photo : Piaxabay

    Le Plateau du Colorado, une spécificité régionale

    Antelope Canyon est situé sur le Plateau du Colorado, une vaste région géologiquement active. Cette spécificité régionale joue un rôle essentiel dans la formation du canyon. Le soulèvement tectonique du plateau qui a eu lieu il y a 30 millions d’années a accentué la pente des cours d’eau et leur pouvoir érosif. En effet, cette surrection est un facteur déterminant dans l’accélération des processus d’érosion et dans l’apparition rapide des caractéristiques géologiques uniques d’Antelope Canyon.

    L’érosion, la sculptrice de talent d’Antelope Canyon

    L’élément clé de la formation d’Antelope Canyon est l’eau. Les crues soudaines et violentes (flash floods), fréquentes en période de mousson dans cette région aride, jouent un rôle décisif. Lors des pluies torrentielles, l’eau s’engouffre dans les fissures du grès, transportant avec elle du sable et des débris. Ce processus naturel de sablage érode les parois du canyon, comme le ferait du papier de verre, créant peu à peu les formes sinueuses et les contours lisses qui caractérisent le site. Si les inondations n’emportaient pas périodiquement le sable, le canyon aurait disparu depuis longtemps.

    Mais si l’eau est l’artiste principale, le vent joue aussi un rôle important dans la création de cette œuvre d’art géologique. Les processus éoliens participent au modelage du canyon en transportant le sable et les sédiments lâches. Cette action contribue à lisser et à polir délicatement les surfaces rocheuses.

    Le slot, la caractéristique d’Antelope Canyon

    Antelope Canyon est un type de canyon en fente (slot). Les slot canyons se caractérisent par des couloirs étroits et profonds. Ils se forment dans des régions avec un soubassement rocheux constitué de grès ou de calcaire et qui subissent des événements de crues périodiques à haute intensité. L’étroitesse des canyons en fente est due à la petite largeur des fissures par lesquelles l’eau s’infiltre. Avec le lent travail de l’érosion, ces fentes naturelles se creusent et s’élargissent peu à peu.

    Antelope Canyon serpente le désert sur 8 km de long, ne faisant par endroits que quelques centimètres de large et atteignant parfois une profondeur allant jusqu’à 37 mètres. L’eau qui l’inonde lors des crues se jette dans le lac Powell à proximité.

    Le canyon est composé de deux parties. La section supérieure, assez large, est nommée Upper Antelope Canyon ou Tsé bighánílíní, « l’endroit où l’eau traverse la roche » en langue navajo. La partie inférieure, plus longue et plus étroite, est connue sous le nom de Lower Antelope Canyon ou Hazdistazí, « arches de roches en spirale ».

    Antelope Canyon, le spectacle des couleurs et de la lumière

    L’oxydation du fer présent dans le grès Navajo donne aux parois du canyon cette surprenante palette de couleurs. Les teintes varient du rose pâle au rouge carmin en passant par l’orange vif jusqu’à des tons rouille.

    L’aspect étroit et sinueux d’Antelope Canyon offre les conditions idéales pour apercevoir des effets de lumière surnaturels. Lorsque le soleil est à son zénith, ses rayons pénètrent dans les ouvertures du canyon. D’étonnants faisceaux de lumière viennent alors éclairer les parois de manière inégale, accentuant les spirales de grès sculptées par l’érosion.

    Au coeur du désert de l’Arizona, Antelope Canyon réunit de magnifiques chambres sculptées par des crues rapides et l’action du vent.

    Antelope Canyon et les Hommes

    Un lieu sacré pour les Navajos

    Au-delà d’être une merveille naturelle, Antelope Canyon tient une place importante dans la culture Navajo. Le peuple Diné le considère comme un lieu sacré. Selon lui, le canyon n’aurait pas été sculpté par l’érosion, mais par des êtres spirituels. Tsé bighánílíní, telle une église, est le point de rencontre entre le monde des Esprits et le monde des Hommes.

    La découverte d’Antelope Canyon

    Bien que le peuple Navajo occupe ces terres depuis 600 à 1 000 ans, le canyon n’a été découvert que plus tardivement. Une légende raconte qu’il a servi de refuge, en 1864, à un groupe d’Indiens fuyant la déportation lors de la Longue Marche des Navajos. Une autre version parle d’une jeune bergère navajo qui a découvert le canyon en 1931 en gardant ses moutons.

    En 1997, Antelope Canyon est officiellement reconnu comme un parc tribal protégé au sein de la Nation Navajo, soulignant ainsi son importance culturelle et spirituelle.

    Les enjeux de la préservation d’Antelope Canyon

    La popularité croissante d’Antelope Canyon pose de nombreux défis en matière de préservation. Il est essentiel de trouver un équilibre entre l’accès public et la sauvegarde du site.

    Les visites touristiques sont toutes guidées et opérées par des Indiens navajos. Une limite quotidienne du nombre de visiteurs a été mise en place afin de préserver l’écosystème fragile du canyon. Des pratiques de tourisme durable et une gestion attentive sont nécessaires pour protéger dans la durée cette richesse naturelle.

    Dans le même temps, le processus de formation d’Antelope Canyon reste toujours actif. Les changements climatiques, l’intensité des précipitations et la fréquence des crues continuent de façonner le canyon et de modeler sa physionomie par petites touches.

    Même si l’on trouve de nombreux slot canyons dans le Sud-Ouest américain, Antelope Canyon reste le plus remarquable et le plus connu. Ses couleurs quasi-surnaturelles et ses formes improbables sont le témoignage de la puissance incroyable des éléments.

     

    RETENEZ


    • La formation d’Antelope Canyon a débuté il y a environ 190 millions d’années.
    • Le soulèvement tectonique du plateau du Colorado a accentué la pente des cours d’eau et leur pouvoir érosif.
    • L’eau et le vent, transportant le sable et les débris, ont tous deux participé au modelage caractéristique du canyon.
    • Le processus de formation d’Antelope Canyon est toujours actif et les différents évènements météorologiques continuent de le façonner.
    • Depuis 1997, Antelope Canyon est reconnu comme un parc tribal protégé au sein de la Nation Navajo.

    1.
    [En ligne]. Matthias Schultz. Quelques déformations des roches globalement tabulaires du plateau du Colorado (États-Unis d’Amérique). Disponible: https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/deformations-plateau-Colorado.xml
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    [En ligne]. Matthias Schultz. Les déplacements du fer dans les grès Navajo, plateau du Colorado (États-Unis d’Amérique). Disponible: https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/fer-gres-Navajo.xml
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    Geology Science [En ligne]. MAT M. Antelope Canyon, Arizona, USA » Geology Science; 17 juin 2023 [cité le 24 juill 2024]. Disponible: https://geologyscience.com/gallery/geological-wonders/antelope-canyon-arizona-usa/
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    Antelope Canyon. Dans: Wikipédia [En ligne]. 2023 [cité le 24 juill 2024]. Disponible: https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Antelope_Canyon&oldid=203307918

    Tout Comprendre sur Les Invasions Biologiques

    Les invasions biologiques représentent un défi pour la biodiversité, mais également pour l’économie mondiale et la santé. Lorsqu’une espèce végétale ou animale, transportée par les activités humaines, quitte son habitat naturel pour s’établir ailleurs, les conséquences peuvent s’avérer désastreuses. Certaines exotiques peuvent proliférer de manière incontrôlée dans leur nouveau milieu. Elles perturbent les écosystèmes, engendrent des pertes agricoles, des dégâts sur les infrastructures ou des problèmes sanitaires. Alors que les échanges mondiaux et les changements climatiques accélèrent ce phénomène, comprendre les mécanismes d’invasion et les moyens de les gérer est plus crucial que jamais. Découvrez comment ces colonisateurs bouleversent notre quotidien et les stratégies déployées pour tenter d’y faire face.

    Qu’est-ce qu’une espèce invasive ?

    Une espèce invasive, également appelée espèce exotique envahissante (EEE), est un animal ou un végétal introduit, de manière volontaire ou accidentelle, en dehors de son aire de répartition naturelle. Elle va proliférer dans le milieu d’accueil, sans aucune intervention humaine, jusqu’à représenter une menace pour l’écosystème local, perturber l’agriculture ou le fonctionnement d’infrastructures, mais aussi porter atteinte à la santé publique.

    Heureusement, toutes les exotiques ne sont pas des invasives ! Schématiquement, les scientifiques estiment que sur 1 000 organismes quittant leur zone d’origine, 100 arrivent sur un nouveau territoire. Parmi eux, 10 s’adaptent aux conditions de vie, tandis qu’un seul devient envahissant.

    Le transport d’espèces par l’Homme : une histoire vieille comme le monde 

    Le transport d’espèces à travers le monde fait partie de l’histoire de l’Humanité. Dès le Néolithique, les Hommes ont volontairement transféré des végétaux et des animaux au gré de leurs déplacements. Pourquoi ? La plupart du temps, pour subvenir à leurs besoins alimentaires grâce à la culture ou à la domestication. Aujourd’hui, nombre d’entre elles appartiennent à notre quotidien, sans que nous ayons conscience de leur provenance lointaine. Qui sait encore que le blé noir vient de Mandchourie, que le lin est originaire du Proche-Orient et que la pintade est une espèce d’Afrique tropicale ?

    À partir du XVIIIe siècle, avec l’apogée des jardins d’agrément, certains végétaux ont été déplacés pour l’ornementation. En outre, les jardins d’acclimatation se sont popularisés en Europe à la fin du XIXe siècle. Ainsi, l’ailante est arrivé en France sous forme de graines en 1751, puis a été largement utilisé comme plante décorative. La grande berce, en provenance d’Abkhazie, a été semée et multipliée par un botaniste dans le canton de Vaud, avant de se répandre rapidement en Europe !

    De même, des transports involontaires ont accompagné les migrations humaines. Ce processus a connu une remarquable accélération au XXe siècle avec le développement des échanges économiques mondiaux. Les organismes vivants voyagent alors d’un continent à l’autre avec les navires, les animaux, les denrées alimentaires, la laine, le bois, etc.

    Par quels mécanismes une espèce introduite devient-elle invasive ?

    Le phénomène d’invasion biologique compte trois étapes :

    • phase 1, l’introduction volontaire ou fortuite dans le milieu ;
    • phase 2, l’acclimatation, pendant laquelle elle s’adapte à ses nouvelles conditions de vie et parvient à se reproduire ;
    • phase 3, la prolifération. À ce stade, l’organisme se multiplie rapidement aux dépens des autres.
    Le LIFE CROAA, un programme européen pour préserver les amphibiens autochtones. Crédit vidéo : Société Herpétologique de France sur YouTube.

    Divers facteurs permettent un développement expansif. Certaines espèces vont bénéficier de l’absence de prédateurs dans leur écosystème de destination. À l’inverse des espèces locales, également appelées « indigènes », dont l’abondance est inscrite dans un équilibre proie/prédateur, ces exogènes ne sont pas régulées. Elles peuvent, par ailleurs, présenter une toxicité pour leurs concurrentes. Parfois, elles vont venir combler une niche écologique laissée vide à la suite d’une perturbation du biotope d’origine humaine (défrichement, assèchement d’une zone humide…) ou naturelle (incendie, inondation, tempête). Parallèlement, les changements climatiques accentuent le processus. Le phénomène d’invasions des algues sargasses aux Antilles en est un excellent exemple.

    Exotiques et invasives : quelques chiffres

    Le nombre d’espèces exotiques envahissantes en Europe a augmenté d’au moins 76 % au cours des 45 dernières années. Plus de 12 000 organismes exogènes sont présents dans l’Union européenne, 10 à 15 % étant considérés comme invasifs. Parmi eux, 30 d’origine animale et 36 végétaux préoccupants ont été interdits à l’importation par un règlement du parlement européen.

    La France détient le record européen d’espèces introduites ! Saviez-vous, par exemple, que plus d’un tiers des poissons vivants dans nos zones humides sont des exotiques ? L’outre-mer est particulièrement touchée. On y inventorie plus de plantes exogènes que d’indigènes ! Ce sont plus de 2 000 espèces qui sont arrivées à La Réunion et 1 800 en Polynésie française. Plus de 400 d’entre elles sont envahissantes… À l’échelle de l’Hexagone, 1 044 végétaux et 881 espèces animales étrangères, dont environ 190 invasives, ont été recensés par l’Inventaire national du patrimoine naturel (INPN). Et ces chiffres, pourtant récents, sont probablement déjà sous-estimés.

    Depuis 1982, un département français est concerné tous les dix ans en moyenne par l’installation de 12 nouvelles espèces envahissantes, selon un indicateur développé par l’Observatoire national de la biodiversité (ONB) !

    Les invasions biologiques, qui déséquilibrent en profondeur les écosystèmes, impactent lourdement notre santé, l’économie mondiale et la biodiversité.

    Les conséquences des invasions biologiques sur la biodiversité

    D’un point de vue écologique, les invasives impactent les espèces indigènes et, plus globalement, le fonctionnement des écosystèmes. Leur prolifération, en transformant les habitats, déséquilibre en profondeur les interactions entre les organismes qui les composent. Au niveau mondial, les EEE sont responsables de 40 % des extinctions enregistrées au cours des 400 dernières années. Le phénomène est encore plus marqué en milieu insulaire. En outre-mer, par exemple, elles sont impliquées dans 53 % des disparitions recensées sur les territoires.

    Parmi les conséquences bien documentées, on peut citer :

    • l’évolution des chaînes de prédation ;
    • l’instauration d’une nouvelle concurrence  ;
    • la transmission d’agents pathogènes ;
    • l’extinction des espèces indigènes au profit des exotiques ;
    • des modifications génétiques par le biais de l’hybridation.

    Prenons quelques exemples pour illustrer ces impacts.

    Des prédateurs redoutables

    Le frelon asiatique a été introduit accidentellement dans le Lot-et-Garonne, en 2004. Cet insecte induit une forte pression de prédation sur les abeilles domestiques dont il se nourrit, allant jusqu’à décimer des ruches entières.

    Frelon asiatique, une menace pour l'abeille domestique.
    Le frelon asiatique, arrivé en France en 2004, est aujourd’hui présent sur l’ensemble du territoire. Crédit photo : Gilles San Martin via Wikimedia Commons.

     

    En Mer Noire, les anchois voient leurs effectifs chuter drastiquement. En cause, Mnemiopsis leidyi, une méduse originaire des États-Unis qui consomme d’importantes quantités d’œufs et de larves de poissons.

    Des exogènes accompagnés d’agents pathogènes

    Dans les années 1960, des aquaculteurs allemands importent l’anguille japonaise. Porteurs d’un ver, l’anguillicola, qu’ils tolèrent par ailleurs très bien dans la mesure où ils ont évolué avec, ces poissons l’ont transmis à l’espèce européenne. Or, cette dernière a été très affectée. Pour quelle raison ? Tout simplement parce qu’elle n’avait jamais été en contact avec ce parasite auparavant. Elle n’a donc pas mis en place de stratégie pour se défendre ou cohabiter avec ! Aujourd’hui, l’anguille européenne est en danger de disparition.

    Ce phénomène a aussi été décrit chez l’écrevisse à pieds blancs. L’introduction dans son milieu de sa cousine de Louisiane, porteuse saine d’un champignon auquel a été sensible l’espèce indigène, a décimé ses populations. On peut également citer le cas de l’écureuil roux désormais gravement menacé en Grande-Bretagne. En cause, un virus hébergé par l’écureuil gris naturalisé sur l’île.

    L'écureuil gris espèce introduite en Grande-Bretagne.
    L’écureuil gris menace la conservation de l’écureuil roux en Grande-Bretagne. Crédit photo : BirdPhotos.com via Wikimedia Commons

    Une concurrence forte

    Originaire d’Afrique du Sud, l’arrivée de la griffe de sorcière en Europe ne date pas d’hier ! C’est, en effet, en 1680, qu’elle a été introduite au jardin botanique de Leyden en Hollande. Appréciée pour ses qualités ornementales, elle a été largement implantée par des particuliers. Or, cette espèce s’est très bien acclimatée en dehors des espaces entretenus. Elle affectionne les zones côtières où sa présence est désormais très problématique. Son important pouvoir de recouvrement entraîne la disparition des habitats originels.

    La griffe de sorcière, originaire d'Afrique du Sud menace la flore des littoraux européens.
    La griffe de sorcière envahit les littoraux au détriment des espèces autochtones. Crédit photo : Christian Ferrer via Wikimedia Commons.

     

    Impossible de ne pas connaître la renouée du Japon ! Bords de routes, berges de rivières, friches… on peut en observer de vastes peuplements partout en France. Introduite dans les années 1800, elle s’est naturalisée au XIXe siècle pour devenir invasive au XXe siècle. Elle est une concurrente redoutable pour la flore locale. D’une part, la densité de son feuillage est telle qu’elle prive de lumière les espèces à proximité. D’autre part, elle est capable de sécréter des substances toxiques pour les autres végétaux ! Difficile pour les plantes indigènes de lutter…

    La renouée du Japon, une concurrente redoutable pour la flore locale.
    La renouée du Japon forme de vastes peuplements qui inhibent la croissance de toutes les autres espèces. Crédit photo : Tom Heutte via Wikimedia Commons.

    Des hybridations qui desservent les espèces

    L’hybridation peut s’avérer bénéfique en apportant, au sein d’une population, une diversité génétique qui va favoriser la résistance ou l’adaptation. Cependant, ce processus n’est pas souhaitable pour les peuplements d’espèces rares. Prenons le cas de deux espèces de canards : l’érismature à tête blanche et l’érismature rousse, échappée d’un élevage en Grande-Bretagne. Le comportement plus agressif des mâles de l’espèce exogène avantage son accès à la reproduction. Associé à une descendance fertile des hybrides, cette capacité accrue à se reproduire induit un fort risque de dilution des gènes et la disparition de l’érismature à tête blanche en Europe.

    L'hybridation avec l'érismature rousse, une menace d'extinction pour l'érismature à tête blanche.
    L’érismature rousse, échappé d’élevage, à l’origine de la disparition de l’érismature à tête blanche par hybridation génétique. Crédit photo : Alan D. Wilson via Wikimedia Commons.

    Le coût économique des invasions biologiques

    Le coût des invasions biologiques pèse sur l’économie planétaire. La perte financière induite par les EEE est estimée à 5 % de la production mondiale. 69 milliards d’euros par an ont été investis pour lutter contre les insectes invasifs. En France et dans ses territoires d’outre-mer, entre 1993 et 2018, la gestion des espèces exotiques envahissantes a nécessité 395 millions d’euros par an !

    Au cours d’une étude publiée en 2023, des chercheurs du CNRS et de l’Université Paris-Saclay ont évalué qu’en 40 ans, le coût des invasions biologiques est équivalent à celui généré par les tempêtes ou les inondations. Il augmente, par ailleurs, plus vite que celui lié aux catastrophes naturelles.

    Mais comment des espèces animales ou végétales peuvent-elles entraîner des dépenses aussi exorbitantes ? Tout simplement en affectant directement les rendements agricoles ou en détériorant les infrastructures. Les exemples sont nombreux :

    • L’ambroisie à feuilles d’armoise envahit les champs de céréales, limitant la production et dégradant la qualité de la récolte à laquelle elle se mélange.
    • La bactérie Xylella fastidiosa, importée avec des plants contaminés et propagée par les insectes piqueurs-suceurs, impacte lourdement la culture de l’olive.
    • La moule zébrée se fixe sur tous les types de supports en grande densité. Elle bouche les prises d’eau et les exutoires et peut même bloquer les circuits de refroidissement des bateaux ou des centrales nucléaires.
    • Ragondin et rat musqué, en provenance d’Amérique et exploités pour leur fourrure, prolifèrent dans les zones humides européennes. Leurs terriers, creusés dans les digues, remettent en question la solidité de ces ouvrages.
    • Les élodées américaines, plantes aquatiques qui se développent en formations denses, empêchent l’eau de s’écouler. Elles peuvent obstruer un barrage, colmater des pompes et rendre la navigation impossible.
    La moule zébrée impacte lourdement les activités humaines.
    La moule zébrée occasionne d’importants dégâts sur les infrastructures et les bateaux. Crédit photo : National Park Service via Wikimedia Commons.

    Les enjeux sanitaires liés aux espèces exotiques envahissantes

    Outre les impacts sur la biodiversité et leur coût, les invasions biologiques engendrent également des problèmes de santé publique. Parmi les nombreux organismes entraînant des conséquences sanitaires :

    • Le tamia de Sibérie, petit rongeur terrestre autrefois commercialisé comme animal de compagnie, prolifère aujourd’hui en Île-de-France. Cette espèce est suspectée de jouer un rôle de réservoir dans la diffusion de la bactérie qui cause la maladie de Lyme.
    • Le moustique tigre, originaire d’Asie du Sud-Est, est désormais présent dans plus de 100 pays. Il véhicule le chikungunya, la dengue et le Zika.
    • Avec le pollen de l’ambroisie à feuilles d’armoise, réactions allergiques, conjonctivite, asthme et urticaire touchent plus de 10 % de la population ! Selon l’ARS, le coût sanitaire de cette plante en Auvergne-Rhône-Alpes est estimé à 26,4 millions d’euros par an entre 2017 et 2020.

    La stratégie de lutte contre les espèces invasives : un défi colossal !

    L’impact de ces espèces sur le plan économique est colossal. En Europe, chaque année, ce sont 12,5 milliards d’euros qui sont dépensés pour réparer les dommages causés. Cependant, d’après les chercheurs du CNRS qui ont travaillé sur le coût des invasions biologiques, les investissements dédiés à la prévention et à la gestion sont actuellement dix fois moins élevés que les pertes financières engendrées.

    Dès 2014, l’Europe a pris des mesures en rédigeant une réglementation sur les espèces invasives. Une liste évolutive a été dressée, afin d’assurer prévention, gestion de l’introduction et propagation de ces indésirables.

    La France a présenté, en 2017, sa « Stratégie nationale relative aux espèces exotiques envahissantes », puis, en mars 2022, un plan national d’actions de lutte contre les espèces invasives.

    Toutes ces dispositions visent en priorité à accroître la réactivité face à ces arrivées sur un territoire. Ceci afin d’éviter de nouvelles implantations et, le cas échéant, de mettre en place des réponses rapides pour les éliminer avant qu’elles ne deviennent hors de contrôle. L’expérience montre, en effet, qu’une intervention précoce et collective reste le moyen le plus sûr, tout en étant le moins onéreux. La prise en compte tardive de la problématique des invasions biologiques a permis à de nombreuses exotiques de s’établir. Pour certaines, il est désormais trop tard pour espérer une action de lutte efficace. Tout au plus pouvons-nous limiter leur expansion.

    Lorsque l’organisme est déjà installé, des mesures de gestion drastiques s’imposent. Ces interventions demeurent très encadrées sur les plans scientifique et réglementaire. Mais, cette phase s’avère délicate en matière de perception, notamment pour les espèces animales. En effet, le tir ou le piégeage avec euthanasie, méthodes les plus employées, peuvent choquer. Malheureusement, le recours à des pratiques létales est souvent la seule issue. L’accueil des individus retirés du milieu naturel dans des centres de récupération, réalisé depuis plus de 30 ans pour la tortue de Floride, montre ses limites. Ces centres sont aujourd’hui saturés et ne peuvent gérer le flux constant sans que les conditions dans ces structures se dégradent, d’autant plus que ces animaux peuvent vivre une cinquantaine d’années.

    Nous sommes tous concernés par le phénomène des invasions biologiques. À la fois responsables de la propagation de ces espèces et victimes de leurs conséquences, tant sur le plan économique que sanitaire. La lutte contre les EEE est un réel défi pluridisciplinaire et un enjeu majeur pour la biodiversité à l’heure où débute la 6e grande extinction massive sur Terre. Chacun de nous peut agir en choisissant des essences végétales locales pour son jardin ou en veillant à ne pas introduire d’animaux exogènes dans le milieu naturel.

     

    RETENEZ


    • Les espèces exotiques envahissantes (EEE) représentent un danger pour la biodiversité.
    • Les invasions biologiques ont d’importantes conséquences économiques et sanitaires.
    • Le bouleversement des écosystèmes, d’origine naturelle ou humaine, accentue la prolifération des espèces invasives.
    • La lutte contre les espèces exotiques envahissantes est un enjeu majeur au niveau mondial.

    1.
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    Comprendre la Dynamique du Littoral : Un Fragile Tango entre Terre et Mer

    Le changement climatique exerce une influence significative sur la dynamique du littoral en modifiant profondément sa physionomie et ses écosystèmes. Les reliefs côtiers sont des milieux naturels façonnés par les courants marins et le vent. Les phénomènes météorologiques extrêmes et l’activité humaine érodent les plages, les dunes et les falaises. Progressivement, les zones côtières, leurs habitats naturels et leurs infrastructures humaines sont menacés. Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque le littoral ? Que représente-t-il géographiquement ? Quels moyens sont mis en place pour le protéger de l’érosion et de la montée du niveau des océans ? État des lieux de la dynamique du littoral face aux effets du changement climatique.

    Qu’est-ce qu’un littoral ?

    Le littoral est généralement défini comme la zone côtière séparant la mer de la terre. En réalité, la définition de ce terme est plus complexe qu’il n’y paraît. La dynamique du littoral dépend de trois paramètres :

    • Géologique qui concerne l’évolution du relief côtier sur le long terme ;
    • Physique pour l’interaction entre les vagues et les côtes ;
    • Biologique pour la manière dont les êtres humains et les organismes coexistent et transforment les côtes.

    Une zone à forte mobilité

    Il faut néanmoins préciser que le littoral est un environnement extrêmement mobile par essence, car il est constamment soumis aux forces de la nature. En effet, le littoral subit le phénomène naturel d’érosion, notamment lors des tempêtes hivernales. À l’inverse, lors des périodes plus calmes, elles sont alors dans une phase de reconstruction.

    Il existe trois types principaux de littoraux, à savoir :

    • Les estuaires et les deltas sont des zones transitoires entre le domaine marin et fluvial. Selon les types, ils peuvent être des côtes d’érosion ou d’accumulation.
    • Les plages de sable et les dunes font partie des côtes d’accumulation.
    • Les côtes rocheuses et à falaises ou les grottes marines correspondent aux côtes d’érosion.

    Les types de littoraux présentent donc des morphologies bien distinctes. Par conséquent, leur processus d’évolution varient également.

    Schéma des différents types de côtes en proportion.
    Graphique des différentes types de côtes en France. Crédit schéma : Cerema

    Les côtes d’accumulation : les plages

    Les côtes d’accumulation ou sableuses sont dominées par des processus de dépôt de sédiments d’origine continentale apportés par les fleuves et rivières. Les courants marins remanient le sable qui vient sans cesse remodeler la physionomie des plages. Dans un second temps, le vent intervient dans l’édification de formes littorales telles que les dunes. L’énergie des vagues est également une source d’érosion sur les côtes d’accumulation.

    Ce qui définit la forme d’une plage, c’est avant tout, sa position par rapport au trait de côte. Par exemple, si une plage se situe dans une zone à l’abri de l’assaut des vagues, le sable aura tendance à s’accumuler progressivement. De plus, la nature et la taille du sédiment sont utilisées pour caractériser le type de plage. Tandis que les sédiments fins forment une plage sableuse, quant à eux, les sédiments grossiers forment des grèves.

    Des dunes et la plage avec la mer.
    Les dunes de Keremma à Tréflez dans le Finistère. Crédit photo : Wikimédia Commons

    Les côtes d’érosion: les falaises

    Les côtes d’érosion ou rocheuses se caractérisent par une faible quantité de sédiments déposés, car elle est rapidement transportée vers le large. Il existe plusieurs types de côtes rocheuses, comme celles composées de craie, de granite, d’argile ou encore de schiste. Leur résistance face à l’érosion dépend donc du type de roche. Contrairement aux plages, qui peuvent parfois avancer, les falaises ne font que reculer. Leur érosion est liée à une combinaison de deux facteurs :

    • Les processus continentaux et subaériens, comme les alternances de gel et de dégel ou les infiltrations qui s’insinuent dans les anfractuosités préexistantes de la roche. Cette érosion continentale déstabilise les côtes rocheuses et entraîne, par conséquent, des mouvements de terrains.
    • Le vent ainsi que l’ensemble des courants marins interviennent dans un second temps. Une fois que les falaises ont été fragilisées par les processus continentaux et subaériens, les vagues et la houle viennent fragiliser les falaises, ce qui contribue à leur recul.
    Schéma de l'érosion du littoral à travers le temps.
    Schéma des différents stades d’érosion des falaises. Les vagues creusent et créent une grotte marine. Une arche se forme. L’arche s’effondre. Crédit photo : Adobe Stock

    Comment délimiter le littoral ?

    Le trait de côte

    Le trait de côte définit la limite entre la mer et le continent. Néanmoins, il n’y a pas de consensus sur la frontière exacte, car cela dépend du type de littoral (falaise, plage, etc.). Par exemple, il peut être la limite entre le pied d’une dune et la plage ou entre le sommet d’une falaise et la mer. L’objectif n’est pas d’opter pour une définition homogène, mais plutôt de mesurer l’évolution du trait de côte de façon pérenne dans le temps. En effet, le trait de côte n’est pas fixe et évolue au fil du temps selon les conditions géomorphologiques et climatiques locales.

    Les dispositifs pour cartographier

    Différentes techniques existent pour cartographier les littoraux et suivre le trait de côte et les impacts sur son évolution. Le plus souvent, l’objectif est de dresser une carte en trois dimensions d’une zone prédéfinie pour étudier les évolutions morphologiques. Les différents dispositifs incluent :

    • Litto 3D® est une collaboration entre le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) et l’Institut Géographique National (IGN) qui a pour but d’établir une Référentiel Géographique du Littoral (RGL) pour toute la façade maritime française et d’outre-mer. Il permet également de délimiter les eaux territoriales et la zone économique exclusive de la France ;
    • Les données satellitaires, notamment celles du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et des satellites SPOT et Pléiades ;
    • L’imagerie aérienne par drone ou par scanners aéroportés ;
    • Les scanners laser terrestre ou les bornes GPS ;
    • Les lasers bathymétriques, qui peuvent pénétrer dans l’eau pour fournir des données plus détaillées.

    La cartographie du littoral n’a pas pour unique but de créer des cartes géographiques, car elle vise aussi à enregistrer des données précises. Des organismes scientifiques comme le CNRS, le BRGM, le CNES et le SHOM cherchent à caractériser les mécanismes et l’évolution du trait de côte notamment dans le cadre du réchauffement climatique. L’objectif est de comprendre la dynamique du littoral et de limiter l’érosion en tenant compte de sa mobilité naturelle et de ses capacités d’adaptation.

    Comment protéger le littoral ?

    En France, depuis les années 1970, plusieurs types d’ouvrages ont été érigés pour pallier l’érosion. Ces dispositifs présentent pour intérêt de fixer le trait de côte. Néanmoins, beaucoup d’entre eux ne font que retarder le problème.

    Les ouvrages aux effets limités

    Divers ouvrages ont été construits pour freiner le recul du littoral, tels que :

    • Les digues, des ouvrages parallèles au littoral qui offrent une protection directe lors d’événements climatiques importants comme les tempêtes.
    • Les épis, généralement construits en série et perpendiculaires au littoral, ont pour objectif de contrôler l’érosion côtière en stabilisant les plages.
    • Les enrochements, tels que les brise-lames situés en mer, ont pour objectif de casser le déferlement des vagues afin que le sable se dépose derrière eux.
    La digue du Curnic à Guisseny dans le Finistère.
    La digue du Curnic à Guissény dans le Finistère, un exemple d’ouvrage humain qui aggrave l’érosion du littoral. Crédit photo : Wikimédia Commons.

    Cependant, ces procédés sont lourds et massifs. Lorsque la dynamique du littoral est fixée par des ouvrages en dur tels que les enrochements, les digues ou les épis, cela provoque une érosion massive à un autre endroit du trait de côte. La dérive littorale emporte avec elle plus de sédiments d’un côté de l’ouvrage qu’elle n’en ramène, ce qui génère de l’érosion.

    De plus, ces ouvrages sont coûteux et ont un besoin d’entretien accru. De plus, ils ne s’adaptent pas aux évolutions des aléas climatiques et ils ont été installés au détriment des écosystèmes côtiers.

    Le littoral est un espace naturellement mobile, en recul sous l’effet de l’érosion côtière, de la pression humaine et du changement climatique.

    Les solutions plus pérennes

    Il existe néanmoins plusieurs solutions pour lutter contre l’érosion du littoral sur le long terme, à savoir :

    • L’ensablement, qui consiste à rajouter du sable pour rétablir un équilibre perturbé.
    • Le reboisement ou la plantation de végétation, qui permettent de fixer le sable et de réduire sa mobilité lors des périodes de vent. Ces zones naturelles amortissent la houle et freinent la migration des dunes vers l’intérieur des terres.
    • L’atténuateur de houle est un géotextile qui stabilise le sable en cassant les vagues au large plutôt que sur la plage.
    • Le système de drainage de plage permet à l’eau de s’infiltrer lorsque les vagues montent, de sorte que le sable se dépose. L’eau est ensuite évacuée dans la mer.
    • La pose de ganivelles, sortes de pieux en bois installés sur les plages qui permettent de freiner l’action du vent.
    La forêt des Landes sous le soleil couchant.
    La forêt des Landes, un exemple de reboisement pour fixer les dunes. Crédit photo : Wikimédia Commons

    L’objectif de ces solutions est de gérer progressivement la dynamique du littoral plutôt que d’essayer de la contrôler de manière définitive. Cependant, tous les littoraux ne sont pas en érosion. En effet, certaines plages accumulent du sable et gagnent parfois du terrain.

    En quoi le dérèglement climatique affecte la dynamique littorale français ?

    Le réchauffement climatique accentue la fonte des glaces et provoque une élévation du niveau de la mer. De plus, l’océan se réchauffe et se dilate, c’est-à-dire qu’il gagne en volume, ce qui impact également les reliefs côtiers. La généralisation des submersions marines et l’intensification des tempêtes et des cyclones favorisent et amplifient l’érosion du littoral.

    L’état actuel du littoral en France

    Le littoral de France métropolitaine, sur ses trois façades maritimes (la manche, la mer du Nord, l’océan Atlantique et la mer méditerranée), est constitué de :

    • 44 % de côtes rocheuses ;
    • 39 % de côtes d’accumulation ;
    • 17 % de côtes artificialisées.

    Sur les 39 % de côte d’accumulation, les côtes sableuses évoluent le plus, car 37 % d’entre elles sont en recul, ce qui équivaut à un linéaire d’environ 700 km. 

    Entre 1960 et 2010, environ 30 km² de trait de côte ont disparu en France. Cette surface équivaut à environ 4 200 terrains de football. Le trait de côte mesuré entre 2005 et 2014 a une longueur totale de 6 215 km, tandis que celui observé entre 1924 et 1958 atteignait 6 515 km.

    Tous les départements français sont concernés par le recul du trait de côte. La cartographie de l’indicateur national de l’érosion côtière, consultable dans son visualiseur dynamique en ligne, révèle que près de 20 % des côtes françaises (hors Guyane) sont en recul. En France, selon les estimations, 50 000 logements seraient menacés d’ici 2050. Cependant, il existe quelques territoires où la côte progresse, comme au sud de la baie de Somme.

    Cartographie du trait de côte français.
    Cartographie de l’indicateur national de l’érosion côtière avec les secteurs en recul et avec avancée. Crédit photo : Cerema et Ministère de la transition écologique et solidaire. Réalisation : François Hédou, 2018.

    Vers une prise en compte des institutions

    Les différents rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) soulignent l’urgence de la situation. Entre 1901 et 2018, le niveau de la mer a augmenté en moyenne de 20 cm, ce qui a pour conséquence directe l’accélération de la dégradation des littoraux.

    La vitesse d’élévation du niveau de la mer est actuellement très préoccupante. D’après les dernières données du GIEC de 2023, elle n’a cessé d’augmenter depuis le début du XXème siècle

    • 1,3 mm/an entre 1901 et 1971 ;
    • 1,9 mm/an entre 1971 et 2006 ;
    • 3,7 mm/an entre 2006 et 2018 ;

    En 2050, l’élévation probable du niveau moyen de la mer est comprise entre 0,15 m et 0,23 m et 0,20-0,29 m pour le scénario le plus pessimiste.

    Néanmoins, les élus, en concertation avec les scientifiques et la population, abordent le problème du recul des littoraux et des risques associés avec davantage de sérieux. C’est pourquoi, la loi Climat et résilience de 2021 propose des outils pour aider les collectivités à aménager le littoral face aux risques côtiers.

    En résumé, le littoral est un milieu naturel et anthropisé qui évolue constamment. Aujourd’hui la dynamique du littoral est perturbée par l’activité de l’homme et les effets du changement climatique. Des avancées majeures sont réalisées pour rétablir l’équilibre naturel des reliefs côtiers et relever les défis actuels de gestion du littoral. Une prise de conscience collective est nécessaire afin de créer un avenir profitable à tous.

     

    RETENEZ


    • Le dynamique de littoral est un phénomène naturel, mais elle est perturbée par le changement climatique. La montée des mers accélère l’érosion côtière.
    • Les ouvrages visant à pallier l’érosion du littoral peuvent être bénéfiques mais également désavantageuses.
    • Le trait de côte est une représentation schématique utilisée pour calculer la délimitation entre la mer et le continent au fil du temps.
    • Le littoral français est en recul depuis les années 60.
    • Les élus et les parties civiles, en lien avec les organismes scientifiques, ont pris en compte l’ampleur des risques côtiers.

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    Qu’est-ce qu’une Lave en Coussins ?

    Sous la jolie dénomination de lave en coussins ou pillow lava se cache une forme géologique unique, née de la rencontre entre la lave et l’eau. Quels processus géologiques sont à l’origine de ces laves si particulières ? Bien qu’une lave en coussins se forment sur le plancher océanique, comment est-il possible de les observer ? Pourquoi retrouve-t-on des laves en coussins aux sommets des montagnes ? Comment l’étude des pillow lava contribuent-elles à retracer l’histoire géologique d’une région ?

    La formation d’une lave en coussins

    Une lave en coussin, ou pillow lava, est une roche constituée de lobes arrondis et serrés dont elle tire son nom. Cette morphologie particulière se forme lorsqu’une lave très fluide est émise sous l’eau au contact de laquelle elle va refroidir. Les laves en coussins sont les formes géologiques considérées comme les plus abondantes sur Terre, notamment parce qu’elles constituent les planchers océaniques. Leur morphologie caractéristique peut être confondue avec celles des laves cordées ou pāhoehoe mais il s’agit bien là de deux types de lave distincts.

    Les pillow-lava se forment lorsque la lave s’épanche sous l’eau. Si des laves en coussins peuvent se former lorsque des coulées de laves sub-aériennes pénètrent dans la mer ou lors d’éruptions sous-glaciaires, la très grande majorité est issue d’éruptions sous-marines. La lave en fusion est émise à une température comprise entre 1 000°C et 1 200°C. Lorsqu’elle rentre au contact de l’eau de mer, dont la température est de 2°C à 10°C (selon les régions et la profondeur), la lave subit un phénomène de trempe c’est-à-dire un refroidissement brutal. La surface des coussins se vitrifie alors mais reste souple. Sous l’effet de la pression de la lave qui continue d’être émise, les lobes de laves croissent à l’image d’un ballon de baudruche qui se gonfle. Les coussins individuels cessent de croître lorsque leur surface forme une croûte qui devient suffisamment épaisse pour empêcher le gonflement. Si la lave continue d’affluer, la croûte du coussin peut se rompre et entraîner la formation d’un nouveau coussin. En refroidissant, la surface de ces coussins sera alors marquée par des rainures et des stries parallèles. Ces dernières sont liées au passage de la lave à travers les parois durcies d’un précédent coussin.

    Des pillow lava dans le Pacifique. Crédit vidéo : Video courtesy of the NOAA Office of Ocean Exploration and Research, 2016 Deepwater Exploration of the Marianas.

    Sur des pentes douces ou lorsque les taux d’éruption sont très faibles, les coussins forment un amoncellement de lobes de laves successifs, appelé séquence. Lors d’éruptions prolongées, ces empilements peuvent former de véritables murs dont les coussins situés à la base sont plus gros que ceux situés du sommet. A l’inverse, sur des pentes d’épanchement plus fortes, les coussins prennent la forme de tubes dans lesquels la lave chaude est drainée.

    Toutefois, les coulées de lave en coussins ne s’étendent pas sur de grandes distances à partir de leur cheminée d’origine. Les grands champs de lave en coussins sont alors issus de plusieurs points d’émission, appelés monts sous-marins. Ces volcans actifs immergés sont situés au niveau des dorsales océaniques, des points chauds (dont Hawaï est un exemple émergé) ou des zones de subduction. C’est d’ailleurs dans une de ces zones qu’une équipe de chercheurs internationaux a réussi l’exploit d’observer une éruption sous-marine en 2009. Dans le Bassin de Lau, situé à la limite entre les plaques tectoniques australienne et pacifique, l’éruption du mont sous-marins West Mata a été filmée à près de 1200 m de profondeur. Une occasion exceptionnelle d’assister à la formation de ces laves. Mais nul besoin de plonger si profond pour observer des laves en coussins.

    Les laves en coussins, produits de l’activité sous-marine actuelle et vestiges d’océans aujourd’hui disparus.

    Des pillow lava aux sommets des montagnes : les ophiolites

    Des laves en coussins peuvent être observées sur les continents, au sein de complexes ophiolitiques. Une ophiolite est un fragment de lithosphère océanique d’un ancien océan. La convergence de deux plaques tectoniques peut entraîner la fermeture d’un océan et la collision de deux continents. Durant cette convergence, des lambeaux de lithosphère océanique peuvent être charriés sur la croûte continentale. Ces lambeaux sont alors incorporés aux orogènes (chaîne de montagne) issus de la collision continentale.

    L’ophiolite emblématique et la plus étudiée au monde est l’ophiolite de Semail qui s’étend sur 50 000 km² au nord de l’Oman et à l’est des Emirats arabes unis. Parfaitement préservée, cette ophiolite permet l’observation de murs de laves en coussin comme les fameux pillow-lavas de la région du Wadi al-Jizi.

    Laves en coussins du massif ophiolitique de Semail en Oman.
    Laves en coussins du Wadi Jizi visibles dans le massif ophiolitique de Semail en Oman. Crédit photo : Georoamer, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

    En France hexagonale, l’ophiolite du Chenaillet (Alpes) est également très connue. Les laves en coussins qui y sont visibles sont les témoins de la présence dans cette zone d’un ancien petit océan, il y a entre 165 et 120 Ma : la Téthys alpine. Il y a 90 Ma, cet océan s’est refermé lorsque la plaque européenne s’est enfoncée sous la plaque adriatique (subduction). Après la fermeture totale de la Téthys alpine (il y a environ 30 Ma), les masses continentales sont entrées en collision, charriant un fragment de plancher océanique et donnant naissance à l’orogène alpin. C’est pourquoi les laves en coussins formées au fond de l’océan se retrouvent aujourd’hui exposées à 2650 m d’altitude dans le massif du Queyras.

    Même si l’observation de la formation des laves en coussins reste un défi relevé par quelques sous-marins, l’étude de ces laves contribue à la compréhension de l’évolution géodynamique de notre planète.

    RETENEZ


    • Les laves en coussins sont issues d’éruptions sous-marines.
    • Le plancher océanique est constitué de laves en coussins.
    • Des pillow lava sont observables sur les continents, au sommet des montagnes.

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