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    Tour du Monde des 10 Chutes d’Eau les plus Remarquables

    La vie des cours d’eau n’est pas un long fleuve tranquille. Conséquences de l’érosion, les chutes d’eau se produisent lorsque les eaux ruisselantes des rivières, des torrents ou des glaciers creusent des roches d’inégale résistance. Les couches tendres, altérées, disparaissent peu à peu, sculptant une pente plus ou moins escarpée que dévale le cours d’eau. Les cascades, également nommées cataractes ou sauts pour les plus abruptes, naissent plus volontiers en montagne où les forts dénivelés accentuent la force érosive de l’eau. Certaines sont dotées de caractéristiques si exceptionnelles qu’elles méritent le détour. Des forêts tropicales au désert glacial de l’Antarctique, embarquons pour un tour du monde des chutes d’eau les plus remarquables.

    Les chutes d’Iguazù : 3 km de chutes d’eau

    Soleil couchant sur les 3 km des chutes d'Iguazù.
    Soleil couchant sur les chutes d’Iguazù. Crédit photo : SF Brit CC BY-2.0, Flickr

    Au confluent des fleuves Paranà et Iguaçù, entre l’État du Paraná au Brésil et la province de Misiones en Argentine, les chutes d’Iguazù forment une frontière naturelle entre ces deux pays.

    Du haut de ses 80 m, « la Gorge du Diable » domine un front en arc de cercle de 2.700 m, dessiné par les 275 chutes qui se jettent en chute libre. Le grondement des 6 millions de litres d’eau qu’elles déversent à chaque seconde est assourdissant.

    Constamment, des embruns montent vers le ciel et retombent sur la selva environnante. Le cycle de l’eau ainsi reproduit a créé un écosystème où s’épanouissent quelque 2000 espèces végétales. Une faune fragile trouve également refuge sous leurs rideaux protecteurs dont certaines espèces menacées. On y rencontre caïmans à museau large, jaguars, ocelots et tapirs, de même qu’une myriade d’oiseaux et de papillons. Le parc national d’Iguazù et ses cascades figurent au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991.

    Les chutes du Niagara : des flots de visiteurs

    Les chutes du Niagara au Canada.
    Les chutes du Niagara, à la frontière canado-américaine. Crédit photo : PMillera4 CC BY 2.0, Flickr

    « Quand on a vu la cataracte du Niagara, il n’y a plus de chute d’eau » (Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe). Avec 14 millions de touristes chaque année, ce sont les chutes d’eau les plus visitées au monde. Le site a connu un tel succès touristique dès le milieu du 19e siècle qu’il est devenu un véritable parc d’attractions. Certains s’y sont même jetés, au péril de leur vie, dans l’espoir de réaliser un exploit.

    Leur hauteur, combinée à la force des 2800 m3 d’eau de la rivière Niagara, en font l’endroit rêvé pour admirer, écouter et ressentir l’extraordinaire puissance de la nature.

    Chevauchant la frontière canado-américaine, les chutes du Niagara forment un trio. La plus grande, appelée Horseshoe ou le « fer à cheval », est canadienne. Haute de 54 m et large de 670 m, elle transporte à elle seule 90 % du débit total. Les 10 % passent par les « chutes américaines » et « le Voile de la Mariée », qui, elles, se trouvent aux États-Unis et mesurent 59 m de hauteur et 260 m de largeur.

    Les chutes Victoria : les plus larges du monde

    Mosi-oa-tunya, la fumée qui gronde ou les majestueuses chutes Victoria.
    Les chutes Victoria sur le fleuve Zambèze : les plus larges du monde. Crédit photo : By Michael, Adobe Stock

    Les chutes Victoria, situées sur le cours du fleuve Zambèze, au cœur de l’Afrique australe, constituent une frontière naturelle entre la Zambie et le Zimbabwe. Leurs 1 708 m de largeur en font le plus grand rideau d’eau au monde, ce qui leur vaut d’être inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO.

    David Livingstone, premier explorateur européen à parcourir cette région, en fait la découverte le 17 novembre 1855. Il les baptise alors chutes Victoria, en l’honneur de la reine d’Angleterre.

    Culminant à 915 m au-dessus du niveau de la mer, ces majestueuses cataractes sont repérables à des dizaines de kilomètres à la ronde. « Mosi-oa-tunya », le nom que leur a donné le peuple Lozi et qui signifie la « fumée qui gronde », évoque les embruns qui s’élèvent jusqu’à 400 m au-dessus des gorges et le rugissement continu des 500 millions de litres d’eau qui déferlent chaque minute.

    Dans ce milieu semi-aride, l’humidité ambiante a donné naissance à une forêt pluviale, zone fertile qui tient lieux de refuge à diverses espèces d’oiseaux menacées, comme l’aigle noir et le faucon taita. Il n’est pas rare d’y voir naître un arc-en-ciel.

    Salto Angel : record de saut en hauteur ?

    Salto Angel, au Vénézuela, la chute d'eau la plus haute du monde.
    Salto Angel chute du haut de l’Ayuan Tepuy. Crédit photo : By Alice Nerr, Adobe Stock

    Salto Angel, au Venezuela, est connue pour être la chute la plus haute du monde. Elle plonge à pic du plus haut tepuy de la région, ces plateaux aux flancs abrupts qui s’élèvent au-dessus des nuages. Elle est si grande que l’eau s’évapore avant même d’avoir atteint le sol.

    Souvent traduit par « Saut de l’Ange », Salto Angel tirerait-elle son nom de sa hauteur ? En réalité, « Angel Falls » fait référence à un pilote américain, Jimmy Angel, qui survola la Gran Sabana et parvint à atterrir au-dessus du plateau, devenant ainsi le premier humain à mettre le pied sur l’Auyán-Tepuí.

    Son titre de plus haute cascade du monde est controversé par la World Waterfall Database. Cette base de données mondiale s’est donné pour mission d’élaborer une liste complète des chutes d’eau à travers le monde. Selon ses fondateurs, Salto Angel ne serait que deuxième sur le podium, détrônée par la chute de Tugela, en Afrique du Sud qui atteint 946 m.

    Celle que les indiens Pemon appellent Kerepakupai Merú, la « cascade du lieu le plus profond », est composée de deux sauts, dont le plus long mesure 807 m. Cependant, Tugela compte 7 ou 8 sauts plus petits. Elle reste donc la plus longue cascade ininterrompue sur Terre.

    Les chutes de Kaieteur, isolées dans un écrin de verdure

    Les chutes Kaieteur dans un écrin de verdure au cœur de l'Amazonie.
    Les chutes Kaieteur, Guyana. Crédit photo : By Overflightstock, Adobe Stock

    Situées au cœur de l’Amazonie, les chutes de Kaieteur, ne sont pas aussi célèbres que les « Big Three » (Iguazù, Niagara. Victoria). Leurs dimensions et leur débit en font pourtant une des cascades les plus remarquables au monde.

    Au Guyana, cette cataracte de 221 m de haut et de près de 100 m de large se produit sur la rivière Potaro, dans le parc national de Kaieteur. Ici, on est loin des hordes de touristes qui affluent à Niagara : nichées dans une forêt tropicale, les chutes de Kaieteur sont difficiles d’accès. Leur isolement au milieu de paysages vierges de toute construction humaine participe à leur beauté.

    Ce territoire isolé est le théâtre de nombreuses légendes amérindiennes. Selon l’une d’elles, un vieil homme fut installé dans une barque et poussé dans les chutes, qui furent ainsi nommée « Kaieteur », qui signifierait « vieil homme-chute ».

    Situé au Venezuela « Salto Angel » (le Saut de l’Ange) est l’une des chutes d’eau les plus hautes AU monde.

    Les chutes d’Havasu : des cascades aux couleurs éclatantes

    Les couleurs éclatantes des chutes d'Havasu dans le Grand Canyon.
    Les chutes d’Havasu au cœur du Grand Canyon, Crédit photo : By MeganBetteridge, Adobe Stock

    Les chutes d’Havasu ou d’Havasupai se trouvent dans la réserve amérindienne Havasupai, en Arizona. Au cœur du Grand Canyon, elles font partie d’un ensemble de cinq cascades : les chutes de Mooney, de Navajo, de Supai et les jeunes Beaver Falls apparues en 2008 à la suite d’inondations importantes. Toutes alimentées par la même source, elles se déversent dans des piscines naturelles d’eau turquoise, qui contraste avec la roche rouge du canyon.

    La teinte bleutée de l’eau, que l’on retrouve dans les cascades de Plitvice, en Croatie, est due à la présence de micro-organismes. Cette couleur résulte, ici, d’une forte concentration en carbonate de magnésium et de calcium. Au fil du temps, ces sédiments ont formé des piscines naturelles dans lesquelles les eaux de la rivière Havasu Creek plongent d’une hauteur de 37 m. Sur la roche accidentée aux abords des chutes, des vignes d’un vert profond ajoutent davantage de couleur au paysage.

    Source de vie dans ces contrées arides, les chutes d’Havasu sont sacrées pour les indiens Havasupai, c’est-à-dire « le peuple des eaux bleu-vert », qui habitent la région depuis plus de 1 000 ans.

    Visites au compte-gouttes pour les chutes de Sutherland

    Les chutes de Sutherland en Nouvelle-Zélande.
    Les chutes de Sutherland près du fjord de Milford Sound, en Nouvelle-Zélande. Crédit photo : By Lina, Adobe Stock

    Près du Milford Sound, l’un des fjords les plus connus au monde, les chutes de Sutherland ne sont pas les plus hautes de Nouvelle-Zélande mais elles impressionnent par leur force, qui crée vents et brouillard constants.

    Leurs eaux proviennent du lac glaciaire Quill, situé dans le parc national de Fiordland, sur l’île Sud du pays. En quittant le lac, la rivière Arthur s’élance d’une hauteur de 580 m, décomposée en trois sauts de 229 m, 248 m et 103 m. Après sa chute, elle poursuit son chemin jusqu’au Milford Sound.

    Donald Sutherland, un colon aventurier qui cherchait de l’or dans les vallées sauvages du Fiordland, les découvrit en 1880, après trois jours de marche.

    Encore aujourd’hui, cette cascade géante est difficile d’accès. Il faut emprunter le sentier de Milford, l’un des chemins de randonnée les plus connus de Nouvelle Zélande, et marcher durant quatre jours à travers des vallées creusées par les glaciers. Quelques privilégiés seulement sont autorisés à y accéder sur demande : afin de préserver l’environnement de ces forêts primaires, les autorités contrôlent le nombre des visiteurs.

    Pearl Shoal ou les féériques cascades de Jiuzhaigou

    Pearl Shoal, les cascades féériques dans la vallée de Jiuzhaigou, en Chine.
    Les cascades de Pearl Shoal, dans la province du Sichuan, scintillent au soleil. Crédit photo : By Larry Koester, CC BY- 2.0, via Flickr

    Dans la vallée chinoise de Jiuzhaigou, la cascade de Pearl Shoal coule lentement, se frayant un chemin au milieu d’une abondante végétation. La beauté du lieu tient surtout à un modèle de flux imbriqués : c’est un mince flux d’eau qui a façonné une œuvre naturelle et unique.

    Le niveau supérieur de la cascade, un haut-fond incliné d’environ 20 degrés, s’étend sur une largeur de 163 m, variable selon la quantité de précipitations. Pearl Shoal tire son nom des reflets formés par les rayons du soleil, évoquant une multitude de perles qui scintillent.

    Ces paysages de la province du Sichuan abritent des espèces menacées, telles que l’emblématique panda géant et la panthère des neiges. Inscrit au patrimoine mondial de l’humanité, il appartient aussi au réseau mondial des réserves de biosphère.

    Dettifoss, la plus puissante chute d’eau d’Europe

    Les chutes d'eau de Dettifoss dans le canyon de Jökulsárgljúfur en Islande.
    Dettifoss, dans le canyon de Jökulsárgljúfur en Islande est la plus puissante chute d’eau d’Europe. Crédit photo : By Mauro Gambini, CC BY-NC-ND- 2.0, via Flickr

    Située au nord de l’Islande, dans le canyon de Jökulsárgljúfur, Dettifoss est l’une des nombreuses cascades de l’île. Sa situation géographique, au niveau du Cercle Polaire Arctique, ses vastes glaciers et ses falaises basaltiques favorisent la formation des chutes d’eau, ou foss.

    Le débit de Dettifoss, variant de 200 à 600 m3/s au cours de l’année, fait d’elle la chute d’eau la plus puissante d’Europe, bien qu’elle ne soit pas la plus haute. La « rivière glaciaire des montagnes », Jökulsá á Fjöllum en islandais, s’étend sur une largeur de 152 m avant de basculer en un flot massif dans un canyon d’orgues basaltiques, à 50 m en contrebas.

    Elle prend sa source dans la région volcanique du Vatnajökull et emporte une grande quantité de particules rocheuses. C’est de ce limon que provient la couleur laiteuse de l’eau, qui peut varier du gris au chocolat.

    Les mystérieuses « Blood Falls » d’Antarctique

    Les mystérieuses chutes d'eau de « Blood Falls » en Antarctique s'écoulent sur le glacier McMurdo
    La couleur rouge des « Blood Falls » contraste avec la blancheur du glacier McMurdo. Crédit photo : By Ariel Waldman, CC BY-NC- 2.0, via Flickr

    Dans les vallées sèches de McMurdo, contrastant avec la blancheur de la surface du glacier Taylor, d’étranges cascades d’eau rouge jaillissent, conférant au paysage polaire un aspect inhabituel.

    C’est le géologue britannique Thomas Griffith Taylor, qui, au cours de l’expédition Terra Nova de 1911, fut le premier témoin de ce phénomène insolite resté inexpliqué jusqu’en 2017. Il faudra attendre plus de cent ans après la découverte de Taylor pour que Jessica Badgeley et son équipe résolvent l’énigme des Blood Falls.

    À 400 m de profondeur sous le glacier, se trouve un lac dont l’eau hypersaline est très concentrée en fer, en raison de la roche volcanique qui compose son lit. Cette saumure ferreuse, restée prisonnière de la glace durant plus de 2 millions d’années, n’a pas pu s’oxyder. Or, la fonte du glacier provoque des fissures permettant à l’eau de s’infiltrer dans sa structure. À peine à l’air libre, elle « rouille » et prend une teinte rouge vif.

    La salinité élevée de cette eau explique que l’eau ne gèle pas, alors que les températures annuelles à cet endroit du Pôle Sud sont en moyenne de – 17°C.

     

     

    RETENEZ


    • Les chutes d’eau sont le résultat de l’érosion du lit des cours d’eau.
    • Les plus grandes chutes d’eau de la planète se trouvent entre l’Argentine et le Brésil : les chutes d’Iguazù.
    • Les chutes du Niagara à la frontière canado-américaine sont les plus visitées au monde.
    • La cascade islandaise de Dettifoss est la plus puissante d’Europe.
    • C’est le fer qui donne leur couleur rouge aux Blood Falls en Antarctique.

    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. UNESCO Centre du patrimoine mondial; [cité le 16 janv 2022]. Disponible: https://whc.unesco.org
    1.
    Departement of Conservation Te Papa Atawhai [En ligne]. Milford Track; [cité le 16 janv 2022]. Disponible: https://www.doc.govt.nz/parks-and-recreation/places-to-go/fiordland/places/fiordland-national-park/things-to-do/tracks/milford-track/
    1.
    Badgeley JA, Pettit EC, Carr CG, Tulaczyk S, Mikucki JA, Lyons WB, et al. An englacial hydrologic system of brine within a cold glacier: Blood Falls, McMurdo Dry Valleys, Antarctica. Journal of Glaciology [En ligne]. juin 2017 [cité le 16 janv 2022];63(239):387‑400. Disponible: https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-glaciology/article/an-englacial-hydrologic-system-of-brine-within-a-cold-glacier-blood-falls-mcmurdo-dry-valleys-antarctica/B5C197906AD54619AEA26068AD92989A#
    1.
    World Waterfall Database [En ligne]. World Waterfall Database; [cité le 16 janv 2022]. Disponible: http://www.worldwaterfalldatabase.com

    Le Lac Baïkal : le Joyau Gelé de la Sibérie

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    Situé au cœur de la Sibérie, le lac Baïkal est le plus grand réservoir d’eau douce du monde. Au milieu de la taïga, une fracture de l’écorce terrestre s’est ouverte il y a 27 millions d’années. Le lac a émergé et ne cesse de s’étendre depuis ce jour. Le lac est si vaste qu’il est souvent désigné comme une mer intérieure. Son eau est considérée comme l’une des plus pures au monde. Ses particularités géologiques et son isolement en font un repère unique pour la biodiversité. Découvrez le Baïkal et les propriétés rares de ce bassin des superlatifs.

    Comment s’est formé le lac Baïkal ?

    La situation géographique du lac

    Le lac Baïkal se situe au sud-est de la Sibérie, une zone régie par la Fédération de Russie. Il est au cœur de trois régions administratives : la République de Bouratie, le district d’Irkoutsk et celui de Chita.

    Entouré de montagnes, de paysages de steppes et de taïga (ou forêt boréale), le lac occupe 3,15 millions d’hectares. Il est bordé par cinq parcs nationaux et des réserves naturelles. La superficie totale du territoire sur lequel il s’étend atteint 8,8 millions d’hectares.

    L’immensité de cet espace est protégée par le Ministère de la Protection de l’environnement et des ressources naturelles, ainsi que par le service fédéral des forêts. En 1994, un programme du gouvernement fédéral est établi pour assurer la protection du lac et l’utilisation rationnelle des ressources naturelles du bassin.

    Le lac Baïkal en quelques chiffres :

    • 636 km de longueur ;
    • 79 km de large ;
    • 6ème lac le plus grand du monde ;
    • le lac le plus profond du monde avec une profondeur inégalée de 1 642 mètres ;
    • des eaux claires, recouvertes par une glace épaisse plusieurs mois par an, qui peut atteindre 2 mètres en certains endroits ;
    • la plus grande réserve d’eau douce : le lac contient à lui seul 20% de toute l’eau douce de la planète. Plus de 300 rivières s’y jettent.

    Un lac né au cœur d’une zone de rift

    Les origines du lac remontent à environ 27 millions d’années, ce qui fait de lui le plus ancien lac du monde. Il est né au sein d’un « rift continental » ou fossé d’effondrement. Il y a 30 millions d’années, la tectonique des plaques se met en mouvement dans la région : la plaque océanique du Pacifique s’enfonce sous la plaque continentale de la chaîne himalayenne. Ce que les géologues nomment la subduction.

    Le plateau tibétain s’éleva, ce qui provoqua un amincissement et une fracturation de la croûte terrestre au niveau de la Sibérie centrale. Une dépression s’est formée, dans laquelle le lac Baïkal s’est ensuite installé. En géologie, ce processus d’extension et de subsidence de la croûte terrestre est appelé « rifting continental ».

    Il s’est produit ensuite une importante sédimentation, c’est-à-dire que des débris liés à l’érosion des montagnes environnantes se sont déposés au fond de la dépression sous forme de couches ou strates sédimentaires (accumulation de sables, argiles, limons, etc.). En certains endroits, les couches sédimentaires accumulées dans le fond du bassin peuvent atteindre 9 000 mètres d’épaisseur, sous une colonne d’eau de plus de 1 000 mètres.

    Vue sur le lac Baïkal depuis un promontoire rocheux.
    Le lac Baikal est le plus ancien du monde. Il s’est formé il y a 27 millions d’années au cœur d’un fossé d’effondrement. Crédit photo : Ekaterina Sazono, Unsplash

    Quelle évolution le lac suit-il depuis la formation de ce rift ? Cette dépression naturelle continue de s’agrandir, à raison de quelques millimètres par an. Ainsi, des séismes secouent régulièrement la région. Dans cette zone tectoniquement active de la Sibérie, les scientifiques précisent qu’un nouvel océan est train de se former.

    Si le lac a connu des épisodes volcaniques, ceux-ci ont cessé depuis environ 600 000 ans. En profondeur, le magma sous-jacent est à l’origine de sources hydrothermales qui peuvent atteindre 50 °C.

    La région du Baïkal : un écosystème à part entière

    Un écrin pour le vivant

    Surnommé le « Galápagos de la Russie », le lac Baïkal héberge une faune d’eau douce singulière. Grâce à sa son isolement géographique, son âge et son climat, une grande biodiversité a pu se développer.

    À l’inverse d’un grand nombre de bassins, le Baïkal est éloigné des océans. Il est donc soumis à un climat plus continental qu’océanique, ce qui a une influence sur les organismes vivants qui s’y développent. En une année, son amplitude thermique peut varier de 100 °C, c’est-à-dire que l’écart entre les températures les plus basses et les températures les plus hautes peut atteindre 100 °C. Sa grande taille crée un microclimat et pondère les températures dans un rayon de 25 km à partir de ses berges, bénéfique aux espèces qui peuplent la région.

    Le lac Baïkal recense un nombre considérable d’espèces animales et végétales. Ces dernières sont typiques de la forêt boréale ou taïga. La majorité de ces espèces sont endémiques, c’est-à-dire qu’elles se sont développées de manière naturelle, sans l’intervention de l’homme. Cette faune vit exclusivement dans la zone géographique du lac.

    Le site naturel du Baïkal recense, entre autres :

    • 1 500 espèces d’organismes aquatiques, dont 80 % sont endémiques, comme le phoque de Sibérie, seul mammifère d’eau douce au monde ;
    • 40 spécimens de poissons, comme le saumon, des esturgeons ou encore des perches ;
    • un grand nombre d’amphipodes, dont 255 espèces de crevettes, soit un tiers de la totalité mondiale de la faune de crevettes d’eau douce ;
    • 80 types de planaires : des vers plats aquatiques, non parasitaires, ayant la capacité de régénérer les parties endommagées de leur corps.
    • Une variété de plantes avec des forêts de conifères typiques de la taïga (pins notamment), de la végétation de steppes, ou encore des forêts décidues.

    Surnommé le « Galápagos de la Russie », le lac Baïkal renferme une biodiversité remarquable grâce à sa son isolement géographique, son âge et son microclimat. La plupart des espèces sont endémiques.

    La pureté du lac Baïkal

    Le lac a des propriétés remarquables qui rendent son eau très pure. On y trouve une espèce de zooplancton, l’écrevisse Epishura baicalensis, qui nettoie les eaux et maintient la pureté de l’eau. De plus, le dépôt minéral y est 25 à 50 % plus faible que dans les autres lacs d’eau douce dans le monde.

    De plus, les roches qui tapissent la dépression du Baïkal réduisent les interactions chimiques ou minérales avec l’eau. Ainsi, à la saison estivale, la colonne d’eau peut-être transparente jusqu’à 40 mètres de profondeur.

    Les eaux du lac sont constamment brassées. Des colonnes d’eau froide descendent dans les profondeurs du lac et se mélangent avec les vapeurs chaudes des résurgences hydrothermales. Ce mélange régulier des eaux est propice au développement de petits organismes vivants, à la base de la chaîne alimentaire.

    Le lac Baïkal : une zone préservée mais en péril

    Bien que le bassin soit préservé au sein de réserves naturelles et de parcs nationaux, le lac doit faire face à de nombreuses menaces qui mettent en péril son intégrité et sa biodiversité.

    En effet, autour du lac se sont installées de nombreuses villes et des zones industrielles. Aujourd’hui, environ 2,5 millions d’habitants occupent ses rives. Le ruissellement des eaux usées d’origine agricole ainsi que le déversement de déchets industriels affectent déjà la composition de l’eau. Avec pour conséquence de modifier les apports sédimentaires, les flux hydrauliques et créer une pollution des eaux du lac. L’expansion du tourisme, la surpêche ou encore les activités forestières viennent compléter le tableau des menaces. Toutefois, le lac conserve son bon état, grâce à deux facteurs : ses facultés d’assimilation et de régénération ainsi que son environnement naturel protégé.

    Vue sur une ville près du lac Baïkal.
    La pureté des eaux du Baïkal et sa biodiversité sont notamment menacées par le tourisme et les activités industrielles. Crédit photo : tilpich, Unsplash

    Le lac Baïkal est le bassin des superlatifs : à la fois le plus ancien, le plus profond, et le plus pur, ainsi que la plus grande réserve d’eau douce de la planète. La variété de sa biodiversité et son histoire géologique lui ont valu d’être inscrit, dès 1996, au Patrimoine Mondial de l’UNESCO, ce qui assure sa protection. Pour l’ensemble de ces raisons, le lac Baïkal présente un intérêt scientifique pour les sciences géologiques et du vivant.


    RETENEZ


    • Le lac Baïkal est le lac le plus ancien, le plus profond et renferme l’une des eaux les plus pures du monde.
    • Le lac et ses abords recensent une biodiversité remarquable, avec de nombreuses espèces endémiques.
    • La dépression du Baïkal continue de s’agrandir sous l’effet des forces telluriques. Le lac est le témoin de la naissance d’un océan.
    • La région du Baïkal doit faire à des menaces qui viennent bousculer son équilibre : pollution, expansion du tourisme ou encore surpêche.

    1.
    Chazot G. La belle histoire des merveilles de la terre [En ligne]. De Boeck Supérieur; 2020. 320 p. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329119-la-belle-histoire-des-merveilles-de-la-terre
    1.
    Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis E. Lac Baïkal; [cité le 15 déc 2021]. Disponible: https://www.universalis.fr/encyclopedie/lac-baikal/
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Lac Baïkal; [cité le 15 déc 2021]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/754/

    Les Tsingy de Madagascar : des Cathédrales de Calcaire

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    La belle et grande île de Madagascar regorge de trésors géologiques. Parmi eux se trouvent les Tsingy qui méritent largement une visite lors d’un voyage sur les terres malgaches. Formant d’immenses tours de calcaire en équilibre sur une base mince, ces sculptures de pierres offrent un panorama époustouflant. Datant du Jurassique moyen, ces éperons calcaires se sont formés par des mécanismes distincts d’érosion et de dissolution. Bien comprendre le phénomène qui a conduit à ce paysage permet de mieux apprécier la beauté du site. Partons à la découverte de cet incroyable cadeau architectural de la nature que sont les Tsingy de Madagascar.

    Un panorama unique et grandiose : des paysages karstiques

    Tsingy, en malgache, signifie «aiguille». Gigantesques étendues de pointes acérées, les Tsingy sont à la fois faits de calcaire et de roche friable composée de coquillages fossilisés.

    Deux sites à Madagascar offrent de tels paysages. Le plus connu est probablement celui des Tsingy de Bemaraha, à environ 300 km à l’ouest de la capitale Antananarivo. L’autre, appelé Tsingy de l’Ankarana, se situe à 100 km au sud de Diego Suarez, ville du nord de Madagascar.

    les formes geologiques des tsingy de madagascar
    Les sites protégés des Tsingy de Madagascar regorgent de formations géologiques surprenantes, telles que ces blocs en équilibre instables coiffant des pinacles. Crédit photo : Anmede via Flickr

    Tout comme le Parc Yellowstone aux États-Unis, qui offre un paysage surnaturel et fascinant, les milliers d’hectares à perte de vue des Tsingy nous laissent à penser que l’on se trouve sur une autre planète. Ces aires protégées ne sont accessibles que par une piste pour éviter un afflux touristique massif. Pour profiter du paysage, il faut s’armer de patience et de courage pour se retrouver au cœur des ces monstres de calcaire grandioses.

    Avec ses 152000 hectares, les Tsingy du Bemaraha constituent de loin le plus grand site protégé de Madagascar.

    Difficile de croire que seuls des phénomènes géologiques naturels sont à l’origine de telles œuvres sculpturales. Et pourtant…

    Tsingy de Magascar : une histoire géologique singulière

    La naissance de Madagascar

    Madagascar : cet énorme morceau de terre était rattaché au continent africain, dont il s’est désolidarisé il y a plus de 160 millions d’années. Il s’est ensuite détaché de l’Antarctique puis de l’Inde des dizaines de millions d’années plus tard, pour donner naissance à « la Grande Île » singulière au cœur de l’Océan Indien.

    Ce site exceptionnel doit ses particularités à la conjoncture de plusieurs évènements dont le départ s’est initié alors que Madagascar était encore accrochée à l’Afrique. C’est à cette période que se développent, au sein d’immenses lagons, des récifs coralliens. De ces récifs sont issus des carbonates très fins qui se déposent au fond de l’eau jusqu’à former, au fil du temps, une épaisse couche calcaire de 200 mètres d’épaisseur.

    Un double phénomène unique

    La tectonique a engendré la migration des formations carbonatées (calcaires) au-dessus du niveau des océans.

    D’après des recherches scientifiques, deux phénomènes complémentaires ont alors suivi :

    • L’un correspond à l’érosion des calcaires par l’écoulement de rivières, engendrant des grottes et des réseaux hydrologiques souterrains. Des canyons profonds se sont creusés par la dissolution, créant des gorges abruptes et profondes.
    • L’autre est issu du ruissellement des pluies dont l’acidité va dissoudre lentement les particules riches en calcium par le haut, formant des couloirs étroits et des sommets pointus. Les lapiaz sont des sillons creusés par la dissolution du calcaire.

    La base de ces formations, fragilisée par un réseau complexe de canyons et de grottes souterraines, ont été enfoncées dans les nappes phréatiques souterraines. Ne reste alors en surface qu’un paysage dit karstique et des massifs calcaires déchiquetés, caractéristique essentielle de cette région.

    pointes rocheuses aiguisees des tsingy
    Les sommets pointus des Tsingy. Crédit photo : Banco de Imágenes Geológicas via Flickr

    En parallèle de ces puissants phénomènes, la surface des pierres a également été fragilisée par endroits, du fait de l’écoulement des pluies et l’érosion. Ainsi, on observe des taffoni, dépressions creusées dans la pierre au niveau des zones de forte porosité.

    taffonis dans les tsingy de madagascar
    Le travail de l’érosion laisse parfois apparaître certaines formations caractéristiques des reliefs karstiques, comme les taffonis, creusés de nombreuses alvéoles. Crédit photo : Olivier Lejade via Flickr

    D’autres reliefs karstiques existent partout sur notre planète, offrant des paysages différents pour plusieurs raisons, notamment celle de l’échelle chronologique. C’est par exemple le cas du Parc national des lacs de Plitvice en Croatie.

    Une faune et une flore endémique : une biodiversité riche

    Pouvant culminer de 30 jusqu’à 100 mètres de haut, ces pics aiguisés comme des couteaux présentent un énorme différentiel de températures entre la base et l’extrémité pointue. La végétation s’en trouve ainsi très variée. En hauteur, le sol très sec autorise peu de végétation, tandis que le taux d’humidité important au fond des canyons permet une flore luxuriante et dense.

    Sur les zones culminantes, le milieu rupicole (correspondant à du substrat rocheux) est favorable à des espèces végétales et animales très particulières. À l’extrémité inférieure, base des massifs calcaires, les forêts denses abritent un habitat de nombreuses espèces rares et menacées. Parmi elles une dizaine d’espèces de lémuriens tel que l’Avahi cleesei, mais aussi des oiseaux, des amphibiens, des reptiles comme le petit caméléon Brookesia perarmata.

    L’accessibilité difficile et les barrières calcaires constituent un réseau impénétrable qui rend des parties entières inexplorées et donc préservées. Cela signifie un écosystème d’une très grande diversité et un véritable trésor à Madagascar. Au sein des Tsingy se trouvent encore des espèces endémiques (tels que certains reptiles par exemple) et une végétation parfois intacte. Ainsi, plus de 900 plantes et pas moins de 400 espèces ont été répertoriées.

    espece de cameleon menacee des tsingy de madagascar
    Le caméléon Brookesia perarmata est une espèce endémique menacée. Crédit photo : David d’O Schaapmans via Flickr

    Néanmoins, ces espèces sont menacées du fait de la croissance de la population, du réchauffement climatique et de l’intrusion de l’Homme.

    La réserve naturelle des Tsingy de Bemaraha classée au patrimoine mondial de l’UNESCO

    La réserve naturelle intégrale des Tsingy de Bemaraha a été créée officiellement en 1927. Elle est de loin la plus vaste réserve de Madagascar avec 152 000 hectares.

    Cette réserve est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1990. Les autorités malgaches ont pris conscience du joyau patrimonial que représentent les Tsingy, et veulent le préserver. Malgré des moyens limités, il existe une réelle volonté de conserver le plus intact possible ces œuvres calcaires et les espèces endémiques dont elles regorgent. Et cela paraît urgent : du fait de la croissance de l’exploitation des forêts et des terres agricoles, il existe un risque important de disparition de la faune et la flore si particulières à cette région.

    L’hypothèse géologique du double phénomène érosion-dissolution de cet incroyable processus de formation des Tsingy de Madagascar a récemment été confirmée par une équipe de mathématiciens de l’Université de New-York.


    RETENEZ


    • Les Tsingy de Madagascar offrent un paysage karstique extraordinaire, issu du travail de l’érosion et de la dissolution.
    • L’histoire géologique de ces sites a commencé il y a des millions d’années alors que Madagascar était encore rattachée au continent africain.
    • Une faune et une flore endémiques constituent aussi la richesse des lieux mais de nombreuses espèces sont menacées.

    1.
    Planet-Terre.ENS-Lyon [En ligne]. THOMAS Pierre, MOLLEX Damien. Un des plus beaux karsts tropicaux du monde, le lapiaz des Tsingy de Bemaraha, Madagascar; 2 mai 2018 [cité le 29 nov 2021]. Disponible: https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/Img594-2018-02-05.xml
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    Pourlascience.fr [En ligne]. Bailly S. Le secret des forêts de pierre se dévoile; 19 nov 2020 [cité le 29 nov 2021]. Disponible: https://www.pourlascience.fr/sd/geosciences/https:https://www.pourlascience.fr/sd/geosciences/le-secret-des-forets-de-pierre-se-devoile-20362.php
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. UNESCO Centre du patrimoine mondial. Réserve naturelle intégrale du Tsingy de Bemaraha; [cité le 29 nov 2021]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/494/

    Les îles Galápagos : l’Archipel Volcanique de Charles Darwin

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    Situé à environ 1000 km des côtes de l’Amérique du Sud, l’archipel des Galápagos est une province insulaire située au niveau de l’équateur. Particulièrement connues pour l’extraordinaire diversité de leur faune et de leur flore, les îles Galápagos sont un lieu unique au monde. C’est d’ailleurs la visite de cet archipel qui a inspiré à Charles Darwin sa célèbre théorie de l’évolution. Mais ce n’est pas seulement pour cette raison que ce lieu est si exceptionnel. Comment ces îles se sont-elles formées ? Quelles espèces peut-on y rencontrer ? Les îles Galápagos sont-elles menacées ?

    Un « point chaud » à l’origine des îles Galápagos

    Les 127 îles et îlots qui composent les Galápagos ont commencé à émerger il y a seulement 3 millions d’années. Comparées à l’âge des autres archipels, les îles Galápagos sont donc récentes. L’histoire géologique de ces îles a débuté au fond de l’océan Pacifique.

    Les Galápagos sont des îles volcaniques. Elles surplombent trois plaques tectoniques (Nazca, Cocos et Pacifique) et sont situées au-dessus ce que les géologues nomment un « point chaud ». C’est-à-dire une remontée profonde et chaude de matière issue du manteau terrestre : le magma. Une fois arrivé en surface, il perce la croûte terrestre océanique et des volcans se forment au fond des océans. Une succession d’éruptions volcaniques sous-marines va se produire pendant des millénaires jusqu’à atteindre la surface de l’océan et s’élever à l’air libre : une île volcanique se forme.

    Le « point chaud » des Galápagos, âgé de plus de 70 millions d’années, est toujours situé au même endroit : il est fixe. En revanche, la plaque tectonique de Nazca se déplace chaque année d’environ 5 cm vers l’est. Ce mouvement horizontal de la plaque, d’ouest en est, est à l’origine du chapelet d’îles volcaniques des Galápagos. Les îles les plus anciennes sont donc situées à l’est, comme celles d’Española et de Cristóbal qui se sont formées il y a trois millions d’années. Leurs volcans sont éteints et sont fortement érodés. Certaines des îles les plus vieilles sont même immergées. En comparaison, les îles localisées à l’ouest sont plus jeunes. Les deux plus grandes, Isabela et Fernandina, ont moins d’un million d’années. Leurs volcans sont actifs et sont toujours en formation.

    Une biodiversité exceptionnelle

    Les îles Galápagos abritent l’une des plus grandes biodiversités au monde. Elles sont un exemple unique des processus d’évolution et d’adaptation de la faune et de la flore en milieu insulaire. Les espèces qui y vivent seraient originaires d’Amérique du Sud. Au fil du temps, elles se seraient adaptées pour répondre aux besoins climatiques et géographiques : vents, courants marins, nourritures, reliefs, etc. En fonction des spécificités de chaque île, on y retrouve donc des espèces et sous-espèces uniques au monde.

    Une faune terrestre et aquatique endémique

    La situation géographique unique des Galápagos en fait un refuge pour la faune. L’archipel abrite une grande variété d’animaux. Les espèces terrestres les plus connues sont les tortues géantes et les iguanes. Mais il y a aussi d’autres animaux tels que les cormorans aptères, les otaries à fourrure, les pélicans bruns, et les dizaines d’espèces et sous-espèces d’oiseaux. Quant aux espèces aquatiques, les scientifiques ont identifié 2909 variétés. Grâce aux courants marins à la fois chauds et froids, le plancton est abondant. De nombreux poissons viennent s’y nourrir : des requins, des requins-baleines, des baleines géantes, des lions de mer, des raies ou des dauphins.

    Selon l’Unesco, 18,2 % des espèces présentes sur les îles Galápagos sont dites endémiques. Cela signifie qu’elles n’existent nulle part ailleurs sur la planète. Mais ce qui est encore plus étonnant, c’est le nombre de sous-espèces qui résident dans l’archipel. Par exemple, on retrouve sur l’île Isabella, cinq espèces de tortues géantes. Chacune vit sur son propre volcan.

    Les îles Galápagos abritent l’une des plus grandes biodiversités au monde. Elles sont un exemple unique des processus d’évolution et d’adaptation de la faune et de la flore en milieu insulaire.

    Autre exemple : celui qui a aidé Charles Darwin à construire sa théorie de l’évolution. Lors de sa visite en 1835, il a notamment étudié les 13 sous-espèces de pinsons des Galápagos, un type d’oiseau. Chaque sous-espèce vit sur une île différente. Comme les îles sont trop éloignées, ces pinsons ne peuvent pas se déplacer et se reproduire entre eux. Ils ont donc dû s’adapter à leur environnement pour se nourrir et pour survivre. Les différentes sous-espèces n’ont pas la même alimentation. Certains pinsons mangent des fleurs de cactus, d’autres boivent le sang de grands oiseaux marins. Pour s’adapter à leur régime alimentaire, les becs de ces oiseaux n’ont pas la même forme d’une île à l’autre. Ainsi, des variétés de pinsons ont des becs fins et pointus pour attraper facilement les insectes tandis que d’autres ont des becs courts et épais pour casser les grosses graines ou les noix.

    De nombreux animaux, principalement dans les fonds marins, restent encore à identifier. Les explorations continuent de révéler de nouvelles espèces sur cet archipel exceptionnel.

    Une flore singulière

    Comme les îles Galápagos sont éloignées du continent sud-américain, la flore y est assez rare. Les graines des plantes doivent parcourir plus de 1000 km avant de coloniser l’archipel. Il faut donc compter sur la force du vent, sur les oiseaux ou sur l’arrivée des êtres humains pour que la végétation puisse pousser.

    De plus, les îles sont constituées de roches volcaniques. Elles sont, par conséquent, très arides et la majorité de la flore ne peut pas survivre dans de telles conditions. Cependant, quelques plantes ont réussi à s’adapter à cet environnement.

    Comme pour la faune, il existe peu d’espèces différentes, mais de multiples sous-espèces. En effet, chaque île possède son propre climat et ses propres reliefs, et donc une végétation spécifique. Il y pousse près de 625 sortes de plantes indigènes. Ce sont des plantes déjà présentes dans le milieu et qui ont poussé sans intervention humaine. On trouve par exemple différents types de cactus (cactus géants, cactus de lave), du pourpier et dans l’océan, de nombreux coraux.

    La flore endémique est présente en grande quantité sur ces îles. Par exemple, sur les 500 types de plantes vasculaires (qui possèdent des vaisseaux transportant de l’eau), 180 sont introuvables ailleurs dans le monde. Parmi elles, on retrouve les arbres à marguerite ou des variétés de tomates.

    Bien que la majorité des espèces soient endémiques, on recense aussi sur l’archipel plus de 500 espèces introduites par l’homme comme les arbres fruitiers (oranges, citron, goyave), les avocats et l’herbe à éléphant.

    Sur les côtes, on trouve également plusieurs types de mangroves : des forêts immergées. Elles ont développé des racines aériennes pour permettre aux arbres de respirer. Elles constituent un écosystème à part entière, car elles offrent un refuge à diverses espèces d’oiseaux et de poissons, qui peuvent se reproduire, à l’abri des prédateurs.

    Cet écosystème fragile doit aujourd’hui faire face à de nombreuses menaces.

    De nombreuses menaces environnementales

    Les menaces qui planent sur les îles Galápagos sont à la fois humaines et naturelles. Le tourisme de masse, la surpêche, l’introduction d’espèces invasives ou encore la pollution menacent les écosystèmes fragiles des différentes îles de l’archipel.

    Par exemple, les êtres humains ont introduit de nombreux animaux et plantes tels que le chat et le bétail. Ils n’ont pas de prédateurs, se reproduisent vite et deviennent des prédateurs pour les espèces endémiques des différentes îles. Parmi les espèces déjà éteintes, on retrouve la chouette effraie de Floreana, le rat géant de Santa Cruz, l’iguane jaune de Santiago et les tortues géantes de Fernandina. La pêche illégale est également une grande menace pour les animaux marins. Au XIXe siècle, des dizaines de milliers d’otaries à fourrure et près de 100 000 tortues ont été tuées.

    Le littoral des îles Galápagos doit faire face au tourisme de masse.
    Afin de protéger la biodiversité du tourisme de masse, l’accès à de nombreux sites est restreint. Crédit photo : Jose, Adobe Stock

    Mais l’archipel présente aussi ses propres dangers. Après la fin des dernières éruptions, les volcans s’érodent et s’effondrent sur eux-mêmes. Un atoll avec un lagon apparaît et finit par être englouti par l’océan. Ainsi, de nombreuses espèces ne peuvent pas migrer et finissent par s’éteindre.

    Le phénomène climatique « El Niño » est également une menace pour la biodiversité de l’archipel. Il provoque des précipitations inhabituelles et réchauffe les eaux en surface. Tandis que certaines espèces profitent de cette source de chaleur, d’autres ne peuvent pas s’adapter et sont amenées à disparaître.

    Des mesures de protection efficaces

    Malgré ces différents dangers, les Galápagos ne figurent plus sur la liste des sites menacés. Depuis la fin des années 1950, des mesures de protection efficaces ont été mises en place pour préserver la biodiversité.

    En 1959, 97 % de la superficie terrestre (7 665 100 hectares) des îles a été reconnue comme parc national des Galápagos. Les 30 000 habitants doivent résider sur les 3 % restants et sont regroupés sur cinq îles. En 1986, la partie maritime de l’archipel a été déclarée réserve marine des Galápagos. La taille de la réserve a été étendue au fil des ans pour mesurer actuellement 133 000 km carrés. Ce qui en fait la deuxième plus vaste réserve au monde après la Grande Barrière de corail en Australie.

    De plus, une loi encadre la pêche et la surexploitation des ressources marines des Galápagos depuis 1986. Elle figure dans la constitution de la République d’Équateur depuis 1998. Enfin, depuis 1978, les îles sont déclarées site naturel du Patrimoine Mondial par l’UNESCO. La réserve marine a rejoint le bien en 2001.

    L’intensification du tourisme met également en péril la biodiversité. Avec 170 000 visiteurs par an, le Gouvernement équatorien a dû réglementer les visites et les croisières. Des itinéraires précis ont été mis en place et certains sites ne peuvent plus être explorés.

    Tous ces éléments démontrent la richesse exceptionnelle de l’archipel des Galápagos. Sa géologie et sa biodiversité si singulières en font un lieu unique au monde, à préserver. Les futures évolutions des îles viendront sûrement confirmer davantage la théorie de l’évolution de Charles Darwin. Avant de disparaître complètement, ces espèces vont tenter de s’adapter à leur nouvel environnement, avec succès ou non…

     


    RETENEZ


    • L’archipel des Galápagos a commencé à émerger il y a seulement 3 millions d’années grâce à un « point chaud ».
    • Les îles Galápagos abritent de nombreuses espèces endémiques comme les tortues géantes ou les cactus de lave.
    • Charles Darwin a élaboré sa célèbre théorie de l’évolution après son passage dans l’archipel.
    • Le gouvernement équatorien a su mettre en place des mesures de protection efficaces pour protéger la biodiversité fragile de cet archipel.

    1.
    Collectif. Sanctuaires sauvages: les plus beaux sites naturels de l’UNESCO [En ligne]. Chamalières : Artémis éditions; 2018. Disponible: https://www.editions-artemis.com/beauxlivres/2690-9782816014198-sanctuaires-sauvages-les-plus-beaux-sites-naturels-de-l-unesco.html
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. UNESCO Centre du patrimoine. Îles Galápagos; [cité le 27 nov 2021]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/1/
    1.
    Galapagos wildlife [En ligne]. Galapagos Conservation Trust. [cité le 27 nov 2021]. Disponible: https://galapagosconservation.org.uk/about-galapagos/wildlife/
    1.
    Discovering Galapagos [En ligne]. Discovering Galapagos: A learning resource from GCT & RGS; [cité le 27 nov 2021]. Disponible: https://www.discoveringgalapagos.org.uk/

    Immersion au Cœur des Cenotes du Yucatán

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    Le Mexique dissimule tout un monde aquatique souterrain : les cenotes de la péninsule du Yucatán. Le relief karstique abrite en effet un réseau de grottes inondées, de puits noyés et de dolines d’effondrement. Dans ces cavités, le spectacle se joue à huis clos ou à ciel ouvert. Les reflets de l’eau ondulent au gré de la lumière sur un kaléidoscope de bleu, comme une invitation à percer les secrets qui les entourent. Plongez dans un univers fascinant !

    Le relief karstique de la péninsule yucatèque

    La genèse des cenotes

    Le Yucatán désigne de façon générique la péninsule, qui comporte 3 États : Campeche, Yucatán et Quintana Roo. D’après le journal Le Monde, plus de 10 000 cenotes percent le sol du Mexique. Leur nombre évolue au fil du temps, car plusieurs d’entre eux demeurent cachés sous une abondante végétation.

    Ces puits naturels sont concentrés autour de l’astroblème de Chicxulub. Il s’agit d’un cratère de 180 km de diamètre, provoqué par la chute d’un corps céleste à la fin du Crétacé, voici 66 millions d’années. La collision a entraîné la disparition de nombreuses espèces et notamment l’extinction des dinosaures.

    Celle-ci a longtemps été attribuée à l’impact d’un astéroïde. Mais une étude publiée dans le Scientific Report en février 2021 a remis en cause cette théorie, en envisageant sérieusement la piste d’une comète.

    Ce cataclysme a généré un refroidissement climatique extrême et des pluies acides. À cette époque, le Yucatán n’était encore qu’un récif dissimulé sous l’océan. Ce n’est qu’au début de l’ère quaternaire (il y a 2,5 millions d’années) qu’il a émergé avec la baisse du niveau de la mer.

    Des merveilles de la nature

    Les cenotes de la péninsule du Yucatán se situent pour la plupart le long d’un demi-cercle, une disposition mise évidence par Pope en 1991 par télédétection satellitaire. L’emplacement des fractures et des failles correspond aux contours du cratère de Chicxulub.

    anneau de cenotes
    La répartition des cenotes sur la péninsule du Yucatán. Source : Open Édition Journals

    Ces formations attestent de l’évolution géomorphologique de la péninsule depuis son émersion. Une karstification s’y est en effet développée, car elle comporte beaucoup de calcaire. Or, ce dernier devient soluble dans l’eau chargée de CO2. Les précipitations et des ruissellements d’acide carbonique ont dissous cette roche calcaire et poreuse.

    Leur action corrosive a donné naissance à des formations géologiques, à la fois superficielles et souterraines. Sous l’effet d’une lente érosion, le sol s’est en effet effondré par endroits, laissant apparaître des cavernes et des gouffres immergés partiellement ou totalement.

    Leurs dimensions et leurs formes varient d’une cavité à l’autre. Quant à leur profondeur, elle atteint parfois plusieurs centaines de mètres. Remplis d’eau douce, les cenotes contiennent aussi de l’eau de mer lorsqu’ils communiquent avec l’océan. Chaque site possède ainsi des caractéristiques qui lui confèrent un charme propre (stalactite, stalagmite, luminosité, couleur dominante). Par ailleurs, un cenote peut être :

    • à ciel ouvert, comme le Cenote Azul ;
    • semi-couvert, tel le Gran Cenote ;
    • souterrain ou caverneux, à l’image du Cenote Suytun.

     

    Les cenotes de la péninsule du Yucatán, hauts lieux de découvertes

    Un peu d’histoire

    Le terme espagnol cenote provient du mot dzonot, qui désigne une cavité avec de l’eau. Pour les Mayas, ces trous bleus représentaient une source de vie précieuse, en raison d’un manque chronique d’eau en surface. Mais ils revêtaient également pour cette civilisation une dimension sacrée. Le Cenote Sagrado de Chichén Itzá servait par exemple pour les sacrifices.

    La question du premier peuplement de l’Amérique divise les spécialistes depuis près d’un siècle. En février 2020, une étude publiée dans la revue Plos One et relayée dans un article de Géo a apporté un nouvel éclairage sur les premiers hommes du Mexique. Un squelette de femme, complet à 30 %, a été trouvé dans les grottes de Quintana Roo. Daté de 9 900 ans avant notre ère, il présentait des caractéristiques similaires à celle d’autres fossiles humains découverts dans la région.

    Cependant, la forme de son crâne ne ressemblait pas à celle des premiers habitants. Sa dentition suggérait par ailleurs un régime alimentaire plus riche en sucre. Les scientifiques ont conclu que deux groupes distincts vivaient là avant l’installation des Mayas.

    cenote yucatan plongee decouverte
    Plongée au cœur d’un cenote. Crédit photo : Jhovani Serralta via Pixabay

    Les conditions alcalines et l’obscurité des cenotes ont favorisé la conservation de plusieurs vestiges. En 2021, l’Institut national d’anthropologie et d’histoire (INAH) a annoncé une découverte supplémentaire : une pirogue entière de l’époque maya. Si les cenotes de la péninsule du Yucatán ont dévoilé de nombreux secrets au fil des années, ils en renferment sans doute encore bien d’autres…

    Des phénomènes géologiques uniques

    Les cenotes se rencontrent dans les structures karstiques, disséminées un peu partout dans le monde. Cette appellation reste néanmoins réservée à l’Amérique centrale et plus particulièrement au Yucatán. Il concentre en effet un nombre important de puits naturels, aux caractéristiques géologiques impressionnantes.

    galerie sac actun yucatan
    Les grottes blanches de Sac Actun. Crédit photo : Colibri Boutique Hotels via Flickr

    Les chercheurs du Great Maya Aquifer Project ont notamment remarqué que deux immenses grottes étaient reliées entre elles. Elles dissimulaient en outre des reliques mayas, des fossiles d’animaux et des os humains.

    DÉCOUVERT EN 2018, LE SITE ARCHÉOLOGIQUE SUBMERGÉ DE SAC ACTUN EST CONSIDÉRÉ COMME LA PLUS GRANDE GROTTE SOUS-MARINE AU MONDE. ELLE COURT SUR 347 KM ET COMPTE 260 KM DE GALERIES INONDÉES.

    À 17 km de Tulum, le Cenote Angelita présente lui aussi un phénomène surprenant. Il comporte à la fois de l’eau douce et de l’eau salée. Du fait de leur densité différente, ces deux couches ne se mélangent pas entre elles. Un dépôt de sulfate d’hydrogène, appelé halocline, les sépare et crée une rivière sous-marine à environ 30 m de profondeur. Une expérience inédite pour les adeptes de plongée !

    Les cavités souterraines du sud-est du Mexique : un patrimoine à préserver

    Des trésors de biodiversité

    Une faune et une flore remarquables trouvent refuge dans les forêts de mangrove. De nombreux palétuviers subliment notamment les abords des cenotes. Pourtant, ces arbres tropicaux s’épanouissent généralement sur les zones côtières, car leurs racines filtrent l’eau salée.

    Selon un article de National Geographic, cette mangrove serait la relique d’un écosystème lagunaire vieux d’environ 125 000 ans. Lorsque les océans se sont retirés, elle a survécu grâce aux dépôts de calcium, sans avoir besoin des nutriments de la mer. Cette découverte insolite, « figée par le temps », esquisse un tableau inquiétant des risques de réchauffement climatique et de montée des eaux qui pèsent sur notre planète.

    Loin de ces préoccupations, différentes espèces cohabitent pour l’heure au sein des cenotes de la péninsule du Yucatán : hirondelles, pélicans, crustacés, poissons, tortues, etc. Dans l’eau saumâtre de Casa Cenote, un petit crocodile tient même compagnie aux nageurs ! Des organismes cavernicoles ont su par ailleurs s’adapter dans les grottes fermées. Ils se nourrissent des matières en surface ou du guano (amas d’excréments) des chauves-souris.

    oiseau emblematique yucatan
    Le mot-mot à sourcils bleus est un oiseau phare du Yucatán. Crédit photo : Sergey Yeliseev via Flickr

    Des milieux fragiles

    Depuis l’expansion urbaine de la ville de Cancún et l’essor touristique de la Riviera Maya, des millions de visiteurs se précipitent chaque année pour admirer la diversité des paysages mexicains et les bassins du Yucatán. Une tendance qui n’a pas échappé à certaines entreprises, qui ont décelé dans la privatisation de terres une réelle aubaine.

    De plus, le pompage intensif pour l’alimentation des villes augmente le niveau de salinisation. Des agents polluants se retrouvent dans l’eau : crèmes, huiles solaires, savons et détergents. La perméabilité des roches calcaires renforce leur infiltration, ce qui menace les écosystèmes d’eau douce, côtiers et marins.

    Partout dans le monde, le tourisme de masse fragilise des sites remarquables. Le Parc National des Lacs de Plitvice en Croatie incarne un bon exemple d’une nature exceptionnelle, mais vulnérable, en milieu karstique. Néanmoins, l’État mexicain semble depuis mesurer l’impact environnemental.

    Cette prise de conscience tardive se heurte aux intérêts financiers. Mais elle souligne la nécessité d’une gestion durable sur la péninsule, dépourvue d’écoulement superficiel. Des réserves naturelles ont été créées. Celle de Sian Ka’an figure au patrimoine mondial de l’UNESCO. L’anneau des cenotes relève quant à lui d’un site Ramsar, soit une zone humide d’importance internationale à protéger.

    L’origine de ces structures géologiques est aujourd’hui connue. Pourtant, ce relief karstique continue de fasciner. La beauté indicible des cenotes de la péninsule du Yucatán inspire en effet de nombreux visiteurs, qui viennent se perdre avec plaisir dans la contemplation de leur bleu ensorcelant. Saurons-nous préserver l’éclat de ces joyaux de la nature ?


    RETENEZ


    • Les cenotes sont des formations géologiques issues d’une karstification.
    • Les cavités peuvent être immergées partiellement ou totalement.
    • La péninsule du Yucatán dispose de tout un réseau hydraulique souterrain, mais elle souffre d’un manque chronique d’eau en surface.
    • Des ossements et de nombreux vestiges ont pu être conservés grâce aux conditions alcalines et à l’obscurité qui règnent dans les cavités.
    • Le tourisme de masse menace les écosystème fragiles des cenotes.

    1.
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    National Geographic [En ligne]. @NatGeoFrance. Une mine d’ocre vieille de 11 000 ans découverte au Mexique; 6 juill 2020 [cité le 23 nov 2021]. Disponible: https://www.nationalgeographic.fr/histoire/2020/07/une-mine-docre-vieille-de-11-000-ans-decouverte-au-mexique
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    Dans les profondeurs des mondes mayas. Le Monde.fr [En ligne]. 6 avr 2017 [cité le 23 nov 2021]; Disponible: https://www.lemonde.fr/m-voyage/article/2017/04/06/dans-l-antre-monde-maya_5106629_4497613.html
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    National Geographic [En ligne]. @NatGeoFrance. Découverte : La plus grande grotte sous-marine du monde abrite des reliques mayas; 21 févr 2018 [cité le 23 nov 2021]. Disponible: https://www.nationalgeographic.fr/histoire/decouverte-la-plus-grande-grotte-sous-marine-du-monde-abrite-des-reliques-mayas
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    Futura [En ligne]. Hollen E. À la découverte d’une rivière « sous-marine » dans le merveilleux cénote Angelita; [cité le 23 nov 2021]. Disponible: https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/mexique-decouverte-riviere-sous-marine-merveilleux-cenote-angelita-82526/
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    Geo.fr [En ligne]. AFP G avec. Mexique : découverte exceptionnelle d’une pirogue maya en parfait état; 31 oct 2021 [cité le 23 nov 2021]. Disponible: https://www.geo.fr/histoire/mexique-decouverte-exceptionnelle-dune-pirogue-maya-en-parfait-etat-206880
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    Salomon JN. Cenotes et trous bleus, sites remarquables menacés par l’écotourisme. Les Cahiers d’Outre-Mer Revue de géographie de Bordeaux [En ligne]. 1 juill 2003 [cité le 23 nov 2021];56(223):327‑52. Disponible: https://journals.openedition.org/com/815
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    HÉRAUD-PIÑA Marie-Anne. Le karst du Yucatan - Pays des Mayas. Presses Universitaires de Bordeaux. [En ligne]. Pessac; 1996. 282 p. (À la croisée des sciences). Disponible: https://books.openedition.org/pub/1527?lang=fr

    Qu’est-ce Qu’un Orage Supercellulaire ?

    Les orages, par leur soudaineté et leur violence, sont perçus comme des événements dangereux. En France, c’est en été qu’on les rencontre généralement. Dans certaines situations, les phénomènes que l’on observe sont particulièrement intenses : des précipitations sous forme de pluie diluvienne et de grêle, des rafales de vent à plus de 100 km/h, une forte activité électrique, et même parfois des tornades. Les météorologistes parlent alors de « supercellules ». Qu’est-ce qu’un orage supercellulaire ? Comment se forme-t-il ? Comment le prévoir ?

    De la cellule orageuse à la supercellule

    Le développement d’un cumulonimbus

    Quelles sont les caractéristiques générales d’un orage ? Une « cellule orageuse » est appelée ainsi car elle constitue un système capable de se développer et de s’intensifier. La dynamique d’un orage se met en place au sein d’un nuage caractéristique : le cumulonimbus. Il s’agit d’un nuage reconnaissable à son étendue verticale d’une dizaine de kilomètres et à son sommet évasé en forme d’enclume. Le développement vertical de ce nuage est dû à un fort courant d’air ascendant qui s’établit en son centre.

    Stades d’évolution d’un orage du cumulus au cumulonimbus et dissipation.
    Les différents stades d’évolution d’une cellule orageuse isolée : formation, maturité, dissipation. Un nuage convectif (cumulus) se développe verticalement et se transforme en cumulonimbus. Les précipitations et les courants froids associés désamorcent la convection, causant la dissipation de l’orage. Crédit photo : NOAA, Wikimedia Commons

    Cela se produit lorsque l’air au niveau du sol est particulièrement chaud, c’est ce que l’on appelle une atmosphère instable : l’air monte naturellement en se refroidissant, jusqu’à être à la même température que les couches environnantes. Si l’air chaud est très chargé en humidité (sous forme de vapeur d’eau), la condensation de cette vapeur libère suffisamment de chaleur latente pour accélérer le courant ascendant dans le cumulonimbus. On voit alors le nuage se développer en hauteur jusqu’à une très grande altitude où la température cesse de diminuer : c’est la tropopause, à la frontière entre la troposphère et la stratosphère.

    Le mécanisme de formation de l’orage

    Des courants descendants d’air refroidi se mettent en place et sont chargés de précipitations sous forme d’eau liquide ou de grésil. Au cours de leur chute, les cristaux de glace se chargent négativement, il s’établit ainsi une différence de charge électrique entre le haut et le bas du nuage, puis entre le bas du nuage et le sol. On observe alors des éclairs : des décharges électriques qui peuvent avoir de graves conséquences lorsqu’elles touchent le sol.

    Dans le cas d’un orage monocellulaire ordinaire, c’est-à-dire d’une cellule orageuse évoluant dans un vent moyen faible, le courant ascendant est progressivement désamorcé sur place par l’air froid qui descend et l’orage se dissipe. La durée du cycle d’une telle cellule orageuse est de l’ordre de 30 à 60 minutes.

    La formation d’un orage supercellulaire

    Une supercellule, ou un orage supercellulaire, peut se produire lorsque certaines conditions sont réunies :

    • Une instabilité atmosphérique, comme pour un orage ordinaire, sous forme d’air chaud et humide, qui génère un courant ascendant.
    • Une situation de « cisaillement de vent » dans les basses couches de l’atmosphère. Il s’agit d’une différence d’intensité et de direction, entre le vent au niveau du sol (faible) et le vent à quelques centaines de mètres d’altitude (fort).

    L’interaction du courant ascendant et du cisaillement de vent a pour effet de mettre en rotation l’air des basses couches atmosphériques qui pénètre dans le nuage. Cette colonne tourbillonnaire est appelée mésocyclone, elle est associée à la mise en rotation du nuage et constitue une petite dépression. C’est ainsi que se forme une « supercellule », ainsi nommée en raison de ses dimensions colossales.

    Que se passe-t-il à l’intérieur d’un orage supercellulaire ?

    À l’intérieur d’une supercellule, la masse d’air du nuage est mise en rotation : le courant ascendant est tourbillonnaire alors que les courants descendants circulent à la périphérie du mésocyclone. Les ascendances d’air chaud ne sont pas contrariées par les courants descendants comme dans un orage monocellulaire. De ce fait, l’orage supercellulaire a une durée de vie de plusieurs heures et ne se dissipe pas spontanément.

    Les précipitations qui se produisent dans un orage supercellulaire sont souvent entraînées dans le mouvement tourbillonnaire et remontent dans le nuage. Les particules de glace, qui étaient de petites dimensions au départ, grossissent au contact de l’air humide pour former des grêlons dont la taille peut devenir de plus en plus importante s’ils effectuent plusieurs remontées.

    L’activité électrique d’un orage supercellulaire est très intense avec beaucoup d’éclairs qui frappent le sol. La supercellule a la capacité de se déplacer rapidement et balaie ainsi pendant plusieurs heures toute une bande de territoire. Dans des conditions extrêmes, la vitesse des vents du mésocyclone peut devenir telle qu’il se forme une tornade, capable d’aspirer des objets solides et de causer des dégâts considérables au sol.

    Un orage supercellulaire met une masse d’air en rotation, qui perdure parfois plusieurs heures. Cette supercellule peut éventuellement se transformer en tornade.

    Schéma d’un orage supercellulaire avec mésocyclone et tornade.
    Structure d’un orage supercellulaire. Les courants d’air sont représentés par les flèches noires, le mésocyclone est mis en évidence en rouge. Crédit image : Michael Graf/Pierre_cb, Wikimedia Commons, CC BY-SA 3.0

    Peut-on prévoir un orage supercellulaire ?

    Certaines zones du globe sont connues pour être le siège d’orages supercellulaires. C’est le cas de certaines régions des États-Unis où se forment souvent des tornades dévastatrices. En Europe, le Nord de la France et le Bénélux connaissent des conditions favorables aux supercellules, du fait de variations de direction du vent avec l’altitude. On y observe régulièrement des orages supercellulaires, accompagnés parfois de tornades.

    Les météorologistes sont donc attentifs aux situations de champ de vent favorables à la formation de supercellules. Cela permet d’alerter sur le risque encouru par les populations pour une région donnée. Par exemple, la surveillance qu’effectuent les radars de précipitations permet de détecter la mise en rotation des cellules orageuses qui est la signature d’un orage supercellulaire.

    Les modèles de prévisions météorologiques, en perpétuelle évolution, utilisent une résolution spatiale de plus en plus fine. Le choix de la résolution d’un modèle résulte toujours d’un compromis entre le nombre de prévisions à effectuer dans une journée et l’échéance choisie. Le modèle le plus fin utilisé actuellement en France au quotidien par les prévisionnistes de Météo France a une résolution horizontale de 1,3 km, encore insuffisante pour modéliser la dynamique des supercellules. Il permet néanmoins d’identifier des conditions favorables à l’apparition de phénomènes orageux violents. Ce modèle est utilisé pour déclencher la mise en alerte des territoires lorsqu’un risque de phénomène violent est repéré.

    La puissance des supercalculateurs permet désormais de représenter des phénomènes atmosphériques à une échelle de l’ordre du mètre, tels que les tornades et les supercellules, comme le montrent de récents travaux de recherche de l’Université du Wisconsin-Madison aux Etats-Unis. Les simulations numériques effectuées par les chercheurs prédisent aussi bien l’apparition d’une tornade, sa trajectoire ainsi que l’intensité de la dépression au niveau du sol : il s’agit d’un outil prometteur.

    Grâce aux progrès des supercalculateurs, les prévisionnistes pourront disposer de tels modèles à haute définition dans un futur proche, adaptés à la prise en compte des orages supercellulaires. Il sera alors possible d’avoir une prévision détaillée de l’évolution des cellules orageuses et des supercellules ainsi que de leurs conséquences pour les populations.

    Les orages supercellulaires causent des phénomènes atmosphériques très violents : grêle, rafales de vent, pluies diluviennes et localisées, tornades. Ils sont caractérisés par un nuage en rotation et une durée de vie de plusieurs heures. Ils peuvent se déplacer sur de grandes distances et causer des dégâts considérables. Si la science possède maintenant une connaissance approfondie de la dynamique de ces orages, leur prévision sera rendue possible par le développement et l’utilisation de modèles de simulation toujours plus puissants.

     


    RETENEZ


    • Les orages supercellulaires sont des phénomènes météorologiques violents de grande ampleur.
    • Le courant d’air ascendant dans un supercellule est mis en rotation.
    • Un cisaillement de vent entre le sol et la haute altitude est nécessaire à leur formation.
    • Ils produisent de violentes précipitations, des vents tempétueux, des chutes de grêle et occasionnellement des tornades.

    1.
    Meteo Suisse [En ligne]. Comment un orage se transforme-t-il en supercellule ? - MétéoSuisse; [cité le 5 nov 2021]. Disponible: https://www.meteosuisse.admin.ch/home/meteo/termes-meteorologiques/orage/wie-wird-ein-gewitter-zur-supperzelle.html
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    Meteo Suisse [En ligne]. Comment les orages se forment-ils ? - MétéoSuisse; [cité le 5 nov 2021]. Disponible: https://www.meteosuisse.admin.ch/home/meteo/termes-meteorologiques/orage/wie-entstehen-gewitter.html
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    Orf L. A 10-m Resolution Quarter-Trillion Gridpoint Tornadic Supercell Simulation. Dans: AMS; 2020 [cité le 5 nov 2021]. Disponible: https://ams.confex.com/ams/2020Annual/meetingapp.cgi/Paper/367581
    1.
    La Chaîne Météo [En ligne]. Orages supercellulaires : à l’origine de phénomènes violents - Actualités La Chaîne Météo; [cité le 5 nov 2021]. Disponible: https://actualite.lachainemeteo.com/actualite-meteo/2019-06-20/orages-supercellulaires-a-l-origine-de-phenomenes-violents-51346
    1.
    Tameteo.com | Meteored [En ligne]. Qu’est-ce qu’un orage supercellulaire ?; 28 juill 2019 [cité le 5 nov 2021]. Disponible: https://www.tameteo.com/actualites/science/qu-est-ce-qu-un-orage-supercellulaire.html

    La Vallée de la Mort : un Territoire Inhospitalier à l’Histoire Saisissante

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    Deuxième plus grand Parc national américain, la Vallée de la Mort est d’une superficie de 13 650 km2. Situé au centre-sud de la Californie et à l’est de la Sierra Nevada, il a comme particularité d’avoir obtenu 56,7°C, le 10 juillet 1913 à Furnace Creek, soit la température la plus élevée du monde. Mais si la Vallée de la Mort est bel et bien l’endroit le plus chaud de la Terre et le plus sec d’Amérique du Nord, ses autres ressources sont tout aussi surprenantes… Zoom sur son histoire, ses habitants et ses paysages.

    Vallée de la Mort : un nom à l’histoire tragique

    Afin de connaître l’origine du nom « Vallée de la Mort », il nous faut retourner à la fin des années 1840, au moment de la ruée vers l’or, alors que de nombreux pionniers entament un exode vers la Californie. À cette époque, tous se rappellent la terrible catastrophe des Donner Party, un groupe de pionniers qui, en voulant traverser le désert du Grand Bassin, fut pris au piège d’une tempête de neige dans la Sierra Nevada, un grand massif montagneux situé principalement à l’est de la Californie. C’est d’ailleurs pour cela qu’en octobre 1849, lorsqu’un train arrive à Salt Lake City, dans l’Utah (point de ravitaillement des chercheurs d’or), on voit dans l’itinéraire du Old Spanish Trail la possibilité de continuer le voyage sans risque conséquent. En effet, la route se fait par l’extrémité sud de la Sierra Nevada. Au cours du périple, les groupes de pionniers se séparent pour prendre des chemins différents. On retrouve d’ailleurs le Jefferson Hunt Monument dans la ville Enterprise, dans l’Utah, qui commémore cet événement historique.

    Le manque d’eau et d’approvisionnement, la fatigue, les obstacles rencontrés … C’est dans un état d’affaiblissement extrême que plusieurs pionniers (appelés les « 49èmes perdus ») se sont retrouvés prisonniers de la Vallée de la Mort, et y ont fait leur tombeau. C’est d’ailleurs depuis ce tragique événement que ce lieu désertique fut nommé la « Vallée de la mort ».

    Au cœur de la vaste province géologique de Basin and Range

    Si le Parc national fait 13 650 km2, la Vallée de la Mort (qui porte son nom) est, quant à elle, d’une superficie de 7 800 km2, et se situe dans la province géologique de Basin and Range. Cette province fait partie des régions dites physiographiques. Cela veut dire que ses différentes composantes naturelles forment, ensemble, une homogénéité. En géologie, « Basin and Range » désigne un type de relief caractérisé par un complexe de petites chaînes de montagnes parallèles et séparées par de grandes vallées.

    Point de vue Google Earth du Parc national de la Vallee de la Mort
    Le Parc national de la Vallée de la Mort vu du ciel. Crédit : © 2015 Google earth

    C’est à la suite d’un fossé d’effondrement (aussi appelé rift), que cette province s’est formée, lors du processus d’extension de la plaque nord-américaine. On remarque également que la croûte qui se situe sous le Grand Bassin (large désert se situant à l’Ouest des États-Unis et à l’Est de la Sierra Nevada), fait partie des plus fines du monde.

    Les conséquences de ce rift sont telles qu’on retrouve de très hauts sommets de montagnes (comme le mont Whitney à 4 421 mètres, au cœur de la Sierra Nevada) et des dépressions très marquées (comme le bassin Badwater dans la Vallée de la Mort, à 85 mètres sous le niveau de la mer).

    Il faut également noter que toute la région du Grand Bassin est endoréique, c’est-à-dire que ses différents bassins sont clos et ne se déversent pas dans la mer. En somme, ils forment une cuvette fermée.

    Vue sur une oasis à Salt Creek dans la vallee de la mort
    Large vue sur une oasis à Salt Creek. Crédit photo : NPS

    Une terre aux conditions de vie extrêmes

    La Vallée de la Mort présente des caractéristiques extrêmes et ce, pour plusieurs raisons :

    • Elle enregistre, le 10 juillet 1913 à Furnace Creek, le record de la température la plus élevée au monde avec 56,7 °C.
    • Elle est composée de reliefs très escarpés, et est bordée par le chaînon Amargosa à l’Est, et le chaînon Panamint à l’Ouest.
    • Son air est sec et le taux d’humidité peut chuter jusqu’à 3% en été. Nous pouvons également parler de l’effet de fœhn qui augmente la sensation de sécheresse. Effectivement, lorsque les vents fréquents font face à un relief assez large, toute la masse d’air transportée par le vent ne peut pas contourner l’obstacle. Les vents sont donc des vents chauds qui viennent fortement réchauffer et dessécher l’environnement de la vallée.
    • Les précipitations y sont très faibles : en moyenne moins de 5 cm par an. Généralement, les pluies surviennent en hiver et forment des cours d’eau qui se déversent dans la vallée. On peut alors voir apparaître des lacs « temporaires » qui finissent par s’évaporer. Par ailleurs, on retrouve beaucoup de roches salines, dites « évaporites », au fond de la Vallée de la Mort, car les eaux, en provoquant un ravinement, dissolvent des sels. Prenons l’exemple du site de Badwater, qui est composée d’eau non potable (badwater : mauvaise eau, en anglais), car elle y est saturée en sels.
    Gouffre d’eau salee dans la region du bassin de Badwater
    Gouffre de sel dans le bassin de Badwater. Crédit photo : NPS

    Des paysages aux ressources variées

    Dans cet endroit en constante mutation, les ressources sont multiples : champs de sels, horizons de dunes … En voici une courte mise en avant !

    De grands champs de sels

    Dans l’espace qu’est aujourd’hui le Parc national de la Vallée de la Mort, les lacs ont disparu il y a environ 10 000 ans. En effet, à mesure que le climat s’est réchauffé, ceux-ci se sont évaporés, laissant derrière eux de grands champs de dépôts de sel. On peut d’ailleurs voir ce processus à l’œuvre en Bolivie avec le salar d’Uyuni, le plus grand et haut désert de sel du monde.

    De plus, les marais salants dans la région de Badwater couvrent plus de 300 km2 et figurent parmi les plus grands marais salants du monde. Ceux-ci sont très fragiles, car les cristaux sont aisément broyables, et la croûte supérieure de sel est assez mince. C’est notamment pour cette raison qu’il est interdit aux véhicules de rouler hors des routes établies.

    Parce que le climat de la Vallée de la Mort est aride et que le bassin de Badwater est fermé, impossible d’écouler les eaux vers la mer et d’éliminer les sels. Ainsi, celles-ci s’évaporent tandis que les minéraux se concentrent jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les sels.

    Des étendues de dunes de sable

    Bien que les dunes ne soient pas très répandues dans le Parc national de la Vallée de la Mort, il en existe néanmoins plusieurs dans ses différentes régions :

    • Les dunes plates de Mesquite ;
    • Les dunes Eureka ;
    • Les dunes Bouquetin ;
    • Les dunes de la Vallée Saline ;
    • Les dunes de Panamint.

    Celles-ci sont formées à partir des vents dominants qui déplacent le sable et l’accumulent à un endroit précis. Rien d’étonnant lorsqu’on sait que la vallée fait partie du désert des Mojaves, un des déserts les plus secs du monde.

    Bien que l’on se trouve dans le lieu le plus chaud de la planète, on ne compte plus le nombre de richesses qui composent le Parc national de la Vallée de la Mort.

    Lumière de fin d’apres-midi sur les dunes de sable de Mesquite Flat dans la vallee de la mort
    Les dunes de sable de Mesquite Flat en fin d’après-midi. Crédit photo : NPS

    Des habitants aux espèces innombrables

    Mais si les paysages de la Vallée de la Mort offrent un spectacle extraordinaire, la diversification de la faune et de la flore est tout aussi étonnante…

    Une faune développée et diversifiée

    Contrairement à ce que son nom peut laisser penser, la Vallée de la Mort abrite diverses espèces animales : plus de 50 espèces de mammifères, 36 espèces de reptiles et 300 espèces d’oiseaux.

    Dans ses eaux, nous pouvons retrouver des poissons comme le chiot de Saratoga ou encore le petit poisson de Salt Creek, aujourd’hui en voie de disparition. Le Parc national accueille également une grande variété d’oiseaux grâce à la pluralité des habitats existants. Si les « roadrunners » sont des résidents quotidiens de la Vallée de la Mort, nous pouvons aussi retrouver des oiseaux migrateurs qui viennent se reposer dans ses montagnes et ses oasis désertiques.

    Un Roadrunner sur du gravier meuble dans le Parc national de la Vallee de la Mort.
    Présence d’un Roadrunner dans le Parc national de la Vallée de la Mort. Crédit photo : NPS

    Nous pouvons également observer des petits mammifères comme la musaraigne du désert, des mammifères moyens comme le lapin des montagnes ; des mammifères à ongles comme le mouflon du désert ; et des carnivores comme le coyote.

    Un coyote surveille le territoire dans le Parc national de la Vallee de la Mort
    Présence d’un coyote surveillant le territoire. Crédit photo : NPS

    Notons que les oasis dans le désert sont importantes pour la survie de la plupart des espèces environnantes. En effet, ces sources d’eau naturelle permettent aux grands mammifères de passer les rudes mois d’été et aux oiseaux de vivre pendant leur migration.

    Une flore colorée et multiple

    C’est près de 70 espèces de graminées qui poussent dans les zones humides du Parc national. Nous pouvons retrouver des espèces rares comme l’herbe des dunes qui pousse dans la vallée d’Eureka, mais également de l’herbe salée qui pousse le long des marais salants et des sources.

    De plus, les fleurs sauvages sont une autre ressource de la Vallée de la Mort et offrent un spectacle extraordinaire pendant la superfloraison.

    Champs de fleurs sauvages au printemps dans le Parc national de la Vallee de la Mort
    Superfloraison de fleurs jaunes sauvages au printemps dans le Parc national de la Vallée de la Mort. Crédit photo : NPS

    Parmi elles, nous pouvons citer, l’Or du désert qui ressemble à une marguerite ; l’Onagre d’Eureka Dunes qui se trouve sur les dunes de sable de la vallée d’Eureka ; le Pinceau du désert à feuilles ondulées et d’un rouge vif ; la Trompette du désert dont les tiges sont coiffées de plein de petites grappes de fleurs jaunes.

    Des onagres blanches et roses sur les dunes d’Eureka dans le Parc national de la Vallee de la Mort
    Onagres sur les dunes d’Eureka. Crédit photo : NPS

    Si le Parc national de la Vallée de la Mort s’étend dans un environnement au climat aride et très chaud, ses richesses sont néanmoins multiples. Espèces introduites ou en mutation pour s’adapter à leur lieu de vie, pluralité des habitats, champs de fleurs à perte de vue, bains de sels et étendue de sable… Les habitants et ses paysages n’ont pas fini de nous surprendre, car oui, l’érosion continue de creuser la roche, les vallées de s’affaisser et les montagnes de s’élever. Qu’en sera-t-il donc du Parc national dans quelques décennies ?

     


    RETENEZ


    • Le Parc national de la Vallée de la Mort a obtenu le record de température mondial en juillet 1913 avec 56,7°C.
    • Il doit son nom aux tragiques incidents survenus pendant la ruée vers l’or à la fin des années 1840.
    • Le Parc est principalement formé de chaînes de montagnes parallèles, séparées par de grandes vallées.
    • Il y a une forte présence de roches salines et de grands champs de sels.
    • De nombreuses espèces (animales et végétales) s’y épanouissent et évoluent en fonction des conditions de vie des différents territoires.

    1.
    Planet-Terre.ENS-Lyon [En ligne]. Matthias Schultz. Les évaporites de la Vallée de la Mort (Californie) — Planet-Terre; [cité le 29 oct 2021]. Disponible: https://planet-terre.ens-lyon.fr/ressource/sel-Death-Valley.xml
    1.
    U.S. National Park Service [En ligne]. U.S. National Park Service. Death Valley National Park (U.S. National Park Service); [cité le 29 oct 2021]. Disponible: https://www.nps.gov/deva/index.htm

    Le Parc National des Lacs de Plitvice : La Nature à l’État Pur

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    Le Parc national des lacs de Plitvice, en Croatie, éblouit autant les touristes que les scientifiques. Au cœur des Alpes Dinariques, à 130 km au sud de Zagreb, on y découvre un trésor géologique. Ses lacs turquoise qui s’enchaînent en escalier et sa forêt luxuriante peuplée d’une faune incroyablement diverse lui valurent d’être classé Parc national en 1949. Mais qu’est-ce qui rend cet espace sauvage de 30 000 hectares si particulier ? Remontons à la source…

    Les caractéristiques géologiques du Parc national des lacs de Plitvice

    La naissance d’un massif karstique

    Le Parc se situe sur un massif calcaire, aussi appelé karst ou relief karstique. La dolomie, la roche la plus présente est formée de dolomite et de calcaire. Celle-ci est extrêmement poreuse. Le calcaire se dissout sous l’action de l’eau dans les strates inférieures de la roche et entraîne la formation de lacs, mais également celles de canaux, gouffres et grottes souterraines.

    Le relief en surface ne représente qu’une partie de ce massif karstique. On dénombre en effet 114 sites spéléologiques sur le secteur du Parc national et ses alentours.

    Schema d’un massif karstique
    Représentation schématique des différentes formes géologiques présentes dans un massif karstique. Crédit Image : Dominique Sablons – Archives de l’Encyclopédie Larousse

     

    Zoom sur les lacs de Plitvice

    Des lacs turquoise en escalier et des cascades par centaines : c’est le spectacle qui s’offre à tout visiteur pénétrant dans le Parc. L’eau y est en effet omniprésente. On ne dénombre pas moins de 16 lacs (12 lacs supérieurs et 4 inférieurs).

    Cascades et forêt dense dans le Parc National des lacs de Plitvice
    Impressionnantes cascades dans le Parc National des lacs de Plitvice. Crédit Photo : Agnieszka Mordaunt pour Unsplash

    L’eau provient principalement de la Bijela Rijeka (rivière Blanche) et de la Crna Rijeka (rivière Noire). Celles-ci se rejoignent au sud du lac Prošćansko.

    Les micro-organismes et les minéraux présents dans l’eau influent sur la teinte des lacs qui peuvent passer du vert au gris. Toutefois, la majeure partie du temps, la couleur turquoise prédomine.

    Leur fond est tapissé de mousses et d’algues. Cette barrière naturelle retient le carbonate de calcium de l’eau avant qu’elle ne passe à travers le karst. De ce processus, se forment des barrières de travertin, une pierre naturelle composée de sédiments d’algues et de calcaire. Celles-ci séparent les lacs et sont en constante évolution. L’extrême porosité du karst entraîne en effet un changement continu du paysage, et ce, depuis des millénaires.

    Les barrières de travertin actives sont vieilles d’environ 7000 ans. Sur une échelle de temps géologique, celles-ci sont en réalité très jeunes !

    Des recherches plus poussées ont permis de découvrir, à des altitudes plus élevées, des paléobarrières. Celles-ci ont été datées et les plus anciennes auraient entre 250 000 et 300 000 ans. En raison de cette dynamique permanente, le niveau des lacs est lui aussi extrêmement variable.

    C’est d’ailleurs grâce à ce système hydrologique varié que les espèces végétales et animales sont aussi nombreuses sur ce périmètre restreint.

    Une flore et une faune riches qui participent à l’écosystème du Parc

    Un écrin de verdure

    Abondante et exubérante : c’est comme cela que pourrait être décrite la végétation du Parc national des lacs de Plitvice. Forêts et prairies se succèdent. Entre autres, sapins, hêtres et pins blancs dessinent le paysage. Tel un écrin de verdure, la nature évolue au gré des saisons passant du vert profond au printemps, au rouge feu en automne et au blanc pur en hiver.

    Une diversité d’espèces étonnante

    Malgré un flux de visiteurs en augmentation chaque année, de nombreux espaces restent vierges de toute activité humaine. La forêt dense qui court sur les pentes escarpées abrite une faune que l’on ne soupçonnerait pas.

    Emblème du Parc, l’ours côtoie nombre de mammifères et espèces d’oiseaux tels que :

    • le loup ;
    • le chevreuil ;
    • le renard ;
    • le lynx ;
    • la chauve-souris ;
    • le faucon
    • la chouette ;
    • le hibou ;
    • le pivert ;
    • etc.

    Parmi les vertébrés, 259 espèces ont été étudiées au sein du Parc national.

    La faune des invertébrés, et notamment celle des insectes, est beaucoup plus nombreuse. À ce jour, une majeure partie des espèces reste encore méconnue. Se distingue, parmi les insectes, le papillon. 321 espèces ont été recensées. Nous pouvons notamment citer le Grand porte-queue Papilio machaon ou encore le semi-apollon Parnassius mnemosyme. À l’échelle européenne, ces espèces sont aujourd’hui menacées d’où l’importance d’une politique de protection de celles-ci au sein du Parc.

    Papilio Machaon
    Le Grand porte-queue, une espèce menacée au sein du parc. Crédit photo : Congerdesign pour Pixabay

    Merveille de la Croatie, le Parc national des lacs de Plitvice figure sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979. Les critères de sélection de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture sont rigoureux. Chaque site doit, en effet, répondre à au moins l’un d’entre eux pour être classé.

    Tous ces éléments démontrent l’importance de la conservation de ce territoire unique au monde. Il est plus que jamais nécessaire de préserver cette diversité biologique. Pour découvrir un autre site exceptionnel classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, nous vous invitons à lire notre article sur la Chaîne des Puys.


    RETENEZ…


    • Le Parc national des lacs de Plitvice se situe au cœur d’un massif calcaire appelé relief karstique.
    • La couleur turquoise des lacs est due aux micro-organismes et minéraux présents dans l’eau.
    • Les actuelles barrières de travertin qui séparent les lacs sont vieilles d’environ 7000 ans.
    • La faune et la flore ainsi que les particularités géologiques du sol ont valu au Parc national des lacs de Plitvice de figurer sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.

    1.
    MUTIC A., DRAGICEVICH P. Guide Lonely Planet « Croatie ». 7e édition. Vol. 1. 2015. 367 p.
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. UNESCO. Parc national Plitvice - UNESCO; [cité le 12 oct 2021]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/98/
    1.
    Nacionalni park « Plitvička jezera » [En ligne]. Nacionalni park Plitvička jezera. Site Officiel du Parc National des Lacs de Plitvice; [cité le 12 oct 2021]. Disponible: https://np-plitvicka-jezera.hr/fr/patrimoine-naturel-et-culturel/patrimoine-naturel/paysage-karstique/

    La Grande Barrière de Corail : un Écosystème Exceptionnel à Préserver

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    La Grande Barrière de corail a obtenu le statut de patrimoine naturel mondial de l’UNESCO en 1981. Visible depuis l’espace, elle réunit 17% des récifs coralliens sur Terre. Elle fait partie d’un espace protégé de 344 400 km², le Parc Marin de la Grande Barrière de corail. Comment s’est-elle formée ? Quel est son rôle ? Comment est-elle impactée par le réchauffement climatique ? Partons à la découverte de la plus grande structure vivante au monde.

    C’est quoi la Grande Barrière de corail ?

    Où se trouve la Grande Barrière ?

    La Grande Barrière est une ceinture marine monumentale, d’une superficie égale à celle du Japon, de l’Allemagne ou encore de l’Italie. Elle se situe le long des côtes du Queensland, à l’est de l’Australie, dans la Mer de Corail de l’Océan Pacifique. La Grande Barrière de corail est qualifiée de « récif barrière », c’est-à-dire qu’il est éloigné du littoral et séparé par un lagon, lui-même constitué de canyons, de canaux et de plateaux.

    C’est le plus grand écosystème de récifs coralliens au monde et un paysage sous-marin à couper le souffle ! Voici quelques données chiffrées sur ce fabuleux récif :

    • 284 000 km² de récifs coralliens (l’équivalent de la moitié de la France)
    • 2 300 km de longueur,
    • entre 60 et 250 km de largeur,
    • entre 35 et 2 000 m de profondeur,
    • 3 000 récifs,
    • 600 îles,
    • 300 îles basses ou bancs de sable,
    • 150 zones de mangroves.

    La Grande Barrière de corail s’est formée il y a 20 000 ans, alors que les récifs actuels datent d’il y a moins de 6 000 ans. Ce qui en fait le récif corallien le plus ancien au monde. Au cours de son histoire, la Grande Barrière a traversé quatre cycles de glaciation. Les récifs coralliens se sont ensuite développés sur le plateau continental. Pendant les périodes glaciaires qui ont suivi, le niveau des océans a baissé et les récifs se sont transformés en collines de calcaire. Des rivières se sont formées entre ces collines et le littoral. Puis, au cours des périodes inter-glaciaires, le niveau de l’eau a de nouveau augmenté, ce qui a donné naissance aux îles et aux bancs de sable. La Grande Barrière a donc été modelée par les changements de climats, les variations du niveau de la mer et l’érosion causée par les vents et les courants océaniques.

    Vue aérienne d’une zone corallienne.
    La Grande Barière de corail est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Vue aérienne du « Stanley Reef ». Crédit photo : Copyright Commonwealth of Australia (GBRMPA), par W. Craik

    Qu’est-ce que le corail ?

    Les coraux tels qu’on les connaît existent depuis 485 millions d’années. Le corail est une structure vivante qui fait partie de la classe des anthozoaires. C’est un ensemble de colonies de petits animaux appelés polypes. Ces minuscules organismes de la famille des méduses se développent et s’agglomèrent pendant des millénaires. Chaque polype renferme un exosquelette en carbonate de calcium. C’est cette accumulation de calcium qui forme les constructions de calcaire ou récifs de corail à proprement parler.

    Il existe plus de 600 types de coraux dans le monde et la Grande Barrière en compte plus de 450, soit 75 % des espèces existantes. Ils sont répartis dans 2 catégories :

    • Les coraux durs sont des polypes fixes qui comportent 6 tentacules lisses. Des algues photosynthétiques, appelées zooxanthelles, s’implantent sur ces coraux et leur donnent leur couleur marron clair.
    • Les coraux mous sont flexibles car ils n’ont pas de squelette, et sont souvent confondus avec des plantes. Leurs polypes comportent 8 tentacules poilus de couleurs vives (rose, violet, rouge, orange, jaune, vert, bleu). Cette pigmentation est causée par les protéines fluorescentes qui les composent. Pour se défendre et éviter d’être mangés par les autres animaux, les coraux produisent une substance chimique qui leur donne mauvais goût. Certains sont également dotés d’épines empoisonnées.

    Comment fonctionne la Grande Barrière de corail ?

    Comment se forment les récifs coralliens ?

    Les coraux sont hermaphrodites car ils produisent des cellules à la fois mâles et femelles. Ils ont un mode de reproduction très particulier : la ponte massive. C’est un événement spectaculaire qui a lieu une fois par an, après une pleine lune. Ce phénomène nocturne est soumis à différents facteurs comme la température de l’eau, la durée d’ensoleillement, le coefficient de marée et le taux de salinité. Quand les conditions optimales sont réunies, des colonies entières de coraux libèrent au même moment leurs œufs et leurs spermatozoïdes. On assiste alors à une fabuleuse éclosion sous-marine entre les mois d’octobre et décembre, en fonction du type de coraux.

    Ensuite, les coraux durs grandissent de quelques millimètres à 30 cm par an selon les espèces et peuvent vivre un millier d’années. Les coraux mous prolifèrent encore plus rapidement et peuvent même doubler ou tripler leur taille en une année.

    Les coraux vivent des nutriments contenus dans les zooxanthelles. Ces algues utilisent la photosynthèse pour se nourrir. Elles ont donc besoin de lumière et d’eau chaude, entre 18 et 35°C, pour proliférer. C’est pourquoi on trouve les récifs coralliens dans les eaux tropicales peu profondes (max 60 m). Les coraux mangent également du phytoplancton ainsi que de minuscules poissons qu’ils attrapent grâce à leurs tentacules contenant un paralysant.

    Quelles espèces vivent dans la Grande Barrière ?

    Les récifs coralliens représente moins de 1 % des océans, mais ils abritent environ 30% de la vie marine. La richesse de la biodiversité de la Grande Barrière de corail est aussi grande que celle de la forêt amazonienne.

    Cet environnement aquatique est un véritable jardin d’Eden dans lequel on trouve :

    • 30 biorégions coralliennes (une biorégion est une zone géographique qui présente un type d’environnement naturel spécifique et dont les limites sont naturellement définies par sa topographie),
    • 600 km² d’algues de mer,
    • 3 000 espèces de mollusques (comme les poulpes, les huîtres, les moules, les calamars ou encore les escargots),
    • 1 625 espèces de poissons (dont 1 400 espèces coralliennes, soit 10 % des espèces de poissons existantes),
    • 1 300 espèces de crustacés,
    • 630 espèces d’échinodermes (famille des étoiles de mer),
    • 30 % des espèces d’éponges australiennes,
    • 500 espèces de vers,
    • 215 espèces d’oiseaux,
    • 100 espèces de méduses,
    • 133 espèces de requins et de raies,
    • 40 espèces d’anémones de mer,
    • 30 espèces de baleines et dauphins,
    • 20 espèces d’insectes marins,
    • 14 espèces de serpents de mer,
    • 6 des 7 espèces existantes de tortues marines,
    • La plus importante population de dugongs au monde.

    Pourquoi la Grande Barrière de corail est-elle si importante ?

    Quel est le rôle de la Grande Barrière ?

    Les récifs coralliens jouent un rôle de puits de carbone avec des taux d’absorption de l’ordre de 70 à 90 millions de tonnes de carbone par an (Frankignoulle & Gattuso, 1993). En utilisant ce gaz pour construire leur exosquelette, les coraux contribuent à la réduction des émissions de CO2 dans l’air.

    La Grande Barrière s’avère essentielle dans la préservation du littoral. En effet, les coraux absorbent l’énergie des vagues et participent ainsi à la réduction de l’érosion des côtes. Les récifs coralliens réduisent notamment la houle et la puissance des tempêtes.

    De manière générale, les récifs coralliens offrent un environnement privilégié pour la conservation de la biodiversité marine mondiale. Les coraux sont essentiels à l’équilibre biologique de l’océan. A elle seule, la Grande Barrière héberge 25 % des espèces marines mondiales. Elle abrite de nombreuses espèces de poissons et de végétaux endémiques, offrant des conditions de vie et de reproduction optimales.

    La Grande Barrière est aussi une source de revenus non négligeable pour les populations locales qui dépendent de la pêche. Un kilomètre carré de corail peut produire jusqu’à 150 tonnes de poisson par an. Une grande partie de ces pêches reste traditionnelle, réalisée à pied principalement par les femmes et les enfants qui collectent poissons, mollusques et crustacés. Les récifs sont aussi le support de nombreuses traditions culturelles et religieuses pour les peuples aborigènes.

    Enfin, la Grande Barrière est source de santé. Les nombreux invertébrés marins (éponges, mollusques, coraux mous) sont appelés à fournir de nouveaux médicaments. Le corail commence même à être utilisé pour renforcer l’immunité et lutter contre le vieillissement.

    La Grande Barrière de corail est la plus grande structure vivante de la planète, observable depuis l’espace

    Quels sont les dangers qui menacent le corail ?

    Aujourd’hui, 60 % des récifs coralliens sont abîmés ou en voie de disparition ; 27 % ont disparu et 30 % sont menacés. Ils pourraient disparaître avant 2050 si rien n’est fait pour enrayer leur dépérissement à cause du réchauffement climatique.

    Les dangers auxquels sont soumis les récifs coralliens sont nombreux.

    Le principal danger auquel la Grande Barrière doit faire face est la pollution. Les produits d’épandage agricole impactent la qualité de l’eau, notamment à cause des pesticides qui affectent la croissance des coraux.

    Le réchauffement climatique est une menace majeure pour l’avenir des coraux. L’augmentation des émissions de CO2 d’origine anthropique (causée par l’activité humaine) provoque à la fois une augmentation de la température et de l’acidité des eaux. Lorsque l’eau est trop chaude ou trop acide, la croissance des coraux se détériore. Dans ces conditions, les polypes ne sont plus en mesure de fabriquer leur exosquelette de calcium. Ce phénomène est nommé par les scientifiques : décoloration des coraux ou « blanchiment du corail ».

    Le phénomène de blanchiment des coraux dans la Grande Barrière de corail.
    Corail blanchit dans les eaux de l’île de Keppel. Le corail blanchi lorsque la température de l’eau devient trop élevée, en raison du réchauffement climatique. Crédit photo : Copyright Commonwealth of Australia (GBRMPA), par P.Marshall

    Le tourisme de masse et l’urbanisation du littoral qui en découle, présentent un danger croissant pour le littoral et le récif corallien. Des complexes hôteliers se sont développés sur 27 îles de la Grande Barrière, en particulier dans la zone des Whitsundays, un archipel composé de 74 îles situé au large des côtes du Queensland, à 900 km au nord de Brisbane.

    L’artificialisation des sols participe au ruissellement de l’eau jusque sur les côtes. L’érosion du littoral est alors amplifiée. La quantité de sable sur les plages se réduit, ce qui permet aux vagues d’emporter plus facilement des sédiments vers le lagon, mettant ainsi en péril le développement du corail.

    L’érosion du littoral, dans la cadre de la hausse du niveau marin, est également une menace pour les mangroves. Ces forêts littorales retiennent de nombreux éléments nutritifs en suspension qui servent de refuge et de garde-manger pour de nombreux organismes marins. En favorisant la clarification de l’eau, elles permettent l’épanouissement du zooplancton. Certaines espèces qui naissent dans la mangrove migrent ensuite vers les zones récifales. Les mangroves jouent donc un rôle essentiel dans la préservation de l’écosystème corallien.

    Comment protéger les coraux et la Grande Barrière ?

    La Grande Barrière de corail appartient à l’Australie, plus précisément aux 70 clans d’Aborigènes et d’habitants de Torres Strait Island (un territoire de près de 300 îles situé dans un détroit entre la pointe nord de l’Australie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée). Ces derniers sont très actifs dans la transmission de leur culture maritime aux jeunes générations. Ils leur apprennent notamment comment utiliser et gérer les ressources marines pour mieux les préserver.

    Le gouvernement australien se mobilise aussi pour protéger ce trésor national. En 1975, un espace protégé dédié, le Parc Marin de la Grande Barrière de corail, a été créé. En 1999, le Federal Environment Protection and Biodiversity Conservation Act a également été voté pour définir des limites en matière de développement urbain et industriel dans cette zone.

    En 2008, la Grande Barrière de corail a été inscrite comme Patrimoine Naturel National de l’Australie. De nombreux projets et initiatives sont développés par des associations australiennes comme Great Barrier Reef Foundation qui œuvre à la restauration des zones de coraux affectés par le phénomène de décoloration.

     


    RETENEZ…


    • La Grande Barrière de corail est le plus grand écosystème de récifs coralliens au monde, à la biodiversité riche et complexe.
    • La Grande Barrière de corail s’est formée grâce à la présence de milliards d’animaux marins minuscules, connus sous le nom de « polypes » et qui vivent en symbiose avec des algues.
    • Les récifs coralliens du monde doivent faire face à de nombreux nombreux dangers : pollution, réchauffement climatique, urbanisation du littoral, surpêche, etc.
    • Certains récifs coralliens sont soumis au phénomène de décoloration ou « blanchiment du corail » quand l’eau devient trop chaude et s’acidifie.
    • Les récifs coralliens sont menacés d’extinction et pourraient disparaître d’ici 2050.

    1.
    Allemand D. Publication - Les coraux et le changement climatique [En ligne]. Plateforme Océan & Climat. 2021 [cité le 17 sept 2021]. Disponible: https://ocean-climate.org/presentation-des-fiches-scientifiques-ocean-et-climat/la-biodiversite-marine/
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    Great Barrier Reef Marine Park Authority [En ligne]. Great Barrier Reef Marine Park Authority; [cité le 17 sept 2021]. Disponible: https://www.gbrmpa.gov.au/home
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    Séisme du 11 mars 2011 au Japon : Décryptage d’une Triple Catastrophe

    Le Japon a la particularité de se trouver au carrefour de 4 plaques tectoniques : Pacifique, Eurasienne, Nord-Américaine et Philippine. Situé sur la ceinture de feu du Pacifique, les catastrophes naturelles y sont fréquentes et cycliques : typhon, tremblement de terre, tsunami, éruption volcanique. Pourtant, le 11 mars 2011 s’est produit un évènement inédit dans l’archipel : le « Grand Séisme de l’Est du Japon » (東日本大震災 higashi nihon daishinsai). Dans un contexte sismique japonais habitué aux « soubresauts de la terre », comment expliquer la gravité de ce désastre ? Décryptage d’une catastrophe naturelle en 3 actes.

    Que s’est-il passé le 11 mars 2011 au Japon ?

    Acte 1 : Un tremblement de terre de magnitude 9 secoue l’archipel nippon

    Le 11 mars 2011 à 14 h 46 heure locale, une violente secousse ébranle le Japon. Initialement estimé à 7,9 sur l’échelle de Richter, le séisme est finalement évalué à 9,0 par l’Agence météorologique japonaise. Il s’agit du 4ème séisme le plus puissant survenu dans le monde depuis le début du XXème siècle.

    L’épicentre se situait dans l’océan Pacifique à 130 km de Sendai (nord-est du Japon), son foyer était quant à lui à une profondeur de 32 km. À cet endroit se rencontrent les plaques Pacifique et Nord-Américaine formant un lieu de friction aussi appelé zone de subduction. La subduction se produit lorsqu’une plaque océanique plonge sous une plaque continentale.

    Lors du séisme du Tôhoku, un mouvement brutal de glissement s’est opéré, entraînant un relâchement d’énergie. La plaque Pacifique s’enfonce sous celle de l’Amérique à raison de 83 mm/an en moyenne. D’après l’United States Geological Survey, l’île de Honshû se serait déplacée au total de 2,4 m vers l’est : l’équivalent de 30 ans de mouvement. Plus d’une cinquantaine de répliques supérieures à 6 ont été enregistrées suite à la secousse principale.

    Acte 2 : Un tsunami déferle sur la côte du Sanriku

    L’épicentre se situant en mer, la probabilité d’un tsunami est évaluée en fonction de la profondeur du foyer. Lors de la catastrophe de 2011, le séisme est superficiel et affecte la croûte terrestre. Dans ce cas de figure, la modification brutale de la topographie des fonds sous-marins entraîne un mouvement des masses d’eau, cela produit un tsunami.

    Bien que la vague créée en pleine mer reste de faible hauteur (entre 20 et 120 cm), lorsqu’elle s’approche des côtes elle ralentit, augmentant en intensité et en puissance. Un tsunami peut se propager à une vitesse de 800 km/h dans l’océan.

    Quelques minutes à peine après la secousse (variant de 10 min à 1 h), un tsunami s’abat sur les côtes du Tôhoku. La vague de plusieurs mètres de haut pénètre jusqu’à 10 km à l’intérieur des terres, ravageant tout sur son passage sur près de 600 km2. Les préfectures de Miyagi, Fukushima et Iwate sont les plus touchées : le tsunami a atteint par endroit une hauteur de plus de 15 mètres. Les digues de protection de la côte du Sanriku n’ont pas résisté à sa violence : 54 des 174 villes côtières sont englouties par les eaux.

    Acte 3 : Un accident nucléaire éclate à la centrale de Fukushima Daiichi

    La combinaison du séisme et du tsunami engendre une catastrophe industrielle majeure à Fukushima. Le tremblement de terre provoque dans un premier temps des dommages structurels perturbant le bon fonctionnement de la centrale nucléaire. Un peu moins d’une heure après la secousse, une vague de 14 mètres de haut s’abat sur les lieux. L’inondation entraîne l’arrêt des circuits de refroidissement : le cœur des réacteurs surchauffe.

    Le 11 mars 2011 vers 19 h, au vu de la situation critique de la centrale, le gouvernement japonais déclare l’état d’urgence nucléaire pour le pays. Une zone radioconcentrique de 2 km autour de Fukushima Daiichi est évacuée. Les personnes vivant dans les 10 km sont assignées à résidence. Entre le 12 et le 15 mars, plusieurs explosions à l’hydrogène se produisent. La fonte des cœurs de 3 des 6 réacteurs de la centrale libère des nucléides radioactifs dans l’air et dans la mer.

    Carte de la radioactivité détectée en avril 2011 au Japon.
    Carte de la radioactivité détectée en avril 2011. Crédit photo : Département de l’énergie des Etats-Unis.

    Au vu de l’aggravation de la situation, la zone d’évacuation est élargie progressivement de 10 km, à 20 km, pour atteindre finalement 30 km. Les informations changeantes et diffusées au compte-gouttes génèrent une confusion et une incompréhension des sinistrés, ballottés de refuge en refuge. Il faudra attendre plusieurs semaines pour avoir des données précises sur le taux de contaminations des villages alentour et déterminer une zone d’exclusion.

    Quelles sont les conséquences au lendemain de la catastrophe de Fukushima ?

    Bilan humain du désastre : des milliers de victimes et disparus

    Les normes parasismiques japonaises ont permis, en grande partie, aux constructions de résister au tremblement de terre. Les victimes sont majoritairement dues au tsunami qui a suivi. Les premières estimations prévoyaient une vague de 3 m, alors que celle-ci a atteint par endroit plus de 15 mètres. En conséquence, de nombreuses personnes n’ont pas évacué vers les hauteurs après le tremblement de terre.

    Selon le dernier bilan de l’Agence de Reconstruction, la triple catastrophe de 2011 a causé 19 729 victimes, 2 559 personnes toujours portées disparues, et 6 233 blessés. Ce bilan humain déjà lourd n’inclut pas les victimes indirectes du désastre (dégradations des conditions de vie liées à l’habitat temporaire précaire, suicides, pathologies suites aux radiations, etc.). En outre, entre les destructions liées au tsunami et les conséquences de l’accident nucléaire, près de 500 000 personnes se sont retrouvées sans domicile.

    Selon une étude menée par le gouvernement japonais, seulement 58% des habitants des préfectures d’Iwate, Miyagi et Fukushima ont fui vers les hauteurs après le tremblement de terre. Plus de la moitié des 42% qui sont restés sur place ont péri dans le tsunami.

    Bilan de la triple catastrophe du 11 mars 2011
    Quelques statistiques sur la triple catastrophe du 11 mars 2011. Crédit photo : Camille Cosson, Tous droits réservés

    Bilan économique du séisme : des destructions coûteuses

    Les dommages structurels sont importants : routes, chemins de fer, aéroports, réseaux électriques, gaz et eau. À cela s’ajoutent de nombreuses destructions :

    • 122 000 bâtiments détruits ;
    • 283 000 constructions ayant subi de graves dégâts ;
    • 748 000 bâtiments partiellement endommagés.

    En juin 2011, le premier bilan économique estime les dommages financiers directs de la catastrophe à 16,9 trillions de yens (l’équivalent de 147 milliards d’euros). Ce montant représente 3,5 % du PIB du Japon. La Banque mondiale considère la catastrophe de Fukushima comme la plus coûteuse de l’histoire.

    Bilan écologique de la catastrophe : des dommages sur le long terme

    En plus des conséquences sociologiques et économiques, l’accident nucléaire de la centrale de Fukushima a des répercussions écologiques sur le très long terme.

    Pour protéger les populations locales, le gouvernement a délimité des zones d’évacuations :

    • zone à accès réglementé ;
    • zone de retour incertain ;
    • zone de résidence limitée.
    ATTRIBUT ALT SEO* Classification et évolution des périmètres d'évacuation suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima
    Classification et évolution des périmètres d’évacuation suite à la catastrophe nucléaire de Fukushima. Crédit photo : Rémi Scoccimaro.

    Les autorités ont lancé une vaste opération de « nettoyage des sols » avec pour objectif de rouvrir progressivement certaines parties à l’habitation. En 2012, la préfecture de Fukushima pouvait compter sur un budget de 3 milliards d’euros pour passer au jet d’eau les maisons, élaguer le feuillage, et racler la terre en surface.

    Quel est le bilan 10 ans après le séisme de 2011 de la côte Pacifique du Tôhoku ?

    Protection des côtes : une muraille anti-tsunami de 450 km

    Après la catastrophe, le gouvernement lance très rapidement son projet de reconstruction des villes côtières. Pour assurer la protection des habitants, il mise sur une solution coûteuse : 450 km de digues en béton. Cette option est d’autant plus plébiscitée par les autorités qu’elle bénéficie au lobby de la construction. De leur côté, les experts s’accordent à dire que même si le risque zéro n’existe pas, les digues retardent l’inondation et laissent plus de temps à la population pour évacuer les zones inondables.

    Exemple de digue anti-tsunami ‘basse’ en construction en 2018 près d’Ishinomaki
    Exemple de digue anti-tsunami ‘basse’ en construction à Watanoha en 2018. Crédit photo : Camille Cosson, Tous droits réservés.

    Après 10 ans de chantier, la quasi-totalité des 450 kilomètres de murs (réparties sur les trois préfectures de Fukushima, Miyagi et Iwate) est terminée. Les nouvelles digues de protection sont encore plus hautes que celles qui étaient déjà présentes sur le territoire et qui n’ont pas résisté à l’assaut des vagues en 2011. À certains endroits, ces mégastructures de béton peuvent atteindre 14 mètres de haut. En conséquence, les habitants ont perdu tout lien visuel avec la mer. Sans parler des répercussions sur l’écologie, la pêche et le tourisme.

    Reconstruction des villages : un processus lent et chaotique

    En décembre 2011, les autorités japonaises promulguent de nouveaux standards de protection pour la reconstruction du Tôhoku. Cette loi classe les tsunamis en deux types, selon leur puissance et leur récurrence :

    • Tsunami de niveau 1 : séisme de magnitude 8, occurrence centennale ;
    • Tsunami de niveau 2 : séisme de magnitude égale ou supérieure 9, occurrence millénale.

    Les plans d’urbanisme sont alors élaborés de façon à protéger efficacement lors d’un tsunami de niveau 1, et doivent faciliter l’évacuation en cas de tsunami de niveau 2.

    Les stratégies de reconstructions sont ensuite décidées et appliquées à l’échelle locale. Les municipalités ont alors fait différents choix :

    • se relocaliser sur des terrains en hauteurs ;
    • reconstruire sur place en surélevant le niveau du sol ;
    • reconstruire sur place derrière un mur anti-tsunami.

    Peu importe la solution retenue, les travaux étant titanesques, il aura fallu à certaines localités presque 10 ans pour se reconstruire. Certains habitants, lassés d’attendre, ont fini par quitter les logements temporaires (仮設住宅 kasetsu jûtaku) pour refaire leur vie ailleurs. En étudiant les données, Shingo Nagamatsu (spécialiste de la prévention et de la gestion des risques) a mis en évidence une corrélation entre l’ampleur des projets de reconstruction et la décroissance de la population. Un phénomène qu’il qualifie de « paradoxe de la reconstruction » : « Une fois l’analyse terminée, un « paradoxe de la reconstruction » a été découvert, indiquant qu’un plus grand nombre de personnes émigrent de la zone touchée si la municipalité se consacre à un projet de redressement de plus grande envergure avec de lourds projets de reconstruction. » (Shingo Nagamatsu, 2018)

    Zones d’exclusion nucléaire : une réouverture progressive

    Le contexte est d’autant plus sensible dans les zones entourant la centrale de Fukushima Daiichi. Travaillant depuis 10 ans sur les « migrants du nucléaire », la sociologue Cécile Asanuma-Brice résume : « la situation est complexe, mêlant intérêts industriels internationaux et nationaux, nécessité de revitalisation locale et gestion sanitaire et sociale. »

    Le sujet des contaminations et de ses conséquences reste tabou et peu abordé de manière directe. Pourtant, largement contesté par les experts, le seuil d’exposition aux radiations pour la population locale demeure à 100 millisieverts (mSv) par an dans la région. A titre de comparaison, en France, la limite pour les travailleurs du nucléaire est fixée à 20 mSv par an. Le Japon considère donc comme « acceptable » d’exposer des populations fragiles, des séniors et des enfants aux mêmes taux de radioactivité que des ouvriers expérimentés.

    De nos jours, le gouvernement poursuit sa politique de nettoyage. La zone d’exclusion est passée de 8,3 % de la préfecture de Fukushima en 2013 à 2,4 % en 2021. Le ministère de l’Environnement discerne trois catégories de décontamination :

    • les zones résidentielles : les maisons et les alentours sont décontaminés ;
    • les zones agricoles : les champs sont décontaminés, mais pas les alentours ;
    • les zones sauvages : la décontamination y est superficielle.

    La question épineuse du traitement des 14 millions de m3 de sols contaminés reste toujours en suspens. De même que le rejet en mer ou non des eaux souillées de la centrale.

    Quels enseignements le Japon a-t-il tirés de la triple catastrophe de mars 2011 ?

    Le séisme du 11 mars 2011 a provoqué un bouleversement de la société japonaise. Bien qu’elle soit habituée à « vivre » avec les aléas climatiques et géologiques, le caractère inédit de cette triple catastrophe a eu des répercussions à l’échelle politique, économique et sociale.

    L’évènement a également eu un retentissement à l’échelle mondiale. Quelques années après le tsunami meurtrier de 2004 dans l’océan Indien, la généralisation des smartphones a permis de capturer l’ampleur de la catastrophe. Les vidéos prises sur place par les habitants ont inondé les médias et les réseaux sociaux : jamais un tsunami n’a été autant filmé.

    Qu’est-ce qui a changé au Japon depuis 2011 ? Comme après chaque désastre, les normes parasismiques ont été renforcées, cherchant à s’approcher toujours plus d’une résilience presque parfaite. Les systèmes d’alerte ont été repensés et améliorés. Grâce aux simulations informatiques, les routes d’évacuations ont pu être optimisées.

    Et l’énergie atomique dans tout ça ? Avant mars 2011, 54 réacteurs fournissaient 30 % de l’électricité du pays. Dix ans plus tard, seules 5 centrales nucléaires ont repris leurs activités. Celles-ci sont toutes basées dans la partie ouest de l’archipel, moins exposée aux risques naturels. Vingt et un réacteurs vont être démantelés, les autres sont pour le moment en attente d’une mise aux normes. Certains pourraient obtenir le feu vert pour un redémarrage prochain.

    De plus, les récentes promesses du gouvernement japonais d’approcher la neutralité carbone d’ici 2050 peuvent potentiellement mener à une relance du secteur nucléaire nippon.


    RETENEZ…


    • La catastrophe du 11 mars 2011 s’est déroulée en 3 actes : d’abord un tremblement de terre, puis un tsunami, et enfin un accident nucléaire à Fukushima.
    • Les bâtiments ont résisté à la secousse, une grande majorité des victimes est due au tsunami.
    • La reconstruction dans ces régions rurales est un processus long et complexe qui a duré plus de 10 ans.
    • La réouverture des zones d’exclusions à l’habitation malgré des taux de contamination élevés soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir de ces villages.

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