Situées en Normandie, les falaises d’Étretat attirent de nombreux touristes chaque année. Rendues célèbres par Arsène Lupin, les falaises d’Amont, d’Aval et la Manneporte ont également inspiré de nombreux peintres tels que Monet ou Auburtin. Faisant partie des paysages les plus spectaculaires de France, les falaises de craie du pays de Caux et leurs arches subissent régulièrement des éboulements. Depuis quand existent-elles ? Comment se sont-elles formées ? Découvrez dans la suite de cet article les secrets de la Côte d’Albâtre.
Le Grand Site Falaises d’Étretat – Côte d’Albâtre
Bordée par les eaux de la Manche, la côte d’Albâtre se situe entre l’estuaire de la Seine et celui de la Somme. Elle offre l’un des plus impressionnants panoramas de Normandie ainsi que l’un des plus pittoresques d’Europe. Elle tire son nom des 120 km de roches crayeuses qui la composent, mais aussi de la nuance de couleur que prend la mer qui borde le rivage. Les falaises les plus connues de la côte d’Albâtre sont celles d’Étretat.
Ces dernières ont été des sources d’inspiration non seulement pour des peintres tels que Gustave Courbet, Claude Monet ou Eugène Boudin, mais aussi pour des écrivains comme Guy de Maupassant, Maurice Blanc ou Gustave Flaubert. Classées Grand Site le 25 septembre 2013, les falaises d’Étretat s’étendent sur 13 communes :
- Bénouville ;
- Bordeaux-Saint-Clair ;
- Criquebeuf-en-Caux ;
- Étretat ;
- Fécamp ;
- Froberville ;
- La Poterie-Cap-d’Antifer ;
- Les Loges ;
- Le Tilleul ;
- Saint-Jouin-Bruneval ;
- Saint-Léonard ;
- Vattetot-sur-Mer ;
- Yport.
Cette distinction a pour objectif de préserver le paysage et de favoriser un tourisme durable. Le département de Seine-Maritime accompagne ces communes dans une démarche visant à accueillir les visiteurs tout en protégeant ce lieu d’une rare beauté.
Les 3 arches et les valleuses des falaises d’Étretat
La formation de la structure des falaises d’Étretat remonte à l’ère du Crétacé supérieur, mais leur forme telle qu’on la connaît est bien plus récente. En effet, l’aiguille d’Étretat, repaire du célèbre Arsène Lupin, apparaît sur des cartes anciennes datant de l’époque romaine. Sa découpe remonterait donc entre 2 000 et 5 000 ans. Avoisinant les 100 mètres de haut, les roches d’Étretat présentent 3 arches ou portes bien distinctes. Localement, les falaises sont entaillées de valleuses.
Les falaises d’Aval
A l’ouest, les falaises d’Aval sont les plus connues du Grand Site. S’élevant à 74 mètres d’altitude, elles sont facilement reconnaissables grâce à son arche la plus médiatique d’Etretat et son aiguille creuse située juste à côté.
La Manneporte
Culminant entre 82 et 85 m de hauteur, la Manneporte est une falaise encore plus impressionnante que la précédente. Il s’agit de la plus grande des 3, d’où son nom qui signifie « grande porte » en vieux français.
Les falaises d’Amont
Surnommées il y a moins d’un siècle « Falaise du Blanc Trait », ce sont les plus petites du site. Les falaises d’Amont sont situées sur le côté est et sont surplombées par la chapelle des marins Notre-Dame-de-la-Garde. La porte d’Amont se trouve sur le plus long cap du pays de Caux qui s’avance de presque 120 mètres dans la mer.
Les valleuses ou petites vallées
Les valleuses sont de petites vallées qui permettent un accès direct à la mer tandis que sur le reste de la côte, cet accès est empêché par les hautes falaises de craie. Ces dernières sont apparues il y a 2 millions d’années à la suite du soulèvement des sols.
Il en existe 3 types :
- Les valleuses vives : ce sont des affaissements naturels plus ou moins larges où se situent les ports et autres stations balnéaires.
- Les valleuses mortes : celles-ci étant plus étroites que les précédentes, l’accès au rivage est facilité grâce à des aménagements tels que des escaliers ou des échelles.
- Les valleuses perchées : simples dépressions (affaissements) du terrain ne permettant pas ou plus l’accès au rivage.
La formation de la Côte d’Albâtre et ses falaises de craie
Les falaises d’Étretat sont composées essentiellement de craie, mais elles contiennent aussi du silex. Les géologues estiment leur formation entre 95 et 70 millions d’années.
Les falaises du Pays de Caux et la craie
À cette époque, la température est supérieure d’environ 10 °Celsius par rapport au climat actuel. Le niveau de la mer est plus haut que de nos jours et recouvre une bonne partie de la France. Dans cette eau se trouvaient des organismes marins à l’origine de la formation de la craie : une roche sédimentaire qui compose la majorité des falaises du pays de Caux. Ces micro-organismes, également appelés coccolithophoridés, sont des algues planctoniques mesurant quelques micromètres de diamètre. Pour leur protection, elles sont recouvertes de petites sphères composées de minuscules plaques de carbonate de calcium, appelées coccolithes. Lorsque les coccolithophoridés sont mortes, elles sont tombées au fond de la mer et ont formé une boue crayeuse que l’on nomme sédimentation. La récurrence de ce phénomène a donné naissance à de nombreuses couches ou strates géologiques qui sont venues s’empiler les unes sur les autres. Pendant 25 à 30 millions d’années, la compaction des sédiments en milieu marin a abouti à la lente formation d’une roche blanche, poreuse et friable : la craie. Lors du retrait de la mer et la surrection de la zone, il y a 65 millions d’années, les couches crayeuses se sont retrouvées à l’air libre.
Le silex : un matériau emblématique de la Normandie
Toutefois, les falaises d’Étretat ne sont pas uniquement composées de craie. Lorsqu’on observe avec attention les couches qui les composent, on constate la présence de niveaux plus sombres. Il s’agit de silex. La silice contenue dans le silex et dissoute dans l’eau de mer était utilisée par d’autres formes de plancton afin de fabriquer leur coquille. Suivant le même processus de formation que pour la craie, l’accumulation de couches de silice, contenue dans les coquilles fossilisées, a permis la formation de couches de silex.
Les falaises, qui subissent l’assaut incessant des vagues à marée haute, se creusent dans leur partie la plus tendre, celle composée de craie, tandis que le silex, plus dur, résiste mieux. Lorsque la craie est attaquée et creusée autour du silex, ce dernier se détache et tombe de la falaise. Ce phénomène est appelé érosion différentielle. Une fois sur le rivage, le silex subit le roulis des vagues et devient un galet bien lisse en quelques mois. Les galets de silice étaient exploités au Paléolithique et au Néolithique par nos ancêtres. Plus récemment, les galets étaient vendus pour construire des habitations dans la région, servaient à produire la porcelaine ou encore du dentifrice.
Le risque d’éboulement des falaises d’Étretat
Les falaises d’Étretat subissent régulièrement des éboulements causés par l’érosion. En effet, la roche crayeuse qui les compose est attaquée de toutes parts.
Tout d’abord, la partie haute est affaiblie par les effets du gaz carbonique contenu dans l’air. Il se mélange à l’eau, qui s’infiltre à son tour dans la roche en dissolvant le calcaire de manière progressive. De plus, lorsque l’eau gèle, elle se dilate et fait éclater la roche. Une partie de la falaise ainsi fragilisée finit par s’écrouler dans la mer. Ce phénomène se nomme érosion continentale.
Ensuite, la partie basse endure le ressac des vagues et la projection des galets finit par creuser les pieds des falaises : c’est l’érosion marine.
Enfin, l’érosion biologique n’intervient pas directement sur la falaise, mais sur le platier rocheux ou autrement dit la partie d’une plage qui apparaît à marée basse. À cet endroit, des organismes marins tels que les vers attaquent la roche en y creusant des galeries. Les pholades (mollusques) s’enfoncent dans la craie et fragilisent le platier. De ce fait, il se réduit, ce qui permet à l’océan d’avoir un impact plus important sur le pied de falaise.
L’assaut des vagues a également élargi les arches des falaises, donnant au site l’aspect que l’on connaît aujourd’hui. Contre toute attente, les 3 arches (Manneporte, les portes d’Amont et d’Aval) n’ont pas été creusées par la mer mais par le travail de l’eau de pluie en surface et de rivières souterraines qui s’écoulaient autrefois dans le bloc crayeux. Au fil du temps, l’érosion a provoqué des effondrements pour aboutir à la formation des arches et de aiguilles si emblématiques du site. Comme l’érosion poursuit aujourd’hui son œuvre de nouvelles arches vont s’effondrer et former à terme de nouvelles aiguilles. Les paysages de la côte d’Albâtre sont ainsi en constante évolution.
L’érosion, responsable du recul du trait de côte, est estimée à 20 cm par an par les autorités compétentes. Dans ces conditions, toutes constructions humaines sont interdites à proximité des falaises. On estime qu’en 2 000 ans, la falaise de la côte d’Albâtre aurait perdu entre 100 à 200 mètres. L’élévation du niveau de la mer dans le cadre du réchauffement climatique aura des conséquences graves avec une intensification des effondrements et une accélération du phénomène de recul des falaises.
Âgées de plusieurs millions d’années, les falaises de craie d’Étretat sont amenées à disparaître à cause de l’érosion et de l’élévation du niveau marin.
La faune et la flore d’Étretat
Sur le site d’Étretat, la flore locale a su s’adapter au bord de mer. Une végétation bien particulière, comme le chou maritime, s’y est d’ailleurs développée : grâce à ses feuilles épaisses et grasses, il résiste aux vents et au sel marin. On y trouve aussi de nombreuses autres variétés de plantes comme le colza, l’orge ou bien encore le fenouil.
Certaines espèces animales protégées résident sur le site d’Étretat. Les valleuses sont un véritable corridor écologique pour les oiseaux, une halte bienvenue lors de leur migration. Les oiseaux marins tels que les mouettes, les goélands ou les fulmars utilisent les cavités des falaises pour s’y abriter. Le Grand Site est également l’habitat de nombreux amphibiens et autres insectes.
Les majestueuses falaises d’Étretat, colosses aux pieds d’argile, vieilles de plusieurs millions d’années restent fragiles et à la merci de nombreux éléments. Un site exceptionnel à découvrir, à protéger et à respecter pour que des villages tels que Criel-sur-Mer ne soient pas rayés de la carte. Les particularités géologiques, les trésors de biodiversité font de ce Grand Site, un trésor emblématique de notre pays.