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    La Calotte Glaciaire du Groenland : un Écosystème en Danger

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    Entre l’océan Atlantique Nord et l’océan Arctique, le Groenland constitue la plus grande île au monde, avec plus de 2 millions de km2. On y compte seulement 56 653 habitants, ce qui en fait le territoire le moins densément peuplé du globe. Et pour cause, l’île est recouverte à 80 % par la glace ! Une couche de glace tellement importante qu’elle comprime littéralement la croûte terrestre. Les habitants vivent sur les côtes, principalement dans la capitale Nuuk, au sud-ouest de l’île. Leur quotidien est rythmé par la danse conjointe des baleines à bosse et des icebergs qui rejoignent l’océan. Pourtant, aussi immuables qu’ils paraissent, ce paysage et ces neiges n’ont rien d’éternel. La calotte glaciaire du Groenland fond à la vitesse grand V et contribue largement à la hausse du niveau marin. Comment en est-on arrivé à ce constat ? Par quels moyens les scientifiques ont-ils déterminé la fonte de l’inlandsis groenlandais ? En route vers l’Arctique pour mieux comprendre l’écosystème de sa calotte glaciaire et les enjeux de sa fonte accélérée.

    La seconde plus grande calotte glaciaire terrestre

    Une île de glace aux confins du pôle Nord

    Occupé pour la première fois il y a environ 5000 ans, le Groenland est resté une colonie danoise jusqu’en 1953. Il a acquis son autonomie en 1979 et possède aujourd’hui le statut de territoire autonome danois.

    Sur le plan géographique, cette immense terre de glace, environ quatre fois plus grande que la France, se situe en Amérique du Nord. Sur le plan politique, elle dépend de l’Europe.

    Le climat y est tellement rigoureux que ses habitants n’y ont jamais vu un arbre et qu’ils y jouent sur des terrains de football recouverts de terre ou de sable en lieu et place du traditionnel gazon. Près des rives nord du Groenland, la petite île de Kaffeklubben, découverte en 1921, a été consacrée « terre émergée la plus au nord de la planète ». Tout se justifie : à 710 km à peine, se trouve le pôle Nord géographique !

    Maisons colorée sur la côte ouest du Groenland
    Maisons colorées dans la ville d’Aasiaat, sur la côte ouest du Groenland. Crédit photo : Unsplas

    La calotte glaciaire qui repose sur les terres groenlandaises représente un poids de 25 000 milliards de tonnes. Il s’agit de la deuxième plus grande masse de glace sur la planète après celle de l’Antarctique. À la différence de la banquise, masse d’eau salée qui couvre une partie de l’océan, la calotte glaciaire est constituée d’eau douce et repose sur la terre ferme. C’est d’ailleurs l’origine de son nom scientifique, l’inlandsis. En comparaison avec celui de l’Antarctique, l’inlandsis groenlandais est bien plus petit. Alors que la calotte glaciaire du pôle Sud s’étend sur une superficie de 14 millions de km2 et possède une épaisseur allant jusqu’à près de 4,8 km, celle du Groenland possède une superficie de 1,7 million de km2 et une épaisseur d’environ 3 km.

    Du sommet de l’inlandsis, l’eau s’écoule doucement pour se déverser dans l’océan par la voie de ses nombreux glaciers. Parmi les principaux, le Jakobshavn Isbrae (ou glacier d’Ilulissat), le Petermann et le glacier d’Helheim, font partie des plus gros producteurs d’icebergs qui cheminent vers l’Atlantique Nord.

    Formation et évolution de l’inlandsis du Groenland

    Au Groenland comme ailleurs, la formation d’un gigantesque glacier polaire résulte d’une accumulation importante de neige sur des périodes longues de plusieurs millions d’années. Si la neige a pu s’accumuler au pôle Nord, c’est d’après certains en raison des eaux chaudes du Golfe de Gascogne qui transitent à proximité du littoral groenlandais. Bien que paradoxale, la situation s’explique assez aisément à partir du fait que les chutes de neige ont besoin d’humidité pour se former. En effet, il y a 80 000 à 70 000 ans, les températures élevées des eaux du golfe de Gascogne ont coïncidé avec une baisse régulière de celles du continent européen. Ce contraste thermique a contribué à créer un important taux d’humidité. Transportée vers le nord par les vents, celle-ci aurait alors provoqué les chutes de neige à l’origine de la calotte glaciaire du Groenland.

    Du point de vue de sa datation, la glace était déjà présente au Groenland il y a environ 15 à 18 millions d’années, et les forages effectués au cours des dernières décennies ont permis d’obtenir des carottes d’une glace vieille de 970 000 ans. Même au cours de l’optimum climatique de l’Holocène, soit entre 8 000 et 5 000 ans, la glace n’a jamais totalement disparu de la zone. La calotte polaire en tant que telle serait née au début de la dernière période glaciaire, soit il y a environ 110 000 ans.

    Vue sur l’inlandsis du Groenland
    Vue sur l’inlandsis du Groenland, expédition A.Carré 2009. Crédit photo : Halorache, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

    Un phénomène inquiétant : l’accélération de la fonte du glacier

    Le constat sans appel de l’amincissement de l’inlandsis

    Depuis plus de 10 ans, les études s’accumulent et parviennent toutes au même constat : la fonte de la calotte glaciaire s’est accélérée au cours des vingt dernières années et rien ne semble plus pouvoir l’arrêter.

    Non seulement la calotte glaciaire fond de façon beaucoup plus rapide que prévue mais elle est aussi plus importante qu’attendue. D’après les résultats d’une étude récente, la fonte se produit aussi à l’intérieur des terres, à près de 200 ou 300 km des côtes. Ce constat a pu être établi à partir de la révision de modèles climatiques existants et de données issues du bilan de masse de la calotte glaciaire. En effet, l’équilibre d’un glacier se maintient grâce à un bilan de masse nul, c’est-à-dire qu’il est censé perdre autant de glace en été qu’il en regagne en hiver avec les chutes de neige. Or, depuis le début du XXIème siècle, la ligne d’équilibre glaciaire s’est décalée de telle façon que sa stabilité est mise en péril. Concrètement, la glace fond plus vite qu’elle ne se renouvelle. Si la zone d’accumulation neigeuse continue de rétrécir à ce rythme, le Groenland pourrait perdre plus de glace au cours de notre siècle que pendant toute la période dite de l’Holocène, démarrée il y a 12 000 ans.

    Finalement, les chiffres parlent d’eux-mêmes. Avec 3 500 milliards de tonnes perdues pendant la dernière décennie, le rythme d’amincissement de la calotte glaciaire arctique est inédit et inquiétant. Les étés 2012 et 2019, tous deux édifiants en termes de perte de glace, sont à marquer d’une pierre blanche. Pour le seul été 2012, les scientifiques ont calculé que la perte s’élevait à – 527 milliards de tonnes. Quant à l’été 2019, ce sont 12,5 milliards de tonnes de glace qui ont fondu au cours d’une seule journée de juin.

    Des conclusions soutenues par une méthode scientifique améliorée

    Dès lors, comment être certain que ce phénomène inédit de fonte ne deviendra pas, sur le long terme, un épisode isolé ?

    Selon la plupart des chercheurs, la fonte accélérée du Groenland n’appartient pas à un cycle naturel. Il suffit pour cela de comparer son rythme actuel avec d’autres épisodes du passé géologique de notre planète. Certes, la Terre a connu, au cours de son histoire, des épisodes de réchauffement climatique, à l’image de l’optimum climatique de l’Holocène. Pour autant, compte tenu des données disponibles, rien ne permet de relativiser la gravité de la fonte actuelle de la calotte glaciaire. Et si l’inquiétude est grande, c’est parce que la compréhension de la calotte glaciaire arctique s’est grandement améliorée, entre les années 1990 et aujourd’hui. Au moyen de différents outils (données satellites, modélisations numériques, prélèvement de carottes de glace, etc.), les chercheurs d’une étude publiée en 2020 dans la revue Nature ont réussi à produire un schéma d’analyse plus complet. Ils ont en effet combiné modélisation de la calotte polaire et données historiques issues du prélèvement de carottes de glace du Groenland. Grâce à cette méthode, les résultats obtenus relient la réalité du passé arctique à des essais de projection pour son avenir. Et leurs conclusions ne laissent pas de place au doute quant aux effets directs du réchauffement climatique anthropique sur la calotte glaciaire…

    Vue spatiale du Groenland et de sa calotte glaciaire.
    Vue spatiale du Groenland et de sa calotte glaciaire. Crédit photo : NASA, capture d’écran

    Des facteurs multiples à l’origine de la fonte de la calotte glaciaire arctique

    Un ensemble d’éléments est à prendre en compte dans l’analyse de ce phénomène. De façon générale, les régions arctiques sont largement affectées par le réchauffement planétaire. En effet, elles se réchauffent 2 à 4 fois plus vite que partout ailleurs sur la planète. Ainsi, au cours de la première décennie de notre siècle, la calotte glaciaire aurait fondu 6 fois plus vite que durant la décennie précédente. Comment se traduit donc le réchauffement climatique au Groenland ? Parmi les causes diverses à l’origine de l’amincissement accéléré de son inlandsis, on distingue notamment :

    • L’augmentation des températures due à l’action humaine, principalement aux émissions de gaz à effet de serre. Associées à des vagues de chaleur de plus en plus fréquentes, ces températures élevées contribuent à l’accélération de la fonte de la glace.
    • Le phénomène de vêlage, qui désigne plus simplement la production d’icebergs. Ceux-ci proviennent de la rupture de la glace au niveau du front glaciaire et se déversent ensuite dans l’océan. De nombreux glaciers descendent ainsi des montagnes périphériques et alimentent en icebergs l’océan Atlantique Nord.
    • L’intrusion de courants océaniques chauds qui ont pu accélérer le vêlage d’icebergs dans l’océan. Dans une étude datant de 2019, l’importance des océans dans l’évolution de la calotte glaciaire a été mise en évidence à partir de l’étude du plus grand glacier groenlandais, le Jakobshavn.
    • Les vents jouent aussi un rôle, souvent sous-estimé, dans la fonte de la calotte glaciaire. Récemment, une étude publiée dans Nature a mis en valeur une modification de la circulation atmosphérique ces dernières années. Autrement dit, les vents du sud plus fréquents contribuent à l’apport d’air chaud et humide vers le Groenland.
    • La diminution de l‘effet albédo, qui désigne le pouvoir réfléchissant de la neige immaculée face à l’énergie solaire. Depuis plusieurs années, on constate un assombrissement printanier de la neige, moins pure, moins blanche et plus encline à absorber de la chaleur. Cet effet albédo est également impacté par l’augmentation des températures qui entraînent une diminution des chutes de neige, et donc de la protection neigeuse.

    Le réchauffement planétaire dû à l’action humaine participe donc largement à la dégradation de l’inlandsis du Groenland.

    Territoire lointain, le Groenland constitue pourtant un laboratoire idéal pour observer les effets du réchauffement climatique. La fonte accélérée de sa calotte glaciaire est un phénomène inquiétant qui nous oblige à nous adapter.

    Des risques considérables pour l’humanité

    L’observation de la fonte de la calotte glaciaire arctique pose donc des questions qui concernent bien d’autres régions du globe : les glaciers vont-ils fondre plus vite que prévu ? Comment les masses glaciaires vont s’adapter au changement climatique ? Malgré la position géographique lointaine du Groenland, le changement de masse de sa calotte glaciaire a déjà un impact sur le modèle climatique de notre planète. Et sans action de notre part, il aura des conséquences dramatiques à tous les niveaux. Si les scientifiques tirent aujourd’hui la sonnette d’alarme, c’est d’abord parce que la fonte de la calotte arctique est l’un des principaux facteurs de l’élévation du niveau des mers.

    La fonte de la calotte glaciaire et le phénomène d’élévation du niveau marin

    Entre 2002 et 2016, la fonte de l’inlandsis du Groenland a provoqué une montée du niveau des mers d’environ 0,8 millimètres. Cette régression de l’inlandsis s’est accélérée au cours des dernières années. Elle participe désormais à la montée des eaux à hauteur de 25 %, contre 5 % il y a 20 ans.

    D’ici 2100, selon les estimations d’un comité d’experts du GIEC, la calotte glaciaire du Groenland pourrait contribuer jusqu’à 18 centimètres à l’élévation du niveau de la mer. D’après d’autres prévisions, c’est plutôt à une élévation d’environ 27 cm qu’il faut s’attendre d’ici la fin du siècle.

    Des inondations aux quatre coins du globe

    Quelle que soit la hausse du niveau marin, de nombreuses régions du monde sont déjà menacées par des inondations à répétition. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que nos infrastructures sont inadaptées à un tel changement. En effet, la disparition progressive des masses glaciaires continentales met en péril la survie des populations côtières à l’échelle planétaire. À titre d’exemple, des régions comme la Floride ou encore la ville de San Francisco seraient inondées. En France, des villes et des zones entières de la façade Atlantique (Bordeaux, Saint-Nazaire etc.) disparaîtraient sous les eaux. À l’échelle européenne, Londres et Venise seraient rayées de la carte, et la liste des villes en danger face à la montée des eaux ne s’arrêterait pas là. Si la calotte glaciaire arctique devait fondre intégralement, le niveau des mers augmenterait de 6 ou 7 mètres !

    Fonte de la calotte glaciaire du Groenland : tous les espoirs sont-ils perdus ?

    Si l’ensemble de ces études ne s’accordent pas sur leurs calculs, toutes relèvent l’urgence de la situation. Sans réduction des émissions de gaz à effet de serre, le pire ne pourra sans doute pas être évité. En revanche, même si le phénomène est devenu irréversible, la fonte de la calotte glaciaire arctique peut être ralentie grâce à des mesures sérieuses et rapides de lutte contre le réchauffement climatique. Il convient aussi d’apporter certaines nuances à l’ensemble de ces conclusions.

    En effet, d’une part, les modèles d’évolution de la calotte glaciaire du Groenland et les prévisions concernant sa fonte doivent encore être améliorés. Par exemple, la constatation récente du gain de masse du glacier Jakobshavn, à l’ouest du Groenland, tend à prouver qu’il y a encore beaucoup de paramètres à comprendre pour interpréter au mieux l’évolution de la calotte glaciaire groenlandaise. D’autre part, la plupart des études récentes sont basées sur une observation du Sud-Ouest du Groenland, en raison de la relative simplicité de ses propriétés physiques et de son accès facile. Avant de pouvoir extrapoler avec certitude les résultats obtenus dans cette partie du pays, nombre d’études sont encore à mener. Elles devraient servir à mieux appréhender le devenir de la calotte glaciaire groenlandaise dans un monde qui se réchauffe.

    Les calottes polaires du Groenland et de l’Antarctique constituent ainsi des postes d’observation privilégiés face au changement climatique. Elles nous offrent, à plus d’un titre, l’opportunité de mieux en comprendre les évolutions du climat actuel et d’adapter nos comportements en conséquence.

     

    RETENEZ


    • La calotte glaciaire du Groenland est la seconde plus grand étendue de glace sur Terre après l’Antarctique.
    • La fonte de la calotte glaciaire groenlandaise s’est accélérée au cours des 20 dernières années en raison du réchauffement climatique.
    • Sa fonte contribue à la hausse du niveau marin au niveau mondial.

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    Geo.fr [En ligne]. Groenland : La fonte des glaces à l’intérieur des terres laisse présager une montée des eaux plus grave que prévu; 10 nov 2022 [cité le 25 mai 2023]. Disponible: https://www.geo.fr/environnement/groenland-la-fonte-des-glaces-a-linterieur-des-terres-laisse-presager-une-montee-des-eaux-plus-grave-que-prevu-212516
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    Futura [En ligne]. Fournasson L. Le Groenland a passé un point de non retour : quoi qu’il arrive, les océans s’élèveront d’au moins 27 cm d’ici 2100 !; [cité le 25 mai 2023]. Disponible: https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/climatologie-groenland-passe-point-non-retour-quil-arrive-oceans-eleveront-moins-27-cm-ici-2100-34298/
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    Burney D, Challoner J, Coyne C, Harrar S, McGhee K. La Terre extrême et prodigieuse : faune, flore, climat, relief. Cachan (Val-de-Marne) : Sélection du Reader’s Digest; 2019. 320 p.

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