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    Uluru Ayers Rock, le Rocher Sacré des Aborigènes

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    Au cœur de l’outback, l’arrière-pays semi-aride australien, à plus de 400 km (et 5h de route) de la ville la plus proche d’Alice Spring, se dresse fièrement Uluru Ayers Rock. Situé au centre de l’Australie, dans le Territoire du Nord, il fait partie du parc national d’Uluru-Kata Tjuta, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. Ses origines controversées, sur lesquelles planent les légendes du peuple aborigène en font un lieu mystique, animé par une biodiversité étonnamment riche et souligné par les lumières flamboyantes du soleil couchant.

    Uluru Ayers Rock, deux noms, une double identité

    Bien avant que les européens ne débarquent en Australie, le rocher aujourd’hui le plus connu de l’outback s’appelait Uluru. Il a été nommé ainsi par le peuple aborigène Pitjantjatjaras (prononcer “pigeon-jarrah”) établi dans la région et attiré par le site pour les nombreux points d’eau que forment ses anfractuosités. Il n’existe pas d’équivalence connue en langue européenne pour traduire ce mot.

    En 1873, William Christie Gosse, explorateur australien d’origine britannique, est le premier non-aborigène à découvrir et gravir le rocher d’Uluru. Il le baptise Ayers Rock en l’honneur d’Henry Ayers alors premier ministre et secrétaire en chef de l’Australie-Méridionale. Le nom de Ayers Rock sera largement utilisé, notamment dans la communauté blanche, jusqu’en 1993. A cette date, le site est renommé Ayers Rock/Uluru, devenant la première entité du Territoire du Nord à recevoir un double nom.

    En 2002, ce double nom est inversé sous la requête de l’Association régionale de tourisme d’Alice Spring. Le nom officiel du rocher est aujourd’hui Uluru Ayers Rock. Les deux termes peuvent être utilisés pour évoquer le rocher, bien que dans le parc national, le terme originel d’Uluru soit toujours employé.

    Uluru au coucher du soleil.
    Uluru au coucher du soleil. Crédit photo : Weyf, CC0, via Wikimedia Commons.

    Uluru, petit rocher aux grandes origines

    Morphologie du rocher le plus célèbre d’Australie

    Le rocher d’Uluru Ayers Rock est en forme de losange. Au Sud-Ouest, il arbore des crêtes biseautées, des grottes béantes situées à 35-60 m au-dessus du niveau de la plaine et est entaillé de trois vallées. Le sommet du rocher forme un plateau piqué de nombreuses dépressions. Pendant et après les fortes pluies, les cours d’eau s’écoulent du plateau, provoquant des chutes d’eau, notamment sur la face nord-est caractérisée par des falaises abruptes.

    De ses 877 m d’altitude, Uluru Ayers Rock domine les plaines environnantes d’environ 350 m de hauteur. C’est ce qu’on appelle un inselberg. Ce terme d’origine allemande, contraction de Insel, île, et Berg, montagne, définit un relief résiduel isolé dominant une plaine ou un plateau. Un inselberg est l’équivalent terrestre d’un iceberg. Le parc national d’Uluru-Kata Tjuta, classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987, valorise et protège les deux inselbergs d’Uluru et de Kata Tjuta (aussi connu sous le nom de Monts Olga). Au sein du parc, comme dans tout l’outback australien, ce qui frappe le visiteur est sans nul doute cette couleur rouille digne de paysages martiens et qui trouve son origine dans la roche.

    Carte sur photo satellite du parc national d'Uluru-Kata Tjuta.
    Carte du parc national d’Uluru-Kata Tjuta classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Crédit image : Angélie Portal (Crédit photo : 2023 Google Earth Image Landsat / Copernicus).

    De quoi est constitué le rocher d’Uluru Ayers Rock ?

    La roche qui constitue Uluru Ayers Rock est de l’arkose : il s’agit d’un grès issu d’une roche sédimentaire détritique terrigène. Les sédiments sableux qui ont durci pour former cette arkose trouvent leur origine dans l’érosion des anciennes montagnes environnantes qui étaient composées, en grande partie, de granite. L’arkose est une roche à grains grossiers, riche en feldspath. Dans certaines anfractuosités du rocher d’Uluru ou à l’intérieur de ses grottes, la roche est naturellement de couleur gris-vert. Mais la plupart des surfaces exposées aux intempéries portent une patine d’oxyde de fer qui confère au rocher sa couleur rouille si caractéristique.

    Surface de l'arkose d'Uluru.
    Détail de la surface de l’arkose constituant le rocher d’Uluru. Crédit photo : Peter Jones, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.

    La surface d’Uluru est marquée par de très nombreuses stries orientées Nord-Ouest Sud-Est. Ces stries sont en réalité des bancs de grès plus ou moins altérés. Bien qu’ils se soient mis en place à l’horizontale, ces bancs présentent aujourd’hui un pendage quasiment vertical. Ces particularités morphologiques sont le résultat de processus de mise en place et d’évolution géologique complexes.

    Le pendage des bancs de grès témoigne de l'histoire géologique d'Uluru.
    Les bancs verticaux de grès plus ou moins altérés donnent à la surface cet aspect strié. Crédit photo : Phil Whitehouse from London, United Kingdom, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons.

    Une origine géologique encore débattue

    L’origine géologique des inselbergs d’Uluru et Kata Tjuta illustre parfaitement la dichotomie qui peut exister au sein d’une communauté scientifique. Depuis les années 1980, le scientifique C.R. Twidale et ses collaborateurs proposent une origine géologique superficielle suivie d’une évolution tectonique profonde. Mais en 2010, le chercheur K. Patrick propose une hypothèse alternative et évoque une succession d’événements météorologiques cataclysmiques et extrêmes pour expliquer la formation du rocher. Bien que ces deux modèles co-existent, celui de Twidale est retenu par le gouvernement australien chargé de la gestion du parc national.

    La partie émergée d’une longue histoire géologique : l’hypothèse de Twidale

    Uluru se dresse au milieu du bassin d’Amadeus, un bassin sédimentaire vieux de 900 millions d’années. A cette période, une grande partie de l’Australie intérieure s’est enfoncée sous le niveau de la mer. Ce phénomène de subsidence a donné naissance à une immense dépression (le bassin d’Amadeus) dans laquelle les sédiments se seraient déposés, couches après couches, pendant près de 600 millions d’années.

    Il y a environ 550 millions d’années, des chaînes de montagnes se sont formées, lors d’un événement que les géologues appellent l’orogenèse des chaînes de Petermann. Durant cette période, les sédiments les plus anciens du bassin d’Amadeus auraient été plissés et déformés. De plus, à cette époque, aucune végétation ne protégeait les reliefs. Ils étaient alors soumis à une altération et une érosion très intenses. Ainsi, d’énormes quantités de sédiments auraient été emportées par les pluies. Ils auraient formé des cônes alluviaux au pied de chaînes de montagnes. C’est à cette période que les sables arkosiques à l’origine des roches d’Uluru se seraient mis en place, sur un épaisseur de 2500 m.

    Autour de 500 millions d’années, une mer peu profonde a envahi la région. Des sédiments marins se seraient alors déposés au-dessus des cônes alluviaux existants. Et sous l’effet de la compaction et de la cimentation dû au poids des nouveaux sédiments déposés, les sables arkosiques d’Uluru se seraient transformés en arkose.

    Entre 400 et 300 millions d’années, lors de l’orogenèse d’Alice Springs, les roches de la région auraient subi de nouveaux phénomènes de plissement et de fracturation. Puis, toute la région s’est soulevée au-dessus du niveau de la mer qui se serait alors retirée. Les couches horizontales de l’arkose d’Uluru auraient été pliées puis redressées à 80°-85°, vers leur position actuelle. Depuis cette période, seule l’érosion affecte les formations géologiques de la région.

    Uluru serait donc la pointe visible de formations rocheuses qui s’étendent loin sous le sol, jusqu’à 6 km. Mais cette hypothèse admise depuis les années 1980 a été remise en question en 2010.

    Schéma des étapes de la formation géologique d'Uluru.
    La formation géologique d’Uluru. Crédit image : Angélie Portal, modifiée d’après Department of Climate Change, Energy, the Environment and Water.

    Les vestiges d’une inondation cataclysmique : l’alternative de Patrick

    Il y a environ 500 Ma, un véritable déluge se serait abattu sur la bassin d’Amadeus, créant une inondation cataclysmique. Des masses considérables de matériaux auraient alors été arrachées aux reliefs environnants et déposées dans le fond du bassin. Ces dépôts auraient ensuite subi les effets d’une activité tectonique intense. Sous l’action de phénomènes de plissement, d’étirement et de remodelage, les dépôts initialement horizontaux auraient alors acquis leur orientation et leur pendage actuels.

    Après une longue période, la décrue aurait commencé entraînant la remobilisation des dépôts du bassin d’Amadeus. Une partie de ces dépôts auraient été lessivée vers la mer, l’autre partie aurait été redéposée. Les sables arkosiques à l’origine des grès d’Uluru seraient des résidus de dépôts ayant résisté à la décrue.

    Enfin, il y environ 20 Ma, les pluies abondantes auraient entraîné la formation d’un immense lac au sein du bassin d’Amadeus. La profondeur de ce lac aurait atteint 180 m mais son niveau aurait varié au cours du temps. L’action des vagues serait à l’origine de la morphologie particulière du rocher d’Uluru.

    Une morphologie façonnée par l’érosion

    La morphologie du rocher d’Uluru est très particulière. D’une part, la surface du rocher se débite par endroit en plaques de roche. Ce curieux phénomène proviendrait de fissures parallèles à la surface qui se créeraient sous l’effet des gradients de température très contrastés entre le jour et la nuit, et d’une saison à l’autre.

    D’autre part, Uluru est également marqué par la présence de nombreuses grottes. Ces anfractuosités proviennent probablement d’une combinaison entre une érosion mécanique (action du sable et du vent, en particulier dans la partie basse du rocher, infiltration et ruissellement de l’eau de pluie) et des phénomènes physico-chimiques (décomposition de la roche sous l’effet de l’humidité notamment). Ces grottes ont des formes très particulières en forme de sourire ou encore de vagues. Ces dernières ont d’ailleurs rendu le site d’Uluru très célèbre, les visiteurs se photographiant tel des surfeurs glissant sur des vagues de roches rouges. Mais avant d’accueillir les touristes, ces nombreuses grottes ont longtemps abrité les Aborigènes vivant dans la région. Aujourd’hui encore ces grottes portent les traces de cette occupation humaine à même leurs parois.

    Uluru Ayers Rock : un lieu sacré à protéger

    Uluru, façonné au « Temps du rêve »

    Les peuples aborigènes d’Australie considèrent que Uluru a été créé au Temps du Rêve. Cette époque, appelée le Tjukurpa en langue Pitjantjatjaras, le peuple aborigène Anangu du centre de l’Australie, incarne l’époque où les ancêtres des Premiers Hommes façonnèrent la Terre telle que nous la connaissons. Ce site représente une véritable relique vivante, revêtant une sacralité profonde, où les esprits ancestraux perdurent selon la croyance anangu. Chaque individu anangu est lié à ces lieux, témoignant ainsi du patrimoine culturel et spirituel de ce site. Le Temps du Rêve, encadrant la mythologie, l’histoire et les lois traditionnelles, est également présent dans les traces gravées sur Uluru, telles que les entailles symboliques du combat légendaire entre Kuniya (la femelle python des rochers) et Liru (un serpent venimeux), marquant la fin du Temps du Rêve et le début de l’âge des Hommes.

    Un lieu de transmission du peuple Anangu

    De nombreuses peintures rupestres sont visibles dans les grottes d’Uluru. Elles sont les témoins de la transmission des connaissances des Aborigènes Anangu. Pendant des dizaines de milliers d’années, le site a été le cœur de l’éducation des Anangus. Les parois des grottes ont été utilisées comme de véritables tableaux noirs d’écoles sur lesquels les professeurs ont illustré des leçons sur la culture et l’histoire de ce peuple. La superposition des couches de peintures dans certaines grottes témoigne du passage successif des générations. Particulièrement fragiles, ces peintures font l’objet d’une attention particulière et représentent un défi en termes de préservation face aux éléments naturels et aux visiteurs.

    Les nombreuses caves d'Uluru ont servi de véritables tableaux à la transmission orale de la culture aborigène.
    Peintures aborigènes visibles dans les caves d’Uluru. Crédit photo : Kim Dingwall, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons.

    Un tourisme issu du colonialisme, adapté aux traditions ancestrales

    Uluru est à la fois le cœur symbolique et géographique de l’Australie. La culture aborigène australienne est l’une des plus anciennes au monde et remonte à au moins 80 000 ans. Plusieurs études ont démontré que les Aborigènes géraient et cultivaient leurs terres d’une manière sophistiquée. Pourtant, au moment de la colonisation, les britanniques ne reconnaissent pas la culture aborigène comme une culture avancée. Lorsqu’en 1873, William Gosse découvre Uluru, il le (re-)baptise Ayers Rock. Cette anglicisation marque la colonisation du rocher, au détriment de l’histoire et des connaissances culturelles profondes du peuple Anangu. La déconnexion qui se fait alors entre ces deux cultures a longtemps persisté et alimente encore les débats autour de la gestion touristique actuelle du site.

    Dans les années 1930, le tourisme se développe sur le site d’Uluru. A cette même période, la politique d’assimilation mise en place par les colons dépossède le peuple Anangu de ses biens et les éloignent dans des réserves (à l’image, plus connue, de la politique indienne d’assimilation pratiquée aux Etats-Unis). Dans les années 1950, la création du Parc National d’Ayers Rock promeut le tourisme vers Uluru et entraîne la construction des infrastructures nécessaires à l’acheminement et l’accueil des touristes dans ce lieu reculé d’Australie (routes, motel et piste d’atterrissage).

    Mais dans les années 1970, un mouvement appelé “Land Rights” (traduction littérale : droits de propriété) émerge. Il marque le retour du peuple Anangu sur leurs terres ancestrales dont ils revendiquent la souveraineté. Ces revendications aboutissent à la rétrocession du site au peuple Anangu en 1985. Mais la gestion du Parc National reste partagée entre les Aborigènes et le Commonwealth. La double reconnaissance par l’UNESCO du parc national d’Uluru-Kata Tjuta comme bien naturel en 1987, puis comme bien culturel en 1994 souligne le dualisme qui existe autour de ce site.

    Le point sensible de la co-gestion du site d’Uluru est celui de l’ascension du rocher. Au-delà de l’atteinte culturelle que cette ascension pouvait porter au peuple Anangu, elle constituait également un défi en termes de sécurité (plus de 30 personnes sont décédées en faisant l’ascension, principalement de crise cardiaque) et de protection de l’environnement (dégradation et pollution). Ces dernières années, le site d’Uluru a accueilli environ 250 000 visiteurs par an. Mais depuis 1999, la proportion de visiteurs gravissant le rocher est passée de 70% à seulement 20%. La raison vient de la façon avec laquelle les membres du peuple Anangu ont co-géré le site jusqu’en 2019. A une interdiction formelle d’accès au sommet, ils ont préféré une approche plus pédagogique basée sur la diffusion du respect que leur culture ancestrale vouait à Uluru. Progressivement, les touristes ont pris conscience de ce que représente ce rocher dans la culture aborigène, choisissant de ne plus en effectuer l’ascension. La diminution de la fréquentation au sommet d’Uluru et le développement d’expériences touristiques alternatives autour du site ont abouti à la fermeture du chemin d’accès en octobre 2019.

    Spectaculairement érigé au milieu de l’outback australien, le rocher rouge d’Uluru est un lieu de compromis, où culture ancestrale, biodiversité et tourisme coexistent aujourd’hui en parfaite harmonie.

    L’ascension du rocher d'Uluru est interdite depuis 2019.
    Panneau d’interdiction de l’ascension d’Uluru en vigueur depuis 2019. Crédit photo : modifiée d’après Querent, CC BY 4.0, via Wikimedia Commons.

    Une biodiversité qui a su s’adapter aux conditions extrêmes

    Les cinq saisons d’Uluru

    La partie du sud du Territoire du Nord australien où se situe Uluru est caractérisée par un climat semi-aride. La plus grande partie de l’année est caractérisée par une saison sèche durant laquelle la température moyenne maximale atteint les 38,4°C. La saison humide quant à elle concentre des précipitations qui restent faibles (environ 270 mm/an, trois fois moins que la moyenne en France hexagonale). Les températures moyennes minimales sont de 4,4°C.

    Les Aborigènes qui peuplent cette région divisent l’année en cinq saisons intimement liées à la météo :

    • Piriyakutu (d’août à septembre) : à cette période arrive le piriya, un vent chaud et régulier qui souffle du nord et de l’ouest. Les animaux entrent en période de reproduction et les plantes fleurissent puis se parent de fruits et de graines ;
    • Mai wiyaringkupai/kuli (autour de décembre) : c’est la période la plus chaude de l’année. La nourriture se fait rare. De gros orages éclatent, apportant très peu de pluies mais les nombreux éclairs qui touchent le sol sont parfois à l’origine d’incendies ;
    • Itjanu/inuntji (de janvier à mars), la saison des pluies. La végétation s’épanouit à nouveau. Les orages alimentent les trous d’eau et les cascades jaillissent d’Uluru ;
    • Wanitjunkupai (de mars à mai) : les températures baissent et le ciel se couvre de nuages bas qui n’apportent pas de précipitations. Les reptiles commencent leur hibernation ;
    • Wari (de mai à juillet), les mois les plus froids. L’air sec et les gelées matinales assèchent la végétation.

    Des espèces végétales et animales stupéfiantes

    Malgré son caractère désertique, le parc national d’Uluru-Kata Tjuta présente une biodiversité étonnante. La faune et la flore y ont développé des adaptations uniques pour prospérer dans ce milieu hostile qu’est l’outback australien. Cette diversité revêt une grande importance pour les Aborigènes, les animaux ayant une grande signification culturelle tandis que les plantes fournissent nourriture, médicaments et outils traditionnels.

    La région d’Uluru abrite plus de 400 espèces végétales, allant des eucalyptus aux prairies de spinifex. Des spécimens intrigants comme le bloodwood, dont la sève rouge évoque le sang, ou encore le mulga, dont les graines offrent une pâte semblable au beurre de cacahuètes une fois grillées et broyées, sont répandus. Le bois de mulga sert également à fabriquer les fameux boomerangs.

    Cette végétation diversifiée soutient une faune variée, surtout des oiseaux, avec environ 180 espèces. Leurs chants et couleurs animent ce paysage aride. Les Aborigènes les nomment d’ailleurs selon leurs chants et les classent en fonction de leur habitat (zone rocheuse, spinifex, forêts ouvertes, bois de mulga, dunes de sable et plaines, et enfin les ruisseaux). Le parc abrite ainsi de nombreuses espèces communes, comme le diamant mandarin, mais également des espèces rares comme la magnifique perruche splendide. Nomades et migrateurs, ces oiseaux sont présents dans le parc au rythme des pluies et sont plus facilement observables le matin.

    Le parc national est également très riche en reptiles et amphibiens. Il s’agit même de l’unique zone semi-aride de cette taille abritant une telle biodiversité en Australie. Parmi les soixante espèces de lézards, se trouve le deuxième plus grand au monde, le varan gilleni qui peut atteindre 2,5 m de long ainsi que le très stupéfiant diable cornu. Treize espèces de serpents sont également identifiées dans le parc ; attention seules deux ne sont pas venimeuses. Quatre espèces de grenouilles peuplent également le site. Ces amphibiens ont su s’adapter au climat semi-aride. Elles vivent profondément enfouies dans le sable. Lorsque que les pluies abondantes s’infiltrent jusqu’à elles, les grenouilles comprennent que les points d’eau sont pleins et émergent en grand nombre !

    Les mammifères sont moins nombreux dans cette région, où l’observation des kangourous est possible, mais où prédominent les petits marsupiaux et les souris. Les dingos, canidés autochtones, y sont actifs principalement la nuit. Plus de la moitié des espèces de mammifères autochtones ont disparu dans cette zone du Territoire du Nord en quelques décennies. Le parc mène des programmes de réintroduction pour certaines espèces comme le Mala (wallaby-lièvre roux), ainsi que des initiatives de gestion pour protéger les espèces vulnérables, incluant des études annuelles et des brûlages pour créer des habitats adéquats.

    Le brûlis : une gestion traditionnelle des écosystèmes

    Les Aborigènes ont de tout temps recouru au brûlis qui consiste à incendier, de manière maîtrisée, des parcelles de petites tailles. Si l’utilisation du feu peut paraître incongru dans la gestion des écosystèmes, le brûlis offre des avantages dans ces régions semi-arides : il favorise la régénération et la croissance de la végétation. En chassant le gibier prédateur, il garantit également une nourriture abondante aux Aborigènes.

    C’est aussi et surtout un outil efficace de lutte contre les grands incendies. En brûlant la charge de combustible disponible, surtout à la fin de la saison sèche, le brûlis limite les risques de formations de mégafeux comme ceux qui ont ravagé l’Australie en 2019-2020. Cette pratique a été négligée par les gestionnaires européens du parc à partir des années 1930. Dans les années 1940, des pluies abondantes ont conduit à une forte croissance de la végétation dans le parc. Puis, dès 1950, alimentés par 20 ans de végétation, de nombreux incendies se sont succédés, jusqu’en 1976, où deux incendies ont brûlé 75% du futur parc national. Les gestionnaires du site ont alors pris conscience de la nécessité de recourir à la pratique du brûlis qu’ils pratiquent maintenant avec les propriétaires traditionnels.

    Le parc national d’Uluru-Kata Tjuta est donc un site aux origines géologiques et historiques profondément enracinées dans le temps, à la dualité culturelle marquée et à la biodiversité insoupçonnée mais fragile. Aujourd’hui, les Aborigènes et les autorités australiennes gèrent ce parc national de manière unique et remarquable, dans le respect de la nature et des coutumes ancestrales.

    RETENEZ


    • Le site d’Uluru Ayers Rock a été dénommé quatre fois depuis sa découverte par les colons britanniques.
    • Uluru tire sa couleur rouge de l’oxydation du fer contenu dans l’arkose qui le compose et sa forme particulière liée à l’érosion.
    • L’origine géologique très complexe du site fait encore l’objet de débat au sein de la communauté scientifique.
    • Ce lieu sacré pour les Aborigènes est labellisé deux fois par l’Unesco : comme bien culturel d’une part et comme bien naturel d’autre part.
    • La cogestion du parc national est un exemple de coopération au service de la culture et de l’environnement.

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    Everingham P, Peters A, Higgins-Desbiolles F. The (im)possibilities of doing tourism otherwise: The case of settler colonial Australia and the closure of the climb at Uluru. Annals of Tourism Research [En ligne]. 1 mai 2021 [cité le 14 févr 2024];88:103178. Disponible: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160738321000402
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    Guillaneau
    Guillaneau
    9 mois il y a

    C’est très instructif et bien documenté. Merci !

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