La Terre. L’être humain foule son sol depuis des milliers d’années. Est-elle pour autant connue dans son entièreté ? Elle reste, encore aujourd’hui, l’objet de nombreuses expérimentations et de foisonnantes recherches. Qu’en est-il, par exemple, de cette question : quel est le poids de la Terre ? Surtout, comment les scientifiques ont-ils fait pour l’estimer ? Qui a réussi à calculer sa masse et comment s’y est-il pris ? Notre planète est-elle plus lourde de nos jours ? Partons à la découverte de l’estimation de la masse de la Terre, sans laisser de place à la demi-mesure.
Poids de la Terre : une première estimation faite au XVIIIe siècle
En 1798, plusieurs scientifiques du monde entier se sont interrogés sur un sujet qui fit alors débat : la densité moyenne de la Terre. Parmi eux se trouvait Henry Cavendish, physicien britannique qui a conduit de nombreuses recherches dans les différentes sciences physiques de son époque.
C’est au cours des expériences qu’il mena pour évaluer la densité de la Terre, que Henry Cavendish parvint à déterminer la masse de celle-ci. Mais avant d’établir ce constat, il lui fallut calculer différentes valeurs, dont une absolument essentielle : la constante universelle de la gravitation, nommée G.
Cette constante apparut pour la première fois en 1687, dans la loi d’Isaac Newton sur la gravitation universelle, mais Cavendish fut le premier à la mesurer. Au cours de ses recherches, il conçut en effet un dispositif appelé « balance de torsion » pour mesurer la force gravitationnelle entre deux corps.
Cet objet, composé de deux boules de plomb suspendues aux extrémités opposées d’une barre horizontale, créait ainsi une balance. Deux boules plus petites furent placées près des plus grandes, générant ainsi une attraction gravitationnelle entre elles. En mesurant le très faible mouvement de la balance dû à cette attraction, Cavendish put calculer la force de gravité entre les boules. Il en déduisit une valeur : la valeur de la constante gravitationnelle, qui, pour l’époque, fut obtenue avec une grande précision.
Une fois cette valeur acquise, il fut nécessaire, pour calculer la masse de la Terre, d’en connaître deux autres, à savoir g, c’est-à-dire l’accélération de la pesanteur et R, le rayon de la Terre.
Concernant la première valeur, il s’agit de l’accélération que subit un objet lorsqu’il est soumis à la force d’attraction de la Terre, par exemple lorsqu’on le lâche et qu’il chute. Cette valeur (g) a été découverte au XVIIe siècle grâce aux mesures effectuées sur un pendule. Elle a été établie à 9,81m/s2.
Enfin, le rayon de la Terre quant à lui, était connu depuis Ératosthène (IIIe siècle avant J-C.) : sa valeur est approximativement de 6 400 km.
Ayant connaissance de ces différentes mesures, Henry Cavendish parvint finalement à établir la masse de la Terre, comme suit : MT = gRT2 / G.
Une masse conséquente, qui évolue relativement peu
Mais alors, combien pèse la Terre ?
Le résultat obtenu par Henry Cavendish en 1798 fut le suivant : 5,980 x 1024 kilogrammes. Autrement dit, pas loin de 6 000 milliards de milliards de tonnes, ou encore 6 septillions de kg, soit 6 suivi de 24 zéros.
Un nombre peu évocateur : à quoi peut-il être comparé ?
Prenons un exemple. En considérant la masse totale de la Terre, imaginons que nous devions en prélever 1 000 tonnes chaque seconde : il faudrait alors 190 milliards d’années pour épuiser l’entièreté de cette masse colossale.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Henry Cavendish n’était pas loin de la vérité. Et ce, malgré les défaillances possibles des moyens de mesure de son époque.
Aujourd’hui, des institutions telles que la NASA ont perfectionné ces techniques. Elles utilisent des technologies spatiales avancées pour affiner nos connaissances sur le poids de la Terre. Par exemple, le satellite GRACE (pour Gravity Recovery And Climate Experiment), qui mesure les variations de la gravité terrestre de manière très précise, a permis d’estimer la masse de la planète bleue à environ 5,972 x 1024 kg.
Une autre technique de pesée a été testée entre 2011 et 2012. Elle consistait à utiliser un satellite nommé IceCube, un détecteur de neutrinos. Les neutrinos sont des particules élémentaires, qui proviennent de la fusion nucléaire des étoiles et qui n’ont quasiment aucune masse. Ils sont donc particulièrement difficiles à repérer et à mesurer. Ces particules sont tellement petites qu’elles peuvent traverser des atomes. En traversant un objet compact tel que la Terre, ces neutrinos peuvent créer une collision et modifier sensiblement la masse de la planète. IceCube a donc calculé combien de neutrinos sont arrivés sur Terre en un laps de temps donné. Grâce à l’analyse faite par le satellite IceCube, les scientifiques ont pu évaluer la masse de la Terre. Ils l’estiment à 6,0 x 1024 kg, la même donnée estimée quelques siècles auparavant par Henry Cavendish. Ces mêmes techniques ont d’ailleurs pu établir que le noyau de la Terre pesait à lui seul presque la moitié du poids total de notre planète, 45 % pour être précis.
Grâce aux satellites, les scientifiques ont pu évaluer précisément la masse de la Terre. Ils l’estiment à 6,0 x 1024 kg, une donnée quasiment identique à celle estimée quelques siècles auparavant par Henry Cavendish.
La Terre : perte ou prise de masse ?
Les scientifiques ont également pu remarquer que la masse de la Terre évolue. De façon minime certes, mais force est de constater qu’elle ne garde pas le même poids au fil de son histoire. De fait, la Terre grossit-elle au fil du temps, ou bien s’amincit-elle ? Intuitivement, il serait aisé de penser qu’elle prend du poids, compte tenu notamment de l’accroissement de la technosphère (l’ensemble des constructions humaines).
Mais qu’en est-il vraiment ?
En premier lieu, il y a, effectivement, un gain de masse.
Écartons cependant une idée reçue : les constructions humaines, l’augmentation de la population ne font pas augmenter la masse de la Terre, contrairement à ce que l’on pourrait penser : les humains comme la technosphère sont issus d’une matière déjà existante sur Terre.
Alors, d’où vient cette augmentation de la masse et est-elle conséquente ?
En raison des milliers de débris interplanétaires et météorites qui frappent chaque année la Terre, cette dernière acquiert près de 40 000 tonnes de « poussières » venues de l’espace, auxquelles s’ajoutent les quelques 160 tonnes que procure la thermodynamique (les mouvements de chaleur, amplifiés par le réchauffement climatique, en raison desquels la planète emmagasine plus d’énergie qu’elle n’en restitue).
En second lieu, il y a également une perte de poids, à laquelle les scientifiques y voient deux causes.
D’une part, l’activité du noyau terrestre, qui consomme de l’énergie, participe à la fuite dans l’espace de 16 tonnes chaque année. D’autre part, les atomes d’hydrogène et d’hélium, particulièrement légers, ne peuvent être contenus sur Terre. Chaque année, près de 97 000 tonnes de ces atomes (précisément 95 000 d’hydrogène et 1 600 d’hélium) s’échappent dans le cosmos.
Par conséquent, la planète bleue s’amincit avec le temps. Elle perd en effet plus de poids qu’elle n’en gagne : un déficit d’environ 55 000 tonnes par an, ce qui reste infime comparé à sa masse globale.
Henry Cavendish, sans pouvoir être véritablement certain du résultat, est parvenu, il y a de cela plus de deux siècles, à estimer la masse de la Terre. Les techniques avancées de notre époque lui ont donné raison. Notre Terre fait son poids : pas loin de 6 x 1024 kg, soit 6 suivi de 24 zéros ! Une masse qui ne reste pas statique, mais qui semble évoluer vers un déficit, au fil de son histoire. Cela dit, l’être humain n’a pas de quoi s’inquiéter : avec une perte aussi minime, son habitat ne risque pas de disparaître… en tout cas, pas de ce fait là.