L’archipel d’Hawaï fait partie des territoires les plus reculés et sauvages de la planète. Situé en plein cœur de l’océan Pacifique, il fut découvert en 1778 par le célèbre explorateur James Cook. Son nom vient de la plus vaste de ses îles, plus connue sous la désignation de Big Island. Remarquable à bien des égards, elle abrite le Parc national des volcans d’Hawaï, un site naturel inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. Sur ce territoire insulaire trônent deux des édifices volcaniques les plus actifs du globe : le Mauna Loa et le Kīlauea. Les visiteurs s’aventurant dans ce parc ne pourront que s’émerveiller devant ses richesses géologiques et sa surprenante biodiversité. Mais quelles sont les particularités de cet espace géographique protégé tant apprécié des scientifiques et des amateurs de nature ? En route pour une exploration de ce sanctuaire forgé par le feu et l’eau !
Les caractéristiques géologiques de Big Island
Le « point chaud » d’Hawaï
La formation des îles hawaïennes, et notamment de Big Island, constitue un phénomène qui a longtemps laissé les scientifiques perplexes. Aujourd’hui, les géologues savent que cet archipel a été façonné par un volcanisme de « point chaud ». Ce processus correspond à une effusion de magma provenant du manteau terrestre qui remonte vers la surface et finit par perforer la croûte océanique. Lorsque cette matière en fusion s’épanche sur les fonds marins, un volcan se forme. Ce n’est qu’après plusieurs milliers d’années d’éruptions successives que cet édifice subaquatique pourra émerger et créer un îlot volcanique.
La chaîne des volcans d’Hawaï, orientée nord-ouest/sud-est, s’étend sur près de 3500 km. Tandis que le « point chaud » reste fixe, la plaque tectonique pacifique se déplace d’environ 10 cm par an. Ainsi, les volcans qui ne se trouvent plus au-dessus de cette remontée de magma finissent par s’éteindre. Les îles volcaniques les plus éloignées de cet épanchement de roche en fusion, comme Niihau, Kauai, Oahu, Molokai et Maui, sont les plus anciennes. Big Island demeure donc la plus récente, puisqu’elle se situe actuellement à l’aplomb du « point chaud ».
Le processus de création de la Grande Île d’Hawaï
La Grande Île d’Hawaï s’est construite à partir de la formation de cinq volcans-boucliers de type effusif, caractérisés par d’abondantes coulées de lave fluide :
- le Kohala, aujourd’hui éteint ;
- le Mauna Kea, endormi depuis près de 6000 ans ;
- le Hualālai, encore en activité ;
- le Mauna Loa et le Kīlauea, tous deux actifs et situés dans le Parc national des volcans d’Hawaï.
Les volcans-boucliers de Big Island, caractérisés par une forme conique et plate, ont traversé les 4 phases suivantes :
- création de l’édifice volcanique grâce une accumulation de pillow-lavas (laves en coussins) sur le fond océanique ;
- construction d’un bouclier basaltique sous-marin qui finit par atteindre le niveau de la mer en raison d’éruptions massives et fréquentes ;
- glissements de terrain importants se manifestant par des éboulements et des avalanches de débris ;
- remplissage de la caldeira (vaste dépression de forme circulaire située au sommet d’un volcan) et des flancs supérieurs par des cônes de scories.
Le Parc national des volcans d’Hawaï : un site unique classé au patrimoine mondial de l’UNESCO
Inscrit en 1987 au patrimoine mondial de l’UNESCO, le Parc national des volcans d’Hawaï couvre aujourd’hui près de 135 000 hectares. Cet espace naturel constitue un véritable laboratoire d’observation de la formation d’une île volcanique par des mécanismes géologiques encore en cours. Les volcans emblématiques de Big Island, le Mauna Loa et le Kīlauea, figurent parmi les édifices volcaniques les plus actifs et accessibles du globe.
Le Mauna Loa : le volcan subaérien le plus haut du monde
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Everest ne constitue pas la formation géologique la plus élevée du monde. Si l’on mesure le Mauna Loa (la « Grande Montagne ») depuis la base du plancher océanique, il frôle en effet les 17 000 mètres d’altitude. Les scientifiques s’accordent donc sur le fait qu’il représente le volcan subaérien le plus élevé et le plus étendu sur Terre.
Cet édifice volcanique reste aussi l’un des plus actifs de la planète. Depuis la seconde moitié du XIXème siècle, il a connu près de 40 éruptions. La plus dévastatrice demeure sans conteste celle de 1984, qui a manqué d’ensevelir la ville de Hilo.
Le Mauna Loa présente une vaste caldeira sommitale, appelée Mokuaweoweo, flanquée de deux cratères au nord et au sud. Ce géant de feu redouté par la population de Big Island se caractérise aussi par un paysage façonné par des coulées de lave pāhoehoe (terme hawaïen), ou laves cordées.
Les randonneurs aguerris pourront gravir ses pentes et parcourir ses spectaculaires champs de lave solidifiée. Ils s’étonneront également de pouvoir traverser des zones peuplées par une végétation luxuriante avant d’accéder à un sommet fréquemment enneigé en hiver, comme celui du mont Fuji au Japon.
Le Kīlauea : un édifice volcanique hyperactif
Le Kīlauea, qui culmine à une altitude de 1222 m, occupe la zone sud-est du Parc national des volcans d’Hawaï. Situé sur le flanc oriental du Mauna Loa, il a longtemps été considéré comme l’un de ses cratères secondaires. Les recherches menées par les volcanologues durant les dernières décennies ont toutefois démontré qu’il possédait sa propre chambre magmatique. Sa partie immergée s’étend sur plus de 60 km en dessous du niveau de la mer.
Ce volcan reste le plus actif du globe. La plus longue de ses éruptions s’est déroulée entre 1983 et 2018. D’importantes coulées de lave ont ainsi recouvert une surface d’environ 100 km2, dévasté de nombreuses habitations et agrandi le littoral de Big Island.
De 2008 à 2018, les visiteurs du parc ont pu observer les remontées de magma et l’impressionnant panache de fumée se dégageant de son cratère principal, le Halemaumau. D’après une légende hawaïenne, la déesse du feu Pélé y aurait établi sa résidence. Les voyageurs les plus téméraires ont également pu s’approcher du puissant flot de lave se déversant en continu dans l’océan Pacifique.
L’activité volcanique du Kīlauea demeure moins intense aujourd’hui. Les passionnés de randonnée et de volcanologie pourront ainsi s’aventurer librement sur le célèbre trail descendant dans son petit cratère, le Kīlauea Iki.
Focus sur quelques surprenantes formations géologiques
Le Parc national des volcans d’Hawaï regorge de formations géologiques surprenantes. Les plus marquantes sont de toute évidence le tunnel de lave Thurston, les cheveux et les larmes de Pélé ainsi que les arbres de lave.
Le tunnel de lave Thurston
Le tunnel de lave Thurston, localisé sur le flanc est du Kīlauea, demeure une curiosité à ne pas manquer. On y accède après une courte marche à travers une forêt tropicale peuplée de fougères arborescentes.
Cette galerie souterraine s’est constituée à partir d’une coulée de lave pāhoehoe dont la croûte supérieure s’est solidifiée et a créé un toit. Une fois l’alimentation en magma tarie, un tunnel s’est formé. Daté d’environ 500 ans, il a été découvert en 1913 par le journaliste hawaïen Lorrin Thurston.
Les visiteurs s’aventurant dans le Parc national des volcans d’Hawaï ne pourront que s’émerveiller devant ses richesses géologiques et sa surprenante biodiversité.
Les cheveux et les larmes de Pélé
Autres curiosités facilement observables aux abords du Kīlauea : les cheveux et les larmes de Pélé. Les cheveux de Pélé se présentent sous la forme de longs filaments de couleur dorée. Il s’agit de roches volcaniques, aussi appelées obsidiennes capillaires, qui se créent à partir de gouttelettes de lave très fluide s’étirant sous l’action du vent. Ces fibres de verre volcaniques, extrêmement tranchantes, forment parfois des tapis de plusieurs centimètres d’épaisseur.
Lorsque la lave se révèle trop visqueuse ou que le vent ne se montre pas assez puissant, certaines gouttelettes ne se distendent pas complètement. Les filaments ainsi créés se terminent par des petites sphères de couleur noire nommées larmes de Pélé.
Les moulages de troncs d’arbres
Enfin, il n’est pas possible de quitter le Parc national des volcans d’Hawaï avant d’avoir pu admirer ses impressionnants moulages de troncs d’arbres. Mais comment se forment-ils ?
Lors d’une éruption volcanique, il arrive que des coulées de lave fluide traversant une forêt se solidifient rapidement autour de la base des arbres. Les gaz libérés et l’humidité du bois constituent ensuite une couche isolante permettant aux troncs de se calciner lentement. Une fois les coulées de lave durcies et les arbres consumés, seuls leurs anciens emplacements subsistent.
Au nord-ouest du cratère principal du Kīlauea, ces moulages prennent la forme de cavités plus ou moins profondes dans le sol. Ils représentent les témoins d’anciennes forêts se dressant jadis sur les flancs du volcan.
La biodiversité endémique du parc volcanique hawaïen
Situé à plus de 3800 km du continent le plus proche, l’archipel hawaïen constitue un véritable laboratoire du vivant, à l’instar des îles Galápagos. Plus de 90 % des espèces présentes sur ce territoire insulaire sont endémiques, c’est-à-dire qu’elles ne se rencontrent nulle part ailleurs sur la planète. Beaucoup demeurent toutefois menacées. C’est pour cette raison que le Parc national des volcans d’Hawaï a été désigné réserve de biosphère en 1980.
Une végétation luxuriante en bordure des champs de lave
Le parc volcanique de Big Island abrite de nombreuses espèces végétales qui se sont développées sur ses sols de lave fertiles. De la plaine côtière au sommet du Mauna Loa, le visiteur pourra cheminer à travers de luxuriantes forêts tropicales peuplées de fougères et d’arbres protégés.
Les fougères ae, amau et hāpuu
Les fougères font partie des premières plantes à avoir colonisé Hawaï. Arrivées sous la forme de spores transportées par le vent, elles ont rapidement pris racine aux abords des champs de lave solidifiée.
La fougère ae constitue une espèce pionnière. Elle s’est accoutumée à son nouvel habitat en s’implantant dans les fissures des coulées de lave durcie.
La plante amau se caractérise quant à elle par des frondes, c’est-à-dire des feuilles, de couleur rouge. Elle se rencontre notamment sur les flancs du Kīlauea et joue un rôle important dans le folklore local. Le nom du cratère principal de ce volcan, Halemaumau, signifie en effet « Maison de la fougère amau ».
Les hāpuu restent les fougères arborescentes les plus grandes de l’île. Elles peuvent atteindre une hauteur d’environ 11 m. Deux variétés différentes peuvent être observées dans le Parc national des volcans d’Hawaï, près du sommet du Kīlauea.
L’arbre ōhia lehua
Le ōhia lehua représente l’arbre le plus emblématique d’Hawaï. Il s’est adapté à son environnement en développant une étonnante résistance au feu. En présence de gaz nocifs par exemple, cet arbre referme les pores de ses feuilles pour survivre.
Sur les huit espèces peuplant l’archipel, quatre se rencontrent dans le parc, à proximité des coulées de lave les plus récentes. Les ōhia lehua sont facilement reconnaissables grâce à leurs fleurs de couleur rouge ou jaune orangé.
Une faune sauvage singulière
Le Parc national des volcans d’Hawaï constitue également un refuge pour des espèces animales uniques au monde comme la bernache néné, le faucon io et la chauve-souris cendrée ōpeapea.
La bernache néné, oiseau emblématique d’Hawaï
La bernache néné se rencontre principalement sur les pentes des volcans Mauna Loa et Kīlauea. Cette espèce d’oie très rare descend vraisemblablement de la bernache du Canada. Elle s’en différencie par ses longues pattes à palmes réduites lui permettant de se déplacer sur les sols volcaniques.
Lorsque le capitaine James Cook accosta sur Big Island, l’île était peuplée d’environ 25 000 spécimens. Les populations ont cependant fortement diminué à cause de la chasse et de l’introduction d’animaux prédateurs (chats, chiens, mangoustes, etc.). En 1952, il ne restait plus qu’une trentaine d’oiseaux.
Depuis les années 1970, le personnel du parc a toutefois mis en place un programme de reproduction et de réintroduction des bernaches néné. Aujourd’hui, elles seraient environ 1000 à l’état sauvage.
Le faucon io
Le faucon io est un oiseau de proie originaire d’Hawaï. Aujourd’hui, il se rencontre uniquement sur Big Island. Ce rapace a été inscrit sur la liste des espèces en voie de disparition aux États-Unis jusqu’en 2020. Depuis, les populations augmentent à nouveau et semblent se stabiliser.
Le io se nourrit principalement de petits ravageurs, rendant ainsi un fier service à Big Island. On pourra facilement l’observer en vol au-dessus du sommet du Kīlauea et le long de la route menant au Mauna Loa.
La chauve-souris cendrée hawaïenne
La chauve-souris cendrée ōpeapea est arrivée de ses propres ailes dans l’archipel volcanique, il y a 10 000 ans environ. Descendant sans doute d’une espèce résidant en Amérique du Nord, elle représente le seul mammifère terrestre natif d’Hawaï. Elle fait partie des animaux hawaïens les plus menacés. Contrairement à la croyance populaire, cette chauve-souris ne vit pas dans les tunnels de lave ou les grottes. Elle niche dans les feuillages des grands arbres de la forêt tropicale.
Le Parc national des volcans d’Hawaï constitue un espace naturel unique au monde. Son paysage volcanique conserve les traces de son histoire mouvementée depuis sa formation jusqu’à nos jours. Les passionnés de géologie et d’étendues sauvages pourront facilement gravir les douces pentes de ses impressionnants volcans. Aux abords des champs de lave, ils y découvriront également un paradis végétal peuplé d’une faune endémique protégée, comme dans le parc de Phong Nha-Ke Bang au Vietnam.
Excellent article complet et magnifiquement illustré (photos) qui m’a fait voyager sur ce site de sa naissance au centre de la terre jusqu’à la diversité de la vie végétale et animale qu’il a fait naître en passant par les profondeurs de l’océan merci 🙏
Très bel article avec de belles photos, les volcans et leur fonctionnement sont fascinants et la végétation ainsi que les animaux sont magnifiques.