Qu’est-ce qu’un atoll ? Ces formations coralliennes intrigantes, véritables anneaux de corail flottant au milieu de l’océan, émerveillent par leur beauté et leur complexité. Ces écosystèmes marins uniques, avec leurs lagons turquoise et leurs récifs coralliens, sont des joyaux de biodiversité qui captivent à la fois la communauté scientifique et les voyageurs. Mais comment se forme un atoll ? Quelles théories expliquent leur genèse ? La théorie de Darwin est confrontée aux résultats des recherches contemporaines. Cet article explore également la richesse de la vie sous-marine des atolls et les défis environnementaux majeurs auxquels sont confrontés ces sanctuaires coralliens, tout en soulignant l’importance de leur conservation.
Qu’est-ce qu’un atoll : définition et caractéristiques
Origine étymologique et caractéristiques principales
Le mot atoll provient d’”atolu”, issu de la langue indo-aryenne des îles Maldives, et qui signifie « à l’intérieur de ». L’origine de ce mot fait donc allusion à la lagune, qui constitue l’intérieur même de ces îles coralliennes.
En d’autres termes, un atoll est une ceinture de récifs coralliens emprisonnant en son centre un lagon. La croissance verticale des coraux lui confère sa forme si caractéristique de cercles ou couronnes entrecoupées par endroits par des ouvertures sur l’océan. Ces couloirs, appelés passes récifales pour les plus profondes ou hoa de plus faible profondeur, laissent filtrer les courants marins et assurent la pérennité de la vie marine.
Composition corallienne des atolls
La typicité même d’un atoll se caractérise par un récif qui, par affleurement à la surface de l’eau, forme une barrière visible en forme de cercle.
Toutefois, cet anneau est l’infime partie d’un écosystème algocorallien complexe, qui doit son salut et sa survie à une extraordinaire capacité à se démultiplier.
Au sein d’un atoll, les coraux viennent se fixer sur les bords d’un affaissement géologique (subsidence). Grâce à des petits tentacules appelés polypes, ils capturent des organismes microscopiques nécessaires à leur développement : les planctons.
Cette nourriture riche qui apporte enzymes, oligo-éléments et acides gras joue un rôle concomitant avec un autre acteur tout aussi important pour les coraux : les zooxanthelles.
Ces algues minuscules trouvent refuge au sein même des polypes coralliens. Par un procédé d’échange naturel appelé symbiose, les zooxanthelles fournissent des sucres et de l’oxygène pour la croissance du corail. Ces algues symbiotiques reçoivent en contrepartie des substances carbonées rejetées par le corail.
Cet apport sécrété par les zooxanthelles s’effectue par un processus naturel : la photosynthèse. C’est pourquoi, au sein des atolls, l’eau se caractérise par sa clarté cristalline, permettant de laisser passer un maximum de lumière.
Pendant leur développement, ces organismes libèrent principalement de la matière calcaire, ce qui entraîne la minéralisation du corail. Un phénomène connu sous le nom de calcification. Cette longue transformation est à l’origine de la naissance des récifs coralliens.
Les étapes de l’évolution corallienne d’un atoll
Avant la naissance d’un atoll et l’émergence de sa forme si particulière, l’évolution du corail donne naissance à deux configurations récifales bien distinctes : le récif frangeant et le récif barrière.
- Le récif frangeant : il est séparé d’une île centrale par un platier récifal peu profond pouvant apparaître à marée basse et qui s’étend sur quelques mètres. Dans le prolongement de ce platier, on retrouve une crête récifale exposée à la houle puis une pente descendante progressive ou très abrupte, appelée tombant.
- Le récif barrière : il se distingue du récif frangeant par son éloignement plus important avec le littoral (plusieurs kilomètres) laissant place à une véritable mer intérieure : le lagon.
Ces différents types de récifs constituent des étapes intermédiaires de l’évolution corallienne qui mènent à la formation d’un atoll.
Contrairement aux autres structures récifales, les atolls ne sont rattachés à aucune masse terrestre, du moins en apparence. Ceci s’explique par le phénomène de subsidence qui, jumelé à l’action graduelle de l’érosion marine, contribue à la disparition totale de l’île sous la surface de l’océan.
On retrouve donc les atolls en pleine mer, sous forme d’anneaux de corail, à l’intérieur duquel est enfermé un lagon aux profondeurs inégales, de quelques mètres à plusieurs dizaines de mètres. Ces véritables piscines aux eaux turquoise et de diamètre très variable (pouvant atteindre jusqu’à 60 km) disposent d’une couronne de corail entrecoupée par des passes.
Où trouver des atolls ?
Selon une étude de l’Ifremer en 2023, basée sur l’analyse d’images satellites, on recenserait pas moins de 598 atolls à travers le monde, présents principalement dans les eaux tropicales et subtropicales. Les conditions de température, d’ensoleillement et de salinité y sont idéales pour le développement de ces joyaux naturels. L’océan pacifique concentre à lui seul environ 75 % de ces anneaux de corail ! On en retrouve également dans l’océan Indien et quelques-uns en Atlantique.
Parmi cette abondance d’atolls dans le Pacifique, on peut évoquer celui de Rangiroa (archipel des Tuamotu) qui se distingue comme l’un des plus grands du monde. Composé de petits îlots appelés motus et séparés par des passes, cet atoll est réputé pour sa faune marine et ses coraux. Fait remarquable, il arbitre une exploitation viticole sur l’un de ses îlots, illustrant ainsi la diversité unique de ses formations coralliennes.
Les atolls, ces joyaux de corail entourant des lagons turquoise, sont des écosystèmes marins uniques, menacés par le changement climatique et l’activité humaine.
La formation des atolls : présentation des différentes théories
Qu’est-ce qu’un atoll ? Quelle est l’explication scientifique derrière leur formation ? Dans cette section, la théorie historique de Darwin est confrontée à une étude plus récente qui remet en question les connaissances établies. L’apport de plusieurs chercheurs sera également mentionné, enrichissant ainsi ces deux grandes théories.
La théorie classique de Charles Darwin
Le fondement même de la théorie de Darwin repose sur des mouvements tectoniques. Suite à la formation d’une île volcanique, le corail va commencer à se développer et se fixer le long du littoral dans des conditions optimales de croissance. Ainsi, dans des eaux peu profondes, chaudes et claires, le corail va se démultiplier pour finir par constituer un récif frangeant comme évoqué précédemment.
Selon Darwin, l’île subit alors un affaissement progressif, expliqué par le mouvement des plaques tectoniques. On assiste ainsi à deux phénomènes simultanés :
- L’enfoncement de l’île volcanique augmente irrémédiablement la distance entre la côte et le récif corallien.
- La barrière poursuit sa croissance grâce à la calcification. Le corail ainsi calcifié sert de point de fixation aux jeunes pousses. C’est la naissance du récif barrière autour de l’île.
Enfin, l’enfoncement géologique se poursuit par le mouvement continu des plaques et entraîne une immersion complète de l’île. La formation corallienne se développe sur la couche terrestre maintenant immergée. Le récif barrière croit jusqu’à affleurer à la surface de l’eau, faisant ainsi apparaître une forme circulaire : l’atoll !
L’apport du modèle karstique
Le modèle karstique a été développé à partir des années 30, puis amélioré et revu à maintes reprises jusque dans les années 70, grâce à l’implication et la contribution de nombreux scientifiques. Les études ne remettent pas en cause l’apport de Darwin sur l’origine de la formation des atolls. Au contraire, le modèle vient compléter l’ancienne théorie et prend en compte une variable jusque-là occultée par Darwin : la fluctuation du niveau de la mer.
Le modèle karstique propose des concepts scientifiques clés, clarifiant l’évolution des atolls d’un point de vue géologique et hydrogéologique. Ainsi, la karstification au sein des atolls explique l’affaissement central de la structure corallienne par deux principaux procédés naturels.
- La dissolution de la roche sédimentaire : le squelette des coraux composé de sédiments calcaires va, au fil du temps, se dissoudre au contact des pluies acides. Par effet de ruissellement, ce phénomène se concentre au centre de l’anneau de corail.
- La formation de cavité souterraine : en conséquence de cette dissolution, un réseau de tunnels et d’excavations souterraines se forme, fragilisant la structure de l’atoll.
En définitive, l’influence de ces deux événements conduit à l’effondrement central de l’atoll. Lors des périodes interglaciaires, l’élévation du niveau de l’océan s’accompagne d’une immersion de cette dépression centrale : il se forme un lagon. Les bords extérieurs se couvrent ainsi de coraux faisant naître un anneau de corail.
La théorie moderne de formation des atolls
Il a fallu attendre plus de deux siècles après les conclusions de Charles Darwin pour que sa théorie soit remise en question. Une étude récente, publiée dans Annual Review of Marine Science, vient bouleverser cette vision darwinienne. Au printemps 2020, deux scientifiques, Stephan Jorry et André Droxler, entreprennent d’analyser diverses valeurs mesurées au cours des cinquante dernières années (données géologiques, sismiques combinées au traitement d’images satellites). Leurs résultats et observations mettent en évidence deux variables qui remettent en question la théorie de Darwin jusque-là prédominante :
- Grâce à l’étude de récents forages effectués par des compagnies pétrolières en quête de nouveaux gisements, les deux scientifiques révèlent un premier point de questionnement. En effet, ils constatent la présence de roche volcanique sous la couche inférieure des atolls comme l’atteste Darwin, mais elle est recouverte par un à trois kilomètres de calcaire en fonction des prélèvements.
- La théorie classique semble incomplète aux yeux de Jorry et Droxler. À leurs yeux, Darwin ne prend pas en compte une variable importante et fondamentale, car peu voire pas connue à l’époque : la fluctuation du niveau de la mer au fil du temps.
Ainsi, d’après Jorry et Droxler, l’origine des atolls viendrait de la formation de banc à sommet plat ou platier récifal légèrement immergé, prenant forme sur une base volcanique. L’édification de ces plateaux de coraux résulte d’une période climatique chaude et stable qui aurait duré 80 000 ans.
Le platier récifal est ensuite façonné au fil des périodes glaciaires et interglaciaires où le niveau de la mer fluctue. Ainsi, durant les périodes glaciaires, le niveau baisse laissant apparaître à la surface les plateformes coralliennes.
À découvert, face aux pluies parfois acides jumelées au procédé de karstification, le plateau se creuse en son centre par dissolution : c’est la naissance du lagon du futur atoll.
Lors des épisodes d’élévation du niveau marin, l’eau inonde ces dépressions centrales formant un lagon. Les coraux poursuivent leur croissance de manière verticale sur les bordures surélevées des plateformes karstiques (crêtes récifales), exposées à la lumière. Ce processus de recolonisation des coraux donne naissance à la forme annulaire si caractéristique des atolls.
La théorie récente des chercheurs Jorry et Droxler repose sur l’examen du sous-sol des atolls. Avec la technique de carottage, les prélèvements ont démontré que les phases de croissance coralliennes coïncident bien avec les périodes interglaciaires, validant scientifiquement les avancées majeures des deux spécialistes.
La biodiversité exceptionnelle des atolls
Véritable oasis océanique, les atolls offrent un refuge précieux à d’innombrables espèces qui viennent s’épanouir dans les eaux lagunaires riches en nutriments et sans cesse renouvelées.
La faune présente au sein des atolls
Au sein du lagon et autour de l’anneau récifal, on recense de nombreuses espèces :
- Les coraux : on en distingue deux types au sein des atolls dont les coraux durs, constructeurs du récif et les coraux mous qui ne produisent pas de squelettes calcaires. Ces organismes apportent un riche éventail de formes et de couleurs à l’univers aquatique.
- Les poissons de récifs dont le célèbre poisson-clown, mais aussi les prédateurs avec certaines espèces de requins, les barracudas et mérous attirés par la concentration de proies. Les poissons herbivores comme les poissons-perroquets sont également très importants et viennent réguler la prolifération d’algues envahissantes.
- Les invertébrés marins avec les mollusques (bénitiers, poulpes, etc.), les crustacés (crabes, langoustes, crevettes) et de nombreux spécimens d’étoiles de mer, oursins et concombres de mer (famille des échinodermes).
- Les reptiles marins avec principalement les tortues de mer.
- Les mammifères marins comme les dauphins et plus rarement les dugongs, aussi appelés vache des mers.
- Enfin, les espèces vivantes hors de l’eau avec les oiseaux marins.
La flore caractéristique des atolls
Moins riche que sur les continents, la flore joue toutefois un rôle primordial dans la survie des atolls. On retrouve des espèces subaquatiques et des plantes terrestres :
- Les plantes sous-marines : les atolls abritent une grande variété d’algues coralliennes dont les fameuses zooxanthelles, le phytoplancton et les herbiers ou prairies des mers. Elles sont à la fois une ressource alimentaire pour les tortues et un refuge pour de nombreuses espèces.
- La végétation terrestre : les plantes et arbustes qui se développent sur les motus (îlots) ont la capacité de résister à la forte salinité de l’eau. On retrouve des cocotiers, des arbustes comme les panganus, et parfois même de la mangrove.
Les atolls face aux défis environnementaux et humains
Bien que les atolls ressemblent à des paradis isolés, ils sont confrontés à de nombreux défis environnementaux qui menacent leur survie. Au cœur de ces menaces se trouve le dérèglement climatique. Le réchauffement de la planète, combiné à l’acidification des océans, fragilise les coraux et leurs algues symbiotiques, les rendant plus sensibles aux maladies et au phénomène de blanchiment.
De plus, l’intensification des phénomènes météorologiques comme les tempêtes tropicales et les cyclones mettent à rude épreuve ces fragiles formations coralliennes.
À ces menaces d’origine naturelle viennent s’ajouter des pressions exercées par l’activité humaine, dont les deux principales sont :
- La pollution des océans par les plastiques ou par les hydrocarbures avec une répercussion dévastatrice pour les espèces marines.
- Le tourisme irresponsable, qui perturbe les écosystèmes, entraîne la destruction des coraux par le piétinement des plongeurs ou l’écrasement provoqué par les ancres de bateaux.
En définitive, la question « Qu’est-ce qu’un atoll ? » ouvre la voie à la découverte de bien plus que de simples îles paradisiaques. Ces anneaux coralliens sont le fruit de processus naturels complexes, depuis les théories de Darwin jusqu’aux recherches modernes de leur formation. En plus de présenter un intérêt géologique, ils abritent une biodiversité marine essentielle à l’équilibre des océans. Cependant, ces formations coralliennes sont aujourd’hui confrontées à des menaces sans précédent, rendant leur préservation plus urgente que jamais.