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    La Mangrove : une Forêt sur Pilotis entre Terre et Mer

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    Il y a 4000 ans, les mangroves étaient déjà connues des peuples australiens et amérindiens qui les utilisaient pour leurs nombreuses ressources. En Occident, leur première mention écrite en 305 av. J.-C. est attribuée à Androsthène de Thasos, scribe d’Alexandre le Grand. Mais la surface de cette forêt sur pilotis autrefois gigantesque ne cesse de diminuer. En effet, plus de 35 % des mangroves ont disparu en 20 ans. Nimbées de mystères, résilientes, riches en faune et en flore, elles sont aujourd’hui menacées par la pollution, le défrichage et l’implantation de bassins à crevettes. Zoom sur la mangrove, réservoir de biodiversité exceptionnelle en péril.

    La formation d’une mangrove

    Cette formation végétale est caractéristique des régions tropicales et subtropicales. Elle borde ¼ des côtes tropicales, principalement entre les latitudes 25°N et 25°S. On retrouve des mangroves en Australie, de l’Indonésie aux Philippines, en passant par Madagascar, le Niger, jusqu’en Amérique Centrale et le long de la côte brésilienne.

    Répartition des littoraux à mangroves dans les régions tropicales.
    Répartition des littoraux à mangrove dans le monde (in Taureau, 2017 [12] d’après Alongi, 2009 [13] ; Hogarth 2007 [14] et Tomlinson, 1994 [15]), ResearchGate

    La formation d’une mangrove dépend de plusieurs conditions. Cette forêt littorale pousse dans des eaux saumâtres et pauvres en oxygène. Les mangroves naissent suite à l’accumulation de sédiments qui se déposent à chaque marée basse sur le littoral. Ces derniers, mélangés à l’eau venant du front de mer, protègent de la houle la partie du banc de sable située le long du rivage. C’est là que se dépose la vase, formée de sédiments qui étaient alors en suspension dans la mer, et d’excédents de nutriments provenant du ruissellement terrestre.

    Les mangroves ne sont pas stables. Elles se déplacent de quelques mètres à chaque saison. Soumises au flux et reflux des marées, elles sont inondées à chaque marée haute. Les courants marins grignotent les bancs de vase situés à l’arrière du rivage. Ce faisant, les sédiments protègent les mangroves à l’avant pour former une nouvelle zone sur laquelle des arbres vont s’implanter.

    Vue satellite d’une mangrove dans la région des Sundarbans, dans l’État du Bengale, en Inde.
    Vue satellite de la région des Sundarbans et ses mangroves au Bangladesh et en Inde. Crédit photo : NASA image created by Jesse Allen, Earth Observatory, using data obtained from the University of Maryland’s Global Land Cover Facility., Public domain, via Wikimedia Commons

    Cette instabilité oblige la végétation à s’adapter. Une espèce s’est particulièrement acclimatée à ce milieu atypique : le palétuvier.

    Le palétuvier : un hôte omniprésent de la mangrove

    Appartenant à la famille des Rhizophoracées, le palétuvier est une halophyte, c’est-à-dire une plante adaptée aux milieux salés grâce au processus de l’osmose. Par un système de transfert de molécules d’eau, les palétuviers luttent contre le sel présent dans l’eau de mer. Ils la filtrent pour en excréter le surplus de salinité, notamment à la base des feuilles.

    Même si l’on en compte entre 60 et 70 espèces à travers le monde, la mangrove regroupe 3 grandes espèces de palétuviers :

    • Le Rhizophora mangle ou palétuvier rouge se déploie plutôt à l’intérieur des mangroves d’estuaires, dans les zones de balancement des marées.
    • L’Avicennia germinans ou palétuvier blanc forme des peuplements arbustifs de 4 à 5 mètres de haut. C’est l’espèce la plus adaptée aux estrans, zones du littoral recouvertes périodiquement par la marée.
    • Le Laguncularia racemosa ou palétuvier gris s’est adapté aux mangroves côtières à fort taux de salinité.

    Ces arbres développent une grande capacité d’adaptation dans un environnement naturel hostile à la végétation. Sur le palétuvier rouge, les fruits, ou propagules, ont la forme d’une gousse. Arrivés à maturité, ils se détachent de l’arbre pour se planter dans la vase, sans risquer d’être emportés par la marée. Cependant, dans les zones soumises à de forts courants marins, les propagules dérivent sur plusieurs kilomètres dans une eau très saline avant de s’enraciner. Le palétuvier est vivipare, c’est-à-dire que la graine a déjà germé lorsque le fruit tombe au sol.

    Le palétuvier présente une autre caractéristique : ses racines aériennes apparentes en forme d’arceaux. Telles des échasses, elles lui permettent de s’ancrer dans la vase afin de ne pas être emporté par la marée. Ces racines aériennes sont couvertes de lenticelles, de petits pores permettant l’apport d’oxygène. Piégées dans le limon, les racines des palétuviers développent des pneumatophores. Semblables à des excroissances, ce sont des capteurs d’oxygène à marée basse, garnis de lenticelles.

    Véritable forêt amphibie, la mangrove doit faire preuve d’ingéniosité pour survivre. La richesse nutritive du sol favorise une croissance très rapide des arbres. Adultes, certains peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres de haut.

    La mangrove est un écosystème exceptionnel qui ne cesse de régresser, fragilisé par les activités humaines et le réchauffement climatique.

    Un refuge naturel favorable à un écosystème marin et terrestre très riche

    Les mangroves couvrent les zones intertidales, ou zones de bord de mer recouvertes à marée haute et découvertes à marée basse. Ces écosystèmes uniques sont des zones de repères pour de nombreuses espèces vivantes. Poissons et invertébrés marins y migrent pour s’y nourrir et se reproduire.

    En effet, ce réservoir de biodiversité est une nurserie : c’est un refuge pour les poissons coralliens juvéniles, les jeunes requins, ou encore les tortues. Les racines de palétuviers forment un véritable réseau labyrinthique dans lequel les alevins trouvent refuge et grandissent à l’abri des prédateurs.

    C’est également une importante zone de nidification pour les oiseaux, notamment des sternes. Ces oiseaux marins pondent leurs œufs directement sur le sol, ce qui les rend extrêmement vulnérables.

    Les mangroves offrent également des zones de refuge et de reproduction pour bon nombre d’espèces terrestres. C’est notamment le cas du tigre du Bengale, en danger d’extinction. C’est aussi le cas de la loutre géante d’Amazonie, considérée comme une espèce en danger par le WWF (Fonds Mondial pour la Nature).

    La fréquentation croissante des mangroves par l’Homme constitue une réelle menace pour de nombreux animaux.

    La mangrove : une position stratégique entre terre et mer

    Les mangroves rendent de nombreux services aux sociétés humaines, et leur préservation est essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique.

    Un puits de carbone

    Les mangroves stockent environ 34 millions de tonnes de carbone (CO2) par an. Il s’agit de l’écosystème qui absorbe le plus de CO2 au monde. Les feuilles des palétuviers l’absorbent avant de le rejeter dans l’eau. Ce sont de véritables puits de carbone à ciel ouvert, indispensables à la régulation du climat.

    Un filtre antipollution et purificateur naturel

    Les racines des palétuviers filtrent l’eau et la purifient, tout en empêchant les sédiments d’être emportés par les vagues. Le limon retient les polluants et les métaux lourds. En 2018, une expérience réussie a été menée à Mayotte. Sur l’île, les mangroves ont servi de « filtres » aux eaux usées, selon l’étude menée par Emma Michaud, écologue marine au CNRS.

    Une barrière de protection naturelle

    Les mangroves forment une barrière de protection contre les ouragans et les cyclones qui menacent les villes côtières. Elles servent aussi à lutter contre l’érosion des sols et les chaleurs extrêmes. La montée des eaux liée au réchauffement climatique représente une réelle menace pour les zones urbaines, privées des zones tampons que constituent les mangroves.

    La mangrove : un réservoir de biodiversité menacé

    Cette forêt amphibie ne cesse de reculer d’année en année. Selon François Fromard, directeur de recherche émérite au CNRS, dans certaines régions, la mangrove est remplacée à 80% par des bassins à crevettes. Les palétuviers sont coupés pour laisser la place à des fermes à crevettes. Tous les 6 mois, des eaux chargées de toxines sont relâchées dans les flots environnants. Au fil des ans, le taux de nocivité est tel que les palétuviers meurent, tandis que les bassins saturés en toxines sont abandonnés pour en construire d’autres.

    L’élevage intensif des crevettes entraîne la déforestation et la pollution des mangroves.
    Fermes à crevettes face à la mangrove. Crédit photo : © Srikanth Mannepuri, Ocean Image Bank

    En 2019, selon Energy Observer, la production mondiale de crevettes a atteint un niveau record : 74 millions de tonnes. Elle devrait atteindre les 92 millions de tonnes en 2022.

    La mangrove est encore souvent considérée par les populations locales comme un réservoir quasi inépuisable de nourriture et de bois de chauffage. C’est une zone de pêche surexploitée qui déséquilibre tout l’écosystème terrestre et marin.

    Certains organismes, tel que le WWF, mènent des campagnes de protection et de valorisation de la mangrove. À Madagascar, un programme de restauration des mangroves et de gestion durable de la pêche des filières « poissons » et « crabes » a été mis en place dès le milieu du 20ème siècle. Ce programme permettrait d’augmenter les volumes de pêche de plus de 10 %.

    Si elle semble inatteignable et parfaitement résiliente, la mangrove n’en demeure pas moins une forêt fragile qui doit être préservée. En effet, de nombreuses espèces animales et végétales en dépendent. De la même manière, la biodiversité des zones tropicales dépend en très grande partie de la préservation de la mangrove.


    RETENEZ


    • Cette forêt amphibie entre terre et mer borde 1/4 des côtes tropicales.
    • La mangrove évolue dans la zone de balancement des marées. Elle sert de lieu de reproduction et de refuge pour de nombreuses espèces animales.
    • L’arbre emblématique de cette écosystème marin est le palétuvier qui vit sur pilotis grâce à ses racines aériennes.
    • La mangrove est l’écosystème qui absorbe le plus de dioxyde de carbone (CO2) dans le monde.
    • Cette forêt littorale est menacée par les activités humaines (pollution, déboisement, implantation de bassin à crevettes).

    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Message de Mme Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, à l’occasion de la Journée internationale pour la conservation de l’écosystème de la mangrove (26 juillet 2022); [cité le 17 août 2022]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/actualites/2455/
    1.
    Energy Observer [En ligne]. Les mangroves, un refuge de biodiversité en danger; [cité le 17 août 2022]. Disponible: https://www.energy-observer.org/fr/ressources/mangroves-biodiversite
    1.
    Ça m’intéresse [En ligne]. Jalliffier C. Qu’est-ce que la mangrove ?; 20 août 2018 [cité le 17 août 2022]. Disponible: https://www.caminteresse.fr/environnement/quest-ce-que-la-mangrove-1185737/
    1.
    WWF [En ligne]. Préserver les mangroves de Madagascar | WWF France; [cité le 17 août 2022]. Disponible: https://www.wwf.fr/projets/preserver-les-mangroves-du-manambolo
    1.
    Océanopolis, Brest, Les mangroves, Dossier pédagogique 2019-2020 [En ligne]. Oceanopolis Brest; 2020 p. 60. Disponible: https://initiative-mangroves-ffem.com/wp-content/uploads/2020/03/DOSSIER-MANGROVES-CALAMEO.pdf
    1.
    Geo.fr [En ligne]. AFP. Les mangroves, des milieux très riches et menacés; 9 mai 2018 [cité le 17 août 2022]. Disponible: https://www.geo.fr/environnement/les-mangroves-des-milieux-tres-riches-et-menaces-188497

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