Joyau du Pacifique Sud situé en Mélanésie, les îles du Vanuatu se situent à 500 km au nord-est de la Nouvelle-Calédonie et à 1 800 km à l’est de l’Australie. L’archipel est un petit coin de paradis pour les volcanologues, car il se compose de 83 îles volcaniques et de volcans sous-marins qui s’étalent sur un territoire équivalent à une fois et demie la Corse. Ses terres généreuses et nourricières concentrent une biodiversité et des paysages paradisiaques. Mais l’archipel des Vanuatais, aussi appelé « pays qui jaillit des eaux », est en permanence menacé par les éléments et en fait une des terres les plus vulnérables au monde. Le Vanuatu est considéré comme l’un des territoires les plus dangereux sur la planète en termes de risques naturels depuis 2015 selon le World Risk Index. Entre paradis et enfer, découvrez les trésors de cet archipel volcanique hors du commun.
Un haut lieu volcanique
Les îles du Vanuatu, autrefois nommées les Nouvelles-Hébrides, se trouvent sur la zone de la Ceinture de feu du Pacifique, à la frontière de deux grandes plaques océaniques, la plaque indo-australienne plongeant sous la plaque pacifique.
La Ceinture de feu du Pacifique est une succession de volcans qui bordent les pourtours de l’océan Pacifique sur plus de 40 000 km. Cette région du monde concentre 90 % de l’activité sismique et 95 % des éruptions volcaniques terrestres de la planète.
Formation géologique de l’archipel qui « jaillit des eaux »
Les géologues estiment que les îles du Vanuatu ont jailli hors de l’océan il y a environ 20 millions d’années. Ce sont les îles de Santo et de Malekula, au nord-ouest de l’archipel, qui ont vu le jour en premier. Les dernières îles sont apparues il y a moins de 4 millions d’années et sont considérées comme des terres jeunes sur le plan géologique. Elles se développent encore et connaissent de nombreuses transformations.
Pour qu’une nouvelle terre émerge, 2 forces telluriques entrent en jeu : le soulèvement de l’écorce terrestre et l’activité volcanique.
Les îles du Vanuatu, d’origine volcanique, se sont formées à la suite du plongeon de la partie océanique de la plaque australienne sous une autre plaque océanique plus jeune donc plus légère. Ce processus s’appelle la subduction.
À l’aplomb des plaques, dans la partie supérieure du manteau terrestre, il se produit une fusion partielle de la roche en raison d’une chaleur intense. La roche commence à fondre en partie et forme du magma. Cette matière de roche en fusion et de gaz étant plus légère que la roche environnante finit par remonter vers la surface de la Terre.
Après s’est frayé un passage dans les fissures de la croûte terrestre, le magma provoque en surface des éruptions volcaniques. Ces dernières éjectent alors de la lave, du gaz, parfois des cendres et d’autres matériaux. Ce processus est à l’origine de la création des volcans de l’archipel.
Au fil du temps et des éruptions volcaniques successives, les coulées de lave et autres matériaux éruptifs agrandissent les îles. C’est ainsi que se sont formées les îles du Vanuatu.
Pour illustrer ce phénomène, le géologue-volcanologue français, Sylvain Todman, raconte qu’une éruption notable eut lieu en 1453 et a contribué à la création d’un chapelet d’îles autour de celle de Kuwae. Ce phénomène a créé les îles de Tongoa et Epi. Il précise que c’est l’éruption la plus importante des 500 dernières années dans le monde selon les recherches des historiens et glaciologues.
L’activité volcanique de la région reste encore aujourd’hui très dynamique sur le plan géologique, avec des volcans actifs et des séismes réguliers en raison de la rencontre continue des plaques tectoniques.
Ce phénomène de subduction rend ces terres à la fois fascinantes par leur richesse géologique, mais aussi terrifiantes par leurs risques naturels constants. Cet archipel est souvent considéré comme un site géologique d’intérêt pour les volcanologues.
Le pays des volcans : une activité volcanique incessante
Les îles du Vanuatu sont l’une des zones volcaniques les plus instables au monde et comptent 3 volcans parmi les plus actifs de la planète.
Le Yasur sur l’île de Tanna
Le Yasur, de 365 mètres d’altitude, est le volcan actif le plus connu et le plus accessible du Pacifique Sud. Il est en activité permanente depuis au moins 1774, date de sa découverte par le capitaine Cook. Il est le siège d’une activité strombolienne très intense. Ces éruptions consistent en des éjections de lambeaux de lave, de cendres et de lapilli à quelques centaines de mètres de hauteur. Il peut projeter des bombes volcaniques de plusieurs tonnes à quelque 2 000 mètres aux abords du cratère. Cette activité explosive qui a lieu toutes les 3 à 5 minutes entraîne une accumulation de dépôts de cendres, et notamment sur les cultures comme l’igname, le taro et le chou canaque, bases de l’alimentation traditionnelle locale des îles du Vanuatu.
Véritable laboratoire, ce volcan permet aux scientifiques de mieux comprendre les mécanismes géologiques à l’origine des éruptions volcaniques et de reproduire des modélisations de ses éruptions pour d’autres volcans dans le monde.
« La légende dit que le volcan Yasur est à l’origine du monde, lieu où se trouvent les pierres magiques du savoir ». Citation attribuée à Guy de Saint-Cyr. Documentaire : Incantation au feu des origines de Daniel Martin, 2017.
Le Marum sur l’île d’Ambrym
L’île d’Ambrym ou « L’île noire » signifie « La terre avant le temps ». Elle est en fait, à elle seule, un gigantesque volcan dont le sommet s’est effondré, orné d’une grande caldeira de 12 km abritant des lacs de lave bouillonnants. Au cœur de cette caldeira, deux édifices volcaniques se sont créés : le Bembow et le Marum. Ce volcan qui s’élève à 1 800 mètres au-dessus des fonds marins est le plus actif de l’archipel.
Près de 6 000 tonnes de dioxyde de soufre par jour sont expulsées du Marum, ce qui représente le plus fort dégazage de ce genre observé sur la planète. Par ailleurs, c’est l’un des seuls lacs de lave accessible au monde. Ce dernier fait 40 à 50 mètres de diamètre et 200 mètres de profondeur.
Le Garet sur l’île de Gaua
Enfin sur l’île de Gaua, dans le Nord de l’archipel, le volcan Garet peut gronder de ses explosions grises et rouges. Cet édifice volcanique de 40 km de large et d’environ 3 000 mètres de haut s’est réveillé en 1962 après une longue phase de sommeil. Depuis lors, il connaît de violentes explosions. Ce volcan étant situé à proximité d’un lac, des interactions explosives eau-magma sont toujours possibles et le risque d’une éruption phréato-magmatique explosive est bien réel. Au cours du 20e siècle, de nombreuses explosions ont façonné le relief de l’île et continuent de le faire.
« Je n’ai jamais vu un pays plus riche en productions naturelles que les Nouvelles-Hébrides. Les arbres, les plantes, les fruits, les animaux, tout y est en abondance et d’une beauté remarquable. » Citation de l’explorateur français Jules Dumont d’Urville, qui a découvert les îles du Vanuatu en 1827.
Une biodiversité exceptionnelle venue d’ailleurs
L’archipel du Vanuatu abrite une biodiversité d’une richesse incroyable.
L’origine de la biodiversité du Vanuatu
La majorité des plantes et des animaux du Vanuatu a été apportée par les vents et les courants marins du Pacifique. Les plantes qui ont colonisé l’île de Santo provenaient de l’Asie, de la Papouasie et des îles Salomon. Elles produisaient des graines ou ses spores qui ont alors été dispersées par le vent (notamment par les cyclones), l’eau et les oiseaux, entre autres.
En 2006, la mission Santo, à l’initiative française du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, de l’Institut de recherche pour le développement et de Pro-Natura International, a été l’une des expéditions scientifiques majeures destinée à dresser l’inventaire le plus complet de la faune et de la flore des milieux terrestres et marins de l’île de Santo sur l’archipel du Vanuatu. Elle a permis de découvrir 1 000 à 2 000 espèces nouvelles de plantes et d’animaux, une avancée dans la connaissance de cette biodiversité.
Une végétation luxuriante
En ce qui concerne la flore du pays, la forêt tropicale s’étend sur 75 % du territoire, un paradis pour ceux qui aiment observer la nature. La mission Santo a recensé 650 espèces végétales appartenant à 366 genres différents, répartis entre 140 familles. La combinaison d’une forte humidité, d’une lumière intense et de la chaleur contribue à une biodiversité très riche.
Voici quelques végétaux spécifiques aux îles du Vanuatu :
- La Corymborkis veratrifolia est une orchidée endémique du Vanuatu qui pousse dans les forêts humides de l’île de Vaté. Cette espèce est remarquable pour ses fleurs blanches et pourpre foncé. Elles sont très parfumées et attirent les insectes pollinisateurs. Elle est également utilisée dans la médecine traditionnelle pour traiter les douleurs et les infections.
- La Carpoxylon macrospermum (Arecaceae) : ce palmier est en danger critique d’extinction et est l’une des espèces d’arbres endémiques peu connues du Vanuatu. Un projet de conservation est en cours sur trois sites qui abritent 60% de la population restante à l’état sauvage.
- Le Kava (Piper methysticum) : les racines de cette plante sont utilisées pour préparer une boisson traditionnelle qui a des propriétés apaisantes et relaxantes. Le kava est souvent consommé dans le cadre de cérémonies sociales et a des effets anxiolytiques.
Des espèces animales endémiques
L’origine
Une fois que les plantes furent établies, quelques espèces d’animaux terrestres réussirent aussi la traversée de l’océan. La colonisation sur de grandes distances était difficile, un petit nombre seulement d’animaux atteignirent ces terres. Le peuplement terrestre s’est d’abord réalisé par des oiseaux, des insectes, des roussettes, des chauves-souris, des serpents, des lézards, des vers et des reptiles. Ces petits animaux peuvent souvent vivre dans ou sur des bouts de bois qui flottent et qui sont poussés par les courants marins.
Une faune prolifique
Les fonds marins du Vanuatu sont très riches. La faune marine comprend 300 variétés de coraux et 450 espèces de poissons. L’étude de la mission Santo en 2006 a dénombré au moins 917 espèces de poissons et 295 espèces de coraux.
Outre les poissons, on observe des espèces marines d’intérêt patrimonial singulier :
- La tortue marine (imbriquée, verte et à grosse tête)
- Le dugong
- Le dauphin
- Le crocodile des estuaires
Ces espèces, loin d’être exhaustives, sont protégées par une loi relative aux pêches au Vanuatu.
La faune indigène, quant à elle, compte seulement 12 espèces de roussettes ou chauves-souris et 7 espèces d’oiseaux endémiques du Vanuatu, dont la roussette blanche. Cette chauve-souris est essentielle au sein des forêts tropicales, car elle pollinise et dissémine les différentes espèces d’arbres. Les invertébrés sont eux beaucoup plus nombreux avec 2 179 espèces d’insectes répertoriés. Les oiseaux ou l’avifaune se composent de 178 espèces.
Tous les autres mammifères ont été importés par l’Homme : le chien, le rat, la souris, etc.
Risques naturels élevés des îles du Vanuatu
Le Vanuatu est un des pays les plus vulnérables aux risques naturels si l’on s’intéresse aux menaces qui pèsent sur le territoire. En plus du risque sismique, s’ajoutent d’autres dangers comme les cyclones, les tempêtes ou les tsunamis.
Selon Sylvain Todman, volcanologue au Vanuatu, l’archipel connaît entre 1 et 2 séismes de magnitude 7 par an, entre 1 et 2 tsunamis notables tous les 10 ans et entre 1 à 2 cyclones par an.
Éruptions volcaniques et pluies acides
Pour rappel, les îles du Vanuatu sont situées sur la Ceinture de Feu du Pacifique, une région caractérisée par une forte activité volcanique. Sur certaines îles comme Ambrym, une grande quantité de gaz et de lave peuvent, en arrivant à la surface de la Terre, se fragmenter et créer un gros nuage de cendres montant parfois jusqu’à 3 km d’altitude et se répandre tout autour de l’île. En se mélangeant dans l’atmosphère, les aérosols volcaniques sont à l’origine de pluies acides toxiques extrêmement dangereuses pour les cultures locales.
Séismes
En plus de l’activité volcanique, les îles Vanuatu sont sujettes aux risques sismiques en raison de la tectonique des plaques. En effet, il existe une probabilité de plus de 20 % qu’une secousse sismique causant d’importants dommages se produise au cours des 50 prochaines années.
Tempêtes ou cyclones
L’archipel est également confronté aux risques cycloniques. De nombreux cyclones, le plus souvent entre novembre et avril, peuvent causer d’importants dégâts aux infrastructures. Ces derniers sont de plus en plus fréquents et intenses en raison de la hausse de la température de l’océan et de l’air dû au réchauffement climatique.
Tsunamis
Les Nouvelles-Hébrides, en raison de leur situation géographique, sont menacées également par des tsunamis avec une probabilité de 20 % qu’un tsunami se produise dans les 50 prochaines années, selon Think Hazard.
Ils peuvent être déclenchés par des tremblements de terre comme celui survenu en février 2021 avec une magnitude de 7,7. Le Vanuatu Meteorology and Geo-Hazards Department a mis en place un système d’alerte pour les tsunamis, qui permet de prévenir la population en cas de catastrophe.
Un archipel très vulnérable aux effets du changement climatique
En plus de sa situation naturelle très risquée, les îles du Vanuatu sont également touchées par les effets du changement climatique.
Le Vanuatu n’émet que 0,0001% des émissions de gaz à effet de serre mondiales et pourtant l’archipel a été classé par l’ONU le pays le plus touché par les catastrophes naturelles au monde.
« La plupart de ces menaces sont liées au changement climatique, comme les cyclones tropicaux devenant plus violents et plus fréquents, les fortes pluies, les inondations plus graves et plus fréquentes, la montée du niveau de la mer, l’érosion côtière », détaille Ralph Regenvanu, député au Parlement du Vanuatu.
Selon les services météorologiques locaux, l’élévation du niveau marin au Vanuatu aurait augmenté de 11 cm depuis 1933, soit deux fois plus que la moyenne mondiale.
Les autorités estiment le coût annuel des effets du changement climatique au Vanuatu à environ 10 % du PIB, ce qui représente environ 1 milliard de dollars par an. À titre d’exemple, le cyclone tropical Pam en 2015 a engendré des dégâts considérables, ce qui représente 64% de la richesse du Vanuatu pour un coût total de reconstruction avoisinant 140 % du PIB du pays. Du fait de leur insularité, les états océaniques sont très menacés par les effets du réchauffement climatique et il est indispensable de les préserver, car ils accueillent l’une des biodiversités les plus riches au monde.
Les mesures pour préserver la biodiversité du Vanuatu
Pour limiter les risques naturels et diminuer la vulnérabilité des espèces vivantes face au changement climatique, le pays a investi dans une salle de contrôle de pointe, financée par le Japon et mise en œuvre par la Banque mondiale.
En 2022, le Premier ministre du Vanuatu, Ishmael Kalsakau, avait demandé, devant l’ONU, aux dirigeants du monde de « réagir, et vite », contre le changement climatique pour éviter « l’Apocalypse ». Il avait alors réussi à faire adopter une résolution votée par l’Assemblée générale des Nations unies et demandant à la Cour internationale de justice de rappeler aux États leurs obligations juridiques sur lesquelles ils se sont engagés en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
En outre, les Nations Unies ont reconnu une initiative visant à restaurer les écosystèmes sensibles au Vanuatu et à restituer la richesse des océans par le label « Fleuron de la restauration mondiale ».
Par ailleurs, les résultats de la mission Santo de 2006 ont été utilisés pour mettre en place des mesures de conservation de la biodiversité au Vanuatu. Le pays s’engage à protéger et à conserver sa biodiversité en incluant l’environnement comme l’un des trois principaux piliers du plan national de développement.
Voici quelques exemples de mesures prises pour préserver la biodiversité au Vanuatu :
- plan d’action et stratégie pour la biodiversité nationale ;
- régime de conservation de la biodiversité dans presque tous les villages, même dans les parties les plus reculées du Vanuatu ;
- projet de restauration et de conservation de l’écosystème de Lamacca, un long couloir de l’Est de l’Asie, à travers l’association Lamacca Climate Change Association Committee (Inc.) qui vise à renforcer la résilience des communautés par la reforestation et la restauration des récifs coralliens ;
- utilisation et gestion traditionnelles des arbres fruitiers au Vanuatu, qui permettent aux communautés locales de disposer d’une grande variété d’espèces fruitières ;
- sensibilisation des habitants locaux à l’importance de la biodiversité et à la nécessité de la préserver.
Il est important de noter que la préservation de la biodiversité au Vanuatu est un enjeu crucial pour les communautés locales, qui dépendent étroitement de la nature pour leur subsistance et leur bien-être.
En dépit des défis naturels et climatiques auxquels les îles du Vanuatu font face, cet archipel continue de rayonner comme un trésor unique au cœur du Pacifique. Son paysage volcanique spectaculaire, sa biodiversité exceptionnelle et sa richesse culturelle font du Vanuatu un archipel à préserver avec soin. Les efforts consacrés à la protection de sa biodiversité, combinés aux initiatives mondiales de lutte contre le changement climatique, témoignent de la détermination de cette nation à assurer un avenir résilient et durable.