Escalader l’un des plus hauts sommets du monde, à plus de 8 000 m, est un défi pour les alpinistes. Chaque montagne est dangereuse à cause des conditions extrêmes, des pentes abruptes et des neiges éternelles. Quels sommets sont les « huit mille » et quels défis posent-ils ? La plupart se trouvent en Asie, dans l’Himalaya et le Karakoram, formés il y a environ 60 millions d’années par la tectonique des plaques. Ces montagnes dangereuses, comme l’Everest ou le K2, attirent des alpinistes en quête d’exploits. Cet article raconte l’histoire de l’ascension des 10 plus hauts sommets du monde.
Le Mont Everest : le plus haut sommet du monde
Au Népal, le Mont Everest (Sagarmatha en népalais) est situé dans la chaîne de l’Himalaya, elle-même constituée de 7 hauts sommets d’est en ouest : Dolpo, Mustang, Manaslu Annapurna, Langtang Helmabu, Everest, Makalu et Kangchenjunga. Frontalier de la région autonome du Tibet dans le Mahalangur Himal, le Mont Everest est la plus haute montagne du monde avec ses 8 848 mètres d’altitude.
Il y a environ 50 à 60 millions d’années, la collision entre le sous-continent indien et le reste du continent asiatique a été l’événement déclencheur de la formation de l’Himalaya. Le massif de l’Everest est formé de 3 unités tectoniques principales : les nappes du Khumbu, l’écaille du Nuptse et la « dalle du Tibet ». Depuis lors, son relief est forgé par l’érosion glaciaire. Les températures y sont extrêmement froides allant de -19°C en été à -60°C en hiver.
Découvert en 1847, le plus haut sommet du monde est baptisé en 1865 en l’honneur de Georges Everest, un arpenteur britannique. Pour autant, ce n’est que le 29 mai 1953 qu’Edmund Hillary et Tensing Norgay seront les premiers grimpeurs à atteindre le sommet officiellement.
L’Everest devient alors le « toit du monde » accueillant les plus grands exploits humains. En 1978, Reinhold Messner complète sa liste des sommets de plus de 8 000 mètres d’altitude en grimpant sans oxygène avec son coéquipier Peter Habeler. Plus récemment, le 22 mai 2024, l’alpiniste Kami Rita Sherpa, recordman des ascensions de sommets de plus de huit mille mètres, a atteint pour la 30e fois le point culminant du massif.
Depuis cette époque, ces exploits ont donné l’envie à des milliers d’alpinistes d’accomplir les mêmes prouesses. Pour autant, le gouvernement népalais a dû limiter l’accès à son sommet en raison du tourisme de masse qui dégrade cette région montagneuse et augmente les risques d’accidents.
K2 : la montagne sauvage du Pakistan
Le K2, à la frontière du Pakistan et de la Chine, culmine à 8 611 mètres d’altitude. C’est la deuxième plus haute montagne du monde et l’une des plus difficiles à gravir. Explorée dès 1909 par l’expédition du duc des Abruzzes, elle ne fut conquise qu’en 1954 par des Italiens de la cordée d’Achille Compagnoni et de Lino Lacedelli.
Le K2 a été nommé en 1856 ainsi par l’ingénieur et colonel Thomas George Montgomerie. Il effectua la mesure des 12 montagnes de la chaîne pour le compte de la Great Trigonometrical Survey en les nommant par la lettre K (de Karakoram) suivie de leur numéro de position du plus élevé au plus bas. Les données géodésiques actuelles ont permis de définir l’altitude officielle. Le K2 se trouve finalement en première position devant le Gasherbrum I culminant à 8 080 mètres. Depuis cette expédition, chaque sommet a été renommé par un nom local, mais le K2 conserve tout de même son titre.
Particulièrement redoutable avec son dénivelé abrupt, ses crevasses et ses conditions météorologiques rudes, c’est une montagne hostile pour ceux qui tentent de l’escalader. En effet, des vents de 200 km/h soufflent à son sommet et les avalanches sont fréquentes.
4 camps de base ont été créés en partant de la rive du glacier Godwin-Austen à partir de 5 000 mètres pour arriver au point culminant.
Le 16 janvier 2021, une équipe népalaise de haut niveau a grimpé pour la première fois le K2 en hiver, ce qui n’avait jamais été tenté jusqu’à présent.
Kangchenjunga, au sommet de l’Inde
Kangchenjunga est le 3e sommet du monde à une altitude de 8 586 mètres d’altitude et le point culminant de l’Inde. Ce sommet himalayen se situe à la limite indo-népalaise à l’est du Népal entre le district de Taplejung et l’État indien du Sikkim. Kangchenjunga signifie « Les cinq trésors de la grande neige » en tibétain puisqu’il est composé de 5 sommets, dont quatre sommets de plus de 8450 m.
En 1899, Douglas William Freshfield tente son ascension pour établir une cartographie de la montagne. Grâce à ces données cartographiques, Georges Band et Joe Brown, les alpinistes britanniques de l’expédition du Dr Ch. Evans ont pu atteindre son sommet le 25 mai 1955. L’histoire raconte qu’ils se sont arrêtés à quelques mètres du sommet réel par respect pour les croyances religieuses des Népalais et du Sikkim.
Depuis cette ascension, l’accès au Kangchenjunga a longtemps été fermé à l’alpinisme. Situé à la frontière entre le Népal et l’Inde, il a été source de tensions politiques jusqu’en 1988. Cette montagne est donc mieux préservée de la trace humaine, avec des sentiers peu balisés et abrupts. Les Limbu, parents des Raï, peuple vivant sur ces terres, sont les gardiens de cette muraille de roc et de glace. Avec le soutien du WWF Népal, une aire de conservation a été créée en mars 1997 afin de préserver les rivières et lacs de haute altitude ainsi que biodiversité.
Lhotse préserve sa nature
Le Lhotse atteint les 8 516 mètres entre la Chine et le Népal au cœur de l’Himalaya. Nommé « pic sud », le Lhotse est situé à 2,4 kilomètres au sud de l’Everest. D’ailleurs, le Lhotse est souvent escaladé à la suite de l’Everest, ce qui permet de grimper 2 sommets en faisant une économie d’énergie substantielle.
Les Suisses Fritz Luchsinger et Ernst Reiss ont réussi le 18 mai 1956, l’ascension de ce 4e plus haut sommet du monde. C’est une montagne plutôt préservée aujourd’hui grâce aux mesures gouvernementales.
Pour protéger les espèces rares, comme le léopard des neiges et le petit panda, le Népal a fondé le Parc national de Sagarmatha en 1976. Près de 114 800 hectares sont protégés, abritant plus de 6000 Sherpas répartis dans une vingtaine de villages. La population régule ainsi la chasse et l’abattage des animaux entre autres sur ce lieu protégé.
Makalu, le Géant qui dort six mois
Au Népal, le Makalu est nommé par les communautés locales Khumbakarna « le Géant qui dort six mois ». Sa proéminence est telle qu’il surplombe 3 pays : le Tibet, la Chine et le Népal.
Ce 5e sommet d’une hauteur de 8 485 mètres a été gravi avec succès, le 15 mai 1955 par les Français Lionel Terray et Jean Couzy.
De nombreux alpinistes considèrent le Makalu comme le plus technique des sommets. Plusieurs voies d’accès ont été tentées. Le versant nord et le versant sud constituent à ce jour les grandes voies d’accès au sommet. La face ouest, quant à elle, est jugée plus difficile.
Le Makalu est protégé au sein du parc national de Makalu Barun depuis 1992 sur le versant népalais. Une réserve de biosphère, nommée réserve naturelle de Qomolangma, se trouve aussi du côté tibétain. Ces zones de préservation garantissent la conservation de la biodiversité et le développement durable.
Les plus hauts sommets du monde, dominés par des conditions climatiques extrêmes, illustrent la force de la nature et le courage humain.
Cho Oyu, la déesse turquoise
Une neige abondante recouvre le Cho Oyu, 6e sommet le plus élevé au monde culminant à 8 188 mètres d’altitude. Son sommet est accessible depuis la capitale du Tibet, Lhassa. Le Cho Oyu est également appelé « tête puissante », « tête de dieu » ou encore « dieu chauve ».
Facile d’ascension, le Cho Oyu tire son nom de la langue tibétaine que l’on traduit par « déesse turquoise » en raison de la luminosité qui teinte ses roches en fin d’après-midi. C’est une montagne réputée pour sa facilité d’ascension sans passages techniques difficiles.
C’est l’expédition autrichienne menée par Herbert Tichy, Sepp Jöchler et le sherpa Pasang Dawa qui a eu le plaisir de finaliser sa première ascension le 19 octobre 1954. Les voies les plus couramment empruntées pour la gravir sont l’arête ouest puis la face nord-ouest. Sa descente peut se faire à ski. Tout comme le Lhotse, il se situe dans le parc national de Sagarmatha dont 69 % de sa superficie s’établit au-delà de 5 000 mètres d’altitude.
Ce sommet est idéal pour battre des records, ce que Benedikt Böhm et son guide des montagnes Prakash Sherpa ont réalisé le 7 octobre 2023. Ces alpinistes de l’extrême ont réussi à gravir la montagne enneigée en 12 heures et 35 minutes sans apport d’oxygène artificiel ni camp intermédiaire.
Dhaulagiri, la montagne blanche
Ce 7e sommet s’érige au centre du Népal à 8 167 mètres d’altitude, dans la province de Gandaki Pradesh. Dhaulagiri est la plus haute montagne du Népal, à 34 km de distance du pic de l’Annapurna. Son nom est tiré du sanscrit (langue indo-européenne) « Dhavali giri » traduit par « la montagne blanche » ou « la montagne éblouissante ». Entre l’Annapurna et le mont Dhaulagiri coule la rivière de Gandaki, dans les gorges de Kali Gandaki.
Le massif du Dhaulagiri est composé d’une série de 5 sommets numérotés d’est en ouest sur une crête longue de 120 km. Chaque montagne s’élève à plus de 7 500 mètres dont le Dhaulagiri I constitue le pic le plus élevé, au sud-est de la chaîne montagneuse. Les grimpeurs sont nombreux à apprécier le trek de Churen Himal à l’automne ou au printemps pour ses paysages et sa richesse culturelle.
Après de nombreuses expéditions, une équipe suisse dirigée par Max Eiselin a réussi à conquérir pour la première fois « la montagne éblouissante ». Le 13 mai 1960, cinq alpinistes chevronnés ont pris d’assaut les arêtes sinueuses et les glaciers instables du Dhaulagiri.
Ainsi, ils ont créé la voie la plus empruntée à ce jour, par l’arête nord-est. Pour autant, durant leur expédition, ils font une avancée majeure et exceptionnelle à l’aide d’un avion Pilatus PC-6, surnommé « Yéti ». Bien qu’il ait établi un record d’atterrissage à 5 750 mètres, l’aéroplane s’est finalement écrasé dans la vallée cachée, où sa carcasse est encore visible aujourd’hui.
Manaslu, la montagne de l’esprit
Le Manaslu s’élève à une altitude de 8 163 mètres, ce qui en fait le 8e plus haut sommet du monde. Le 9 mai 1956, 9 jours avant l’ascension du Lhotse, Toshio Imanishi et le sherpa Gyalzen Norbu atteignent le sommet par le versant nord-est.
Le Manaslu est constitué de leucogranite du Miocène vieux de 23 à 18 millions d’années issu du choc des plaques continentales indiennes et eurasiennes. Cette chaîne de montagnes nommée pluton en géologie fait partie des 12 recensés dans le massif himalayen, indiquant une forte activité magmatique en profondeur lors de leur genèse.
Considérée comme l’un des plus difficiles sommets, la « montagne de l’Esprit » est un pic pyramidal où se trouvent 4 glaciers :
- Le glacier Manaslu (face nord-est) alimentant le lac Birandra ;
- le glacier Pung-Gien (face sud-est) ;
- le glacier Thulagi (face sud-ouest) se déversant dans le lac Duna ;
- la haute vallée Domen Khola au Nord-Ouest est couverte de corniches de glace dans sa partie haute.
Considéré comme l’un des plus dangereux de la famille des « 8000 », Jackson Groves, le reporter d’aventure australien, a pris des images avec un drone pour la 1re fois depuis le sommet du Manaslu à l’automne 2021. Il a capturé des photos saisissantes des grimpeurs des sommets, appelés les « summiters », escaladant la crête en pleine ascension vers le pic.
Nanga Parbat, la montagne tueuse
Nanga Parbat est la montagne la plus redoutée, nichée au cœur du Pakistan à une hauteur de 8 123 mètres d’altitude. Cette montagne aux pentes extrêmement escarpées et exposées aux chutes de pierres et aux avalanches est certainement une des plus difficiles à gravir.
Le Nanga Parbat est à la limite de deux zones thermiques ce qui provoque des vents forts et de dangereux couloirs d’avalanche. Constitués de granites et de gneiss, les versants nord et sud sont formés par un succession de couloirs glaciaires et d’énormes séracs.
Preuve de sa dangerosité, A. F Mummery, pionnier de l’alpinisme moderne en 1895 et l’équipe allemande menée par Willy Merkl en 1934 ont tenté l’ascension en y laissant leur vie.
C’est l’alpiniste expérimenté Hermann Buhl, le 3 juillet 1953, qui réussit cette prouesse inédite à l’époque d’atteindre le sommet du Nanga Parbat en solo et sans oxygène. Avant cette ascension victorieuse, 31 alpinistes avaient péri en tentant de conquérir cette montagne. C’est ainsi que le Nanga Parbat a hérité de son surnom tragique de « Montagne Tueuse ».
En juillet 2024, Vadim Druelle, alpiniste français, reproduit l’ascension difficile de Hermann Buhl en un temps record de 15 heures et 18 minutes. Fait remarquable, il a dû affronter des températures glaciales de -50 °C en ne portant qu’un pantalon léger. Une rafale de vent avait emporté son pantalon polaire alors qu’il se trouvait dans sa tente.
L’Annapurna I, la mère nourricière
Au centre de l’Himalaya, à l’ouest de Dhaulagiri et à l’est du Manaslu, l’Annapurna I est le 10e plus haut sommet du monde à 8 091 mètres d’altitude. Son nom signifie mère « purna » et nourriture « anna » en sanscrit. Il est surnommé « l’Ogresse gavée de nourriture » en référence à la déesse indienne Durga, symbole d’abondance et de générosité. L’Annapurna est un massif montagneux constitué de plusieurs crêtes dont l’Annapurna I est le plus haut sommet.
L’Annapurna I fait beaucoup parler de lui. Et, pour cause, il a le taux de mortalité le plus élevé des 10 montagnes les plus hautes du monde (34 %, chiffres publiés en mars 2012 dans le revue The Economist). Malgré sa beauté lunaire et ses pics couverts de neige éternelle et de glaciers bleus azurés, les avalanches de cette montagne himalayenne sont la principale cause de décès.
Pourtant, le 3 juin 1950, les Français Louis Lachenal et Maurice Herzog réussirent à défier le sommet de l’Annapurna I et devinrent les premiers à escalader un sommet de plus de 8 000 mètres.
Malgré des conditions météorologiques imprévisibles et la technicité de ces itinéraires, des milliers de grimpeurs expérimentés osent défier ses pentes raides. En 1995, Andrej et Davo Karnicar ont même dévalé ses pentes en ski pour la première fois.
Le top 10 des plus hautes montagnes situées en Himalaya ou au Karakorum représente un véritable défi pour les alpinistes les plus aguerris. Atteindre ces hauteurs exige une bonne condition physique et une maîtrise technique irréprochable, en raison des conditions climatiques extrêmes. La météo a souvent été déterminante dans la réussite ou l’échec des expéditions de haute montagne. Aujourd’hui, avec le réchauffement climatique, ces écosystèmes uniques, perchés aux plus hauts sommets du monde, sont pourtant menacés, tout comme ceux proches de la calotte glaciaire du Groenland.