S'informer et comprendre notre planète

Plus
    Accueil Blog Page 5

    Falaises d’Étretat : le Pays de la Craie et du Silex

    0

    Situées en Normandie, les falaises d’Étretat attirent de nombreux touristes chaque année. Rendues célèbres par Arsène Lupin, les falaises d’Amont, d’Aval et la Manneporte ont également inspiré de nombreux peintres tels que Monet ou Auburtin. Faisant partie des paysages les plus spectaculaires de France, les falaises de craie du pays de Caux et leurs arches subissent régulièrement des éboulements. Depuis quand existent-elles ? Comment se sont-elles formées ? Découvrez dans la suite de cet article les secrets de la Côte d’Albâtre.

    Le Grand Site Falaises d’Étretat – Côte d’Albâtre

    Bordée par les eaux de la Manche, la côte d’Albâtre se situe entre l’estuaire de la Seine et celui de la Somme. Elle offre l’un des plus impressionnants panoramas de Normandie ainsi que l’un des plus pittoresques d’Europe. Elle tire son nom des 120 km de roches crayeuses qui la composent, mais aussi de la nuance de couleur que prend la mer qui borde le rivage. Les falaises les plus connues de la côte d’Albâtre sont celles d’Étretat.

    Ces dernières ont été des sources d’inspiration non seulement pour des peintres tels que Gustave Courbet, Claude Monet ou Eugène Boudin, mais aussi pour des écrivains comme Guy de Maupassant, Maurice Blanc ou Gustave Flaubert. Classées Grand Site le 25 septembre 2013, les falaises d’Étretat s’étendent sur 13 communes :

    • Bénouville ;
    • Bordeaux-Saint-Clair ;
    • Criquebeuf-en-Caux ;
    • Étretat ;
    • Fécamp ;
    • Froberville ;
    • La Poterie-Cap-d’Antifer ;
    • Les Loges ;
    • Le Tilleul ;
    • Saint-Jouin-Bruneval ;
    • Saint-Léonard ;
    • Vattetot-sur-Mer ;
    • Yport.

    Cette distinction a pour objectif de préserver le paysage et de favoriser un tourisme durable. Le département de Seine-Maritime accompagne ces communes dans une démarche visant à accueillir les visiteurs tout en protégeant ce lieu d’une rare beauté.

    Les 3 arches et les valleuses des falaises d’Étretat

    La formation de la structure des falaises d’Étretat remonte à l’ère du Crétacé supérieur, mais leur forme telle qu’on la connaît est bien plus récente. En effet, l’aiguille d’Étretat, repaire du célèbre Arsène Lupin, apparaît sur des cartes anciennes datant de l’époque romaine. Sa découpe remonterait donc entre 2 000 et 5 000 ans. Avoisinant les 100 mètres de haut, les roches d’Étretat présentent 3 arches ou portes bien distinctes. Localement, les falaises sont entaillées de valleuses.

    Les falaises d’Aval

    A l’ouest, les falaises d’Aval sont les plus connues du Grand Site. S’élevant à 74 mètres d’altitude, elles sont facilement reconnaissables grâce à son arche la plus médiatique d’Etretat et son aiguille creuse située juste à côté.

    L'aiguille et l'arche des falaises d'Étretat.
    Au premier plan l’arche et à l’arrière plan l’aiguille creuse des falaises d’Aval. Crédit photo : Adobe Stock

    La Manneporte

    Culminant entre 82 et 85 m de hauteur, la Manneporte est une falaise encore plus impressionnante que la précédente. Il s’agit de la plus grande des 3, d’où son nom qui signifie « grande porte » en vieux français.

    Les falaises d’Amont

    Surnommées il y a moins d’un siècle « Falaise du Blanc Trait », ce sont les plus petites du site. Les falaises d’Amont sont situées sur le côté est et sont surplombées par la chapelle des marins Notre-Dame-de-la-Garde. La porte d’Amont se trouve sur le plus long cap du pays de Caux qui s’avance de presque 120 mètres dans la mer.

    Les valleuses ou petites vallées

    Les valleuses sont de petites vallées qui permettent un accès direct à la mer tandis que sur le reste de la côte, cet accès est empêché par les hautes falaises de craie. Ces dernières sont apparues il y a 2 millions d’années à la suite du soulèvement des sols.

    Il en existe 3 types :

    • Les valleuses vives : ce sont des affaissements naturels plus ou moins larges où se situent les ports et autres stations balnéaires.
    • Les valleuses mortes : celles-ci étant plus étroites que les précédentes, l’accès au rivage est facilité grâce à des aménagements tels que des escaliers ou des échelles.
    • Les valleuses perchées : simples dépressions (affaissements) du terrain ne permettant pas ou plus l’accès au rivage.

    La formation de la Côte d’Albâtre et ses falaises de craie

    Les falaises d’Étretat sont composées essentiellement de craie, mais elles contiennent aussi du silex. Les géologues estiment leur formation entre 95 et 70 millions d’années.

    Les falaises du Pays de Caux et la craie

    À cette époque, la température est supérieure d’environ 10 °Celsius par rapport au climat actuel. Le niveau de la mer est plus haut que de nos jours et recouvre une bonne partie de la France. Dans cette eau se trouvaient des organismes marins à l’origine de la formation de la craie : une roche sédimentaire qui compose la majorité des falaises du pays de Caux. Ces micro-organismes, également appelés coccolithophoridés, sont des algues planctoniques mesurant quelques micromètres de diamètre. Pour leur protection, elles sont recouvertes de petites sphères composées de minuscules plaques de carbonate de calcium, appelées coccolithes. Lorsque les coccolithophoridés sont mortes, elles sont tombées au fond de la mer et ont formé une boue crayeuse que l’on nomme sédimentation. La récurrence de ce phénomène a donné naissance à de nombreuses couches ou strates géologiques qui sont venues s’empiler les unes sur les autres. Pendant 25 à 30 millions d’années, la compaction des sédiments en milieu marin a abouti à la lente formation d’une roche blanche, poreuse et friable : la craie. Lors du retrait de la mer et la surrection de la zone, il y a 65 millions d’années, les couches crayeuses se sont retrouvées à l’air libre.

    Les falaises d'Étretat en Normandie sont constituées de craie.
    Les falaises d’Étretat sont constituées de craie, une roche calcaire formée il y a plusieurs millions d’années en domaine marin. Crédit photo : Adobe Stock

    Le silex : un matériau emblématique de la Normandie

    Toutefois, les falaises d’Étretat ne sont pas uniquement composées de craie. Lorsqu’on observe avec attention les couches qui les composent, on constate la présence de niveaux plus sombres. Il s’agit de silex. La silice contenue dans le silex et dissoute dans l’eau de mer était utilisée par d’autres formes de plancton afin de fabriquer leur coquille. Suivant le même processus de formation que pour la craie, l’accumulation de couches de silice, contenue dans les coquilles fossilisées, a permis la formation de couches de silex.

    Les falaises, qui subissent l’assaut incessant des vagues à marée haute, se creusent dans leur partie la plus tendre, celle composée de craie, tandis que le silex, plus dur, résiste mieux. Lorsque la craie est attaquée et creusée autour du silex, ce dernier se détache et tombe de la falaise. Ce phénomène est appelé érosion différentielle. Une fois sur le rivage, le silex subit le roulis des vagues et devient un galet bien lisse en quelques mois. Les galets de silice étaient exploités au Paléolithique et au Néolithique par nos ancêtres. Plus récemment, les galets étaient vendus pour construire des habitations dans la région, servaient à produire la porcelaine ou encore du dentifrice.

    Le risque d’éboulement des falaises d’Étretat

    Les falaises d’Étretat subissent régulièrement des éboulements causés par l’érosion. En effet, la roche crayeuse qui les compose est attaquée de toutes parts.

    Tout d’abord, la partie haute est affaiblie par les effets du gaz carbonique contenu dans l’air. Il se mélange à l’eau, qui s’infiltre à son tour dans la roche en dissolvant le calcaire de manière progressive. De plus, lorsque l’eau gèle, elle se dilate et fait éclater la roche. Une partie de la falaise ainsi fragilisée finit par s’écrouler dans la mer. Ce phénomène se nomme érosion continentale.

    Ensuite, la partie basse endure le ressac des vagues et la projection des galets finit par creuser les pieds des falaises : c’est l’érosion marine.

    Les falaises d'Étretat sont progressivement rongées par l'assaut des vagues.
    Les falaises d’Étretat subissent les assauts des vagues et des intempéries. Elles reculent de plusieurs centimètres par an. Crédit photo : Pexels

    Enfin, l’érosion biologique n’intervient pas directement sur la falaise, mais sur le platier rocheux ou autrement dit la partie d’une plage qui apparaît à marée basse. À cet endroit, des organismes marins tels que les vers attaquent la roche en y creusant des galeries. Les pholades (mollusques) s’enfoncent dans la craie et fragilisent le platier. De ce fait, il se réduit, ce qui permet à l’océan d’avoir un impact plus important sur le pied de falaise.

    L’assaut des vagues a également élargi les arches des falaises, donnant au site l’aspect que l’on connaît aujourd’hui. Contre toute attente, les 3 arches (Manneporte, les portes d’Amont et d’Aval) n’ont pas été creusées par la mer mais par le travail de l’eau de pluie en surface et de rivières souterraines qui s’écoulaient autrefois dans le bloc crayeux. Au fil du temps, l’érosion a provoqué des effondrements pour aboutir à la formation des arches et de aiguilles si emblématiques du site. Comme l’érosion poursuit aujourd’hui son œuvre de nouvelles arches vont s’effondrer et former à terme de nouvelles aiguilles. Les paysages de la côte d’Albâtre sont ainsi en constante évolution.

    Schéma de l'érosion du littoral à travers le temps.
    Schéma des différents stades d’érosion des falaises. Les vagues creusent et créent une grotte marine. Une arche se forme. L’arche s’éffondre. Crédit photo : Adobe Stock

    L’érosion, responsable du recul du trait de côte, est estimée à 20 cm par an par les autorités compétentes. Dans ces conditions, toutes constructions humaines sont interdites à proximité des falaises. On estime qu’en 2 000 ans, la falaise de la côte d’Albâtre aurait perdu entre 100 à 200 mètres. L’élévation du niveau de la mer dans le cadre du réchauffement climatique aura des conséquences graves avec une intensification des effondrements et une accélération du phénomène de recul des falaises.

    Âgées de plusieurs millions d’années, les falaises de craie d’Étretat sont amenées à disparaître à cause de l’érosion et de l’élévation du niveau marin.

    La faune et la flore d’Étretat

    Sur le site d’Étretat, la flore locale a su s’adapter au bord de mer. Une végétation bien particulière, comme le chou maritime, s’y est d’ailleurs développée : grâce à ses feuilles épaisses et grasses, il résiste aux vents et au sel marin. On y trouve aussi de nombreuses autres variétés de plantes comme le colza, l’orge ou bien encore le fenouil.

    Certaines espèces animales protégées résident sur le site d’Étretat. Les valleuses sont un véritable corridor écologique pour les oiseaux, une halte bienvenue lors de leur migration. Les oiseaux marins tels que les mouettes, les goélands ou les fulmars utilisent les cavités des falaises pour s’y abriter. Le Grand Site est également l’habitat de nombreux amphibiens et autres insectes.

    Les majestueuses falaises d’Étretat, colosses aux pieds d’argile, vieilles de plusieurs millions d’années restent fragiles et à la merci de nombreux éléments. Un site exceptionnel à découvrir, à protéger et à respecter pour que des villages tels que Criel-sur-Mer ne soient pas rayés de la carte. Les particularités géologiques, les trésors de biodiversité font de ce Grand Site, un trésor emblématique de notre pays.

     

    RETENEZ


    • Les falaises d’Étretat se sont formées au cours du Crétacé entre 90 et 70 millions d’années.
    • Elles sont constituée de craie, une roche sédimentaire formée de fossiles de micro-organismes marins.
    • Les falaises d’Étretat sont amenées à disparaître à cause de l’érosion de la mer en pied de falaises et aux intempéries en surface.

    1.
    Rodet J. Karst et évolution géomorphologique de la côte crayeuse à falaises de la manche. l’exemple du massif d’aval (Etretat, Normandie, France). Quaternaire Revue de l’Association française pour l’étude du Quaternaire [En ligne]. 1 sept 2013 [cité le 12 févr 2023];(vol. 24/3):303‑14. Disponible: https://journals.openedition.org/quaternaire/6745
    1.
    Réseau des Grands Sites de France [En ligne]. Les Falaises d’Etretat - Côte d’Albâtre rejoignent le Réseau des Grands Sites de France; [cité le 12 févr 2023]. Disponible: https://www.grandsitedefrance.com/actus/2013/356-les-falaises-detretat-cote-dalbatre-rejoignent-le-reseau-des-grands-sites-de-france
    1.
    RTBF [En ligne]. Effondrements de falaises : un phénomène inéluctable des deux côtés de la Manche; 12 févr 2023 [cité le 12 févr 2023]. Disponible: https://www.rtbf.be/article/effondrements-de-falaises-un-phenomene-ineluctable-des-deux-cotes-de-la-manche-10742404
    1.
    Le Havre Etretat Normandie Tourisme [En ligne]. Les falaises d’Etretat; [cité le 12 févr 2023]. Disponible: https://www.lehavre-etretat-tourisme.com/decouvrir/les-incontournables/decouvrir-etretat/les-falaises-detretat/
    1.
    Letortu P, Costa S, Bensaid A, Cador JM, Quénol H. Vitesses et modalités de recul des falaises crayeuses de Haute-Normandie (France) : méthodologie et variabilité du recul. Géomorphologie : relief, processus, environnement [En ligne]. 2 sept 2014 [cité le 12 févr 2023];20(2):133‑44. Disponible: https://journals.openedition.org/geomorphologie/10588
    1.
    Planet Terre [En ligne]. À la découverte géologique des falaises d’Étretat, présentation d’une excursion allant de la plage du Tilleul (Antifer) à la porte d’Amont (Étretat Nord) — Planet-Terre; [cité le 12 févr 2023]. Disponible: https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/excursion-falaises-Etretat-contexte.xml
    1.
    Chazot G. La belle histoire des merveilles de la terre [En ligne]. De Boeck Supérieur; 2020. 320 p. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329119-la-belle-histoire-des-merveilles-de-la-terre

    Volcan Nyiragongo : le Plus Grand Lac de Lave au Monde

    Impérial du haut de ses 3470 mètres d’altitude, le volcan Nyiragongo surplombe la ville de Goma, à l’extrême ouest de la République Démocratique du Congo. Ce stratovolcan tire sa renommée du lac de lave qui stagne en permanence au sein de son large cratère. Rares sont ces lacs de lave sur notre planète. Ses deux seuls homologues sont l’Erta Ale en Éthiopie, et l’Erebus en Antarctique. Le Nyiragongo abrite le plus grand lac de lave du monde. Aussi menaçant qu’époustouflant, il exerce ainsi depuis la fin du XIXème siècle un mélange de fascination et d’inquiétude, même chez les volcanologues les plus avertis.

    Les origines du plus grand lac de lave sur Terre

    Le Rift est-africain

    Avec le temps, la croûte continentale de l’Afrique s’est amincie. Une partie de la Corne de l’Afrique s’est par ailleurs étirée encore plus à l’est. Cet étirement a provoqué une déchirure terrestre prenant naissance en République de Djibouti. Celle-ci se sépare en deux branches dans le nord du Kenya, et poursuit sa trajectoire de part et d’autre du lac Victoria. Les faisceaux de failles se rejoignent ensuite dans le sud de la Tanzanie. Cette fracturation, appelée le Rift est-africain, est due aux mouvements perpétuels de la tectonique des plaques. Ce phénomène est toujours en cours, puisque la plaque somalienne et la plaque africaine s’écartent encore l’une de l’autre d’environ une dizaine de centimètres tous les dix ans.

    Le Mont Kilimandjaro doit son origine à la grande faille de la vallée du Grand Rift.
    La vallée du Grand Rift et sa faille au sein de laquelle le Kilimandjaro est né. Crédits : © Sémhur / Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0

    L’ouverture du Rift est-africain a pour effet de créer des réseaux de fractures en profondeur, laissant ainsi remonter le magma. Il en résulte la formation de nombreux volcans dans la vallée du Grand Rift. Le Nyiragongo fait partie de cette chaîne volcanique, tout comme le célèbre Mont Kilimandjaro, plus à l’est. La Nyiragongo en est l’un des plus spectaculaires et des plus actifs. Il se situe plus précisément sur la chaîne volcanique des Virunga.

    Un magma spécifique à l’origine du lac de lave

    Il convient tout d’abord de différencier le magma de la lave. Le magma se situe dans les profondeurs de la Terre. Il se compose de liquide, de solide, et de gaz dissous en profondeur. Il se forme à environ 100 à 150 km sous nos pieds, au contact entre les roches de la croûte terrestre et des zones anormalement chaudes du manteau terrestre qui remontent des profondeurs de la terre : les panaches mantelliques. À ce point de rencontre, une partie des roches fondent, remontent et se fraient un passage dans la croûte terrestre en s’accumulant dans des chambres magmatiques. Le magma, lorsqu’il apparaît à la surface et perd la majorité de ses gaz, se transforme en une substance plus ou moins fluide de roche en fusion. C’est ce que l’on appelle la lave.

    Or, à cet endroit de la Terre, la combinaison entre le panache mantellique et les nouvelles failles générées par le rift ont abouti à des mélanges magmatiques particuliers, selon Christopher Jackson, géologue à l’Université de Manchester. La majorité du magma terrestre possède une forte concentration en silice. La présence de ce minéral a pour conséquence de donner une composition épaisse et visqueuse au magma. La concentration magmatique en silice du Nyiragongo est en cela particulière qu’elle n’en contient que très peu. Sa lave, qui est donc très fluide, a donné naissance au célèbre lac de lave du Nyiragongo.

    La lave du volcan Nyiragongo est particulièrement fluide.
    La lave très fluide du lac Nyiragongo. Crédit photo : Pierre-Yves Burgi, via Unsplash

    L’activité volcanique contemporaine du Nyiragongo

    Des éruptions dévastatrices aux XXème et au XXIème siècles

    Entre 1927 et 1977 : la formation du lac de lave

    En 1884, la première éruption du Nyiragongo a été observée par des occidentaux. À cette époque, il s’agissait encore d’éruptions explosives.

    À partir de 1927, le type d’éruption du volcan a changé, et des coulées de lave très fluide ont peu à peu formé le lac du Nyiragongo. Ces coulées successives ont duré une cinquantaine d’années, et alimenté jusqu’en 1977 le plus grand lac de lave du monde.

    1977 : le déversement soudain du lac de lave

    Brusquement, le 10 janvier 1977, une fissure sur le flanc du volcan a donné lieu à la vidange complète du lac du Nyiragongo. Ce dernier a laissé s’écouler 22 millions de mètres cubes de lave. Certaines coulées ont dévalé les flancs du volcan à 40km/h, envahissant les villages environnants. La vitesse de la lave s’explique par sa forte fluidité, et par les pentes abruptes du volcan. Cette coulée de lave a provoqué entre 600 et 2000 décès, ainsi que de nombreux dégâts matériels. Elle a laissé derrière elle un cratère vide de 900 mètres de profondeur.

    2002 : une nouvelle éruption meurtrière

    Entre juin 1982 et mars 1996, le lac de lave s’est une nouvelle fois formé dans le cratère du volcan Nyiragongo. Une autre éruption a frappé le 17 janvier 2002 la ville de Goma et les villages proches du volcan. Cette fois-ci, la coulée a été provoquée par une fissure apparue sur le flanc sud du Nyiragongo. La lave a détruit plusieurs villages avant d’envahir partiellement la ville de Goma, située au pied de l’édifice volcanique. Elle s’est ensuite figée, pour terminer sa course, dans le lac Kivu. Sur son passage la lave a détruit 1/5ème de Goma, a provoqué environ 250 décès, et a laissé 120 000 habitants à la rue. Des cas de brûlures et d’asphyxies au dioxyde de carbone ont été rapportés, ainsi que des explosions de stations essence, anéantissant une ville déjà fragilisée par un contexte économique et géopolitique difficile.

    Vue rapprochée sur le lac de lave du Nyiragongo.
    La lave en fusion au cœur du lac de lave du Nyiragongo. Crédit photo : Adobe Stock

    2021 : nouvelle phase éruptive du volcan Nyiragongo

    Cinq mois après l’éruption de janvier 2002, le processus de remplissage du lac était déjà en action. En effet, un nouveau lac de lave avait pris place dès le 17 mai 2002.

    En 2020, des volcanologues missionnés par les Casques bleus des Nations Unies ont remarqué que le lac de lave se remplissait plus vite qu’à l’accoutumée.

    En mai 2021, une coulée de lave inattendue s’est arrêtée aux portes de la ville de Goma, dont la population avait quasiment atteint les 2 millions d’habitants. Cette éruption volcanique a toutefois eu des impacts dans des villages limitrophes, causant d’importants dégâts et de nouveaux décès.

    « C’est l’un des volcans les plus dangereux d’Afrique », Benoît Smets, volcanologue au musée royal de l’Afrique centrale en Belgique, expert des risques géologiques.

    Des hypothèses sur les causes des éruptions

    Certains scientifiques soutiennent la théorie selon laquelle il existe une relation entre la hauteur du lac de lave et la pression exercée sur les parois de l’édifice volcanique. Les différentes éruptions du Nyiragongo ont en effet eu lieu au moment où le magma accumulé en profondeur a atteint un volume suffisant pour générer une certaine pression sur les parois. Cette dernière crée des fissures sur le volcan, laissant la lave s’écouler du lac. Passé un certain volume critique, ce dernier se vidangerait. Toutefois, chaque épisode éruptif possède ses propres spécificités. Il est donc complexe de repérer et de prédire les signes d’une éruption imminente.

    Le Nyiragongo : le volcan le plus dangereux d’Afrique

    La complexité géographique de la région

    La ville de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu, s’est établie juste au pied du Nyiragongo. Goma est une ville densément peuplée. Avec les villages alentours, la population menacée par les débordements du lac du Nyiragongo s’élève à près de six millions d’habitants. L’Observatoire Volcanologique de Goma (OVG), créé en 1986, assure la surveillance du Nyiragongo. Mais cet institut congolais fait face à de nombreuses difficultés, causées entre autres par les instabilités politiques de la région et par les conflits armés. Sa fiabilité et son efficacité en matière de gestion du risque volcanique dans la région en sont donc affectées.

    Le volcan Nyiragongo surplombe la ville de Goma.
    La ville de Goma, au pied du volcan Nyiragongo. Crédit photo : MONUSCO Photos/Abel Kavanagh, via Wikimédia

    Des dégazages volcaniques en surface

    Nyiragongo signifie « celui qui fume » en français. Ce dernier laisse en effet s’échapper de son cratère une grande quantité de gaz à haute température. Son magma est particulièrement riche en dioxyde de carbone. Ce gaz, inodore et incolore, s’échappe en permanence et en toute discrétion à la surface du volcan. Il s’accumule dans les régions qui se trouvent en basse altitude, sans que les habitants ne s’en rendent compte. Les locaux ont baptisé ces émissions de gaz le makuzu, dont la traduction en français pourrait être « le souffle du diable ». Ces rejets de gaz provoquent de graves problèmes de santé chez les habitants des régions périphériques au volcan. Ils sont responsables de la mort de nombreuses personnes chaque année.

    Vue aérienne du volcan le plus dangereux d'Afrique.
    Vue aérienne du Nyiragongo. Le cratère mesure 1,2 km de diamètre pour 900 mètres de profondeur. Crédit photo : Neil Wetmore / MONUSCO via Wikimédia

    Le lac Kivu : le risque d’une éruption limnique

    Le lac Kivu, qui borde la ville de Goma et dont la superficie atteint les 2700 km², fait partie des Grands Lacs d’Afrique. Ce lac établit une frontière naturelle entre la République Démocratique du Congo et le Rwanda. Malgré sa beauté, qui en fait une merveille touristique, le lac Kivu représente un réel danger pour les populations locales.

    En effet, les couches d’eau profondes du Kivu sont enrichies en gaz carbonique et en méthane. Ces gaz sont maintenus en solution dans les profondeurs du lac grâce à leur solubilité dans l’eau et à la pression qu’exercent les colonnes d’eau supérieures.

    Mais ces « boucliers » sont fragiles. Un écoulement de lave atteignant les hauts-fonds du Kivu aurait des conséquences dramatiques. Il provoquerait une augmentation de la température des eaux profondes, laissant ainsi s’échapper le dioxyde de carbone et le méthane à la surface du lac. Les nappes de gaz ainsi libérées seraient fatales pour les populations vivant à proximité. On appelle ce phénomène redouté une éruption limnique. Les scientifiques craignent qu’un tel scénario se produise dans la région de Goma. Les conséquences seraient plus mortelles encore pour les locaux qu’une nouvelle éruption effusive du Nyiragongo. Une telle éruption limnique a déjà fait rage au Cameroun, aux abords du lac Nyos, en 1986. Cette catastrophe a provoqué la mort de près de 1800 personnes, et décimé le bétail vivant dans les environs.

    Vue sur le lac Kivu en République démocratique du Congo.
    Le lac Kivu, l’un des plus grands lacs d’Afrique, borde la ville de Goma. Crédit photo : Serrah Galos, via Unsplash

    Le Nyiragongo fait donc partie de ces chefs-d’œuvre de la nature, dont la beauté rivalise avec les dangers qu’encourent les populations locales. Le Nyiragongo est sans nul doute un volcan dévastateur. Sa lave particulièrement fluide, la complexité géographique de son emplacement, et le gaz létal qu’il relâche dans l’air en continu en font un volcan meurtrier. C’est là que réside toute l’ambivalence du Nyiragongo : celui qui apparaît comme l’un des plus beaux spectacles de l’activité volcanique terrestre pour certains est synonyme de mort et de dévastation pour d’autres.

    RETENEZ


    • Le volcan Nyiragongo en République Démocratique du Congo recense le plus grand lac de lave au monde.
    • Les coulées de lave du volcan sont particulièrement fluides car elle sont pauvres en silice.
    • Le Nyiragongo représente un risque volcanique majeur pour la ville de Goma, la plus peuplée du pays.
    • Le Kivu, situé au pied du volcan, est l’un des lacs les plus dangereux du monde. Il contient des gaz toxiques qui peuvent s’échapper de ses eaux profondes.

    1.
    Futura [En ligne]. Sacco L. Nyiragongo : une catastrophe imminente avec des milliers de morts ?; [cité le 19 janv 2023]. Disponible: https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/volcan-nyiragongo-catastrophe-imminente-milliers-morts-87569/
    1.
    Smithsonian Institution | Global Volcanism Program [En ligne]. Global Volcanism Program | Nyiragongo; [cité le 19 janv 2023]. Disponible: https://volcano.si.edu/volcano.cfm?vn=223030
    1.
    National Geographic [En ligne]. @NatGeoFrance. Le Nyiragongo, volcan le plus dangereux d’Afrique, est entré en éruption; 26 mai 2021 [cité le 19 janv 2023]. Disponible: https://www.nationalgeographic.fr/sciences/le-nyiragongo-volcan-le-plus-dangereux-dafrique-est-entre-en-eruption
    1.
    Detay M. Le Nyiragongo : volcan de tous les dangers et maîtrise des risques. [cité le 19 janv 2023]; Disponible: https://www.academia.edu/7296346/Le_Nyiragongo_volcan_de_tous_les_dangers_et_ma%C3%AEtrise_des_risques
    1.
    Chazot G. La belle histoire des merveilles de la terre [En ligne]. De Boeck Supérieur; 2020. 320 p. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329119-la-belle-histoire-des-merveilles-de-la-terre

    Mégafeux et Réchauffement Climatique : Quand la Planète Brûle

    Vous avez sans doute encore en mémoire les images impressionnantes des incendies hors normes et dévastateurs qui ont ravagé l’Australie en 2019-2020 ? Depuis quelques années, les mégafeux se multiplient partout sur la planète : Grèce, bassin du Congo, Californie, Amazonie, Sibérie, etc. Ils représentent seulement 3 % des incendies, mais ils sont à l’origine de 50 % des surfaces brûlées dans le monde. La saison des feux de l’année 2022 aura marqué le continent européen. En France, plus de 62 000 hectares sont partis en fumée, soit 7 fois plus que la moyenne (calculée sur la période 2006-2021) selon le Système Européen d’Information sur les Feux de Forêt (EFFIS). Mais comment définir ces feux extrêmes ? Quel lien établir entre les mégafeux et le réchauffement climatique ? Faisons le point sur la question dans la suite de cet article.

    Les caractéristiques d’un mégafeu

    Une définition controversée

    Les feux de forêt figurent parmi les trois menaces imminentes pour l’humanité d’après l’édition 2022 du rapport Frontières publié par le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE). Le terme megafire (en anglais) apparaît en 2013 dans un rapport écrit par Jerry Williams, responsable du service américain des forêts. Dans l’Hexagone, c’est la philosophe Joëlle Zask qui vulgarise l’appellation « mégafeux » dans son ouvrage Quand la forêt brûle (2019). Mais il n’existe pas de véritable définition scientifique. Si le mot est employé par les médias de manière abusive ou erronée, les chercheurs ne sont pas unanimes sur la signification du concept. Ils s’accordent cependant sur le caractère incontrôlable et extrême de ces incendies.

    Des incendies aux spécificités propres

    Bien que la définition ne fasse pas consensus, certaines caractéristiques communes peuvent néanmoins permettre de mieux cerner ces feux hors normes :

    • vitesse de propagation supérieure à 50 m/min ;
    • vastes superficies brûlées ;
    • comportement imprévisible et indomptable ;
    • longue durée (des semaines, voire des mois) ;
    • températures très élevées (plusieurs centaines de degrés) empêchant les pompiers de maîtriser les brasiers ;
    • distance de dissémination dépassant 1 km ;
    • phénomène d’autoalimentation : formation de nuages chargés d’électricité pouvant engendrer des éclairs et de la foudre ; 
    • conséquences environnementales, sociales et économiques majeures ;
    • apparition sur tous les continents, même à proximité du cercle polaire. 

    Ces incendies extrêmes peuvent aussi créer des tornades de feu. Mais comment naissent ces tourbillons ? L’écart entre les températures de l’air et du sol doit être important. Attisées par les vents, les flammes s’élèvent alors vers le ciel, s’enroulent les unes autour des autres et tournoient à une vitesse spectaculaire. L’oxygène entourant le cœur incandescent augmente l’intensité du phénomène. Particulièrement redoutables, ces vortex peuvent à tout moment se détacher et surprendre les soldats du feu.

    Mégafeux et réchauffement climatique : vers une multiplication du phénomène

    Les mégafeux et le réchauffement climatique constituent des phénomènes qui vont de pair. En effet, le déclenchement de ces incendies hors normes dépend bien souvent de conditions météorologiques extrêmes. Des régions situées à des latitudes plus septentrionales et jusque-là épargnées comme l’Alaska ou la Sibérie sont à présent touchées. Mais c’est avant tout la combinaison de multiples facteurs qui explique la recrudescence de ces catastrophes dites « naturelles ».

    Des conditions météorologiques extrêmes

    Les mégafeux sont favorisés par de fortes chaleurs associées à des sécheresses intenses de plus en plus fréquentes. Lorsque les températures sont élevées et l’humidité faible, le sol et la végétation s’assèchent et libèrent des vapeurs inflammables

    L’absence de précipitations constitue aussi un facteur aggravant. Si les plantes manquent d’eau, elles sont soumises à un important stress hydrique, et peuvent donc s’embraser plus rapidement. Tous ces facteurs réunis renforcent la probabilité de voir se produire un incendie de grande intensité. Ces phénomènes météorologiques démesurés ont augmenté d’environ 20 % depuis les années 1970 et la tendance devrait se dégrader :

    • En Californie, sur les 10 incendies les plus extrêmes recensés depuis 1932 par Cal Fire, une agence publique de lutte contre les feux, 6 se sont déclenchés après août 2020.
    • En Sibérie, les périodes de canicule se succèdent depuis 2019 et les mégafeux ravagent les forêts. Le mercure a même frôlé les 50 °C dans la ville de Verkhoïansk en juin 2021, un record !
    • En France, de la Gironde à la Bretagne, des incendies hors normes ont détruit des milliers d’hectares durant l’été 2022. Ils sont concomitants de trois vagues de chaleur et d’une phase de sécheresse historique
    Image satellite montrant des feux de forêt en Sibérie.
    Cette image satellite prise par la mission Copernicus Sentinel-2 montre un feu de forêt dans la République de Sakha, en Sibérie, le 25 juillet 2021. L’image a été traitée à l’aide de la bande infrarouge à ondes courtes pour identifier les incendies actifs. De gros nuages ​​de fumée peuvent être vus soufflant vers le sud-est, tandis que les zones brûlées sont visibles en brun foncé. Crédit photo : Agence spatiale européenne, CC-BY-SA-3.0-IGO, via Wikimedia Commons.

    Le rôle du combustible 

    Le type et l’état de la végétation sont également à prendre en compte pour comprendre comment démarre un incendie :

    • Une forêt tropicale humide comme l’Amazonie, victime de déforestation et de sécheresses fréquentes, accumule du combustible inflammable. Lorsque ce type de forêts n’est pas perturbé, le couvert végétal reste humide et le feu se propage moins vite et moins loin.
    • Une forêt sèche est davantage consumable, mais se régénère plus rapidement après un incendie. C’est par exemple le cas des forêts d’eucalyptus en Australie. Mais si les mégafeux s’intensifient, les écosystèmes risquent toutefois de se reconstituer difficilement. 
    Vue aérienne panoramique montrant des zones brûlées dans la forêt amazonienne.
    Vue aérienne panoramique de zones brûlées et d’arbres coupés dans la forêt amazonienne, au Brésil. Crédit photo : Shutterstock.

    Le facteur anthropique

    Dans plus de 90 % des cas, les départs de feux sont dus à l’Homme. L’allumage peut être accidentel (mégots de cigarette, barbecues, étincelles) ou volontaire (activités agricoles, spéculation foncière, criminel). D’autres facteurs humains expliquent l’intensification du risque incendie :

    • L’étalement urbain et la croissance démographique. Ils renforcent la vulnérabilité des individus et accroissent les mises à feu fortuites.
    • La mauvaise gestion des forêts. Avec l’exode rural, les étendues boisées sont moins exploitées et leur superficie augmente. Les végétaux morts s’accumulent alors dans les sous-bois et s’embrasent plus facilement.
    • L’industrie forestière. Les monocultures sont davantage exposées au risque incendie. Constituées d’une seule essence d’arbres (comme les pins dans les Landes), les forêts s’enflamment plus rapidement.   

    L’Homme intervient aussi dans la relation complexe entre les mégafeux et le réchauffement climatique. En effet, le premier volet du sixième rapport du GIEC (Groupe d’Experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat) publié en août 2021 est catégorique : les activités humaines jouent un rôle incontestable dans les modifications récentes du climat, et donc dans la multiplication des catastrophes naturelles.  

    Les phénomènes climatiques et atmosphériques

    Les mégafeux peuvent aussi résulter de fortes anomalies de circulation atmosphérique, à grande échelle.

    Le phénomène El Niño

    El Niño désigne un phénomène climatique et océanographique caractérisé par des températures anormalement chaudes le long des côtes du Pérou et de l’Équateur. Il entraîne de fortes perturbations dans différentes régions du monde.

    En 2015, une période de sécheresse particulièrement longue et intense a touché l’ouest du Pacifique. Ajoutée à une déforestation massive, elle a favorisé le déclenchement de grands feux de forêt dans les îles de Kalimantan et de Sumatra, en Indonésie.

    Le phénomène El Niño et son impact mondial.
    Impact mondial du phénomène El Niño entre décembre et février. Crédit photo : NOAA NWS/NCEP Climate Prediction Center, via Wikimedia Commons.

    Le Dipôle de l’océan Indien et l’Oscillation Antarctique

    La rencontre de deux phénomènes atmosphériques a créé des conditions climatiques extrêmes en Australie, durant l’été austral 2019-2020.  

    Le Dipôle de l’océan Indien 

    Le Dipôle de l’océan Indien correspond à une interaction entre l’océan et l’atmosphère caractérisée par une oscillation des températures de surface de l’océan Indien entre sa partie ouest et est.

    Lorsque l’oscillation de ce phénomène devient positive, les températures de la surface de l’eau sont supérieures à la moyenne à l’ouest et inférieures à l’est. Cette phase a connu une ampleur exceptionnelle en Australie au cours de l’année 2019, engendrant une terrible sécheresse.

    L’Oscillation Antarctique 

    L’Oscillation Antarctique désigne une variation de la pression entre l’Antarctique et le sud de l’Océanie. Ce phénomène se trouvait dans sa phase négative en 2019. Apportant l’air chaud et sec du désert vers le littoral, au sud-est, il a provoqué une diminution des précipitations dans cette partie de l’Australie durant la période estivale.

    Quelle conséquence ? Les États de la Nouvelle-Galles du Sud et du Victoria sont devenus la cible de feux de forêt démesurés.

    Focus sur les feux de brousse du « Black Summer » de 2019-2020 en Australie

    La saison des feux 2019-2020, qualifiée de Black Summer (« Été Noir ») en Australie, a marqué la planète entière. Si le pays a toujours été en proie aux flammes, le nombre de mégafeux a fortement augmenté au cours de ces 20 dernières années : 32 incendies de végétation majeurs de 2000 à 2020 contre seulement 26 entre le milieu du XIXe et le début du XXIe siècle. Comment expliquer cette intensification ? Quels impacts sur la population et les écosystèmes ?

    Des causes multiples

    Si la relation entre les mégafeux et le réchauffement climatique demeure indiscutable, c’est surtout l’accumulation de différents facteurs qui amplifie le risque :

    • des conditions météorologiques inhabituelles : sécheresse intense, températures élevées et pluviométrie en baisse ;
    • des zones urbaines plus proches des espaces naturels combustibles ;
    • un mépris des savoirs aborigènes en matière de gestion des forêts et de compréhension des écosystèmes ;
    • un manque d’entretien des surfaces boisées, une absence de débroussaillage et la présence de monocultures forestières.

    Un bilan très lourd

    Au cours de ce terrible été austral, de nombreux records ont été enregistrés : 

    • 19 millions d’hectares ravagés, soit presque le tiers de la superficie de la France ;
    • 15 000 incendies recensés ;
    • 200 feux déclenchés en même temps ;
    • 1 milliard d’animaux morts, dont 60 000 koalas ;
    • 400 millions de tonnes de CO2 rejetées dans l’atmosphère ;
    • 5 milliards de dollars de pertes estimées.

    Les fumées sont même montées jusqu’à 35 km d’altitude et ont atteint la stratosphère !

    Les mégafeux et le réchauffement climatique sont indissociables.

    Les impacts de ces incendies hors normes

    Sur la biodiversité

    Sur le plan environnemental, les mégafeux constituent une menace pour la biodiversité, laissant derrière eux des terres stériles et carbonisées. Une fois la catastrophe passée, les animaux doivent lutter pour survivre : leurs abris sont partis en fumée et la nourriture manque. Les espèces se déplaçant lentement comme les amphibiens, les reptiles et les invertébrés subissent de plein fouet ces incendies dévastateurs.

    Kangourous après un feu de forêt en Australie en novembre 2020.
    Deux kangourous après un incendie, Iluka, Nouvelle-Galles du Sud, Australie, 29 novembre 2020. Crédit photo : Shutterstock.

    Une sécheresse extrême s’est abattue sur l’Amérique du Sud en 2020, entraînant des milliers de départs de feu dans le Pantanal, l’une des plus vastes zones humides de la planète. Entre janvier et août 2020, le nombre total d’incendies recensés en Amazonie a été 39 % plus élevé que la moyenne des dix années précédentes d’après le Fonds Mondial pour la Nature (WWF).

    Rappelons toutefois que lorsque les feux de forêt sont contenus, ils participent au bon fonctionnement des écosystèmes : cycle des nutriments et renouvellement de l’habitat.

    Sur la santé et la qualité de l’air

    Les mégafeux émettent dans l’atmosphère des quantités importantes de particules fines (PM2.5) considérées cancérigènes selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Mais même à de faibles niveaux de concentration, une exposition à la pollution atmosphérique sur la longue durée peut provoquer le développement de maladies respiratoires et cardiovasculaires. Cette dégradation de la qualité de l’air serait responsable de 339 000 décès par an.

    Sur la quantité de CO2 émise dans l’atmosphère

    Les incendies hors normes dégagent des quantités de CO2 considérables. En juillet et août 2021, à l’échelle mondiale, ils auraient libéré 2,5 gigatonnes de dioxyde de carbone, soit l’équivalent de ce qu’émet l’Inde chaque année. En Europe, les violents feux de forêt de l’été 2022 en auraient émis 6,4 mégatonnes. Ce niveau n’avait pas été atteint depuis 2007 d’après le programme européen Copernicus.

    Panaches de fumée provoqués par le mégafeu Carr Fire en Californie.
    Panaches de fumée du Carr Fire, un mégafeu californien, 2018. Crédit photo : Bureau of Land Management California, via Wikimedia Commons.

    À long terme, cette pollution atmosphérique pourrait avoir un impact sur le climat, tout comme les éruptions volcaniques. Mais l’ampleur du phénomène est toujours à l’étude et reste pour l’instant hypothétique. En effet, les répercussions des feux de forêt ne sont pas encore suffisamment intégrées dans les modèles servant à prévoir l’évolution du climat.  

     

    Alors, quel lien entre les mégafeux et le réchauffement climatique ? L’augmentation des températures et l’intensité des périodes de sécheresse favorisent le déclenchement de feux extrêmes. Ces incendies, en libérant dans l’atmosphère de grandes quantités de CO2 et en réduisant les superficies forestières, aggravent le réchauffement climatique. Les scientifiques utilisent l’expression « boucle de rétroaction positive » pour parler de cet effet boule de neige. Deux solutions permettront de diminuer le nombre de mégafeux : une meilleure gestion des forêts, mais surtout la lutte contre le changement climatique.

     

    RETENEZ


    • La fréquence des mégafeux et le réchauffement climatique sont liés.
    • Depuis quelques années, les mégafeux se multiplient partout sur la planète en raison de la hausse des températures mondiales.
    • Dans plus de 90 % des cas, les départs de feux sont dus à l’Homme.

    1.
    Premier Parallèle [En ligne]. Zask J. Quand la forêt brûle :: Premier Parallele; [cité le 7 janv 2023]. Disponible: http://www.premierparallele.fr/livre/quand-la-foret-brule
    1.
    Gall AL. Feux de brousse de 2019-2020 : l’évolution de la vulnérabilité des populations du Victoria face aux mégafeux. Approche comparative sur deux sites côtiers. 13 juin 2022 [cité le 7 janv 2023];102. Disponible: https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-03891606
    1.
    Géoconfluences [En ligne]. El Niño (ENSO) — Géoconfluences; [cité le 7 janv 2023]. Disponible: http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/el-nino
    1.
    INSU, CNRS [En ligne]. Les mégafeux sont-ils liés au changement climatique ? | INSU; [cité le 7 janv 2023]. Disponible: https://www.insu.cnrs.fr/fr/megafeux-et-changement-climatique
    1.
    Institut des Risques Majeurs [En ligne]. Mégafeux : ces incendies que l’homme ne maitrise plus; [cité le 7 janv 2023]. Disponible: http://www.irma-grenoble.com/01actualite/01articles_afficher.php?id_actualite=725
    1.
    The Conversation [En ligne]. Voulgarakis A, Kasoar M. Des données inédites sur les interactions entre les mégafeux et le phénomène El Niño; [cité le 7 janv 2023]. Disponible: http://theconversation.com/des-donnees-inedites-sur-les-interactions-entre-les-megafeux-et-le-phenomene-el-nino-187411

    Le Parc National des Volcans d’Hawaï : un Espace Naturel Protégé au Cœur du Pacifique

    2

    L’archipel d’Hawaï fait partie des territoires les plus reculés et sauvages de la planète. Situé en plein cœur de l’océan Pacifique, il fut découvert en 1778 par le célèbre explorateur James Cook. Son nom vient de la plus vaste de ses îles, plus connue sous la désignation de Big Island. Remarquable à bien des égards, elle abrite le Parc national des volcans d’Hawaï, un site naturel inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. Sur ce territoire insulaire trônent deux des édifices volcaniques les plus actifs du globe : le Mauna Loa et le Kīlauea. Les visiteurs s’aventurant dans ce parc ne pourront que s’émerveiller devant ses richesses géologiques et sa surprenante biodiversité. Mais quelles sont les particularités de cet espace géographique protégé tant apprécié des scientifiques et des amateurs de nature ? En route pour une exploration de ce sanctuaire forgé par le feu et l’eau !

    Les caractéristiques géologiques de Big Island

    Le « point chaud » d’Hawaï

    La formation des îles hawaïennes, et notamment de Big Island, constitue un phénomène qui a longtemps laissé les scientifiques perplexes. Aujourd’hui, les géologues savent que cet archipel a été façonné par un volcanisme de « point chaud ». Ce processus correspond à une effusion de magma provenant du manteau terrestre qui remonte vers la surface et finit par perforer la croûte océanique. Lorsque cette matière en fusion s’épanche sur les fonds marins, un volcan se forme. Ce n’est qu’après plusieurs milliers d’années d’éruptions successives que cet édifice subaquatique pourra émerger et créer un îlot volcanique.

    La chaîne des volcans d’Hawaï, orientée nord-ouest/sud-est, s’étend sur près de 3500 km. Tandis que le « point chaud » reste fixe, la plaque tectonique pacifique se déplace d’environ 10 cm par an. Ainsi, les volcans qui ne se trouvent plus au-dessus de cette remontée de magma finissent par s’éteindre. Les îles volcaniques les plus éloignées de cet épanchement de roche en fusion, comme Niihau, Kauai, Oahu, Molokai et Maui, sont les plus anciennes. Big Island demeure donc la plus récente, puisqu’elle se situe actuellement à l’aplomb du « point chaud ».

    Carte représentant l'archipel d'Hawaï et son « point chaud ».
    L’archipel d’Hawaï et son « point chaud » (en rouge). Crédit photo : Mapbliss, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

    Le processus de création de la Grande Île d’Hawaï

    La Grande Île d’Hawaï s’est construite à partir de la formation de cinq volcans-boucliers de type effusif, caractérisés par d’abondantes coulées de lave fluide :

    • le Kohala, aujourd’hui éteint ;
    • le Mauna Kea, endormi depuis près de 6000 ans ;
    • le Hualālai, encore en activité ;
    • le Mauna Loa et le Kīlauea, tous deux actifs et situés dans le Parc national des volcans d’Hawaï.
    Carte figurant la topographie de Big Island.
    Carte topographique de Big Island. Crédit photo : Sémhur, CC-BY-SA-3.0, via Wikimedia Commons

    Les volcans-boucliers de Big Island, caractérisés par une forme conique et plate, ont traversé les 4 phases suivantes :

    1. création de l’édifice volcanique grâce une accumulation de pillow-lavas (laves en coussins) sur le fond océanique ;
    2. construction d’un bouclier basaltique sous-marin qui finit par atteindre le niveau de la mer en raison d’éruptions massives et fréquentes ;
    3. glissements de terrain importants se manifestant par des éboulements et des avalanches de débris ;
    4. remplissage de la caldeira (vaste dépression de forme circulaire située au sommet d’un volcan) et des flancs supérieurs par des cônes de scories.

    Le Parc national des volcans d’Hawaï : un site unique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO

    Inscrit en 1987 au patrimoine mondial de l’UNESCO, le Parc national des volcans d’Hawaï couvre aujourd’hui près de 135 000 hectares. Cet espace naturel constitue un véritable laboratoire d’observation de la formation d’une île volcanique par des mécanismes géologiques encore en cours. Les volcans emblématiques de Big Island, le Mauna Loa et le Kīlauea, figurent parmi les édifices volcaniques les plus actifs et accessibles du globe.

    Le Mauna Loa : le volcan subaérien le plus haut du monde

    Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Everest ne constitue pas la formation géologique la plus élevée du monde. Si l’on mesure le Mauna Loa (la « Grande Montagne ») depuis la base du plancher océanique, il frôle en effet les 17 000 mètres d’altitude. Les scientifiques s’accordent donc sur le fait qu’il représente le volcan subaérien le plus élevé et le plus étendu sur Terre.

    Image satellite montrant le volcan Mauna Loa dans le Parc national des volcans d'Hawaï.
    Vue satellite du volcan Mauna Loa. Crédit photo : Axelspace Corporation, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

    Cet édifice volcanique reste aussi l’un des plus actifs de la planète. Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, il a connu près de 40 éruptions. La plus dévastatrice demeure sans conteste celle de 1984, qui a manqué d’ensevelir la ville de Hilo.

    Le Mauna Loa présente une vaste caldeira sommitale, appelée Mokuaweoweo, flanquée de deux cratères au nord et au sud. Ce géant de feu redouté par la population de Big Island se caractérise aussi par un paysage façonné par des coulées de lave pāhoehoe (terme hawaïen), ou laves cordées.

    Les randonneurs aguerris pourront gravir ses pentes et parcourir ses spectaculaires champs de lave solidifiée. Ils s’étonneront également de pouvoir traverser des zones peuplées par une végétation luxuriante avant d’accéder à un sommet fréquemment enneigé en hiver, comme celui du mont Fuji au Japon.

    Le Kīlauea : un édifice volcanique hyperactif

    Le Kīlauea, qui culmine à une altitude de 1222 m, occupe la zone sud-est du Parc national des volcans d’Hawaï. Situé sur le flanc oriental du Mauna Loa, il a longtemps été considéré comme l’un de ses cratères secondaires. Les recherches menées par les volcanologues durant les dernières décennies ont toutefois démontré qu’il possédait sa propre chambre magmatique. Sa partie immergée s’étend sur plus de 60 km en dessous du niveau de la mer.

    Ce volcan reste le plus actif du globe. La plus longue de ses éruptions s’est déroulée entre 1983 et 2018. D’importantes coulées de lave ont ainsi recouvert une surface d’environ 100 km2, dévasté de nombreuses habitations et agrandi le littoral de Big Island.

    De 2008 à 2018, les visiteurs du parc ont pu observer les remontées de magma et l’impressionnant panache de fumée se dégageant de son cratère principal, le Halemaumau. D’après une légende hawaïenne, la déesse du feu Pélé y aurait établi sa résidence. Les voyageurs les plus téméraires ont également pu s’approcher du puissant flot de lave se déversant en continu dans l’océan Pacifique.

    L’activité volcanique du Kīlauea demeure moins intense aujourd’hui. Les passionnés de randonnée et de volcanologie pourront ainsi s’aventurer librement sur le célèbre trail descendant dans son petit cratère, le Kīlauea Iki.

    Focus sur quelques surprenantes formations géologiques

    Le Parc national des volcans d’Hawaï regorge de formations géologiques surprenantes. Les plus marquantes sont de toute évidence le tunnel de lave Thurston, les cheveux et les larmes de Pélé ainsi que les arbres de lave.

    Le tunnel de lave Thurston

    Le tunnel de lave Thurston, localisé sur le flanc est du Kīlauea, demeure une curiosité à ne pas manquer. On y accède après une courte marche à travers une forêt tropicale peuplée de fougères arborescentes.

    Cette galerie souterraine s’est constituée à partir d’une coulée de lave pāhoehoe dont la croûte supérieure s’est solidifiée et a créé un toit. Une fois l’alimentation en magma tarie, un tunnel s’est formé. Daté d’environ 500 ans, il a été découvert en 1913 par le journaliste hawaïen Lorrin Thurston.

    Photographie montrant l'intérieur du tunnel de lave Thurston à Big Island.
    Vue de l’intérieur du tunnel de lave Thurston. Crédit photo : Frank Schulenburg, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

    Les visiteurs s’aventurant dans le Parc national des volcans d’Hawaï ne pourront que s’émerveiller devant ses richesses géologiques et sa surprenante biodiversité.

    Les cheveux et les larmes de Pélé

    Autres curiosités facilement observables aux abords du Kīlauea : les cheveux et les larmes de Pélé. Les cheveux de Pélé se présentent sous la forme de longs filaments de couleur dorée. Il s’agit de roches volcaniques, aussi appelées obsidiennes capillaires, qui se créent à partir de gouttelettes de lave très fluide s’étirant sous l’action du vent. Ces fibres de verre volcaniques, extrêmement tranchantes, forment parfois des tapis de plusieurs centimètres d’épaisseur.

    Vue montrant un tapis de cheveux de Pélé près du cratère Halemaumau à Hawaï.
    Cheveux de Pélé recouvrant une vaste zone située près du cratère Halemaumau. Crédit photo : Wikimedia Commons

    Lorsque la lave se révèle trop visqueuse ou que le vent ne se montre pas assez puissant, certaines gouttelettes ne se distendent pas complètement. Les filaments ainsi créés se terminent par des petites sphères de couleur noire nommées larmes de Pélé.

    Échantillon montrant quatre larmes de Pélé récoltées dans le Parc national des volcans d'Hawaï.
    Larmes de Pélé ramassées dans le Parc national des volcans d’Hawaï. Crédit photo : James St. John, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

    Les moulages de troncs d’arbres

    Enfin, il n’est pas possible de quitter le Parc national des volcans d’Hawaï avant d’avoir pu admirer ses impressionnants moulages de troncs d’arbres. Mais comment se forment-ils ?

    Lors d’une éruption volcanique, il arrive que des coulées de lave fluide traversant une forêt se solidifient rapidement autour de la base des arbres. Les gaz libérés et l’humidité du bois constituent ensuite une couche isolante permettant aux troncs de se calciner lentement. Une fois les coulées de lave durcies et les arbres consumés, seuls leurs anciens emplacements subsistent.

    Vue d'une profonde cavité dans le sol constituant un moulage de tronc d'arbre à Hawaï.
    Un moulage de tronc d’arbre dans le parc d’État de Lava Tree à Hawaï. Crédit photo : Famartin, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons

    Au nord-ouest du cratère principal du Kīlauea, ces moulages prennent la forme de cavités plus ou moins profondes dans le sol. Ils représentent les témoins d’anciennes forêts se dressant jadis sur les flancs du volcan.

    La biodiversité endémique du parc volcanique hawaïen

    Situé à plus de 3800 km du continent le plus proche, l’archipel hawaïen constitue un véritable laboratoire du vivant, à l’instar des îles Galápagos. Plus de 90 % des espèces présentes sur ce territoire insulaire sont endémiques, c’est-à-dire qu’elles ne se rencontrent nulle part ailleurs sur la planète. Beaucoup demeurent toutefois menacées. C’est pour cette raison que le Parc national des volcans d’Hawaï a été désigné réserve de biosphère en 1980.

    Une végétation luxuriante en bordure des champs de lave

    Le parc volcanique de Big Island abrite de nombreuses espèces végétales qui se sont développées sur ses sols de lave fertiles. De la plaine côtière au sommet du Mauna Loa, le visiteur pourra cheminer à travers de luxuriantes forêts tropicales peuplées de fougères et d’arbres protégés.

    Les fougères ae, amau et hāpuu

    Les fougères font partie des premières plantes à avoir colonisé Hawaï. Arrivées sous la forme de spores transportées par le vent, elles ont rapidement pris racine aux abords des champs de lave solidifiée.

    La fougère ae constitue une espèce pionnière. Elle s’est accoutumée à son nouvel habitat en s’implantant dans les fissures des coulées de lave durcie.

    La plante amau se caractérise quant à elle par des frondes, c’est-à-dire des feuilles, de couleur rouge. Elle se rencontre notamment sur les flancs du Kīlauea et joue un rôle important dans le folklore local. Le nom du cratère principal de ce volcan, Halemaumau, signifie en effet « Maison de la fougère amau ».

    Une forêt de fougères arborescentes à Hawai.
    Une forêt de fougères hāpuu dans le Parc national des volcans d’Hawaï Crédit photo : Hermann Luyken, CC0 1.0, via Wikimedia Commons

    Les hāpuu restent les fougères arborescentes les plus grandes de l’île. Elles peuvent atteindre une hauteur d’environ 11 m. Deux variétés différentes peuvent être observées dans le Parc national des volcans d’Hawaï, près du sommet du Kīlauea.

    L’arbre ōhia lehua

    Le ōhia lehua représente l’arbre le plus emblématique d’Hawaï. Il s’est adapté à son environnement en développant une étonnante résistance au feu. En présence de gaz nocifs par exemple, cet arbre referme les pores de ses feuilles pour survivre.

    Sur les huit espèces peuplant l’archipel, quatre se rencontrent dans le parc, à proximité des coulées de lave les plus récentes. Les ōhia lehua sont facilement reconnaissables grâce à leurs fleurs de couleur rouge ou jaune orangé.

    Les fleurs rouges ōhia lehua à Hawai.
    Fleurs de l’arbre ōhia lehua. Crédit photo : David Eickhoff, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

    Une faune sauvage singulière

    Le Parc national des volcans d’Hawaï constitue également un refuge pour des espèces animales uniques au monde comme la bernache néné, le faucon io et la chauve-souris cendrée ōpeapea.

    La bernache néné, oiseau emblématique d’Hawaï

    La bernache néné se rencontre principalement sur les pentes des volcans Mauna Loa et Kīlauea. Cette espèce d’oie très rare descend vraisemblablement de la bernache du Canada. Elle s’en différencie par ses longues pattes à palmes réduites lui permettant de se déplacer sur les sols volcaniques.

    Lorsque le capitaine James Cook accosta sur Big Island, l’île était peuplée d’environ 25 000 spécimens. Les populations ont cependant fortement diminué à cause de la chasse et de l’introduction d’animaux prédateurs (chats, chiens, mangoustes, etc.). En 1952, il ne restait plus qu’une trentaine d’oiseaux.

    Deux bernaches néné dans l'herbe.
    Deux bernaches néné dans leur habitat naturel. Crédit photo : John et Karen Hollingsworth, U.S. Fish and Wildlife Service, domaine public, via Wikimedia Commons

    Depuis les années 1970, le personnel du parc a toutefois mis en place un programme de reproduction et de réintroduction des bernaches néné. Aujourd’hui, elles seraient environ 1000 à l’état sauvage.

    Le faucon io

    Le faucon io est un oiseau de proie originaire d’Hawaï. Aujourd’hui, il se rencontre uniquement sur Big Island. Ce rapace a été inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition aux États-Unis jusqu’en 2020. Depuis, les populations augmentent à nouveau et semblent se stabiliser.

    Un faucon hawaïen sur une branche.
    Le faucon hawaïen. Crédit photo : cliff1066, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

    Le io se nourrit principalement de petits ravageurs, rendant ainsi un fier service à Big Island. On pourra facilement l’observer en vol au-dessus du sommet du Kīlauea et le long de la route menant au Mauna Loa.

    La chauve-souris cendrée hawaïenne

    La chauve-souris cendrée ōpeapea est arrivée de ses propres ailes dans l’archipel volcanique, il y a 10 000 ans environ. Descendant sans doute d’une espèce résidant en Amérique du Nord, elle représente le seul mammifère terrestre natif d’Hawaï. Elle fait partie des animaux hawaïens les plus menacés. Contrairement à la croyance populaire, cette chauve-souris ne vit pas dans les tunnels de lave ou les grottes. Elle niche dans les feuillages des grands arbres de la forêt tropicale.

    Le Parc national des volcans d’Hawaï constitue un espace naturel unique au monde. Son paysage volcanique conserve les traces de son histoire mouvementée depuis sa formation jusqu’à nos jours. Les passionnés de géologie et d’étendues sauvages pourront facilement gravir les douces pentes de ses impressionnants volcans. Aux abords des champs de lave, ils y découvriront également un paradis végétal peuplé d’une faune endémique protégée, comme dans le parc de Phong Nha-Ke Bang au Vietnam.

     

    RETENEZ


    • Le Parc national des volcans d’Hawaï est un site naturel classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987.
    • Il constitue un véritable laboratoire d’observation de la formation d’une île volcanique par des processus géologiques encore en cours.
    • Ses impressionnants volcans, le Mauna Loa et le Kīlauea, font partie des édifices volcaniques les plus actifs de la planète.
    • Le Parc national des volcans d’Hawaï abrite une biodiversité endémique qu’il convient de préserver.

    1.
    DELANO T. Volcans. Epa. [En ligne]. 2021 [cité le 9 sept 2022]. 336 p. Disponible: https://www.editionsepa.fr/epa/nature-et-animaux/volcans-9782376711681
    1.
    Smithsonian Institution | Global Volcanism Program [En ligne]. Global Volcanism Program | Mauna Loa; [cité le 30 déc 2022]. Disponible: https://volcano.si.edu/volcano.cfm?vn=332020
    1.
    Smithsonian Institution | Global Volcanism Program [En ligne]. Global Volcanism Program | Kīlauea; [cité le 30 déc 2022]. Disponible: https://volcano.si.edu/volcano.cfm?vn=332010
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Parc national des volcans d’Hawai; [cité le 30 déc 2022]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/409/
    1.
    National Park Service [En ligne]. Park MAPOB 52 HN, Us H 96718 P 808 985 6011 C. Hawaiʻi Volcanoes National Park (U.S. National Park Service); [cité le 30 déc 2022]. Disponible: https://www.nps.gov/havo/index.htm
    1.
    Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis E. KILAUEA; [cité le 30 déc 2022]. Disponible: https://www.universalis.fr/encyclopedie/kilauea/
    1.
    Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis E. HAWAII; [cité le 30 déc 2022]. Disponible: https://www.universalis.fr/encyclopedie/hawaii/
    1.
    Collectif. Sanctuaires sauvages: les plus beaux sites naturels de l’UNESCO [En ligne]. Chamalières : Artémis éditions; 2018. Disponible: https://www.editions-artemis.com/beauxlivres/2690-9782816014198-sanctuaires-sauvages-les-plus-beaux-sites-naturels-de-l-unesco.html

    Qu’est-ce qu’une Nuée Ardente ?

    Qu’appelle-t-on une nuée ardente ou coulée pyroclastique ? Selon son étymologie, le mot « pyroclastique » est un terme constitué de deux locutions grecques : « pyro » qui veut dire feu et « clasto » qui signifie brisé. Que désigne-t-on ainsi ? Est-ce un genre d’incendie ? Pas tout à fait, ce nuage incandescent se forme sur les volcans en éruption, mais pas n’importe lesquels. Découvrons ensemble comment se forment les nuées ardentes, leur composition et les dangers qu’elles représentent pour les sociétés humaines. 

    Les nuées ardentes : un nuage de cendres à très haute température

    Les volcanologues distinguent deux types d’éruptions volcaniques :

    • Effusives : de la lave fluide s’épanche sur les flancs du volcan depuis le cratère principal ou des évents secondaires. 
    • Explosives : il s’agit d’un mélange très chaud de gaz toxiques et de particules solides qui s’échappent du volcan à la suite d’une déflagration. Leur température est comprise entre 300 et 800 °C.

    Les coulées pyroclastiques font partie de la famille des nuées ardentes. Elles surviennent généralement durant les phases explosives. Cependant, au lieu de s’élever, ce mélange très dense dévale les versants du volcan, telle une avalanche. Elles peuvent se mouvoir de quelques dizaines à plusieurs centaines de mètres par seconde. Cette variation dépend de leur composition. Turbulentes, voire violentes, elles se déplacent à très grande vitesse lorsqu’elles sont chargées en particules légères comme les cendres. Les volcanologues les nomment des déferlantes pyroclastiques

    Si en revanche elles sont formées de débris plus grossiers, elles dévalent les pentes plus lentement et couvrent un terrain moins important autour du cratère. On les nomme dans ces circonstances des coulées pyroclastiques

    Colonne de cendres et une nuée ardente sur l'Etna en Italie.
    Une nuée ardente sur les flancs de l’Etna, le plus grand volcan actif d’Europe. Crédit photo : Adobe Stock

    Les éruptions explosives : un magma très visqueux

    La formation des nuées ardentes dépend de la viscosité du magma qui alimente le volcan. Le magma est composé de roches en fusion et de gaz. Lorsque sa teneur en silice est très élevée, il se présente sous une forme plus visqueuse. Les gaz contenus dans ce magma épais restent prisonniers, ils n’arrivent pas à s’échapper. Celui-ci a alors du mal à se frayer un passage jusqu’au sommet du volcan. Il va alors s’accumuler dans la chambre magmatique ou la cheminée du volcan. La pression va augmenter sous le volcan, à l’image d’une cocotte-minute, jusqu’à faire céder progressivement la roche volcanique. De nombreuses fissures et failles s’ouvrent progressivement dans les entrailles du volcan, souvent à proximité de la bouche du cratère. Quand la pression devient trop forte, une explosion se produit.

    Lors de l’explosion, deux phénomènes peuvent se produire : une colonne éruptive et/ou une nuée ardente. Les deux phénomènes peuvent se succéder. Les nuages de cendres s’élèvent dans les airs. Ils sont constitués de gaz volcaniques et de fragments de lave solidifiés que l’on nomme des téphras. Cette structure peut se transformer en coulée pyroclastique dès lors que la combinaison de gaz et de particules solides devient plus dense que l’atmosphère qu’il traverse. Le nuage de cendres s’effondre alors sous son propre poids. On parle d’effondrement de la colonne. Le mélange d’air et de gaz va alors dévaler les pentes du volcan à vive allure : il se produit une nuée ardente. 

    Les coulées pyroclastiques sont des nuages de cendres et de débris à haute température qui se déplacent à vive allure le long des flancs d’un volcan.

    Les coulées pyroclastiques : un dangereux aléa naturel

    La formation des nuées ardentes résulte de facteurs difficilement prévisibles. À titre d’exemple, le 30 mai 1991 au Japon, le mont Uzen fit quarante et une victimes dont deux volcanologues français : Maurice et Katia Krafft. Le volcan émettait jusqu’à trente cinq nuées ardentes par jour. Pour protéger la population, une zone de sécurité fut donc délimitée. Le couple Krafft venu pour filmer les coulées pyroclastiques décida de se rendre dans une vallée pour tourner leurs images. Malheureusement, alors que les époux Krafft filmaient, une partie du cratère s’effondra. Une nuée ardente plus puissante que les précédentes se déclencha.

    Corps pétrifié par la nuée ardente ayant détruit Pompéi en 79 après J.C.
    Corps pétrifié de Pompéi suite à l’éruption du Vésuve en 79 après J.C. Crédit photo : Gina Fitzpatrick, Pexels

    Les coulées pyroclastiques responsables de la destruction des villes d’Herculanum et de Pompéi en l’an 79 après Jésus-Christ sont aussi très connues. Le 24 août, quatre nuées ardentes ont dévalé coup sur coup les flancs du Vésuve. La dernière, plus intense que les précédentes, a atteint la ville de Pompéi en pleine nuit. La population fut surprise dans son sommeil. L’empereur de l’époque, Titus, envoya très vite des secours sur place, mais il y eut très peu de rescapés. Il faudra attendre la construction du canal du Saro entre 1592 et 1600 pour que l’on redécouvre la ville ensevelie. Pourtant, ce ne sera qu’en 1748 que les premières véritables fouilles seront entreprises. Au total, 15 000 corps pétrifiés ont été retrouvés. Pour la ville d’Herculanum située au pied du Vésuve, le décès des habitants a été causé principalement par la chaleur des nuées ardentes. Cependant, pour ce qui est de Pompéi, les dernières recherches tendent à penser que la nuée ardente avait perdu en puissance et en température. Les résultats de simulations informatiques ont démontré qu’elle aurait stagné entre 17 et 20 minutes sur la ville. Ce serait sa densité en cendres et en gaz toxiques qui aurait entraîné le plus de morts en asphyxiant les victimes. 

    La ville de Pompéi au pied du Vésuve en Italie.
    Les vestiges de la ville de Pompéi au pied du Vésuve. Crédit photo : Adobe Stock.

    Aujourd’hui, de nombreux volcans de type explosif sont considérés comme « endormis » : leur activité ne semble pas visible à première vue. Les plus dangereux sont sous surveillance, à l’image du Vésuve en Italie dont la dernière éruption date de 1944. Le réveil du volcan napolitain menace 700 000 habitants dans la région de Naples. Un autre volcan assez célèbre est le mont Fuji sous son manteau de neige au Japon. Son explosion la plus récente a commencé en décembre 1707 et s’est terminée en février 1708.

    Plus la phase de sommeil d’un volcan est longue, plus les chances d’un réveil virulent augmentent. Avec l’augmentation de la densité de population, les zones à risque volcanique restent sous surveillance permanente afin de pouvoir évacuer les habitants à temps en cas d’éruption imminente.

    Les volcans et leurs nuées ardentes constituent des catastrophes naturelles assez difficiles à prévoir. Aujourd’hui, les volcanologues peuvent déceler une montée de magma sous le volcan et prévoir si une éruption est imminente. Les coulées pyroclastiques constituent avec les lahars les risques volcaniques majeurs.

     

    RETENEZ


    • Les coulées pyroclastiques sont des nuages de cendres et de débris à haute température qui se déplacent à vive allure sur les flancs d’un volcan.
    • Les nuées ardentes se forment sur les volcans explosifs.
    • Elles représentent un risque naturel majeur pour les sociétés humaines qui vivent à proximité des volcans.

    1.
    DELANO T. Volcans. Epa. [En ligne]. 2021 [cité le 9 sept 2022]. 336 p. Disponible: https://www.editionsepa.fr/epa/nature-et-animaux/volcans-9782376711681
    1.
    Lave-Volcans.com [En ligne]. L.A.V.E.: Fiche scientifique N°11 : Les nuées ardentes; [cité le 8 déc 2022]. Disponible: http://www.lave-volcans.com/fiches_science_11.html
    1.
    UVED - Mines Paris Tech.fr [En ligne]. UVED; [cité le 8 déc 2022]. Disponible: https://direns.mines-paristech.fr/Sites/ISIGE/uved/risques/2.1.1/html/3_2.html#3-2-1
    1.
    Smithsonian Institution, Venzke E. Volcanoes of the World, v. 4.3.4. Global Volcanism Program; 2013.
    1.
    Assemblée Nationale.fr [En ligne]. Rapport n°1540 sur les techniques de prévision et de prévention des risques naturels en France; [cité le 8 déc 2022]. Disponible: https://www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/risque/R1540-05.asp
    1.
    Geo.fr [En ligne]. Férard E. La nuée ardente du Vésuve aurait tué les habitants de Pompéi en moins de 20 minutes; 23 mars 2021 [cité le 8 déc 2022]. Disponible: https://www.geo.fr/histoire/la-nuee-ardente-du-vesuve-aurait-tue-les-habitants-de-pompei-en-moins-de-20-minutes-204157
    1.
    Futura [En ligne]. Futura. Définition | Écoulement pyroclastique - Coulée pyroclastique | Futura Planète; [cité le 8 déc 2022]. Disponible: https://www.futura-sciences.com/planete/definitions/structure-terre-ecoulement-pyroclastique-454/

    C’est Quoi le Pôle Nord Magnétique ?

    Le pôle Nord est un repère universel. Pour autant, le pôle Nord que le géographe indique sur ses cartes n’est pas le même que le Nord indiqué par l’aiguille d’une boussole. Comment différencie-t-on le pôle Nord géographique du pôle Nord magnétique ? Quelle est l’origine du champ magnétique ? Pourquoi et jusqu’où les pôles magnétiques se déplacent-t-ils ? Quelles sont les conséquences de ces déplacements ?

    Pôle Nord géographique et pôle Nord magnétique : quelle différence ?

    Dans le langage courant, le pôle Nord et le pôle Sud font référence aux pôles géographiques. Ainsi, le pôle Nord géographique correspond au point le plus au Nord de notre planète. Il représente l’intersection de l’axe de rotation de la Terre avec sa surface. Il s’agit d’un point fixe où se croisent les fuseaux horaires et les méridiens. Situé au milieu de l’Arctique, il correspond au nord indiqué sur les cartes.

    Il existe également des pôles magnétiques. Le pôle Nord magnétique est le point de convergence des lignes de force du champ magnétique qui entourent notre planète. Le champ magnétique terrestre y pointe vers le bas et c’est vers ce pôle Nord magnétique que l’aiguille aimantée d’une boussole s’aligne. Contrairement au pôle Nord géographique, le pôle Nord magnétique se déplace en permanence. Et pour comprendre ce phénomène, il faut revenir aux origines des pôles magnétiques.

    Le champ magnétique terrestre
    Les pôles magnétiques ne se situent pas au même endroit que les pôles géographiques. De plus, parfois les pôles magnétiques peuvent s’inverser. Crédit photo : ©Shutterstock, Par OSweetNature, Tous droits réservés.

    Origine du champ magnétique terrestre

    Le champ magnétique terrestre trouve son origine au centre de la Terre et plus précisément dans le noyau externe. Ce dernier est situé entre 2 885 km et 5 155 km de profondeur, entre le noyau interne, solide, et le manteau inférieur. Le noyau externe est un océan de métal liquide constitué, notamment, de fer et de nickel, et qui abrite des mouvements de convection.

    L’origine de cette convection pourrait être solutale, c’est-à-dire issue d’une variation de concentration, plutôt que thermique (variation de température). En effet, la concentration en fer-nickel du noyau externe n’est pas homogène. Au contact du noyau interne, constitué lui aussi d’un alliage fer-nickel, la cristallisation du fer et du nickel entraîne une augmentation de la concentration en éléments dissous à la base du noyau externe. Ces éléments dissous, plus légers que le fer et le nickel, engendrent une remontée du liquide métallique depuis la base du noyau externe vers le sommet. Ces mouvements, couplés à la force de Coriolis générée par la rotation de la Terre, sont à l’origine de mouvements de convection complexes qui affectent le noyau externe. Le fer étant un élément conducteur, la convection génère des courants électriques permanents dans le noyau externe. Ce sont ces courants électriques qui sont à l’origine du champ magnétique terrestre.

    Mouvements de convection au sein du noyau externe à l'origine du champ magnétique terrestre.
    Les mouvements de convection solutale présents dans le noyau terrestre externe, associés à la force de Coriolis dûe à la rotation de la Terre, sont à l’origine du champ magnétique terrestre. Crédit photo : A. Z. Colvin, via Wikimedia Commons.

    Les lignes du champ magnétique s’échappent du pôle Sud et suivent la courbure de la Terre jusqu’au pôle Nord où elles replongent vers le noyau. Toutes les lignes du champ magnétique situées au-dessus de 1000 km d’altitude constituent la magnétosphère.

    Les pôles magnétiques ont la bougeotte

    La dérive des pôles

    Le noyau externe de la Terre est en perpétuel mouvement et évolution. D’infimes variations de la température ou de la concentration du noyau déstabilisent le champ magnétique à intervalles réguliers. La position des pôles magnétiques n’est donc pas fixe.

    La première mesure de la position du pôle Nord magnétique remonte à 1831. Il se trouvait alors dans l’Arctique canadien. Depuis, il se déplace inlassablement vers l’est et la Sibérie. La vitesse de déplacement historique de 0 à 15 km/an a subi une accélération majeure entre les années 1990 et 2005. Depuis cette période, le pôle Nord magnétique se déplace de 50 à 60 km/an. Et depuis 2017, et alors qu’il se déplaçait jusqu’ici vers le Nord géographique, le pôle Nord magnétique se dirige désormais vers le Sud géographique.

    deplacement-champ-magnetique-terrestre
    Évolution de la position du pôle Nord magnétique au cours du temps : en bleu la position modélisée, en rouge la position mesurée. Crédit photo : Adobe Stock

    Les mouvements de convection du noyau externe de la Terre génèrent le champ magnétique terrestre, véritable bouclier protecteur pour notre planète et le vivant.

    Quand les pôles perdent le Nord : inversions et excursions

    Les déplacements du champ magnétique terrestre peuvent être les prémices d’un phénomène plus important : l’inversion. C’est un phénomène dont l’occurrence est bien connue des scientifiques. Plusieurs inversions se sont déjà produites et les chercheurs en ont retrouvé la signature dans des coulées volcaniques. Lorsqu’une coulée de lave s’épanche à la surface de notre planète, les minéraux magnétiques qu’elle contient (magnétites, oxydes de fer) s’orientent, comme l’aiguille d’une boussole, dans la direction du pôle Nord magnétique. En refroidissant, la roche fige définitivement cette orientation. Des coulées volcaniques vieilles de plusieurs millions d’années renferment ainsi des minéraux orientés vers le pôle Sud magnétique, soit en sens inverse du champ magnétique terrestre actuel. Ces observations, particulièrement visibles sur les laves des fonds océaniques, témoignent du phénomène d’inversion du champ magnétique terrestre. La dernière inversion, dite de Brunhes-Matuyama – du nom des géophysiciens français et japonais qui ont étudié le phénomène – aurait eu lieu il y a 780 000.

    Impression de la polarité du champ magnétique terrestre dans les laves constituant le plancher océanique.
    Le long des dorsales océaniques, les laves s’épanchent de part et d’autre des fissures qui laissent remonter le magma. Ces laves deviennent de plus en plus anciennes à mesure qu’elles s’éloignent de la dorsale (a : environ -5 millions d’années ; b : environ -3 ou -2 millions d’années, c : aujourd’hui). Lors de leur émission, elles impriment la polarité du champ magnétique ambiant qui règne alors sur Terre : en couleur, des laves à polarité magnétique normale (pôle Nord magnétique orienté vers le pôle Nord géographique), en blanc, des laves à polarité inverse (pôle Nord magnétique orienté vers le pôle Sud géographique). Crédit photo : Wikimedia Commons.

    L’inversion du champ magnétique est souvent associée à une baisse de son intensité. La fréquence des inversions est très variable. Ces 10 derniers millions d’années, le taux moyen d’inversion était de 4 à 5 inversions par millions d’années. Il y a 500 millions d’années en revanche, le taux aurait été cinq fois supérieur.

    Il arrive qu’une inversion ne s’installe pas durablement et que le champ rebascule rapidement vers sa position initiale. Ce phénomène est appelé une excursion. Les excursions sont plus fréquentes que ne le sont les inversions et durent moins longtemps. L’une des dernières excursions du champ magnétique terrestre date d’il y a environ 42 000 ans. Elle est connue sous le nom d’excursion de Laschamps, du nom d’un petit village du Massif Central où des laves datant de cette période ont enregistré une orientation du champ magnétique vers l’Antarctique. Si cette excursion est un épisode classique de la longue l’histoire du champ magnétique terrestre, elle est particulièrement connue des scientifiques pour les changements climatiques majeurs qu’elle aurait générés.

    Le champ magnétique est une bulle qui nous protège

    Le champ magnétique terrestre constitue un véritable bouclier qui protège notre planète des ondes et des particules néfastes qui proviennent de l’Univers. Son affaiblissement lors des périodes d’inversion ou d’excursion peut entraîner des conséquences dramatiques pour l’écosystème. Ainsi, une récente étude suggère que l’excursion de Laschamps serait à l’origine d’un endommagement de la couche d’ozone sous l’effet des particules solaires. Ces dernières sont d’ordinaire déviées vers les pôles par le champ magnétique terrestre. Lors de l’excursion de Laschamps, les rayonnements cosmiques auraient attaqué et aminci la couche d’ozone, laissant ainsi passer des quantités importantes d’ultraviolets (UV). Cette excursion aurait également été accompagnée de bouleversements climatiques majeurs : refroidissements importants dans certaines régions du globe, développement de la calotte glaciaire, conditions d’aridité extrêmes dans d’autres régions ou encore des orages intenses. Ces phénomènes auraient fortement ralenti la croissance des végétaux et entraîné la disparition de plusieurs espèces végétales et animales. L’excursion de Laschamps pourrait même être le point d’orgue de la disparition de l’homme de Néandertal.

    Aujourd’hui, l’accélération du déplacement du pôle Nord magnétique vers la Sibérie pourrait affecter les espèces migratrices comme les cétacés. Mais le champ magnétique terrestre est également à l’origine d’un des phénomènes les plus extraordinaires à observer sur Terre : les aurores polaires.

    RETENEZ


    • Le pôle Nord géographique représente l’intersection de l’axe de rotation de la Terre avec sa surface (Nord indiqué sur les cartes).
    • Le pôle Nord magnétique est le point de convergence des lignes de force du champ magnétique terrestre (Nord indiqué par les boussoles).
    • Le champ magnétique terrestre est généré par des mouvements de convection présents dans le noyau externe de la Terre.
    • L’intensité et la polarité du champ magnétique varient au cours du temps.
    • Le champ magnétique terrestre protège la planète des rayonnements cosmiques.

    1.
    National Geographic [En ligne]. @NatGeoFrance. Le champ magnétique de la Terre s’inverse plus souvent qu’on ne le pensait; 3 oct 2019 [cité le 13 nov 2022]. Disponible: https://www.nationalgeographic.fr/sciences/2019/10/le-champ-magnetique-de-la-terre-sinverse-plus-souvent-quon-ne-le-pensait
    1.
    Science & Vie [En ligne]. Pourquoi le pôle Nord magnétique correspond-il au pôle Nord terrestre ? - Science et vie; [cité le 13 nov 2022]. Disponible: https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/pourquoi-le-pole-nord-magnetique-correspond-il-au-pole-nord-terrestre-71483.html
    1.
    INSU, CNRS [En ligne]. Quand le champ magnétique bascule | INSU; [cité le 13 nov 2022]. Disponible: https://www.insu.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/quand-le-champ-magnetique-bascule
    1.
    Le jour où le bouclier magnétique terrestre s’est effondré [En ligne]. Science et vie. [cité le 13 nov 2022]. Disponible: https://scienceetvie.reworldmediafactory.com/article-magazine/le-jour-ou-le-bouclier-magnetique-terrestre-sest-effondre-il-y-a-42-000-ans
    1.
    The Conversation [En ligne]. Mouhali W. Quelle est l’origine du champ magnétique terrestre ?; [cité le 13 nov 2022]. Disponible: http://theconversation.com/quelle-est-lorigine-du-champ-magnetique-terrestre-172918

    Les Mystères de l’Île de Pâques et de ses Statues Moaïs

    0

    L’île de Pâques, également appelée Rapa Nui, signifie dans la langue autochtone, « le nombril du monde ». En effet, cette étendue de terre mystérieuse de 164 km², à mi-chemin entre le Chili et la Polynésie française, fascine le monde entier. Connue pour ses célèbres statues Moaïs, l’île de Pâques classée aujourd’hui au patrimoine mondial de l’UNESCO, a connu un bouleversement environnemental sans précédent. Zoom sur l’île de Pâques, l’un des territoires les plus isolés au monde.

    Île de Pâques : histoire volcanologique du site

    Cette île, de forme triangulaire, est située au sud de l’océan Pacifique, à 4 200 km de Tahiti et à 3 500 km du Chili. D’origine volcanique, Rapa Nui est le résultat d’une activité éruptive de 3 volcans désormais éteints qui ont émergé de l’océan Pacifique. À l’est, le mont Poike est apparu, il y a 3 millions d’années. Un million d’années plus tard, plus au sud-ouest, le volcan Rano Kau s’impose, reconnaissable à son cratère à fond plat de 1,5 km de large, occupé par de nombreux lacs. Ce dernier est le plus grand volcan de l’île, mais également le plus haut avec ses 511 mètres d’altitude. Sans son éruption, aucune jonction n’aurait été possible entre les deux premiers volcans. Sa lave a ainsi permis de souder les trois cratères en une seule île. Aujourd’hui, ses laves solidifiées couvrent 80 % du territoire. Une fois l’activité volcanique éteinte, la végétation s’est ensuite développée.

    Les mystérieux Moaïs de l’Île de Pâques

    Il est difficile de ne pas parler de l’île de Pâques sans évoquer ses célèbres et mystérieuses statues : les Moaïs. Sculptés dans les tufs volcaniques de la carrière du volcan Rano Raraku, presque 1 000 Moaïs auraient été érigés entre 1510 et 1645 par les premiers habitants de l’île (Hanau-Eepe) bien avant l’arrivée des côlons. Plus de 400 statues gisent encore aujourd’hui dans cette carrière.

    Le volcan Rano Raraku sur l'île de Pâques.
    Les Moaïs de Rapa Nui ont été sculptés dans les tufs volcaniques de la carrière du volcan Rano Raraku. Crédit photo : Adobe Stock

    Certains scientifiques affirment que les Moaïs servaient à indiquer les sources d’eau de l’île. D’autres encore avancent que leur construction favorisait la fertilité des sols, l’agriculture et par conséquent une production importante de nourriture. En effet, une étude poussée du terrain a montré qu’une ancienne culture de bananes, de taro et de patates douces existait. Composée de différents éléments tels que du calcium et du phosphore, la terre de la carrière Rano Raraku était la plus riche de l’île et a ainsi favorisé la croissance des végétaux. Une source d’eau douce mêlée à une extraction du tuf volcanique aurait permis de stimuler la croissance des plantes. Selon les scientifiques, il y aurait donc un lien étroit entre la richesse des terres, l’agriculture et l’édification des moaï.

    Néanmoins, certains mystères demeurent toujours. À ce jour, aucun scientifique ne peut encore confirmer comment ces statues ont été transportées jusqu’au littoral.

    Rapa Nui : une catastrophe écologique

    Lorsque les premiers habitants polynésiens de l’île de Pâques ont colonisé cette terre entre les XIIème et XIIIème siècles, celle-ci était couverte de forêts qui ont disparu au cours du temps.

    Il existe une hypothèse selon laquelle la population aurait coupé tous les arbres de l’île afin de construire et d’ériger les impressionnants Moaïs, si emblématiques de l’île de Pâques, en l’honneur de leurs clans. La colonisation des Hollandais en 1722, l’introduction de bétail et d’espèces invasives telles que les rats, l’agriculture et le confinement des autochtones dans des zones restreintes ont bouleversé l’environnement et son écosystème entre le XVIème et le XVIIIème siècle. Le palmier et les grands arbres ont disparu pour ne laisser la place qu’à quelques buissons.

    Les avis des scientifiques diffèrent sur l’origine de ces bouleversements environnementaux. En 1992, les géographes et botanistes John Flenley et Paul Bahn élaborent une théorie. Après avoir étudié les pollens de la flore pascuane au cours des 37 000 dernières années, les scientifiques affirment que l’île de Pâques aurait subi une expansion démographique incontrôlée. Par conséquent, l’île a été surexploitée et la forêt a totalement disparu au cours du XVème siècle. Pour Grant McCall (1994) et Rosalind Hunter-Anderson (1998), tous les deux anthropologues, attribuent en grande partie la déforestation de l’île à une crise climatique (El Niño-Southern Oscillation). Par ailleurs, une importante sécheresse aurait pu jouer un rôle déterminant dans la déforestation et l’équilibre de la société insulaire.

    En étudiant les 3 000 dernières années de l’histoire écologique de l’île de Pâques, les scientifiques ont démontré que la déforestation se serait faite de façon progressive.

    Les statues Moaïs de Rapa Nui auraient été érigées par les premiers habitants de l’île de Pâques pour qu’ils s’assurent de bonnes récoltes.

    Île de Pâques : un écosystème fragile et menacé

    Réchauffement climatique

    Comme sur les autres îles, les effets du changement climatique se font ressentir sur Rapa Nui. L’élévation du niveau de la mer et l’érosion des côtes à cause des submersions marines (suite aux tempêtes) transforment progressivement les zones littorales de l’île. De plus, Rapa Nui subit de nombreuses pénuries d’eau douce en raison de la réduction des précipitations et de l’assèchement progressif des sols. La flore native est malheureusement en danger d’extinction.

    Biodiversité de l’île de Pâques

    La flore et surtout la faune de l’île de Pâques sont très pauvres. Le territoire recense seulement 48 espèces végétales insulaires, dont 14 introduites par les Rapanuis (ethnie polynésienne). Les arbres visibles sur l’île aujourd’hui ont tous été introduits au cours du siècle dernier, car l’île de Pâques de la fin du XIXème siècle en était totalement dénuée. Pourtant, à l’arrivée des Polynésiens, la zone était couverte de forêts d’un cousin du cocotier du Chili (Jubaea chilensis) nommé Paschalococos disperta, une espèce endémique de l’île, aujourd’hui disparue. Les plantes envahissantes telles que le mélinis (Melinis minutiflora) pionnière et pyrophile ou le lantana (Lantana camara) impénétrable et épineux viennent dorénavant prendre la place des plantes natives ce qui a un impact sur le paysage et la biodiversité locale. Par ailleurs, la situation de la mer à proximité des côtés de Rapa Nui est préoccupante. En effet, la pêche illégale a en effet provoqué une forte diminution des espèces marines autochtones comme le thon rouge du sud ou la murène.

    De nombreuses statues Moais tournant le dos au littoral.
    Certains scientifiques pensent que les statues Moais auraient été érigées pour assurer la fertilité des sols et de bonnes récoltes sur l’île de Pâques. Crédit photo : Adobe Stock

    Zone maritime dorénavant protégée

    Afin de protéger davantage cet espace menacé, le gouvernement chilien a organisé la création d’un sanctuaire marin de plus de 720 000 km² autour de l’île en 2017. Il est ainsi protégé de toute activité humaine menacée par l’introduction d’espèces invasives, la hausse du tourisme et la surpêche. En effet, les écosystèmes coralliens de l’île de Pâques possèdent des espèces de poissons uniques au monde tels que le poisson-papillon ou le poisson-ange. Ainsi, le mode de vie des Rapanuis est préservé en soutenant une pêche artisanale. La préservation et la restauration de la biodiversité si particulière de l’île de Pâques est aujourd’hui devenue essentielle. Cette sanctuarisation est d’autant plus intéressante qu’elle est à l’initiative des Pascuans, qui ont développé au fil de leur histoire une conscience écologique très forte.

    Depuis 1995, le parc national de Rapa Nui, qui couvre environ 40% de la superficie de l’île, est protégé et inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. La communauté Rapanui veille précieusement sur les traces de ce patrimoine culturel et naturel et constitue localement un pouvoir parallèle aux autorités chiliennes. Fort heureusement, le parc national de Rapa Nui présente toujours un degré élevé d’authenticité. Reste à savoir combien de temps encore.

     

    RETENEZ


    • L’île de Pâques ou Rapa Nui est une île volcanique sous gouvernance du Chili.
    • Les statues Moais de l’île de Pâques auraient été érigées entre le XVI et XVIIème siècles par les premiers habitants de l’île afin de leur assurer de bonnes récoltes.
    • Avant l’arrivée des colons, Rapa Nui était une île boisée. L’expansion démographique et l’édification des Moaïs auraient participé à la déforestation de l’île au fil des siècles.

    1.
    Slate.fr [En ligne]. Quora. Qui a sculpté les moaï de l’île de Pâques?; 13 juin 2020 [cité le 29 oct 2022]. Disponible: https://www.slate.fr/story/191427/qui-sculpte-statues-moai-ile-paques-premiers-habitants
    1.
    Futura [En ligne]. Mayer N. Fin du mystère des statues de l’île de Pâques ?; [cité le 29 oct 2022]. Disponible: https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/monuments-fin-mystere-statues-ile-paques-74807/
    1.
    National Geographic [En ligne]. @NatGeoFrance. À la découverte des trésors méconnus de l’île de Pâques; 6 juill 2017 [cité le 29 oct 2022]. Disponible: https://www.nationalgeographic.fr/voyage/a-la-decouverte-des-tresors-meconnus-de-lile-de-paques
    1.
    Geo.fr [En ligne]. Férard E. Les statues de l’île de Pâques ont-elles enfin révélé leur secret ?; 17 déc 2019 [cité le 29 oct 2022]. Disponible: https://www.geo.fr/histoire/les-statues-de-lile-de-paques-ont-elles-enfin-revele-leur-secret-199101

    Télescope James-Webb : la Nouvelle Exploration de l’Univers

    3

    Un nouveau champ des possibles pour l’astronomie s’est ouvert le 12 juillet 2022. La NASA a dévoilé la première image réalisée par le télescope James-Webb, un bijou de technologie spatiale. Il s’agit du cliché le plus profond de l’espace où nous pouvons observer un amas d’étoiles et de galaxies qui datent de plusieurs milliards d’années. De quoi donner le vertige. Quelles sont les caractéristiques de ce nouvel observatoire cosmique ? En quoi va-t-il révolutionner la science des astres ? Décollage immédiat pour un voyage intergalactique !

    Le projet spatial du télescope James-Webb

    La genèse du plus grand télescope spatial du monde

    Le télescope James-Webb, aussi abrégé en JWST pour James-Webb Space Telescope, a été baptisé en hommage à James Edwin Webb (1906 – 1992), le deuxième administrateur de la NASA. Ses faits d’armes sont multiples et comportent, entre autres, la direction des missions lunaires Apollo.

    JWST est le fruit d’une trentaine d’années de recherches. Plusieurs pays et agences ont participé à son élaboration, dont les mastodontes de l’exploration spatiale que sont la NASA (National Aeronautics and Space Administration), l’ESA (European Space Agency) et l’ASC (Agence Spatiale Canadienne). Après avoir déboursé environ 10 milliards de dollars, le télescope, d’une taille et d’une puissance inégalables, est né. Il a ensuite été intégré à la fusée européenne Ariane 5 qui l’a propulsé dans l’espace. Le lancement de ce télescope spatial de 6 200 kg a eu lieu le 25 décembre 2021 depuis le CSG (Centre spatial guyanais).

    La fusée Ariane 5 au décollage avec le télescope James-Webb à son bord.
    Lancement de la fusée Ariane 5 avec à son bord le télescope James-Webb. Crédit photo : ESA, CNES, Arianespace Optique Vidéo du CSG, J. – M. Guillon

    Les défis astronomiques à relever pour James-Webb

    Dès sa mise en orbite, le télescope s’est attelé à ses 4 missions principales qui sont de :

    • découvrir les toutes premières galaxies ou objets lumineux qui se sont formés après le Big Bang ;
    • appréhender la naissance, l’évolution et la mort des galaxies ;
    • analyser la formation des étoiles jusqu’à l’élaboration des systèmes planétaires ;
    • mesurer les propriétés physiques et chimiques de ces systèmes et étudier les formes de vie qui pourraient s’y trouver.

    L’opération de stabilisation s’étant bien réalisée, JWST s’est attelé à ses premières missions d’observation des astres. Il peut compter sur le soutien du télescope spatial Hubble, qui poursuit ses propres collectes et analyses de données.

    James-Webb est-il plus performant qu’Hubble ?

    Le télescope spatial Hubble est le prédécesseur de James-Webb. Lancé en 1990 Hubble est toujours en activité, mais est-ce vraiment bien nécessaire depuis que JWST a pris le relais ?

    Pour étudier l’espace et les corps célestes, James-Webb dispose d’un miroir primaire 2.7 fois plus large qu’Hubble en terme de diamètre, lui conférant un meilleur pouvoir de récupération de la lumière. Il est également doté d’instruments infrarouges, ce que ne possède pas Hubble. Enfin, JWST pourra, à l’inverse de son confrère :

    • agir à une plus grande distance de la Terre ;
    • maintenir une température négative pour assurer un fonctionnement idéal ;
    • garantir une précision de pointage ;
    • offrir une capacité d’observation supérieure.

    Cependant, Hubble demeure un outil capital, car il est en mesure d’observer le spectre de la lumière visible, ce que ne peut faire les instruments du JWST. C’est pourquoi les données récoltées de ces deux télescopes se compléteront à merveille.

    Comparaison des miroirs des télescopes Hubble et James-Webb.
    Une comparaison des miroirs des télescopes Hubble et James-Webb. Crédit photo : NASA

    Comment fonctionne le télescope spatial JWST ?

    La spécificité de James-Webb : l’infrarouge

    Le télescope a été pensé pour analyser l’infrarouge, qui est un rayonnement électromagnétique divisé en plusieurs sous-domaines que sont l’infrarouge proche, moyen et lointain. JWST est très performant en ce qui concerne le premier et le deuxième palier. Ses instruments analysent les longueurs d’ondes voisines de la lumière visible et qui sont émises par des éléments générant de la chaleur. Or, dans l’Univers, il existe des corps si froids qu’ils ne produisent que peu d’énergie, mais ils déploient une très forte lumière, ce qui les rend observables dans l’infrarouge.

    Par exemple, les naines brunes et les jeunes étoiles formées au cœur des nébuleuses font partie des objets célestes les plus difficiles à observer. Mais JWST est en mesure de les étudier plus en détails.

    spectre-electromagnetique
    Le spectre électromagnétique de la lumière. Crédit photo : Agence spatiale canadienne, NASA/J. Olmsted, STScI.

    La lumière, dans l’espace, s’étire au fur et à mesure que l’Univers grandit. En effet, et en premier lieu, la lumière des étoiles est émise dans les longueurs d’ondes ultraviolettes (UV) et le spectre visible (courtes longueurs d’ondes). En second lieu, avec le temps, la lumière des astres se diffuse vers les plus grandes longueurs d’ondes, tout particulièrement dans le domaine de l’infrarouge. Ce phénomène est appelé « cosmological redshift » ou le décalage cosmologique vers le rouge. C’est pourquoi les plus anciens corps célestes sont désormais visibles grâce à James-Webb. Le télescope agit comme une sorte de machine à remonter dans le temps.

    Il est à noter que les équipements de JWST produisent, eux aussi, un rayonnement infrarouge. Pour éviter de fausser les résultats qu’il génère, il doit maintenir une température négative d’environ – 233 °C. Cette capacité lui permet de se concentrer sur l’observation d’une multitude de corps célestes, qu’ils soient de plus ou moins grande taille et/ou qu’ils soient plus ou moins éloignés.

    Les scientifiques ont pensé à tout. Même le positionnement de James-Webb dans l’espace n’a pas été choisi par hasard. Il gravite à un emplacement idéal qui lui permet d’être très performant.

    L’intérêt du point cosmique de Lagrange L2

    James-Webb orbite autour du Soleil, à 1,5 million de kilomètres de la Terre. Il est situé à une localisation qui s’appelle le point de Lagrange L2. C’est un point spatial imaginaire où les forces gravitationnelles du Soleil et de la Terre sont équilibrées, ce qui présente de nombreux avantages pour le télescope :

    • La stabilité acquise permet à ses pare-soleils une protection optimale contre la lumière du Soleil, de la Terre et de la Lune.
    • Le point L2, la Terre et le Soleil sont alignés tous les trois en même temps, combinant ainsi leurs forces gravitationnelles. De ce fait, le télescope peut se stabiliser et limiter sa consommation de carburant.
    • L’environnement du point de L2 offre les meilleures performances en matière d’invariabilité de température. JWST est ainsi idéalement placé pour faire des observations dans le domaine de l’infrarouge.
    Schéma du point de Lagrange L2.
    Le point de Lagrange L2 permet au télescope James-Webb de récolter efficacement ses données. Crédit photo : Agence spatiale européenne, Agence spatiale canadienne.

    Face à la précision du lancement de la fusée Ariane 5, James-Webb a économisé beaucoup d’énergie, ce qui a rallongé sa durée d’existence. Les scientifiques pensaient au départ qu’il pouvait être opérationnel pendant environ 5 ans. Désormais, ils parlent plutôt d’une longévité pouvant atteindre 15 à 20 ans. Un temps précieux, où les instruments du télescope vont pouvoir déployer toute leur puissance afin de récolter un maximum d’informations sur l’Univers.

    « Le télescope spatial James-Webb sera le prochain grand télescope spatial, conçu pour répondre aux questions existentielles sur l’Univers et réaliser des découvertes révolutionnaires dans tous les domaines de l’astronomie. C’est une mission comme il ne s’en présente qu’une par génération. » (ESA)

    Les instruments de mesure de l’observatoire spatial et ses miroirs

    Fort d’une coopération mondiale, le projet a pu bénéficier des dernières technologies qui ont été intégrées dans 4 instruments de mesure :

    • Le spectrographe infrarouge proche (NIRSpec) : découvre les objets célestes, définit leur nature et leur composition ;
    • L’instrument infrarouge moyen (MIRI) : étudie notre Système solaire et les systèmes planétaires et bloque, quand cela s’avère nécessaire, la lumière des étoiles pour se concentrer sur d’autres astres ;
    • Le dispositif d’imagerie infrarouge proche (NIRCam) : pousse au maximum la qualité du miroir primaire de Webb pour obtenir des images nettes et profondes ;
    • Lfcomp’imageur proche infrarouge et le spectrographe sans fente (NIRISS) : est un outil analysant les exoplanètes et leur composition moléculaire (eau, oxygène, CO2, etc.).
    Les ingénieurs installent les instruments de James Webb.
    Installation du NIRCam dans le châssis du télescope James-Webb. Crédit photo : NASA, Chris Gunn

    L’élément central de James-Webb est son immense miroir, aussi appelé miroir primaire. Il est fait à partir d’un oxyde de béryllium, un métal léger et résistant aux variations de température. Une couche d’or recouvre ses 18 segments hexagonaux qui mesurent en tout 1 315 m de côté. Son bouclier thermique, situé en dessous, fait quant à lui la taille d’un court de tennis.

    Face au dilemme du transport, les ingénieurs ont développé une technologie qui s’apparente à l’origami. Le dispositif peut se plier et se déplier et a pu ainsi intégrer la coiffe de la fusée Ariane. Cela représente une prouesse technique, car le miroir peut se déployer dans l’espace sans altérer son fonctionnement, ni celui de ses instruments de mesure.

    Le télescope James Webb est plié à l'intérieur de la coiffe de la fusée Ariane 5.
    Vue d’artiste détaillant le pliage du télescope James-Webb à bord d’une fusée Ariane 5. Crédit photo : ESA, D. Ducros

    James-Webb, star de la révolution astrale et scientifique

    L’étude des exoplanètes

    Une exoplanète est une planète qui tourne autour d’une étoile en-dehors de notre Système solaire. Depuis 1995, plus de 5 000 exoplanètes ont été détectées. Certaines détiennent des propriétés physico-chimiques intéressantes, c’est pourquoi James-Webb s’est penché sur la composition de l’exoplanète WASP-96b, évoluant dans la constellation du Phénix.

    Elle a été découverte en 2014 et est située à 1 150 années-lumière de la Terre. Composée en majeure partie de gaz, sa température dépasse les 500 °C, car elle orbite très près de son étoile hôte. Cependant, JWST a su révéler la structure moléculaire de l’atmosphère de l’exoplanète. Elle détient des traces d’eau et l’équivalent de nuages et de brume.

    Composition atmosphérique de l’exoplanète WASP-96b. Des traces d’H2O de l’exoplanète WASP-96b ont été révélées grâce au télescope James-Webb. Crédit photo : NASA, ESA, ASC, STScI

    Même si le télescope Hubble a été capable, lui aussi, de découvrir une signature d’H2O en 2013 pour une autre exoplanète, JWST se démarque par l’analyse très précise de WASP-96b. Les chercheurs confirment qu’il est capable de décomposer la lumière d’une exoplanète et de fournir un rapport détaillé des différents gaz présents dans son atmosphère. Il sera donc en mesure de détecter un environnement similaire à celui de notre planète bleue, même situé à des milliers d’années-lumière.

    Trappist-1 : un système exoplanétaire très prometteur

    Dans la constellation du Verseau, un système exoplanétaire, nommé Trappist-1, retient toute l’attention des astronomes. Situé à environ 40 années-lumière de la Terre, il est composé d’une naine rouge, une étoile très commune dans le paysage stellaire. Elle abrite 7 exoplanètes de taille et de masse comparables à la Terre. Trois d’entre elles gravitent dans la zone d’habitabilité de leur étoile, c’est-à-dire une zone théorique, où, selon les modèles astrophysiques, la température peut permettre à l’eau de rester à l’état liquide à leur surface. En effet, les recherches ont montré qu’elles étaient telluriques, autrement dit rocheuses et qu’elles pourraient disposer d’éléments chimiques nécessaires à l’émergence du vivant.

    Découvert en 2015 par le télescope belge TRAPPIST (the TRAnsiting Planets and Planetesimals Small Telescope), il s’agit à ce jour du seul système exoplanétaire rocheux découvert dans le cosmos. Cependant, il n’existe encore aucune information concrète concernant la composition atmosphérique de ces astres. James-Webb va alors tenter d’apporter des réponses. Il a été prévu que le système Trappist-1 fasse l’objet de 11 % des observations du télescope spatial. Il sera notamment à la recherche de bio-signatures, c’est-à-dire des molécules chimiques comme le méthane et l’oxygène, deux éléments chimiques nécessaires pour que se développe le vivant, comme sur Terre.

    De nouvelles pistes pour comprendre les trous noirs supermassifs ?

    JWST a fourni des photos spectaculaires dont un cliché aux détails inédits du Quintette de Stephan. Il s’agit d’un groupement de 5 galaxies évoluant dans la constellation Pégase :

    • NGC 7320 est située à 40 millions d’années-lumière de la Terre.
    • NGC 7317, NGC 7318A, NGC 7318B et NGC 7319 sont éloignées d’environ 290 millions d’années-lumière de la Terre.
    Cliché du Quintette de Stephan avec ses 5 galaxies.
    Cliché du Quintette de Stephan pris par le télescope James-Webb. Crédit photo : NASA, ESA, ASC, STScI.

    Ces 4 dernières sont particulièrement actives du fait de leurs interactions gravitationnelles, engendrant des sillons d’étoiles, de gaz et de poussière. En outre, Webb est parvenu à capturer une image de la collision des galaxies NGC 7318B et NGC 7318A. À terme, elles sont vouées à n’en former plus qu’une seule.

    Par ailleurs, la galaxie NGC 7319 abrite un noyau actif de galaxie, c’est-à-dire un trou noir supermassif qui capte activement de la matière. Sa masse est estimée à 24 millions de fois celle du Soleil.

    Les différents types de noyaux actifs de galaxies.
    Le télescope James-Webb va apporter de précieuses informations concernant les noyaux actifs de galaxies. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, and L. Hustak (STScI)

    Les chercheurs s’intéressent beaucoup aux quasars, de jeunes galaxies comptant de nombreuses étoiles et de grandes quantités de poussières. Ils sont caractérisés par leur distance très lointaine de la Terre et l’énergie phénoménale qui émane de leur trou noir situé au centre de la galaxie. La puissance du quasar absorbe la matière proche qui aurait pu constituer de nouvelles étoiles. Or, l’observation de ce phénomène et l’impact des quasars sur leur galaxie hôte reste un mystère non élucidé à ce jour dans l’histoire de l’astronomie moderne. Les prouesses du télescope James-Webb pourraient bien, là encore, changer la donne.

     

    RETENEZ


    • James-Webb est le plus grand et le plus puissant télescope jamais envoyé dans l’espace.
    • Grâce à sa puissance d’observation, il peut détecter la lumière infrarouge générée par les galaxies les plus lointaines.
    • James-Webb a pour mission principale d’en apprendre plus sur l’histoire de la formation et de l’évolution de l’Univers.
    • Le télescope sera notamment à la recherche d’exoplanètes, des planètes situées hors de notre Système solaire.

    1.
    HubbleSite.org [En ligne]. What is Cosmological Redshift?; [cité le 17 oct 2022]. Disponible: https://hubblesite.org/contents/media/images/4509-Image
    1.
    ESA [En ligne]. Webb : Voir plus loin, ESA; [cité le 17 oct 2022]. Disponible: https://indd.adobe.com/view/bfc94a9b-40ad-45c1-93ab-6165a3d319b1
    1.
    Les Miroirs – JWST [En ligne]. JWST. [cité le 17 oct 2022]. Disponible: https://www.jwst.fr/2021/02/les-miroirs/
    1.
    NASA [En ligne]. Jenner L. NASA’s Webb to Study Quasars and Their Host Galaxies in 3-D; 19 août 2020 [cité le 17 oct 2022]. Disponible: http://www.nasa.gov/feature/goddard/2020/nasas-webb-to-study-quasars-and-their-host-galaxies-in-three-dimensions
    1.
    [En ligne]. FAQ Full General Public Webb Telescope/NASA; [cité le 17 oct 2022]. Disponible: https://www.jwst.nasa.gov/content/about/faqs/faq.html
    1.
    WebbTelescope.org [En ligne]. What Are Active Galactic Nuclei?; [cité le 17 oct 2022]. Disponible: https://webbtelescope.org/contents/articles/what-are-active-galactic-nuclei
    1.
    WebbTelescope.org [En ligne]. Infrared Astronomy; [cité le 17 oct 2022]. Disponible: https://webbtelescope.org/home/webb-science/the-observatory/infrared-astronomy
    1.
    Agence spatiale canadienne [En ligne]. canadienne A spatiale. Télescope James Webb vs Hubble; 18 févr 2011 [cité le 17 oct 2022]. Disponible: https://www.asc-csa.gc.ca/fra/satellites/jwst/webb-successeur-de-hubble.asp

    Télescope James-Webb : l’Univers se Dévoile dans des Clichés Inédits

    Après une trentaine d’années de développement et de nombreux défis techniques, le télescope James-Web (JWST) a commencé à scruter l’Univers. Sa mission, et non des moindres, tenter de dévoiler les secrets les mieux gardés du cosmos. Une première moisson de clichés a été dévoilée aux yeux du monde entier au cours de l’été 2022. Les superlatifs ne manquent pas. Jamais l’Univers n’est apparu aussi net et détaillé, pour le plus grand plaisir des astronomes mais aussi du grand public. Avec James-Webb, l’astronomie est, ni plus ; ni moins, entrée dans une nouvelle ère. Et l’aventure ne fait que commencer tant les espoirs sont immenses. Partez à la découverte des premières révélations du James-Webb à travers la description d’une série de clichés à couper le souffle.

    Le télescope James-Webb dévoile l’immensité du cosmos avec une précision inégalée

    Une partie de l'Univers photographiée par le télescope James-Webb.
    Le premier champ profond de l’Univers photographié en juin 2022 par le télescope James-Webb. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Voici la première image du télescope James-Webb, dévoilée au monde entier le 12 juillet 2022 par la NASA. Il s’agit d’un cliché inédit : le plus net et le plus détaillé de l’Univers lointain capturé à ce jour. Sans aucun doute, on y recense les galaxies les plus lointaines jamais observées dans l’histoire de l’astronomie.

    Connue sous le nom de « Webb’s First Deep Field », cette image montre en détail une portion infime de l’Univers observable. En effet, ce cliché représente approximativement la taille d’un grain de sable tenu à bout de bras par une personne au sol, soit un 1/25 millionième de l’intégralité de la voûte céleste.

    Cet champ profond de l’Univers, pris par la caméra proche infrarouge de James-Webb (NIRCam), est en fait une image composite réalisée à partir de nombreux clichés capturés à différentes longueurs d’onde. La prise de cette image historique a demandé environ 12 heures de travail au James-Webb, là où le télescope Hubble demandait des semaines de traitement.

    L’image montre de nombreux objets superposés à différentes distances.

    Au premier plan figurent des étoiles de la Voie Lactée, notre Galaxie, reconnaissables à leurs 6 aigrettes bleues avec des pointes de diffraction de la lumière, produites par les bords du miroir hexagonal du télescope.

    Au second plan, on aperçoit des galaxies blanchâtres, plus lointaines par rapport à notre point de vue. Elles font partie de l’amas de galaxies SMACS 0723 tel qu’il est apparu il y a 4,6 milliards d’années.

    La masse combinée de cet amas de galaxies agit comme une lentille gravitationnelle, déformant et magnifiant des galaxies beaucoup plus éloignées derrière lui, à l’arrière-plan de l’image. Ainsi, elle prennent des formes courbées et sont visibles en orange. La plupart apparaissent comme des ovales flous, mais quelques-unes ont des bras spiraux distinctifs.

    Ces galaxies de fond nous renvoient leur lumière des profondeurs de l’espace et du temps, il y a environ 13 milliards d’années, soit peu de temps après la naissance de l’Univers ou Big Bang.

    Avec James-Webb, les chercheurs commenceront bientôt à en savoir plus sur la masse, l’âge, l’histoire et la composition de ces galaxies, car le télescope est à la recherche des galaxies les plus lointaines, donc les plus anciennes de l’Univers.

    Les « falaises cosmiques » de la nébuleuse de la Carène

    La nébuleuse orangée de la Carène photographiée par le télescope James-Webb.
    La nébuleuse de la Carène est un immense nuage de gaz et de poussières au sein duquel naissent des étoiles. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Ce qui ressemble à des montagnes escarpées par un soir de lune est en fait le bord d’une jeune région de formation d’étoiles dans la nébuleuse de la Carène. Capturée dans l’infrarouge par la caméra NIRCam (Near-Infrared Camera) du télescope spatial, cette image révèle des zones de naissance d’étoiles jusqu’alors masquées.

    Appelée « falaises cosmiques », cette région est en fait le bord d’une gigantesque cavité gazeuse au sein de NGC 3324, située à environ 7 600 années-lumière de la Terre. La zone caverneuse a été creusée dans la nébuleuse par le rayonnement ultraviolet intense et les vents stellaires provenant de jeunes étoiles extrêmement massives et chaudes situées au centre de la bulle, au-dessus de la zone représentée sur cette image. Le rayonnement à haute énergie de ces étoiles sculpte la paroi de la nébuleuse en l’érodant lentement.

    Nébuleuse de la Tarentule : un pouponnière pour la formation des étoiles

    La nébuleuse de la Tarentule photographiée par le télescope James-Webb.
    La région de formation d’étoiles de la nébuleuse de la Tarentule photographiée sous un jour nouveau par James-Webb. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI, Webb ERO Production Team

    Dans cette mosaïque de 340 années-lumière (al) de largeur, la caméra proche infrarouge de James-Webb (NIRCam) montre la région de formation d’étoiles de la nébuleuse de la Tarentule sous un jour nouveau. Il apparaît sur ce cliché des dizaines de milliers de jeunes étoiles jamais vues auparavant.

    La région la plus active semble étinceler de jeunes étoiles massives, qui apparaissent en bleu pâle. Parsemées parmi elles, des étoiles encore enfouies, apparaissant en rouge. Elles doivent encore émerger du cocon poussiéreux de la nébuleuse.

    Plus loin de la région centrale des jeunes étoiles chaudes, le gaz plus froid prend une couleur rouille, indiquant aux astronomes que la nébuleuse est riche en matière complexe.

    Ce gaz dense est le matériau qui formera les futures étoiles. Lorsque les vents des étoiles massives balaient le gaz et la poussière, une partie de ceux-ci s’accumule et, avec l’aide de la gravité, forme de nouvelles étoiles.

    Le Quintette de Stephan et ses flux intergalactiques

    L'amas de galaxies du Quintette de Stephan photographié par James-Webb.
    Le Quintette de Stephan est un amas de galaxies qui tournent les unes autour des autres. Deux d’entre-elles sont en train d’échanger leurs flux intergalactiques et de fusionner. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Ensemble, les cinq galaxies du quintette de Stephan sont également connues sous le nom de groupe compact Hickson 92 (HCG 92). Bien que l’on parle de « quintette », seules quatre de ces galaxies sont réellement proches les unes des autres et prises dans une danse cosmique.

    La cinquième galaxie, la plus à gauche, appelée NGC 7320, est bien au premier plan par rapport aux quatre autres. Cette galaxie se trouve à 40 millions d’années-lumière de la Terre, tandis que les quatre autres galaxies, à droite (NGC 7317, NGC 7318A, NGC 7318B et NGC 7319), se trouvent à environ 290 millions d’années-lumière. Cela reste assez proche en termes cosmiques, comparé à des galaxies plus lointaines situées à des milliards d’années-lumière.

    Cette proximité permet aux astronomes d’être aux premières loges pour assister à la fusion et aux interactions entre galaxies proches. Dans la partie centrale de l’image, NGC 7318A et NGC 7318B sont en train de fusionner (points blancs brillants et très proches) et échanger leurs flux intergalactiques, un processus suspecté de jouer un rôle déterminant dans leur évolution.

    Le quintette de Stephan se présente ainsi comme un fantastique « laboratoire » pour étudier les processus fondamentaux de formation des étoiles et l’interaction des gaz interstellaires entre les différentes galaxies du cosmos.

    De plus, le centre de la galaxie la plus élevée du groupe (NGC 7319) abrite un noyau galactique actif, ou trou noir supermassif de 24 millions de fois la masse du Soleil et 40 millions de fois plus lumineux, qui dévore activement de la matière.

    En prime, les instruments du James-Webb (NIRCam et MIRI) ont révélé une vaste mer de plusieurs milliers de galaxies lointaines en arrière-plan, rappelant les champs profonds du télescope Hubble.

    Le télescope spatial James-Webb a dévoilé des clichés de l’Univers avec une précision inédite.

    Galaxie de la Roue de chariot et sa morphologie transitoire

    La galaxie de la Roue de chariot capturée par le télescope James-Webb.
    La galaxie de la Roue de Chariot s’est formée à la suite d’une collision à grande vitesse avec une autre galaxie, il y a environ 400 millions d’années. Elle est dans un état transitoire. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI, Webb ERO Production Team

    Cette galaxie s’est formée à la suite d’une collision à grande vitesse avec une autre galaxie, il y a environ 400 millions d’années. La roue de Chariot est composée de deux anneaux, un anneau intérieur brillant et un anneau extérieur coloré. Les deux anneaux s’étendent vers l’extérieur à partir du centre de la collision, comme des ondes de choc.

    Toutefois, une grande partie de la galaxie spirale qui existait avant la collision demeure, y compris ses bras en rotation. C’est ainsi que sont apparus les « rayons » rouges que l’on perçoit entre les anneaux intérieurs et extérieurs et qui ont inspiré le nom de la galaxie : la roue de Chariot.

    Ces teintes rouges brillantes, que l’on retrouve non seulement dans la galaxie de la roue, mais aussi dans la galaxie spirale compagne en haut à gauche, sont dues à une poussière incandescente riche en matière stellaire.

    Au milieu des tourbillons de poussière rouges, on trouve de nombreux points bleus individuels, qui représentent des étoiles ou des poches de formation d’étoiles.

    Les observations du James-Webb ont capturé la galaxie de la roue dans un stade très transitoire. La forme que prendra définitivement celle-ci reste un mystère. Cependant, cet instantané donne une perspective sur ce qui est arrivé à la galaxie dans le passé et sur ce qu’elle pourrait devenir dans le futur.

    La nébuleuse de l’Anneau austral ou la mort d’une étoile

    La nébuleuse de l'Anneau austral et sa matière stellaire.
    La nébuleuse de l’Anneau austral est le résultat de l’explosion d’une étoile en fin de vie (supernova) qui a expulsé son enveloppe d’hydrogène dans l’espace. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Cette image fantasmagorique représente la nébuleuse de l’Anneau austral, un nuage de gaz et de poussières interstellaires. Les nébuleuses jouent une rôle déterminant dans la naissance de futures étoiles et de planètes.

    L’astre brillant au cœur de la nébuleuse est en réalité un système double formé d’une étoile et d’une naine blanche, c’est-à-dire un résidu d’étoile en fin de vie.

    Après que le noyau de cette étoile en fin de vie ait gonflé et explosé, il a expulsé son enveloppe extérieure d’hydrogène dans l’espace, tandis que son cœur s’est rétracté sur lui-même. A terme, il ne resta plus qu’un noyau d’étoile chaud qui a évolué lentement vers une naine blanche : une étoile de petite taille, froide, et avec une faible luminosité.

    L’enveloppe d’hydrogène est visible sur la photo en orange, tandis que le halo bleu provient du plasma d’hydrogène électrisé par la naine blanche qui continue à briller au cœur de la photo, bien que non visible sur la photo.

    La faible lumière de cette naine blanche est masquée par la lumière de son étoile compagnon, quant à elle bien visible au centre de l’image (étoile blanche avec ses 6 aigrettes bleues).

    En observant les nébuleuses, James-Webb permettra d’appréhender la mort programmée de notre propre Soleil, dans environ 6 milliards d’années. L’explosion de notre étoile en fin de vie (supernova) produira alors un cliché similaire à celui-ci : une naine blanche et une nébuleuse qui pourra potentiellement engendrer de nouvelles étoiles et planètes.

    James-Webb ouvre la voie à de nouvelles observations d’exoplanètes

    L'exoplanète HIP65426 b capturée par les coronographes du télescope James-Webb.
    L’exoplanète HIP65426 b a été capturée grâce aux deux coronographes du télescope James-Webb, de minuscules filtres qui bloquent la lumière des étoiles. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, Alyssa Pagan (STScI)

    Pour la première fois, des astronomes ont utilisé le télescope spatial James-Webb de la NASA pour prendre une image directe d’une planète située en dehors de notre Système solaire.

    L’exoplanète représentée sur l’image de Webb, appelée HIP 65426 b, a une masse de six à douze fois celle de Jupiter. Elle est assez jeune : 15 à 20 millions d’années seulement contre 4,5 milliards d’année pour la Terre. L’exoplanète est une géante gazeuse, ce qui signifie qu’elle n’a pas de surface rocheuse et ne pourrait pas être habitable. Les astronomes ont découvert la planète en 2017 à l’aide de l’instrument SPHERE sur le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral au Chili.

    Comme HIP 65426 b est environ 100 fois plus éloignée de son étoile hôte que la Terre ne l’est du Soleil, elle est suffisamment éloignée pour que James-Webb puisse observer facilement la planète.

    Pour les astronomes, prendre des images directes d’exoplanètes est un véritable défi car les étoiles sont beaucoup plus lumineuses que leurs planètes. La planète HIP 65426 b émet une lumière 10 000 fois plus faible que son étoile hôte dans le proche infrarouge.

    L’image a été prise dans différentes bandes de lumière infrarouge par les instruments NIRCam et MIRI du télescope. Ils sont notamment équipés de deux coronographes, de minuscules filtres qui bloquent la lumière des étoiles, permettant au télescope de prendre des images directes de certaines exoplanètes comme celle-ci. Dans le cas présent, l’exoplanète est vue à travers quatre filtres lumineux qui capturent la lumière de manière différente (encarts en bas de l’image). Ainsi la morphologie et les couleurs de l’exoplanète changent quelque peu.

    Bien que ce ne soit pas la première image directe d’une exoplanète prise depuis l’espace – le télescope spatial Hubble a capturé des images directes d’exoplanètes auparavant – HIP 65426 b indique la voie à suivre pour l’exploration des exoplanètes par James-Webb.

    RETENEZ


    • Le télescope spatial James-Webb (JWST) a dévoilé des clichés de notre Univers avec une précision inégalée.
    • Grâce à ce télescope performant, les astronomes vont pouvoir en apprendre plus sur l’âge et l’histoire de l’Univers.
    • James-Webb va braquer ses instruments sur des exoplanètes, des planètes situées hors du Système solaire afin d’étudier leur composition chimique.

    1.
    WebbTelescope.org [En ligne]. Webb Home; [cité le 28 sept 2022]. Disponible: https://webbtelescope.org/home

    Mont Kilimandjaro : Le Mythique Toit de l’Afrique

    0

    Au milieu du XIXème siècle, les premiers rapports d’expédition faisant état de l’observation de neige en Tanzanie provoquent la stupéfaction. Personne ne veut croire qu’à ces latitudes tropicales du continent africain, de l’or blanc puisse exister. La légende était alors en marche autour du mont Kilimandjaro. Avec ses dimensions monumentales et son altitude de 5 895 mètres, faisant de lui le point culminant de l’Afrique, ce volcan en impose dans la savane. Mais ce sont bien les glaciers et les neiges éternelles coiffant son sommet qui ont forgé sa célébrité. Joyau de la Nature et objectif plébiscité par de nombreux randonneurs, le toit de l’Afrique n’en reste pas moins un site fragile menacé par l’activité humaine. Comment ce massif volcanique est-il né et quelle évolution a-t-il traversée ? Découvrez les processus qui ont jalonné la formation du mont Kilimandjaro, les richesses qu’il renferme, mais aussi les dangers qui pèsent sur lui.

    La formation géologique du mont Kilimandjaro

    Un volcan enfanté par la vallée du Grand Rift

    Le mont Kilimandjaro entame sa formation il y a près d’un million d’années au cœur de la vallée du Grand Rift. Cette immense faille parcourt une grande partie de l’Afrique de l’Est depuis la mer Rouge au nord jusqu’au lac Malawi au sud. Un perpétuel mouvement s’y joue, provoqué par la séparation de la plaque somalienne de la plaque africaine. Cette activité tectonique a favorisé la remontée de magma, qui est parvenu à jaillir de trois ouvertures dans le sol de l’actuelle Tanzanie. Trois volcans sont alors apparus, donnant naissance à ce qui allait devenir le massif du Kilimandjaro. Ces édifices volcaniques entrent dans la catégorie des stratovolcans. Formés par une succession d’éruptions explosives et effusives, ils se caractérisent par des versants pentus et un dôme situé à leur sommet.

    Le Mont Kilimandjaro doit son origine à la grande faille de la vallée du Grand Rift.
    La vallée du Grand Rift et sa faille au sein de laquelle le Kilimandjaro est né. Crédits : © Sémhur / Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0

    Le Kilimandjaro, un alignement de plusieurs volcans

    Le Kilimandjaro est à proprement parler un massif volcanique formé de plusieurs volcans, dont trois principaux.

    Dans le langage courant, il désigne en réalité le volcan du Kibo. Plus récent géologiquement, il est aussi le plus élevé avec son pic Uhuru, d’une altitude de 5 895 mètres. Ce sommet fait de lui le point culminant du continent. Sa partie supérieure prend la forme d’un large plateau sommital au sein duquel les traces d’une caldeira de 2,5 km de diamètre sont encore visibles. Une caldeira désigne un vaste cratère circulaire provoqué par une éruption très explosive. Une paroi rocheuse de 200 mètres de haut encercle cet espace. En contrebas, une activité volcanique subsiste au cœur de ce plateau. Deux cratères concentriques et emboîtés laissent échapper quelques fumerolles sulfureuses : l’Ash Pit et le cratère Reusch. Le volcan n’est donc pas considéré comme totalement éteint, bien que sa dernière éruption majeure ait eu lieu il y a probablement plus de 135 000 ans.

    Le Shira, situé à l’extrémité ouest du massif, est le plus ancien et le moins accidenté des sommets. À la suite d’un effondrement, il prend la forme d’un cratère d’explosion, progressivement aplani par l’érosion.

    Tout à l’est, s’établit le Mawenzi autour d’un culot de lave refroidi. Sous l’effet de l’érosion, il devient par la suite un pic rocheux abrupt.

    Le mont Kilimandjaro aride trône au milieu de la savane.
    Avec ses 5 895 mètres d’altitude, la mont Kilimandjaro est le point culminant de l’Afrique. Crédit photo : Stephan Bechert on Unsplash

    Les neiges du Kilimandjaro, origine de sa célébrité

    Plus que son altitude impressionnante, c’est la présence de neige sur son sommet qui assure à ce massif un émerveillement et une renommée mondiale. Observée pour la première fois en 1848 par le missionnaire allemand Johannes Rebmann, sa découverte crée la polémique et une certaine réserve. Les géographes européens de l’époque allèrent même jusqu’à le soupçonner d’avoir confondu du calcaire avec de la neige. Il faudra attendre une dizaine d’années et de nouvelles explorations pour confirmer définitivement la présence de neiges éternelles aux abords du sommet du Kilimandjaro.

    Le spectacle étonnant des glaciers sous l’Équateur

    La présence de neige sous des latitudes proches de l’Équateur est pourtant bien avérée et confère au Kilimandjaro sa dimension mythique. Au milieu de la savane africaine, trône ainsi ce massif volcanique imposant et solitaire, auréolé de ses neiges éternelles étincelantes.

    Des glaciers cantonnés au Kibo surmontent en effet la montagne. On en dénombre douze, qui s’étendent le long de ses versants. Ils offrent un contraste saisissant entre la pâleur de leurs blocs et l’opacité de la lave figée.

    À cet endroit du globe, le rayonnement des ultraviolets frappe la surface terrestre en ligne directe. Les zones de glace fondent ainsi verticalement, et sculptent les glaciers de manière très étrange. Leur aspect acéré très caractéristique ferait presque penser à une œuvre cubiste.

    Les glaciers trônent au sommet du mont Kilimandjaro.
    Les glaciers du Kibo et leur forme caractéristique. Crédit photo : guillaumeastruc / Adobe Stock

    Des neiges « éternelles » menacées de disparaître

    Le glacier du Kilimandjaro vit aujourd’hui une phase de retrait rapide qui le rapproche inexorablement de sa disparition. Sa fonte s’est amorcée dès 1850, mais elle connaît une accélération sans précédent ces dernières décennies. Depuis le début du XXème siècle, la masse de glace a diminué de 80 %. À ce rythme effréné, on estime que les glaciers auront totalement disparu du sommet vers 2040. Les cratères du Kibo conserveront leur aspect majestueux, mais le volcan devrait perdre une partie de sa superbe avec la disparition de son manteau blanc.

    Images satellites illustrant la fonte des glaciers du Kilimandjaro entre 1993 et 2000.
    Images satellites illustrant le recul des glaciers du Kilimandjaro entre 1993 et 2000. Crédit photo : Images courtesy Jim Williams, NASA GSFC Scientific Visualization Studio, and the Landsat 7 Science Team

    Le réchauffement climatique est indéniablement responsable de cet impressionnant recul des glaciers. Cependant, la principale raison résiderait plutôt dans le phénomène de la déforestation. Avec l’intensification des activités humaines au pied du volcan telles que l’élevage et l’agriculture, l’humidité atmosphérique a fortement chuté autour du massif. Les répercussions se font sentir jusqu’au sommet qui enregistre une régression significative des précipitations. Dans cette situation, le rythme de formation de la glace ne compense plus celui de la fonte. La hausse globale des températures conjuguée au recul des précipitations consécutif au resserrement de la couverture végétale explique la disparition imminente des glaciers.

    AU MILIEU DE LA SAVANE AFRICAINE TRÔNE LE MONT KILIMANDJARO, MASSIF VOLCANIQUE IMPOSANT ET SOLITAIRE, AURÉOLÉ DE SES NEIGES ÉTERNELLES ÉTINCELANTES.

    Une biodiversité parfaitement adaptée à l’altitude

    Le randonneur qui se lance dans l’ascension du Kilimandjaro est rapidement frappé par la diversité des paysages qu’il rencontre. Au fur et à mesure que le sol s’élève, des sortes d’étages naturels se succèdent, avec leur population animale et végétale propre.

    Les plaines

    Aux abords de la montagne, des plaines s’imposent dans le panorama. Situées à des altitudes oscillant entre 600 et 1800 mètres, elles se caractérisent par un climat chaud et sec et des paysages de savane. Les étendues d’herbes dominent la végétation, mais on observe également des arbustes et des arbres, comme le baobab africain ou différentes sortes d’acacias. Cette flore abrite de nombreux oiseaux et mammifères.

    La forêt de montagne

    De 1800 à 3000 mètres d’altitude, s’étend l’étage montagnard. La forêt tropicale prolifère dans cet espace, faisant place à une végétation épaisse et humide. Sous la canopée, on peut observer des genévriers, des albizias ou encore d’impressionnantes fougères arborescentes. Une riche population d’oiseaux et de mammifères y a élu domicile, comme le babouin, le léopard et la mangouste.

    Une forêt tropicale dense et humide ceinture le Mont Kilimandjaro.
    Dans la forêt tropicale du Kilimandjaro, dense et humide. Crédit photo : Stephane Pothin / Adobe Stock

    La lande

    Entre 3000 et 4000 mètres d’altitude, l’étage alpin se déploie avec ses ambiances de landes et de maquis. Une végétation plus trapue se développe, composée de plantes à fleurs et d’arbustes comme la bruyère arborescente. De nombreuses espèces de passereaux aux couleurs très vives occupent ce territoire. L’aigle huppard y est également présent, chassant différentes sortes de rongeurs qui peuplent ces paysages.

    Le désert alpin

    Aux alentours des 4000 à 5000 mètres d’altitude, la nature fait place au désert alpin, aussi appelé étage afro-alpin. Une atmosphère sèche et un climat rude prédominent dans cet environnement. La végétation qui parvient à s’y développer se limite à des espèces parfaitement adaptées pour des conditions rigoureuses. Le séneçon géant, plante endémique au Kilimandjaro, constitue l’exemple le plus remarquable de cette flore coriace. Quant à la faune, elle se cantonne à quelques rapaces capables de s’aventurer dans ces territoires hostiles, comme la buse rounoir, l’aigle des steppes et le gypaète barbu.

    Vue sur un séneçon géant, espèce endémique de la région du Kilimandjaro.
    Un séneçon géant, spécimen observable uniquement aux abords du Kilimandjaro. Crédit photo : guillaumeastruc / Adobe Stock

    Les neiges éternelles

    Au-delà des 5000 mètres d’altitude, un décor désolé domine le dernier étage nommé nival. Cette appellation souligne son rapport direct à la neige. Ses ambiances minérales ne laissent quasiment aucune place à toute forme de vie. Seuls quelques rares lichens et araignées parviennent à subsister dans cet environnement inhospitalier.

    Le Kilimandjaro, un patrimoine naturel menacé à protéger

    Le mont Kilimandjaro mérite le qualificatif de site naturel remarquable à bien des égards. Volcan imposant de près de 100 km de long, il est visible par temps clair depuis Nairobi, la capitale du Kenya distante de 200 km. Sa situation isolée dominant des paysages de savane, son sommet enneigé et sa très grande altitude parachèvent son caractère unique.

    Toutefois, le massif manifeste des signes de fragilité qui mettent en péril la richesse de sa biodiversité. Conscientes de cette situation délicate, les autorités ont pris des mesures pour protéger l’intégrité naturelle du volcan.

    Un site naturel en proie à des dangers multiples

    Le massif du Kilimandjaro demeure très vulnérable du fait de nombreuses menaces ayant pour dénominateur commun l’activité humaine.

    L’agriculture aux abords de la montagne provoque une pression sur les terres boisées et augmente les risques d’incendie. Elle génère par ailleurs un risque accru de pollution de l’air, de l’eau, et l’apparition d’espèces envahissantes.

    Le tourisme de masse apparu avec la notoriété acquise par l’ascension du Kilimandjaro suscite également son lot de nuisances environnementales. Le prélèvement illégal de ressources ou encore le dépôt sauvage de déchets comptent parmi les conséquences néfastes de cet afflux de visiteurs.

    Le changement climatique exerce aussi une tension sur le site. La fonte des glaces apparaît comme la manifestation la plus évidente, mais la hausse des températures est également nocive pour la biodiversité du lieu.

    La création d’un parc national pour sanctuariser le mont Kilimandjaro

    Face aux dangers de plus en plus pressants sur l’écosystème de l’édifice volcanique, le Parc national du Kilimandjaro voit le jour en 1973. En 1987, son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO est entérinée. Le périmètre de cette zone protégée comprend l’ensemble du massif situé au-dessus de la limite supérieure de la forêt. L’instauration de cette réserve naturelle implique la mise en place d’un plan de gestion. Des gardes forestiers sont notamment formés et déployés pour assurer l’exécution sur le terrain des actions concrètes de surveillance et de préservation de l’environnement.

    Éléphants devant le Mont Kilimandjaro au milieu de la savane.
    Le mont Kilimandjaro dominant la savane. Crédit photo : André / Adobe Stock

    Le parc a pour but de sanctuariser le site naturel du Kilimandjaro et ainsi préserver son caractère exceptionnel. L’atteinte de cet objectif se décline en plusieurs axes :

    • protéger l’intégrité visuelle de ce site naturel spectaculaire ;
    • conserver la couverture forestière de la montagne ;
    • défendre la biodiversité de cet écosystème.

    Au beau milieu de la savane africaine, sa silhouette massive, solitaire et sa parure blanche en son sommet ont propulsé le Kilimandjaro dans la légende. Reste à savoir si le mythe entourant ce grandiose volcan africain survivra à la disparition inévitable des neiges qui ont construit sa célébrité.


    RETENEZ


    • Le mont Kilimandjaro est le point culminant du continent africain, avec un sommet culminant à 5 895 mètres.
    • Ce volcan est né dans la vallée du Grand Rift, suite à la séparation de la plaque somalienne et de la plaque africaine.
    • Sa célébrité tient principalement à la présence de neiges éternelles sous forme de glaciers à son sommet, fait rare sous les tropiques.
    • Ses glaciers sont voués à disparaître rapidement à cause du réchauffement climatique et des activités humaines menées aux abords du volcan.
    • Le Parc National du Kilimandjaro est créé est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

    1.
    DELANO T. Volcans. Epa. [En ligne]. 2021 [cité le 9 sept 2022]. 336 p. Disponible: https://www.editionsepa.fr/epa/nature-et-animaux/volcans-9782376711681
    1.
    Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis E. KILIMANDJARO ou UHURU; [cité le 9 sept 2022]. Disponible: https://www.universalis.fr/encyclopedie/kilimandjaro-uhuru/
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Parc national du Kilimandjaro; [cité le 9 sept 2022]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/403/
    1.
    Collectif. Sanctuaires sauvages: les plus beaux sites naturels de l’UNESCO [En ligne]. Chamalières : Artémis éditions; 2018. Disponible: https://www.editions-artemis.com/beauxlivres/2690-9782816014198-sanctuaires-sauvages-les-plus-beaux-sites-naturels-de-l-unesco.html
    1.
    Chazot G. La belle histoire des merveilles de la terre [En ligne]. De Boeck Supérieur; 2020. 320 p. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329119-la-belle-histoire-des-merveilles-de-la-terre

    Vous ne pouvez pas copier ce contenu ! Tous droits réservés. Merci de respecter le travail de nos rédacteurs et de nos partenaires.