La belle et grande île de Madagascar regorge de trésors géologiques. Parmi eux se trouvent les Tsingy qui méritent largement une visite lors d’un voyage sur les terres malgaches. Formant d’immenses tours de calcaire en équilibre sur une base mince, ces sculptures de pierres offrent un panorama époustouflant. Datant du Jurassique moyen, ces éperons calcaires se sont formés par des mécanismes distincts d’érosion et de dissolution. Bien comprendre le phénomène qui a conduit à ce paysage permet de mieux apprécier la beauté du site. Partons à la découverte de cet incroyable cadeau architectural de la nature que sont les Tsingy de Madagascar.
Un panorama unique et grandiose : des paysages karstiques
Tsingy, en malgache, signifie «aiguille». Gigantesques étendues de pointes acérées, les Tsingy sont à la fois faits de calcaire et de roche friable composée de coquillages fossilisés.
Deux sites à Madagascar offrent de tels paysages. Le plus connu est probablement celui des Tsingy de Bemaraha, à environ 300 km à l’ouest de la capitale Antananarivo. L’autre, appelé Tsingy de l’Ankarana, se situe à 100 km au sud de Diego Suarez, ville du nord de Madagascar.
Tout comme le Parc Yellowstone aux États-Unis, qui offre un paysage surnaturel et fascinant, les milliers d’hectares à perte de vue des Tsingy nous laissent à penser que l’on se trouve sur une autre planète. Ces aires protégées ne sont accessibles que par une piste pour éviter un afflux touristique massif. Pour profiter du paysage, il faut s’armer de patience et de courage pour se retrouver au cœur des ces monstres de calcaire grandioses.
Avec ses 152000 hectares, les Tsingy du Bemaraha constituent de loin le plus grand site protégé de Madagascar.
Difficile de croire que seuls des phénomènes géologiques naturels sont à l’origine de telles œuvres sculpturales. Et pourtant…
Tsingy de Magascar : une histoire géologique singulière
La naissance de Madagascar
Madagascar : cet énorme morceau de terre était rattaché au continent africain, dont il s’est désolidarisé il y a plus de 160 millions d’années. Il s’est ensuite détaché de l’Antarctique puis de l’Inde des dizaines de millions d’années plus tard, pour donner naissance à « la Grande Île » singulière au cœur de l’Océan Indien.
Ce site exceptionnel doit ses particularités à la conjoncture de plusieurs évènements dont le départ s’est initié alors que Madagascar était encore accrochée à l’Afrique. C’est à cette période que se développent, au sein d’immenses lagons, des récifs coralliens. De ces récifs sont issus des carbonates très fins qui se déposent au fond de l’eau jusqu’à former, au fil du temps, une épaisse couche calcaire de 200 mètres d’épaisseur.
Un double phénomène unique
La tectonique a engendré la migration des formations carbonatées (calcaires) au-dessus du niveau des océans.
D’après des recherches scientifiques, deux phénomènes complémentaires ont alors suivi :
- L’un correspond à l’érosion des calcaires par l’écoulement de rivières, engendrant des grottes et des réseaux hydrologiques souterrains. Des canyons profonds se sont creusés par la dissolution, créant des gorges abruptes et profondes.
- L’autre est issu du ruissellement des pluies dont l’acidité va dissoudre lentement les particules riches en calcium par le haut, formant des couloirs étroits et des sommets pointus. Les lapiaz sont des sillons creusés par la dissolution du calcaire.
La base de ces formations, fragilisée par un réseau complexe de canyons et de grottes souterraines, ont été enfoncées dans les nappes phréatiques souterraines. Ne reste alors en surface qu’un paysage dit karstique et des massifs calcaires déchiquetés, caractéristique essentielle de cette région.
En parallèle de ces puissants phénomènes, la surface des pierres a également été fragilisée par endroits, du fait de l’écoulement des pluies et l’érosion. Ainsi, on observe des taffoni, dépressions creusées dans la pierre au niveau des zones de forte porosité.
D’autres reliefs karstiques existent partout sur notre planète, offrant des paysages différents pour plusieurs raisons, notamment celle de l’échelle chronologique. C’est par exemple le cas du Parc national des lacs de Plitvice en Croatie.
Une faune et une flore endémique : une biodiversité riche
Pouvant culminer de 30 jusqu’à 100 mètres de haut, ces pics aiguisés comme des couteaux présentent un énorme différentiel de températures entre la base et l’extrémité pointue. La végétation s’en trouve ainsi très variée. En hauteur, le sol très sec autorise peu de végétation, tandis que le taux d’humidité important au fond des canyons permet une flore luxuriante et dense.
Sur les zones culminantes, le milieu rupicole (correspondant à du substrat rocheux) est favorable à des espèces végétales et animales très particulières. À l’extrémité inférieure, base des massifs calcaires, les forêts denses abritent un habitat de nombreuses espèces rares et menacées. Parmi elles une dizaine d’espèces de lémuriens tel que l’Avahi cleesei, mais aussi des oiseaux, des amphibiens, des reptiles comme le petit caméléon Brookesia perarmata.
L’accessibilité difficile et les barrières calcaires constituent un réseau impénétrable qui rend des parties entières inexplorées et donc préservées. Cela signifie un écosystème d’une très grande diversité et un véritable trésor à Madagascar. Au sein des Tsingy se trouvent encore des espèces endémiques (tels que certains reptiles par exemple) et une végétation parfois intacte. Ainsi, plus de 900 plantes et pas moins de 400 espèces ont été répertoriées.
Néanmoins, ces espèces sont menacées du fait de la croissance de la population, du réchauffement climatique et de l’intrusion de l’Homme.
La réserve naturelle des Tsingy de Bemaraha classée au patrimoine mondial de l’UNESCO
La réserve naturelle intégrale des Tsingy de Bemaraha a été créée officiellement en 1927. Elle est de loin la plus vaste réserve de Madagascar avec 152 000 hectares.
Cette réserve est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1990. Les autorités malgaches ont pris conscience du joyau patrimonial que représentent les Tsingy, et veulent le préserver. Malgré des moyens limités, il existe une réelle volonté de conserver le plus intact possible ces œuvres calcaires et les espèces endémiques dont elles regorgent. Et cela paraît urgent : du fait de la croissance de l’exploitation des forêts et des terres agricoles, il existe un risque important de disparition de la faune et la flore si particulières à cette région.
L’hypothèse géologique du double phénomène érosion-dissolution de cet incroyable processus de formation des Tsingy de Madagascar a récemment été confirmée par une équipe de mathématiciens de l’Université de New-York.