S'informer et comprendre notre planĂšte

Plus

    SurpĂȘche dans le Monde : Pourquoi la BiodiversitĂ© Marine est en Danger ?

    dans la mĂȘme rubrique

    Les ocĂ©ans, autrefois synonymes d’abondance, sont aujourd’hui en Ă©tat d’alerte. Le responsable ? La surpĂȘche dans le monde. Le constat est alarmant : selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) des populations entiĂšres de poissons s’effondrent, les Ă©cosystĂšmes marins sont ravagĂ©s et la biodiversitĂ© marine est menacĂ©e comme jamais auparavant. La surpĂȘche dans le monde, pratiquĂ©e Ă  une Ă©chelle industrielle, est l’un des principaux responsables de cette crise. Chalutage de fond, navires-usines, pĂȘche illĂ©gale, etc. Les techniques se perfectionnent, mais Ă  quel prix ? Certaines espĂšces iconiques, comme le thon rouge ou la morue de l’Atlantique, ont frĂŽlĂ© l’extinction et des Ă©cosystĂšmes entiers sont au bord de l’effondrement. Les causes et les consĂ©quences de la surpĂȘche dans le monde sont aujourd’hui largement documentĂ©es : disparition d’espĂšces, dĂ©sĂ©quilibres Ă©cologiques, impacts socio-Ă©conomiques sur les communautĂ©s cĂŽtiĂšres, etc. Mais un dĂ©fi de taille reste Ă  relever : comment rĂ©duire l’impact de la surpĂȘche sur les Ă©cosystĂšmes marins ? Comment lutter contre la surpĂȘche et Ă©viter un effondrement irrĂ©versible des stocks halieutiques ? Quelles solutions existent pour protĂ©ger la biodiversitĂ© marine ? DĂ©couvrons dans cet article les consĂ©quences de la surpĂȘche et les actions possibles pour inverser la tendance. Des initiatives locales aux politiques internationales, en passant par les innovations technologiques et les changements de comportement, dĂ©couvrons ensemble les moyens de prĂ©server ce patrimoine naturel essentiel Ă  l’équilibre de notre planĂšte.

    PĂȘche artisanale et pĂȘche industrielle

    La limite entre pĂȘche artisanale de la pĂȘche industrielle est floue et fait l’objet de dĂ©bats.

    En France, un navire est considĂ©rĂ© comme relevant de la pĂȘche artisanale s’il mesure moins de 25 m. Cette dĂ©finition est plus large que celle utilisĂ©e par 65 % des pays, oĂč la limite est fixĂ©e Ă  15 m de longueur. Ce dĂ©calage rend les normes françaises peu compatibles avec les standards internationaux.

    La pĂȘche artisanale englobe des rĂ©alitĂ©s trĂšs contrastĂ©es :

    • Des plongeurs et pĂȘcheurs qui utilisent des techniques de pĂȘche ancestrales, avec des revenus parfois infĂ©rieurs Ă  un dollar par jour.
    • Une flotte modernisĂ©e, capable d’accroĂźtre ses captures grĂące Ă  des techniques parfois destructrices, comme la pĂȘche Ă  l’explosif ou au cyanure.

    Cependant, la pĂȘche industrielle demeure la plus dĂ©vastatrice, avec seulement 1 % des navires capturant Ă  eux seuls 50 % des poissons pĂȘchĂ©s dans le monde.

    PĂȘche artisanale traditionnelle en Afrique.
    PĂȘche artisanale au SĂ©nĂ©gal. CrĂ©dit photo : Yagamar via Wikimedia Commons

    La surpĂȘche dans le monde

    On estime aujourd’hui que plus de 1 600 milliards de poissons sont pĂȘchĂ©s chaque annĂ©e dans le monde.

    Dans son rapport Sofia de 2016, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) souligne que 90% des poissons sauvages sont surexploitĂ©s ou pleinement exploitĂ©s.

    Pour rĂ©pondre Ă  une demande croissante en poisson, les navires-usines exploitent de plus en plus de zones (ouest de l’Afrique, ocĂ©an Indien, Pacifique du sud-est, etc.), en pĂȘchant toujours plus profond. Les moyens technologiques ont Ă©tĂ© dĂ©cuplĂ©s, avec l’utilisation d’hĂ©licoptĂšres ou de sonars pour repĂ©rer les bancs de poissons.

    PĂȘche au chalut et surpĂȘche.
    Poisson pĂȘchĂ© et entreposĂ© Ă  bord du chalutier français Le PrĂ©curseur. CrĂ©dit photo : Olivier Dugornay, WikimĂ©dia Commons

    On parle de surpĂȘche quand l’augmentation des capacitĂ©s de capture entraĂźne :

    • une diminution du nombre de prises et la disparition de certaines espĂšces,
    • une diminution de la taille moyenne et de l’Ăąge des prises,
    • une diminution du poids moyen des prises (individus plus jeunes ou sous-alimentĂ©s),
    • la rĂ©gression du stock d’individus aptes Ă  se reproduire.

    Lorsque ces signes se cumulent, ils indiquent que l’espĂšce est pĂȘchĂ©e plus vite qu’elle ne peut se reproduire et se maintenir. Aujourd’hui, les espĂšces marines risquent d’atteindre un point de non-retour.

    Parmi les espĂšces menacĂ©es par la surpĂȘche dans le monde :

    • Le thon rouge de MĂ©diterranĂ©e. L’espĂšce n’est plus classĂ©e « en danger » par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) depuis 2021, mais les populations restent fragiles. Cette espĂšce reprĂ©sente environ 30% des volumes dĂ©barquĂ©s.
    • Le merlu de MĂ©diterranĂ©e. Il dĂ©tient le triste record du taux d’exploitation le plus Ă©levĂ©, surpassant de 12 fois le Rendement Maximal Durable (RMD) dans le golfe du Lion. Selon la FAO, le rendement maximal durable ou RMD « fait rĂ©fĂ©rence Ă  la plus grande capture qui peut ĂȘtre prĂ©levĂ©e sur un stock de poissons Ă  long terme sans en provoquer le futur dĂ©clin. Il sert Ă©galement Ă  la classification des stocks.
    • Le cabillaud ou morue de l’Atlantique. Ce poisson trĂšs prisĂ© en Europe occidentale est surtout victime de la pĂȘche illĂ©gale. Ses populations connaissent un grave dĂ©clin depuis des dĂ©cennies.
    • Le lieu jaune. SurpĂȘchĂ© depuis 30 ans, cette espĂšce ne possĂšderait plus assez de gĂ©niteurs pour se reproduire.

    D’autres espĂšces, comme la sole, le rouget de vase, le chinchard ou l’églefin sont Ă©galement catĂ©gorisĂ©es en danger critique d’extinction ou de surpĂȘche.

    Au niveau mondial, l’UICN publie rĂ©guliĂšrement une liste rouge des espĂšces menacĂ©es.

    EspĂšces marines menacĂ©es par la surpĂȘche.
    Exemples de populations de poissons en Ă©tat critique selon l’évaluation de l’IFREMER en 2023. CrĂ©dit photo : Ifremer 2024, J. Barrault

    Quelques techniques de pĂȘche ravageuses

    Le chalutage de fond

    Pour pallier l’épuisement des stocks halieutiques de surface, le chalutage de fond s’est dĂ©veloppĂ© Ă  la fin du 20ᔉ siĂšcle, permettant de pĂȘcher au niveau des fonds marins. L’essor de ces chalutiers industriels a largement contribuĂ© Ă  la surexploitation des ocĂ©ans.

    Dans cette technique, des chaĂźnes ou des rouleaux sont fixĂ©s Ă  l’avant d’immenses filets qui raclent le fond marin. Ce procĂ©dĂ© arrache la flore et endommage durablement l’habitat des coraux et colonies d’éponges. D’autres espĂšces, comme les oursins et les algues, sont Ă©crasĂ©es ou enfouies sous les sĂ©diments.

    PĂȘche au chalut aux États-Unis.
    Une montagne de poissons capturés au large de la Californie. Crédit photo : John Wallace, NOAA, via Wikimédia Commons

    Afin de protĂ©ger les milieux marins trĂšs vulnĂ©rables, l’ONU a demandĂ© dĂšs 2006 que la pĂȘche de grands fonds soit interdite ou strictement encadrĂ©e. Toutefois, les États membres n’ont pas tous rĂ©pondu favorablement Ă  cet appel.

    En France, en Espagne et au Portugal, le sujet divise et fait dĂ©bat. Le chalutage de fond y est toujours pratiquĂ©, malgrĂ© les exhortations de l’Union europĂ©enne : les trois pays totalisent 90% des prises en eaux profondes.

    Les dispositifs de concentration de poissons (DCP)

    Les DCP sont des radeaux formĂ©s d’un assemblage d’objets flottants, prolongĂ©s sous l’eau par des filets ou des cordages.

    Cette technique millĂ©naire a Ă©tĂ© reprise et perfectionnĂ©e par les industriels de la pĂȘche, notamment de la pĂȘche au thon. Les DCP sont maintenant accompagnĂ©s de balises GPS, de balises satellites ou de sondeurs afin de connaĂźtre le volume de poissons autour du dispositif.

    Les DCP, en facilitant la capture d’une grande quantitĂ© de poissons et de prises accessoires, font peser un trop lourd poids sur les stocks de poissons.

    La pĂȘche au chalut Ă©lectrique

    La partie avant du chalut est dotĂ©e d’électrodes qui crĂ©ent un champ Ă©lectrique de faible intensitĂ©. Ce champ provoque des contractions musculaires, faisant ainsi dĂ©coller les animaux marins du fond pour faciliter leur capture par le filet.

    La pĂȘche au chalut Ă©lectrique est interdite en Europe en raison de ses effets sur certaines espĂšces sensibles aux champs Ă©lectriques, comme les raies. Cette technique de pĂȘche prĂ©sente Ă©galement un risque important de surexploitation des ressources marines. NĂ©anmoins, des dĂ©rogations ont Ă©tĂ© accordĂ©es pour certains chaluts expĂ©rimentaux.

    Cette technique de pĂȘche est notamment pratiquĂ©e de maniĂšre illĂ©gale aux Pays-Bas.

    PĂȘche Ă©lectrique et surpĂȘche.
    Technique de pĂȘche au chalut Ă©lectrique. CrĂ©dit photo : Ecomare/Oscar Bos via WikimĂ©dia Commons

    De lourdes conséquences écologiques

    Impact sur les Ă©cosystĂšmes et les niveaux trophiques

    La pĂȘche industrielle vide progressivement les ocĂ©ans et entraĂźne un dĂ©sĂ©quilibre gĂ©nĂ©ral des chaĂźnes alimentaires.

    DiffĂ©rents modĂšles biomathĂ©matiques (dont Ecopath, Ecosim, Ecospace) permettent d’analyser et de prĂ©dire les consĂ©quences de la surpĂȘche sur les communautĂ©s animales. Les rĂ©sultats permettent de dĂ©montrer des changements dans les rĂ©seaux trophiques, qui relient les chaĂźnes alimentaires dans l’écosystĂšme marin.

    Les espĂšces prĂ©fĂ©rentiellement pĂȘchĂ©es sont des carnivores apicaux, c’est-Ă -dire les prĂ©dateurs qui occupent le sommet des chaĂźnes alimentaires.

    Par consĂ©quent, les populations de grande taille s’effondrent au profit d’espĂšces plus petites, comme les mĂ©duses. Celles-ci profitent de la rarĂ©faction des prĂ©dateurs pour investir les niches Ă©cologiques laissĂ©es inoccupĂ©es.

    Ce prélÚvement ciblé a donc des conséquences graves sur les réseaux trophiques, par exemple :

    • Au large de Terre-Neuve, la rarĂ©faction des poissons a entraĂźnĂ© une diminution de la taille moyenne des baleines Ă  bosses qui frĂ©quentent ces eaux.
    • Des migrations de phoques affamĂ©s ont eu lieu depuis le Groenland vers les cĂŽtes du Canada. En Europe, dauphins et marsouins descendent vers le sud, car l’Atlantique nord est surexploitĂ©.
    • La disparition de la morue et d’autres prĂ©dateurs au large des États-Unis a entraĂźnĂ© une prolifĂ©ration d’herbivores qui a provoquĂ© un fort dĂ©clin des forĂȘts d’algues.
    • Les scientifiques observent une modification de la structure des communautĂ©s et de la diversitĂ© gĂ©nĂ©tique par la sĂ©lection d’espĂšces ou de classes de taille. Cette pression sur les habitats les rend plus sensibles aux invasions biologiques, aux perturbations et aux pollutions.
    • Les oiseaux piscivores marins (mouettes ou goĂ©lands) rĂ©gressent et doivent s’adapter. Ils pĂȘchent des proies plus petites ou d’un niveau trophique infĂ©rieur.

    La surpĂȘche dans le monde entraĂźne la disparition de nombreuses espĂšces. Des poissons autrefois courants, comme le cabillaud de l’Atlantique ou l’anguille d’Europe, figurent aujourd’hui parmi les espĂšces menacĂ©es. Leur disparition laisse place Ă  un Ă©cosystĂšme appauvri, dominĂ© par des espĂšces primitives telles que des mĂ©duses ou des macro-algues.

    Prises accessoires et pĂȘche fantĂŽme

    La pĂȘche intensive gĂ©nĂšre des « prises accessoires » ou « bycatch ». Il s’agit de la capture d’espĂšces non ciblĂ©es, comme les tortues, les requins, les dauphins ou des oiseaux marins. D’aprĂšs la FAO, ces prises reprĂ©senteraient entre 18 et 40 millions de tonnes chaque annĂ©e.

    Sans intĂ©rĂȘt lucratif, ces animaux sont directement rejetĂ©s Ă  la mer, morts ou agonisants.

    Dauphin dans le cadre d'une capture accidentelle.
    Un dauphin (Lagenorhynchus obliquidens) capturé de façon accidentelle. Crédit photo : Wikimédia Commons

    Un autre problĂšme est celui des Ă©quipements de pĂȘche abandonnĂ©s en mer : filets maillants, piĂšges et nasses. Outre la pollution plastique que cela reprĂ©sente (environ 10 % des dĂ©chets marins), ces outils continuent Ă  piĂ©ger un grand nombre d’animaux sans distinction.

    Ce phĂ©nomĂšne se nomme la « pĂȘche fantĂŽme ». EmmĂȘlĂ©s dans les filets et incapables de remonter Ă  la surface, des cĂ©tacĂ©s et autres espĂšces protĂ©gĂ©es meurent d’asphyxie ou de blessures dans l’indiffĂ©rence gĂ©nĂ©rale.

    Souffrance animale 

    Les poissons ressentent-ils de la douleur et des Ă©motions ?

    Dans une Ă©tude parue en 2019, les biologistes de l’universitĂ© de Liverpool ont prouvĂ© que les poissons montrent des rĂ©actions instinctives qui les poussent Ă  fuir une expĂ©rience douloureuse.

    Et d’aprĂšs Marie-Laure BĂ©gout, chercheure en Ă©cologie comportementale des poissons : « Ces animaux ont un systĂšme nerveux suffisamment dĂ©veloppĂ© pour ressentir la douleur et des Ă©motions, notamment des Ă©motions nĂ©gatives comme la peur et l’anxiĂ©tĂ© qui peuvent conduire Ă  des Ă©tats de stress ».

    DĂšs lors, la souffrance des poissons est-elle suffisamment prise en compte lors des opĂ©rations de pĂȘche ?

    Le rĂšglement europĂ©en exige que « toute douleur, dĂ©tresse ou souffrance Ă©vitable est Ă©pargnĂ©e aux animaux lors de la mise Ă  mort et des opĂ©rations annexes » (RĂšglement CE n° 1099/2009 du Conseil relatif Ă  la protection des animaux au moment de l’abattage).

    Cette directive impliquerait d’étourdir les animaux avant de les tuer, mĂ©thode protectrice qui n’est jamais appliquĂ©e au milieu marin.

    Les Ă©cosystĂšmes marins : des puits de carbone

    Les ocĂ©ans sont des puits de carbone : ils absorbent et sĂ©questrent environ la moitiĂ© du carbone Ă©mis dans l’atmosphĂšre, rĂ©duisant ainsi l’effet de serre. Cette opĂ©ration est rendue possible par le phytoplancton, le plancton et les coraux.

    Le krill joue un rĂŽle essentiel dans la chaĂźne alimentaire marine et dans la dĂ©carbonisation des ocĂ©ans. Cependant, il fait dĂ©sormais l’objet d’une exploitation industrielle intensive. Cette pĂȘche est principalement destinĂ©e Ă  approvisionner l’aquaculture ou Ă  fabriquer des complĂ©ments alimentaires.

    Cette pression sur les écosystÚmes marins perturbe les cycles biologiques responsables du stockage de carbone. En effet, les poissons jouent un rÎle crucial dans la séquestration du carbone en éliminant les sels minéraux excédentaires sous forme de cristaux de carbonate de calcium et de magnésium.

    Ces cristaux tombent sur les fonds marins peu profonds des plateaux continentaux, oĂč ils peuvent ĂȘtre durablement piĂ©gĂ©s.Toutefois, Ă  des profondeurs supĂ©rieures Ă  1000 mĂštres, ces cristaux deviennent solubles et libĂšrent Ă  nouveau du CO2 dans l’eau.

    Or, ce sont prĂ©cisĂ©ment ces zones cĂŽtiĂšres riches en biomasse qui subissent le plus lourd tribut de la surpĂȘche, entraĂźnant une diminution drastique des populations de poissons et affaiblissant leur rĂŽle dans le cycle du carbone.

    Les pratiques destructrices telles que le chalutage de fond aggravent encore cette situation. En raclant les sĂ©diments marins, ces techniques libĂšrent d’importantes quantitĂ©s de carbone stockĂ© depuis des millĂ©naires dans les fonds ocĂ©aniques.

    La dĂ©gradation des Ă©cosystĂšmes marins due Ă  la surpĂȘche dans le monde ne se limite donc pas uniquement Ă  une perte de biodiversitĂ© : elle compromet Ă©galement la capacitĂ© des ocĂ©ans Ă  jouer leur rĂŽle de puits de carbone.

    Cette situation exacerbe le rĂ©chauffement climatique en augmentant la concentration de CO2 atmosphĂ©rique et en rĂ©duisant l’efficacitĂ© des ocĂ©ans Ă  absorber ce gaz Ă  effet de serre.

    Un autre phĂ©nomĂšne menace la biodiversitĂ© marine : l’aciditĂ© des ocĂ©ans. Ce phĂ©nomĂšne se produit lorsque l’augmentation de CO2 dans l’atmosphĂšre entraĂźne l’augmentation du CO2 dissous dans l’eau.

    Depuis 1800, l’aciditĂ© des ocĂ©ans a augmentĂ© de prĂšs de 30 %, ce qui correspond Ă  une baisse du pH de 8,2 Ă  8,1. Des simulations effectuĂ©es dans le cadre du premier projet europĂ©en sur l’acidification des ocĂ©ans (EPOCA ou European Project on Ocean Acidification) ont dĂ©montrĂ© qu’au rythme des Ă©missions actuelles de CO2, l’aciditĂ© des eaux de surface de l’ocĂ©an pourrait tripler d’ici la fin du siĂšcle.

    L’absorption de CO2 par l’eau de mer entraĂźne une augmentation de la concentration en protons (ions H), ce qui modifie l’équilibre chimique de l’eau. Cette acidification entraĂźne Ă©galement une diminution des ions carbonates (CO32−).

    Ces derniers sont pourtant essentiels à de nombreux organismes marins pour la fabrication de leur squelette ou coquille calcaire. En conséquence, cette acidification aura des effets directs sur certains organismes, comme les coraux, les moules et les hußtres, en perturbant leur capacité à se développer et à maintenir leurs structures calcaires.

    D’autres effets nĂ©gatifs sur le zooplancton (comme les ptĂ©ropodes) pourraient avoir des consĂ©quences sur toute la chaĂźne alimentaire. En effet, beaucoup d’organismes dĂ©pendent du plancton ou des coraux, soit comme source de nourriture, soit comme habitat.

    Ainsi, l’acidification pourrait provoquer des consĂ©quences en chaĂźne sur les rĂ©seaux alimentaires, la biodiversitĂ© de certains Ă©cosystĂšmes et entraĂźner des impacts Ă©conomiques pour l’Homme.

    Ptéropode malade à cause de l'acidification des océans.
    PtĂ©ropode malade dont la coquille prĂ©sente des dommages dus Ă  l’acidification des ocĂ©ans. CrĂ©dit photo : NOAA Photo Library via WikimĂ©dia Commons

    Vers une « pĂȘche durable » ?

    Depuis la mise en Ɠuvre de la politique commune des pĂȘches (PCP) en 1983, de nombreuses rĂ©glementations ont Ă©tĂ© instaurĂ©es pour protĂ©ger les ressources marines. Ces mesures ont Ă©voluĂ© avec les objectifs de dĂ©veloppement durable (ODD 14) adoptĂ©s en 2014.

    Toutes ces initiatives visent Ă  construire un nouveau modĂšle de pĂȘche, centrĂ© sur la durabilitĂ© (ou “pĂȘche durable” ) et un impact rĂ©duit sur les Ă©cosystĂšmes marins.

    En juin 2022, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) a adoptĂ© un accord visant Ă  limiter les subventions destinĂ©es Ă  la pĂȘche destructrice, touchant ainsi Ă  un levier Ă©conomique clĂ©. À lâ€˜Ă©chelle mondiale, un pĂȘcheur industriel reçoit en moyenne 187 fois plus de subventions pour le gasoil chaque annĂ©e qu’un pĂȘcheur artisanal.

    Des Ă©colabels ont aussi Ă©tĂ© crĂ©Ă©s dans ce sens : le label MSC (Marine Stewardship Council), ou l’écolabel public français « PĂȘche Durable », rĂ©pondent Ă  des exigences environnementales, Ă©conomiques et sociales.

    Toutefois, ces labels sont fortement dĂ©criĂ©s par plusieurs associations de protection de l’environnement : avec un cahier des charges trop peu contraignant, ils seraient surtout destinĂ©s Ă  rassurer le consommateur.

    Lutte contre la pĂȘche illĂ©gale et gestion durable des fonds marins : dĂ©fis et solutions

    Est-il possible de concilier pĂȘche de fond et prĂ©servation des Ă©cosystĂšmes marins ?

    Les mesures de protection doivent se dĂ©cider au cas par cas. En effet, tous les milieux marins ne prĂ©sentent pas le mĂȘme degrĂ© de vulnĂ©rabilitĂ©.

    Les habitats benthiques, substrats marins abritant un grand nombre d’espĂšces (coraux, oursins, vers marins) doivent ĂȘtre protĂ©gĂ©s en prioritĂ©. Dans ce cas, seul un arrĂȘt de la pĂȘche de fond permettra de les conserver.

    Pour les habitats moins vulnĂ©rables, la question doit ĂȘtre Ă©valuĂ©e au cas par cas. Les mesures spatiales (AMP), une rĂ©duction des quotas ou des modifications des techniques de pĂȘche ont prouvĂ© leur efficacitĂ©.

    Pour Alain Biseau, biologiste Ă  l’Ifremer, des « mesures de gestion des stocks plus conformes aux diagnostics des scientifiques » sont Ă©galement nĂ©cessaires.

    La lutte et la prĂ©vention contre la pĂȘche illĂ©gale, non dĂ©clarĂ©e et non rĂ©glementĂ©e (INN), est Ă©galement un levier crucial, car elle reprĂ©sente environ un poisson sur cinq pĂȘchĂ© dans le monde. PrĂ©venir cette pratique est essentiel pour prĂ©server les stocks marins et garantir une gestion durable des ressources halieutiques.

    Dans cet objectif, un premier accord international (PSMA) a vu le jour en 2016 sous l’Ă©gide de l’ONU et de la FAO, visant Ă  interdire l’accĂšs des ports aux navires pratiquant la pĂȘche illĂ©gale.

    Ce type de pĂȘche est surtout pratiquĂ©e en haute mer et dans les zones cĂŽtiĂšres de pays peu contrĂŽlĂ©s. Pour lutter contre cette pratique, des technologies modernes peuvent ĂȘtre mises Ă  contribution, telles que l’imagerie satellitale, des systĂšmes basĂ©s sur la blockchain, le suivi de navire et parfois l’utilisation de drones.

    Depuis juin 2023, le Centre national d’études spatiales (Cnes) fournit Ă  diffĂ©rents services de l’État français un systĂšme de surveillance de la pĂȘche illĂ©gale depuis l’espace.

    Restauration des écosystÚmes marins 

    Une gestion rationnelle des ressources marines peut parfois permettre de restaurer et de protéger des écosystÚmes fragilisés.

    Par exemple, l’utilisation de rĂ©cifs artificiels s’est rĂ©vĂ©lĂ©e ĂȘtre une solution efficace, avec des rĂ©sultats positifs observĂ©s au cours des derniĂšres dĂ©cennies Ă  travers le monde. Ces structures artificielles servent Ă  recrĂ©er des habitats pour la biodiversitĂ© marine.

    Les aires marines protégées (AMP) ont également prouvé leur efficacité dans la préservation des écosystÚmes marins.

    Par exemple, autour de l’üle de Sainte-Lucie, en mer des CaraĂŻbes, une AMP soutenue par le Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM) a permis d’augmenter la biomasse de poissons par 4 en seulement 10 ans dans la rĂ©serve naturelle.

    En parallĂšle, la diversitĂ© des espĂšces a Ă©galement recommencĂ© Ă  se reconstituer dans les zones environnantes, dĂ©montrant ainsi l’impact positif de ces zones protĂ©gĂ©es sur la rĂ©gĂ©nĂ©ration des Ă©cosystĂšmes marins.

    Des rĂ©cifs artificiels comme solution Ă  la surpĂȘche.
    Récifs artificiels dans le port de la Ciotat, France. Crédit photo : Olivier Dugornay, IFREMER, via Wikimedia Commons

    Réduction de la consommation 

    La demande en poissons ne cesse de croĂźtre depuis des dĂ©cennies : la quantitĂ© pĂȘchĂ©e est passĂ©e de 8 Ă  20 kg par an et par personne au niveau mondial de 1950 Ă  nos jours.

    PrĂšs de la moitiĂ© de cette consommation provient de l’aquaculture marine. Mais le dĂ©veloppement fulgurant de l’Ă©levage depuis 30 ans entraĂźne de nombreux dĂ©gĂąts : dĂ©gradation de mangroves, pollution des eaux, rejets de produits chimiques et mĂ©dicaments, interactions des poissons Ă©chappĂ©s avec les espĂšces sauvages, etc.

    Sans pour autant rĂ©gler le problĂšme de la surpĂȘche dans le monde ! En effet, beaucoup de poissons d’aquaculture sont carnivores : il faut 5 kg de poissons sauvages pour produire 1 kg de saumon d’Ă©levage.

    Il convient, en tant que consommateur, de modifier nos habitudes :

    • Bannir les poissons pĂȘchĂ©s avec les mĂ©thodes les plus destructrices.
    • PrivilĂ©gier les espĂšces de bas niveau trophique, comme les poissons herbivores, et les espĂšces dont les « stocks » ne sont pas encore menacĂ©s.
    • RĂ©duire fortement notre consommation de poissons au profit d’autres sources de protĂ©ines.

    La pĂȘche artisanale reste essentielle pour l’économie et la sĂ©curitĂ© alimentaire de nombreux pays. Toutefois, face Ă  la surpĂȘche dans le monde, il est urgent de revoir notre maniĂšre de traiter ces animaux. Cette rĂ©Ă©valuation est nĂ©cessaire non seulement pour Ă©viter un effondrement Ă©cologique des ocĂ©ans, dont nous dĂ©pendons, mais aussi pour respecter notre humanitĂ© envers des ĂȘtres vivants sensibles. Repenser notre approche de la pĂȘche est crucial pour prĂ©server la biodiversitĂ© marine et garantir un avenir plus durable pour les gĂ©nĂ©rations futures.

    RETENEZ


    • Effondrement des stocks halieutiques : 90 % des poissons sauvages sont surexploitĂ©s ou pleinement exploitĂ©s.
    • Des techniques de pĂȘche destructrices : chalutage de fond, navires-usines, pĂȘche au chalut Ă©lectrique, dispositifs de concentration de poissons (DCP), pĂȘche illĂ©gale et non rĂ©glementĂ©e, etc.
    • DĂ©stabilisation des chaĂźnes alimentaires marines, avec une prolifĂ©ration d’espĂšces opportunistes comme les mĂ©duses.
    • DĂ©gradation des capacitĂ©s de stockage du carbone des ocĂ©ans, contribuant au rĂ©chauffement climatique.
    • Des solutions pour lutter contre la surpĂȘche : renforcement des rĂ©gulations internationales, limitation des quotas de pĂȘche, promotion de la pĂȘche durable, changements des modes de consommation, crĂ©ation d’aires marines protĂ©gĂ©es, etc.

    1.
    [En ligne]. La douleur et la souffrance des poissons sont-elles suffisamment considérées en aquaculture et pêche ? | Ifremer; 9 avr 2024 [cité le 4 févr 2025]. Disponible: https://www.ifremer.fr/fr/ressources/la-douleur-et-la-souffrance-des-poissons-sont-elles-suffisamment-considerees-en
    1.
    UICN, MNHN. La Liste rouge des espèces menacées en France. Poissons d’eau douce de France métropolitaine [En ligne]. UICN; Disponible: https://uicn.fr/wp-content/uploads/2009/12/Liste_rouge_France_Poissons_d_eau_douce_de_metropole.pdf
    1.
    [En ligne]. La vie marine et la pêche sont de plus en plus menacées par la perte d’oxygène des océans – Rapport de l’UICN | IUCN; 7 déc 2019 [cité le 4 févr 2025]. Disponible: https://iucn.org/fr/news/milieu-marin-et-polaire/201912/la-vie-marine-et-la-peche-sont-de-plus-en-plus-menacees-par-la-perte-doxygene-des-oceans-rapport-de-luicn
    1.
    FAO, rédacteur. Contributing to food security and nutrition for all [En ligne]. Rome; 2016. 1 p. (The state of world fisheries and aquaculture). Disponible: https://openknowledge.fao.org/server/api/core/bitstreams/20e618b3-93a1-488a-9697-798f6b6c6b35/content
    1.
    Gatusso JP, Hansson L. Acidification des océans [En ligne]. Ocean Climate.org; Disponible: https://www.ocean-climate.org/wp-content/uploads/2017/02/acidification-océan_FichesScientifiques_04-5.pdf
    1.
    Sneddon LU. Evolution of nociception and pain: evidence from fish models. Philosophical Transactions of the Royal Society B: Biological Sciences [En ligne]. 23 sept 2019 [cité le 4 févr 2025];374(1785):20190290. Disponible: https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2019.0290

    © L'Odyssée de la Terre - Tous droits réservés

    Partagez...
    Commentez...
    0 0 votes
    Évaluation de l'article
    S’abonner
    Notifier de
    guest

    0 Commentaires
    le plus ancien
    le plus récent le plus populaire
    Commentaires en ligne
    Voir tous les commentaires
    DĂ©couvrez...
    Jetez un coup d'oeil
    Vous ne pouvez pas copier ce contenu ! Tous droits réservés. Merci de respecter le travail de nos rédacteurs et de nos partenaires.