Unique satellite naturel permanent de la Terre, l’origine de la Lune est une question passionnante lorsqu’on s’intéresse à la formation de l’Univers. Cet astre fait partie de notre quotidien. Il est pour beaucoup d’entre nous un corps céleste à part entière avec sa propre histoire, bien loin de notre Planète Bleue. Pourtant, la Lune est un fragment de la Terre, selon l’hypothèse de l’impact géant émise en 1970 par l’américain William K. Hartmann. L’étude de la composition des roches lunaires à la suite de la conquête de la Lune a ouvert de nouveaux scénarios de collisions. Quelle que soit l’hypothèse imaginée, la Lune est un objet céleste indispensable à la vie terrestre.
La théorie de la collision géante : l’hypothèse de départ
Depuis les années 70, la théorie dominante des astronomes pour expliquer la formation de la Lune est celle de l’impact géant. Selon cette théorie, un gros impacteur serait venu s’écraser sur la Terre il y a environ 4 milliards d’années, quelque temps après sa formation. Il s’agirait d’une petite planète de la taille de Mars, d’environ 6 500 km de diamètre, soit à peu près la moitié de la taille de la Terre. Les chercheurs l’ont baptisé Théia en souvenir de la divinité grecque du même nom, mère d’Hélios – le Soleil – et de Séléné – la Lune.
L’impact aurait arraché une partie du manteau terrestre et conduit à la fragmentation complète de Théia. Le corps céleste se serait entièrement vaporisé pour donner naissance à un nuage de gaz et de débris, enrichi de matériaux arrachés à la Terre. Les roches vaporisées se seraient ensuite condensées en orbite autour de la Terre, avant de former par accrétion un corps solide : la Lune.
D’après ce scénario, la composition chimique de la Lune devrait légèrement différer de celle de la Terre, car la majorité des roches de notre satellite provenait du matériau initial de Théia. Ainsi, la Lune serait composée à 80 % de Théia et à 20 % de matériel arraché à la Terre.
Or, on sait que la Lune et la Terre possèdent des propriétés chimiques identiques. Ce qui met à mal l’hypothèse de l’impact géant.
L’analyse des roches lunaires : preuve que la Lune est un fragment de la Terre
Dans le cadre de la mission Apollo 15 en 1971, les astronautes de la NASA James Irwin et David Scott ont rapporté des échantillons du sol lunaire sur Terre. Leurs analyses ont révolutionné les sciences planétaires. Elles ont notamment permis de déterminer la composition minéralogique de la Lune et son mode de formation.
Sans le savoir, ils ont également rapporté la plus célèbre de toutes les roches collectées sur la Lune : “Genesis Rock”, un bloc rocheux de 270 grammes. L’analyse de cette pierre indique un âge d’environ 4,1 milliards d’années, ce qui correspond au début de la formation du Système Solaire. La Lune s’est donc formée peu de temps après la formation de la Terre. D’autres expéditions ont également permis de rapporter des échantillons de poussières et d’étudier plus en détail la nature minéralogique de la surface lunaire.
Les analyses des roches lunaires effectuées depuis les années 1970 jusqu’à nos jours prouvent que les compositions chimiques de la Terre et de la Lune sont assez proches :
- Le fer représente 30 % de la masse de la Terre contre seulement 10 % de celle de notre satellite. Lors de la collision, la plupart du fer de la Terre s’était déjà rassemblé dans son noyau.
- La Terre est aussi plus riche en éléments volatils comme le potassium et l’eau. En effet, la Lune a perdu ces éléments lors de la phase de condensation des matériaux à la suite de l’impact du géocroiseur.
- Les compositions des manteaux de la Terre et de la Lune sont identiques au niveau de certains isotopes comme l’oxygène, le chrome, le titane, le tungstène et le silicium. Seule une faible partie des météorites est constituée d’autant de titane. De même, le niveau identique en oxygène indique une origine commune.
Face à ces similitudes inattendues de composition chimique, les chercheurs ont déduit que la très grande majorité de la Lune est faite de matériaux issus du manteau de la Terre. La théorie de Théia n’est donc pas totalement satisfaisante pour expliquer la formation de la Lune.
L’analyse des roches lunaires a remis en question le modèle selon lequel la Lune est formée principalement par des matériaux issus de Théia. D’autre part, les similitudes dans la composition des manteaux de la Terre et de la Lune valident la théorie de la collision. Selon des chercheurs de l’université de Yale, ce sont les conditions initiales de la collision géante qui seraient erronées.
NÉE DE LA COLLISION AVEC L’IMPACTEUR THÉIA, LA LUNE A UNE COMPOSITION MINÉRALOGIQUE QUASI IDENTIQUE À CELLE DE NOTRE PLANÈTE
De nouvelles hypothèses pour l’impact géant
Des roches fondues arrachées du manteau terrestre
Les chercheurs considèrent de nouvelles découvertes qui viennent compléter la théorie de l’impact géant. Natsuki Hosono, de l’institut de recherche RIKEN au Japon et Shun-ichiro Karato, de l’université de Yale ont formulé de nouvelles hypothèses.
D’après eux, lorsque Théia – objet impactant solide – est entré en contact avec la proto-Terre, celle-ci était encore couverte d’un océan de magma chaud. Il y a des millions d’années, après la formation du soleil, c’était le cas pour la plupart des planètes telluriques tout juste formées.
Sous l’effet de l’impact, la température du magma terrestre aurait fortement augmenté, bien plus que la surface solide de Théia. Les roches terrestres en fusion auraient alors été propulsées dans l’espace, elles se seraient agglomérées avec le temps avant de se refroidir pour former la Lune. Notre astre se serait donc formé à partir du magma de la Terre primitive.
Selon ce modèle, 80 % de la Lune provient de matériaux terrestres et non pas de l’impacteur Théia, ce qui diffère considérablement de l’hypothèse de départ.
La taille de l’impacteur Théia
Théia a laissé une empreinte chimique dans la Terre, plus ou moins importante selon sa taille. Une équipe de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP) et de l’École polytechnique fédérale de Lausanne a effectué plus de deux millions de simulations. Ces chercheurs ont voulu déterminer celle qui reproduirait au mieux le manteau terrestre. Ils ont fait varier la masse de Théia, mais aussi le degré de fusion de la Terre ou encore la profondeur de pénétration de l’impacteur dans le manteau terrestre.
Pour cela, les scientifiques ont envisagé deux scénarios opposés afin d’expliquer la formation de la Lune :
- La fusion de deux demi-Terres. Des astres de même taille seraient entrés en collision, formant un disque de débris mixtes qui seraient à l’origine du système Terre-Lune. Les astres résultant de cette fusion seraient donc de même nature.
- Le choc avec un petit projectile. Au contraire, avec cette hypothèse la masse de Théia ne représenterait qu’une petite partie de celle de la Terre et aurait heurté notre planète à très grande vitesse.
Cependant, le premier scénario comporte encore quelques inexactitudes. Un impacteur légèrement plus lourd que Mars engendre à chaque simulation un manteau terrestre trop enrichi en métaux comme le nickel ou le cobalt. La taille attribuée à Théia dans l’hypothèse initiale de l’impact géant apparaît donc en contradiction avec les similarités chimiques des roches lunaires et terrestres.
La Lune se serait donc formée à la suite d’une collision avec un impacteur plus petit que Mars. Selon cette hypothèse, le manteau de la Lune est tel que nous le connaissons aujourd’hui, chimiquement identique à celui de la Terre.
Depuis sa naissance, la Lune aurait joué un rôle déterminant dans l’évolution de la vie sur Terre. Sans la formation de la Lune, la vie n’aurait pas existé sur notre planète, ou du moins pas sous la forme que nous lui connaissons actuellement. En effet, l’impacteur qui a créé la Lune pourrait être celui qui a apporté des composés chimiques essentiels à la vie sur Terre.