Le pôle Nord est un repère universel. Pour autant, le pôle Nord que le géographe indique sur ses cartes n’est pas le même que le Nord indiqué par l’aiguille d’une boussole. Comment différencie-t-on le pôle Nord géographique du pôle Nord magnétique ? Quelle est l’origine du champ magnétique ? Pourquoi et jusqu’où les pôles magnétiques se déplacent-t-ils ? Quelles sont les conséquences de ces déplacements ?
Pôle Nord géographique et pôle Nord magnétique : quelle différence ?
Dans le langage courant, le pôle Nord et le pôle Sud font référence aux pôles géographiques. Ainsi, le pôle Nord géographique correspond au point le plus au Nord de notre planète. Il représente l’intersection de l’axe de rotation de la Terre avec sa surface. Il s’agit d’un point fixe où se croisent les fuseaux horaires et les méridiens. Situé au milieu de l’Arctique, il correspond au nord indiqué sur les cartes.
Il existe également des pôles magnétiques. Le pôle Nord magnétique est le point de convergence des lignes de force du champ magnétique qui entourent notre planète. Le champ magnétique terrestre y pointe vers le bas et c’est vers ce pôle Nord magnétique que l’aiguille aimantée d’une boussole s’aligne. Contrairement au pôle Nord géographique, le pôle Nord magnétique se déplace en permanence. Et pour comprendre ce phénomène, il faut revenir aux origines des pôles magnétiques.
Origine du champ magnétique terrestre
Le champ magnétique terrestre trouve son origine au centre de la Terre et plus précisément dans le noyau externe. Ce dernier est situé entre 2 885 km et 5 155 km de profondeur, entre le noyau interne, solide, et le manteau inférieur. Le noyau externe est un océan de métal liquide constitué, notamment, de fer et de nickel, et qui abrite des mouvements de convection.
L’origine de cette convection pourrait être solutale, c’est-à-dire issue d’une variation de concentration, plutôt que thermique (variation de température). En effet, la concentration en fer-nickel du noyau externe n’est pas homogène. Au contact du noyau interne, constitué lui aussi d’un alliage fer-nickel, la cristallisation du fer et du nickel entraîne une augmentation de la concentration en éléments dissous à la base du noyau externe. Ces éléments dissous, plus légers que le fer et le nickel, engendrent une remontée du liquide métallique depuis la base du noyau externe vers le sommet. Ces mouvements, couplés à la force de Coriolis générée par la rotation de la Terre, sont à l’origine de mouvements de convection complexes qui affectent le noyau externe. Le fer étant un élément conducteur, la convection génère des courants électriques permanents dans le noyau externe. Ce sont ces courants électriques qui sont à l’origine du champ magnétique terrestre.
Les lignes du champ magnétique s’échappent du pôle Sud et suivent la courbure de la Terre jusqu’au pôle Nord où elles replongent vers le noyau. Toutes les lignes du champ magnétique situées au-dessus de 1000 km d’altitude constituent la magnétosphère.
Les pôles magnétiques ont la bougeotte
La dérive des pôles
Le noyau externe de la Terre est en perpétuel mouvement et évolution. D’infimes variations de la température ou de la concentration du noyau déstabilisent le champ magnétique à intervalles réguliers. La position des pôles magnétiques n’est donc pas fixe.
La première mesure de la position du pôle Nord magnétique remonte à 1831. Il se trouvait alors dans l’Arctique canadien. Depuis, il se déplace inlassablement vers l’est et la Sibérie. La vitesse de déplacement historique de 0 à 15 km/an a subi une accélération majeure entre les années 1990 et 2005. Depuis cette période, le pôle Nord magnétique se déplace de 50 à 60 km/an. Et depuis 2017, et alors qu’il se déplaçait jusqu’ici vers le Nord géographique, le pôle Nord magnétique se dirige désormais vers le Sud géographique.
Les mouvements de convection du noyau externe de la Terre génèrent le champ magnétique terrestre, véritable bouclier protecteur pour notre planète et le vivant.
Quand les pôles perdent le Nord : inversions et excursions
Les déplacements du champ magnétique terrestre peuvent être les prémices d’un phénomène plus important : l’inversion. C’est un phénomène dont l’occurrence est bien connue des scientifiques. Plusieurs inversions se sont déjà produites et les chercheurs en ont retrouvé la signature dans des coulées volcaniques. Lorsqu’une coulée de lave s’épanche à la surface de notre planète, les minéraux magnétiques qu’elle contient (magnétites, oxydes de fer) s’orientent, comme l’aiguille d’une boussole, dans la direction du pôle Nord magnétique. En refroidissant, la roche fige définitivement cette orientation. Des coulées volcaniques vieilles de plusieurs millions d’années renferment ainsi des minéraux orientés vers le pôle Sud magnétique, soit en sens inverse du champ magnétique terrestre actuel. Ces observations, particulièrement visibles sur les laves des fonds océaniques, témoignent du phénomène d’inversion du champ magnétique terrestre. La dernière inversion, dite de Brunhes-Matuyama – du nom des géophysiciens français et japonais qui ont étudié le phénomène – aurait eu lieu il y a 780 000.
L’inversion du champ magnétique est souvent associée à une baisse de son intensité. La fréquence des inversions est très variable. Ces 10 derniers millions d’années, le taux moyen d’inversion était de 4 à 5 inversions par millions d’années. Il y a 500 millions d’années en revanche, le taux aurait été cinq fois supérieur.
Il arrive qu’une inversion ne s’installe pas durablement et que le champ rebascule rapidement vers sa position initiale. Ce phénomène est appelé une excursion. Les excursions sont plus fréquentes que ne le sont les inversions et durent moins longtemps. L’une des dernières excursions du champ magnétique terrestre date d’il y a environ 42 000 ans. Elle est connue sous le nom d’excursion de Laschamps, du nom d’un petit village du Massif Central où des laves datant de cette période ont enregistré une orientation du champ magnétique vers l’Antarctique. Si cette excursion est un épisode classique de la longue l’histoire du champ magnétique terrestre, elle est particulièrement connue des scientifiques pour les changements climatiques majeurs qu’elle aurait générés.
Le champ magnétique est une bulle qui nous protège
Le champ magnétique terrestre constitue un véritable bouclier qui protège notre planète des ondes et des particules néfastes qui proviennent de l’Univers. Son affaiblissement lors des périodes d’inversion ou d’excursion peut entraîner des conséquences dramatiques pour l’écosystème. Ainsi, une récente étude suggère que l’excursion de Laschamps serait à l’origine d’un endommagement de la couche d’ozone sous l’effet des particules solaires. Ces dernières sont d’ordinaire déviées vers les pôles par le champ magnétique terrestre. Lors de l’excursion de Laschamps, les rayonnements cosmiques auraient attaqué et aminci la couche d’ozone, laissant ainsi passer des quantités importantes d’ultraviolets (UV). Cette excursion aurait également été accompagnée de bouleversements climatiques majeurs : refroidissements importants dans certaines régions du globe, développement de la calotte glaciaire, conditions d’aridité extrêmes dans d’autres régions ou encore des orages intenses. Ces phénomènes auraient fortement ralenti la croissance des végétaux et entraîné la disparition de plusieurs espèces végétales et animales. L’excursion de Laschamps pourrait même être le point d’orgue de la disparition de l’homme de Néandertal.
Aujourd’hui, l’accélération du déplacement du pôle Nord magnétique vers la Sibérie pourrait affecter les espèces migratrices comme les cétacés. Mais le champ magnétique terrestre est également à l’origine d’un des phénomènes les plus extraordinaires à observer sur Terre : les aurores polaires.