L’année 2020 est décidément spéciale pour de nombreuses raisons. Elle l’est tout autant sur le plan météo, avec des températures nettement supérieures aux moyennes de saison, et un temps plutôt agréable et ensoleillé en ce début de printemps. Difficile de ne pas s’en apercevoir, surtout en étant confinés sans pouvoir vraiment profiter de ce beau temps. Comment expliquer ces tendances ? Doit-on s’attendre à un été très chaud, voire caniculaire ? Le réchauffement climatique y est-il pour quelque chose ? Dans cet article, nous vous proposons un point complet sur l’actualité météorologique.
Un début d’année marqué par des températures particulièrement douces
Il s’agit d’une année qui cumule des records, notamment au niveau des températures. Dernièrement, c’est le mois d’avril 2020 qui se hisse au palmarès « des mois les plus chauds depuis 1900 » selon les relevés de Météo France. Les températures ont été globalement de 3 à 5°C plus élevées que les moyennes de saison et cette douceur a été particulièrement ressentie sur la moitié nord du pays, où s’est installé un anticyclone persistant. La carte ci-dessous, réalisée par Météo France, illustre ces écarts à la moyenne mensuelle par rapport à la période de référence (1981-2010).
On observe alors que quasiment toutes les régions françaises sont concernées par cette hausse des températures par rapport aux moyennes de saison (calculées sur 30 ans, de 1981 à 2010). Pour la Bretagne, par exemple, cet écart fut compris entre 3 et 4°C.
Mais il semblerait que cette douceur soit déjà ancrée depuis un certain temps. En effet, Météo France estime que l’hiver 2019-2020 (soit les mois de décembre 2019, janvier 2020 et février 2020 correspondant à « l’hiver météorologique ») fut le plus chaud mesuré en France depuis le début du 20e siècle.
L’hiver 2020 est le plus chaud mesuré en France depuis 1900 (MÉTÉO FRANCE).
Sur cette deuxième carte, on peut voir que c’est surtout le quart nord-est de la France (soit la partie la plus continentale) qui est le plus impacté par ces écarts de températures par rapport aux moyennes de saison.
Et le phénomène ne concerne pas que la France : de nombreux pays ont relevé des écarts de température importants par rapport aux moyennes de saison. La carte ci-dessous, produite par la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) montre que ces écarts ont été particulièrement importants au-dessus de l’Arctique, de la Russie et d’une partie des États-Unis pour le mois de mars 2020.
Comment expliquer cette relative douceur des températures ?
La stabilité du vortex polaire depuis le début de l’hiver
La nature aurait-elle décidé de nous narguer gentiment en période de confinement ? Cela d’autant plus que la météo du déconfinement prend des allures de douche froide… C’est tentant de le penser, mais l’explication est bien sûr avant tout scientifique.
D’après Météo France, la cause principale de cette douceur climatique réside dans la stabilité du vortex polaire. Le vortex polaire est une puissante dépression située au-dessus de l’Arctique, engendrant un creusement intense de la pression atmosphérique, et par conséquent, l’installation de puissants courants atmosphériques au-dessus de l’hémisphère Nord. Ces puissants courants, aussi appelés « courants-jets », circulent d’est en ouest et poussent alors les perturbations au-dessus du nord de l’Europe. Alimentées par l’air océanique et la douceur du Gulf Stream, et bloquées plus au sud par les anticyclones des Açores et du sud de l’Europe, ces perturbations apportent des températures douces, et parfois aussi quelques tempêtes (telles que la tempête Fabien fin décembre ou la tempête Dennis à la mi-février). Le front d’air froid, quant à lui, reste bloqué au niveau du cercle polaire.
Pour plus de compréhension, rien de tel qu’un petit schéma illustrant toutes ces explications un peu techniques.
Deux indices pour mesurer ce phénomène : l’oscillation nord-atlantique et l’oscillation arctique
Le vortex polaire est resté relativement stable depuis le début de l’hiver météorologique, avec toutefois quelques « percées » du front froid, engendrant des épisodes de temps hivernal comme ce fut le cas à la fin du mois de mars. Pour mesurer la teneur de ce phénomène, les climatologues utilisent deux indices : l’oscillation nord-atlantique (NAO) et l’oscillation arctique (AO) :
- L’oscillation nord-atlantique se calcule par la différence de pression atmosphérique entre les dépressions de l’Atlantique Nord (Islande) et les anticyclones de l’Atlantique Sud (au-dessus des Açores). Si cet indice s’avère positif, cela signifie que la différence de pression est élevée (renforcement du vortex polaire) et que l’on peut s’attendre à des températures plutôt douces sur l’Europe, entrecoupées de perturbations et de tempêtes.
- L’oscillation arctique indique l’intensité des basses pressions au-dessus de l’Arctique. Lorsqu’il est positif, le vortex polaire est alors particulièrement marqué, ce qui signifie que l’air froid reste bloqué au niveau du cercle polaire.
Météo France indique d’ailleurs qu’en février dernier, l’indice d’oscillation arctique aurait atteint un nouveau record, avec « un écart de pression six fois plus important que la moyenne » entre les basses pressions de la zone Arctique et hautes pressions de l’Atlantique Sud. Un tel écart n’aurait pas été mesuré depuis 1950.
Prévision météo pour les mois à venir : vers un été 2020 chaud et orageux
Les modèles de Météo France mettent en évidence un scénario d’un été 2020 plus chaud que la moyenne, avec des tendances orageuses, en particulier pour le mois de juin. Cela s’expliquerait par la persistance d’une grande différence de pression atmosphérique entre les dépressions situées au-dessus de l’Atlantique Nord (vers l’Islande) et l’anticyclone des Açores. Cette différence de pression sera propice au développement de perturbations orageuses, surtout pour la partie Sud de l’Europe : péninsule ibérique, sud de la France et régions méditerranéennes.
En revanche, la présence d’anticyclones sur le nord de l’Europe et au-dessus de la Scandinavie garantira un maintien des températures plus élevées que la moyenne. Le temps sera donc plutôt chaud et sec pour la partie nord et continentale de l’Europe.
Peut-on faire un lien avec le réchauffement climatique ?
La stabilité du vortex polaire et l’oscillation nord-atlantique sont des phénomènes connus des météorologues et des climatologues. En revanche, les raisons de leur occurrence sur une année plutôt qu’une autre gardent leur part de mystère. Si le comportement du vortex polaire et les oscillations atmosphériques ne sont pas forcément influencés par le réchauffement climatique, l’augmentation du nombre d’épisodes hivernaux remarquablement doux ces dernières années tend à laisser moins de place au doute. Certains scientifiques pencheraient déjà pour cette hypothèse.
Pour le météorologue Tom Di Liberto, rattaché à la NOAA, cela relève d’une évidence. Il conclut son article sur le bilan du mois de mars 2020 en affirmant : « Comme le mois de février, le mois de mars 2020 tend à montrer qu’il s’agira d’une année bien plus chaude que la moyenne, en partie à cause des activités humaines responsables du changement climatique. »
Le graphique ci-dessous montre que l’hiver 2020 est bien le plus chaud mesuré depuis 1900, à l’échelle de l’Europe :
Quant aux scientifiques de Météo France, ils constatent une augmentation très nette du nombre de mois chauds au cours de ces dernières années, comme le montre le graphique ci-dessous. Pour les années 2018 et 2019, le nombre de mois plus chauds que les moyennes saisonnières de référence fut de 10 sur les 12 mois de l’année. Une tendance qui commence donc à perdurer sérieusement.
CE QU’IL FAUT RETENIR :
- Depuis le début de l’année 2020, une douceur persistante des températures s’est installée sur la France et l’Europe. Météo France estime que cet hiver fut le plus chaud mesuré depuis 1900. De nombreux pays de l’hémisphère Nord sont également concernés par ce phénomène.
- Cette douceur hivernale s’explique principalement par l’exceptionnelle stabilité du vortex polaire depuis le début de l’hiver météorologique, piégeant les masses d’air froides au niveau des hautes latitudes.
- Quand bien même il peut être difficile d’effectuer un parallèle direct avec le réchauffement climatique, cette hypothèse reste largement privilégiée par plusieurs météorologues dans le monde.