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Le monde océanique est loin d’être statique. Sous la surface des océans, d’immenses flux d’eau circulent sans relâche : les courants marins. Le plus connu est sans doute le Gulf Stream. Invisibles à l’œil nu, ces mouvements d’eau régulent le climat mondial, influencent les écosystèmes marins et conditionnent même la vie humaine sur les continents. Qu’ils soient chauds ou froids, de surface ou profond ces flux océaniques transportent la chaleur sur le globe, redistribuent les nutriments, soutiennent la biodiversité marine et nourrissent les zones de pêche les plus productives de la planète. Mais comment ces courants se forment-ils ? Quelles sont les forces qui les animent ? Qu’est-ce que la circulation océanique ? En profondeur, la circulation thermohaline agit comme un gigantesque tapis roulant océanique, reliant les pôles aux tropiques. Cette mécanique complexe repose sur les différences de température, de salinité et de densité de l’eau. En surface, les vents dominants, la rotation de la Terre et les gyres océaniques orchestrent des déplacements d’eau colossaux. Pourtant, sous l’effet du réchauffement climatique, leur équilibre vacille. Comprendre le fonctionnement des courants marins, c’est percer le secret d’un mécanisme qui maintient la planète en équilibre et la vie sur Terre.
La circulation thermohaline : le moteur des courants marins profonds
La circulation thermohaline constitue l’un des grands moteurs cachés de la circulation océanique mondiale. Elle englobe les déplacements des masses d’eau profondes, à partir de 400 mètres de profondeur. Ces mouvements d’eau sont régis par les gradients de température et de salinité.
Une question de densité
L’eau n’est pas la même dans tous les océans. Sa densité varie en fonction de sa température (thermo) et de sa salinité (haline). L’eau froide et salée des pôles est plus dense, ce qui la fait s’enfoncer dans les profondeurs océaniques. À l’inverse, l’eau chaude et moins salée des zones équatoriales demeure en surface car elle est plus légère. Ces variations de densité sont le principal moteur de la circulation thermohaline.
La circulation thermohaline débute dans les eaux polaires. Là-bas, l’eau se refroidit et gèle à cause du faible ensoleillement et de l’air glacial. En se formant, la banquise libère du sel, ce qui rend l’eau très salée et encore plus dense. C’est cette densité accrue qui la fait plonger vers les profondeurs de l’océan. Elle circule ainsi jusqu’à ce qu’elle rencontre d’autres courants ou des reliefs sous-marins. Ces collisions la forcent à remonter à la surface où elle se mélange avec des eaux plus chaudes et moins salées, avant d’être à nouveau entraînée vers les pôles. Crédit schéma : Elise Heinen, Tous droits réservés.
La boucle est bouclée
La circulation thermohaline est un courant océanique mondial qui agit comme un gigantesque « tapis roulant » à l’échelle de la planète :
Les eaux chaudes de surface issues du golfe du Mexique et de la mer des Caraïbes remontent jusqu’à l’Atlantique Nord, à proximité des côtes islandaises.
Les courants océaniques profonds naissent dans les régions polaires (principalement en Arctique).
Ces eaux denses des pôles circulent ensuite en profondeur jusqu’à l’océan Austral.
A proximité du continent Antarctique, le courant se sépare en deux branches distinctes : la première se dirige vers l’océan Indien et la seconde vers le Pacifique. Dans ces régions, l’eau amorce une remontée mais sans atteindre la surface, se stabilisant généralement au-delà de 800 mètres de profondeur. Au cours de cette ascension, elle se réchauffe légèrement tandis que sa salinité diminue.
Ces eaux sont ensuite acheminées vers le golfe du Mexique, où elles se mêlent aux eaux de surface, plus chaudes et moins salées. Elles sont ensuite entraînées à nouveau vers les régions polaires. Un nouveau cycle démarre.
Représentation schématique de la circulation thermohaline. Les flèches orange représentent les courants de surface chauds, les flèches bleues foncées représentent les courants profonds froids, et les flèches rouges indiquent les zones de plongée des eaux denses dans l’Atlantique Nord (①) et l’Antarctique, formant ainsi la circulation thermohaline mondiale qui redistribue la chaleur sur l’ensemble de la planète. Crédit schéma : Élise Heinen, Tous droits réservés
Vent et force de Coriolis : les forces motrices des courants océaniques de surface
Des vents entraînants
Les courants marins de surface constituent une composante essentielle de la circulation océanique. Ils sont avant tout le résultat de l’interaction entre les vents et l’océan. En soufflant sur la surface de l’eau, les vents lui transmettent une partie de leur énergie, provoquant le déplacement de la couche superficielle dans une direction proche de la leur. L’impact du vent s’atténue peu à peu en descendant dans la colonne d’eau, mais elle reste assez forte pour entraîner le mouvement des couches supérieures jusqu’à environ 400 mètres de profondeur.
Ce schéma illustre l’influence du vent sur les courants marins de surface : en soufflant à la surface de l’océan, le vent transmet son énergie à l’eau et entraîne son déplacement, créant ainsi des courants dont l’intensité diminue progressivement avec la profondeur, de 0 m (surface) jusqu’à environ 400 m où l’effet du vent devient négligeable. Crédit schéma : Élise Heinen, Tous droits réservés
Impact de l’effet de Coriolis sur les courants marins
La rotation de la Terre joue également un rôle crucial en modifiant la trajectoire de ces courants de surface. Ce phénomène est connu sous le nom d’effet de Coriolis. Cette force provient de la rotation de la Terre, qui modifie la trajectoire des vents et des courants par rapport à la surface terrestre.
Sans la rotation terrestre, le vent soufflerait toujours en ligne droite, des zones de haute pression (froides) vers les zones de basse pression (chaudes). Cependant, la rotation de la Terre induit une déviation de leur trajectoire. En effet, la force de Coriolis agit perpendiculairement aux mouvements des vents : elle dévie les vents vers la droite dans l’hémisphère Nord, vers la gauche dans l’hémisphère Sud, et s’annule totalement à l’équateur. Ainsi, les courants de surface sont déviés :
Les courants marins qui se dirigent de l’équateur vers les pôles sont orientés vers l’est ;
ceux allant des pôles vers l’équateur sont déviés vers l’ouest ;
et ceux circulant le long de l’équateur ne subissent généralement pas cette déviation.
Ce schéma illustre l’effet de Coriolis sur les courants marins : la rotation de la Terre dévie les courants vers la droite dans l’hémisphère Nord et vers la gauche dans l’hémisphère Sud (flèches orange courbées), tandis qu’à l’équateur cet effet s’annule et les courants restent rectilignes (flèches en pointillés), ce qui explique la formation des grandes boucles de circulation océanique observées dans chaque hémisphère. Crédit schéma : Élise Heinen, Tous droits réservés
Comprendre les courants marins et la circulation océanique, c’est percer les mécanismes cachés qui maintiennent la stabilité climatique et la richesse écologique des océans.
Les courants marins, des régulateurs de climat qui nourrissent la vie marine
Les courants marins jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat et la distribution de nourriture au sein des océans. Ils influencent directement la biodiversité marine ainsi que des secteurs économiques comme la pêche.
Courants océaniques et régulation du climat
Les courants marins sont de puissants régulateurs climatiques qui agissent comme un immense tapis roulant global. Ils transportent la chaleur des régions chaudes de l’équateur vers les pôles. Ils affectent donc la température de la surface des océans et influent sur le climat des régions côtières. Sans ce mécanisme de rééquilibrage énergétique, le climat terrestre connaîtrait des contrastes climatiques beaucoup plus extrêmes. Le meilleur exemple est le Gulf Stream, un courant marin chaud qui part du golfe du Mexique pour traverser l’océan Atlantique. En atteignant l’Europe, il transporte suffisamment de chaleur pour adoucir considérablement les hivers de pays comme le Royaume-Uni ou la Norvège, malgré leur position géographique très au nord.Sans lui, une grande partie de l’Europe de l’Ouest serait couverte de glace et de neige en hiver, comme c’est le cas au Canada à des latitudes similaires.
Dans le Pacifique, l’équivalent du Gulf Stream est le courant de Kuroshio, né au large de Taïwan. Il transporte des eaux tropicales chaudes vers le nord-est jusqu’à sa rencontre avec le courant froid d’Oyashio, formant le courant du Pacifique Nord. Celui-ci se divise ensuite au large de la Colombie-Britannique en deux branches : le courant océanique froid de Californie, qui descend vers le sud, et le courant océanique chaud d’Alaska, qui remonte vers le nord.
Au sud du globe, le courant circumpolaire antarctique domine tous les autres par son ampleur : il déplace le plus grand volume d’eau de la planète, reliant les océans Atlantique, Indien et Pacifique en un immense cercle.
Upwelling et impact sur la pêche
Au-delà du climat, les courants marins sont essentiels pour la pêche. Ils transportent des nutriments vitaux qui nourrissent la base de la chaîne alimentaire marine. Un phénomène clé est la remontée d’eau (ou upwelling). Il se produit lorsque les courants font remonter vers la surface des eaux profondes, froides et particulièrement riches en nutriments. Cela forme des zones où le plancton et les petits poissons se concentrent, attirant à leur tour les grands prédateurs marins. C’est pourquoi les zones de convergence des courants, comme celles influencées par le Gulf Stream dans l’Atlantique Nord, sont particulièrement riches et productives en poissons. C’est également le cas des régions d’upwelling au large des côtes du Pérou, du Maroc ou encore du golfe de Guinée.
Les courants marins apparaissent ainsi comme de véritables moteurs écologiques, soutenant la pêche mondiale, la sécurité alimentaire et l’équilibre des écosystèmes océaniques.
Dynamiques des gyres océaniques et impacts du changement climatique
Les gyres océaniques ou vortex de déchets
Les gyres océaniques sont de gigantesques tourbillons de courants marins formés par la rotation de la Terre et les vents. Ces systèmes circulaires transportent l’eau à travers les océans et jouent un rôle clé dans la régulation du climat mondial. Il existe cinq principaux gyresocéaniques : deux dans l’océan Pacifique, deux dans l’Atlantique et un dernier dans l’océan Indien.
Ces gyres sont responsables de l’accumulation du plastique dans les océans. Ils agissent comme des pièges, concentrant les débris flottants en leur centre. Dans l’océan Indien, par exemple, le gyre collecte des millions de tonnes de plastique en provenance des continents voisins, créant une immense zone de déchets au large de l’Australie occidentale.
Changements climatiques et circulation océanique : un équilibre en péril
Les changements climatiques ont un impact majeur sur les courants océaniques tel que le courant du Labrador. En raison de vents plus intenses et du déplacement du Gulf Stream, ce courant océanique est dévié vers l’est, l’empêchant d’entrer pleinement dans le golfe du Saint-Laurent au Québec.
Jusque dans les années 1930, les eaux profondes du Saint-Laurent étaient composées en majorité par le courant du Labrador, riche en oxygène. Le reste provenait du Gulf Stream, plus chaud et moins oxygéné.
Depuis les années 2000, cette proportion s’est inversée. Le courant du Labrador n’apporte plus autant d’eau dans les profondeurs du Saint-Laurent. Cette modification a de lourdes conséquences sur les écosystèmes marins. En effet, la diminution de l’apport en oxygène provoque des zones hypoxiques (manque d’oxygène) et menace la vie marine. De plus, le réchauffement des eaux force des espèces comme les baleines noires à migrer vers le nord, ce qui augmente le risque de collisions avec les navires et bouleverse l’écosystème marin.
Sur le plan climatique, le détournement du courant, qui avait un effet rafraîchissant sur la côte de Terre-Neuve, contribue à une hausse des températures de l’eau en surface et en profondeur dans la région. Ce phénomène s’inscrit dans un contexte plus large de dérèglement de la circulation océanique de retournement de l’Atlantique, un système crucial pour la régulation du climat mondial.
RETENEZ
Les courants marins régulent le climat mondial en redistribuant chaleur et énergie entre les tropiques et les pôles.
La circulation thermohaline entraîne d’immenses masses d’eau profonde, guidée par la température, la salinité et la densité.
Les vents et l’effet de Coriolis façonnent les courants de surface, influençant la direction et la vitesse des flux océaniques.
Les courants marins nourrissent les océans en transportant nutriments et en favorisant les zones d’upwelling, essentielles à la pêche.
Les changements climatiques et la pollution perturbent la circulation océanique, menaçant la biodiversité et l’équilibre des écosystèmes marins.