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    Épisodes méditerranéens et réchauffement climatique : vers une intensification ?

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    Après les violentes intempéries et inondations du 03 octobre 2020 en Méditerranée, dont le bilan humain reste toujours incertain, plusieurs interrogations se posent sur la fréquence et l’intensité de ces catastrophes naturelles dans le bassin méditerranéen. Une zone particulièrement vulnérable aux inondations. Chaque année, à l’automne, le sud de la France est régulièrement touché par des «  épisodes méditerranéens » meurtriers et destructeurs. Selon le Groupe Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC), en charge d’étudier les effets du réchauffement climatique planétaire, ces événements météorologiques extrêmes pourraient devenir plus fréquents ou plus intenses le long de l’arc méditerranéen, en raison du réchauffement de l’atmosphère et de la mer Méditerranée. D’autres facteurs aggravants expliquent la vulnérabilité de cette région. Pourquoi les intempéries sont si dévastatrices et meurtrières dans le bassin méditerranéen ? Pourquoi la région est aussi vulnérable aux inondations ? Comment vont évoluer les « épisodes méditerranéens » dans le contexte du réchauffement climatique ? Éléments de réponses en 3 questions.

    Qu’est-ce qu’un « épisode méditerranéen » ?

    Le 03 octobre 2020, les villages de l’arrière-pays niçois et le nord de l’Italie ont connu des pluies torrentielles intenses, entrainant des inondations meurtrières et particulièrement dévastatrices. Un phénomène météorologique connu sous le nom d’ « épisode méditerranéen ». 

    Chaque année, à la fin de l’été, la rencontre de masses d’air chaud et humide – issues de l’évaporation de la Méditerranée – entre en conflit avec l’air froid de l’arrière-pays méditerranéen, ce qui crée une instabilité atmosphérique. Ces conflits de masses d’air provoquent souvent de violents orages, accompagnés de pluies diluviennes qui se déversent sur les reliefs. Des orages souvent stationnaires : il pleut au même endroit pendant plusieurs heures. On parle d’« épisode méditerranéen » à proprement parler quand les pluies sont supérieures à 150 millimètres sur 24 heures.

    Le niveau des cours d’eau monte rapidement et des « crues éclairs » dévalent les bassins versants provoquant des inondations dévastatrices. Météo-France vous explique plus précisément la formation et la particularité des épisodes méditerranéens en vidéo. Retrouvez les épisodes méditerranéens les plus violents et les inondations les plus meurtrières en Méditerranée dans cet article de Météo-France.

    Les épisodes méditerranéens : explications
    Crédit vidéo : Météo-France

    La tempête Alex, classée comme l’une des plus fortes qu’ait connu la France, est à l’origine de l’épisode méditerranéen extrême du 02 octobre 2020 dans le sud-est de la France. Par exemple, il est tombé 500,2 mm de pluie en 24 heures sur le secteur de Saint-Martin-Vésubie dans les Alpes-Maritimes, le département le plus impacté. L’un des records dans les archives météorologiques. « Ce sont des intensités de pluie qui ne se produisent normalement qu’une fois par siècle. […] Si l’on remonte dans l’histoire, nous avons déjà enregistré deux épisodes avec plus de 500 mm : 687 mm à Anduze (Gard) en 2002, entraînant 22 morts, et 622 mm à Lézignan (Aude), en 1999, avec 35 victimes. » précise Véronique Ducrocq, météorologue à Météo-France.

    Les épisodes méditerranéens sont-ils plus fréquents et intenses en raison du réchauffement climatique ?

    Une intensification des pluies extrêmes

    L’étude des événements météorologiques historiques permet de conclure que les régions méditerranéennes ont connu une intensification des fortes précipitations d’environ 20% en plus de 50 ans (période comprise entre 1961 et 2015), particulièrement dans les Cévennes (épisodes dits de type « cévenols ») où les cumuls d’eau sont les plus importants, argumente Météo-France. La fréquence d’épisodes méditerranéens intenses – plus de 200 millimètres d’eau en 24 heures – a été multipliée par plus de deux sur cette même période. 

    Des épisodes méditerranéens encore plus intenses à l’avenir

    Les études scientifiques de ces dernières années et leurs modèles climatiques régionaux s’accordent à dire que les pluies extrêmes devraient être significativement plus intenses dans le bassin méditerranéen en raison du réchauffement climatique. « Dans le sud de la France  – notamment dans le bassin du Rhône […] l’augmentation du volume de ces pluies intenses pourrait dépasser 20% à l’horizon 2100 » conclue Yves Tremblay, hydrologue à l’IRD, dans son article publié en 2018, dans la revue spécialisée Climatic Change.  

    Et pour cause, sous l’effet de la hausse de la température de l’air et du réchauffement de la mer Méditerranée, l’atmosphère peut contenir plus de vapeur d’eau, qui se condense et produit parfois des pluies diluviennes. Tandis que l’hiver 2019-2020 a été le plus chaud mesuré depuis le début des relevés, la température de l’air au niveau planétaire pourrait augmenter de plus de 5°C d’ici la fin du siècle, dans le pire des scenarios du GIEC, et le bassin méditerranéen sera sûrement la région la plus impactée par la réchauffement climatique. Les inondations associées à ces pluies diluviennes seront plus que jamais dévastatrices. Yves Tremblay enfonce le clou « Ces précipitations extrêmes pourraient induire des inondations plus graves et ainsi occasionner d’importants dégâts humains et économiques. »

    Les projections climatiques en Méditerranée semblent confirmer une intensification des précipitations intenses sur la partie nord du bassin méditerranéen.

    Les prévisionnistes restent pourtant prudents et tempèrent. Tandis que les jours de précipitations devraient devenir moins nombreux, les jours de pluies seront quant à eux plus intenses. Autrement dit, les épisodes méditerranéens ne seront pas nécessairement plus fréquents mais devraient être plus intenses. « Nous verrons des phénomènes très brutaux mais plus rares. » tempère Magali Reghezza-Zitt, géographe spécialisée dans la gestion des risques à l’École normale supérieure (ENS).

    Pourquoi la région méditerranéenne est particulièrement vulnérable aux inondations ?

    Un arrière-pays au relief encaissé

    Le relief de l’arrière-pays méditerranéen est l’un des facteurs aggravants de la vulnérabilité de la population. En effet, le paysage méditerranéen est caractérisé par de petits vallées encaissées avec des pentes abruptes débouchant sur la plaine littorale. A la suite de fortes précipitations, les petits cours d’eau montent rapidement et se transforment en torrents dévastateurs. Le relief est en effet capable d’accélérer et concentrer les flots. Le « pic de crue », c’est-à-dire la hauteur d’eau maximale, est d’autant plus élevé et rapide que les cours d’eau sont encaissés et les précipitations intenses et durables. Les inondations du 03 octobre 2020 dans la vallée de la Vésubie, de la Tinée et de la Roya, dans les Alpes-Maritimes, l’ont tragiquement rappelé.

    Une forte densité de population située en zone inondable

    La région méditerranéenne doit également faire face à une vulnérabilité exacerbée par le densité de population. Sur les littoraux, la densité de population est beaucoup plus importante que dans le reste du pays. Elle amplifie les conséquences humaines des inondations. Dans une étude de 2016, l’INSEE précise que les habitants de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, sont particulièrement vulnérables aux inondations compte tenu de la forte densité de population et de l’importance des zones inondables. Tandis que la région héberge 20% de la population française, les zones inondables représentent 10% de la superficie régionale. La carte suivante montre que les zones densément peuplées sont souvent les zones qui sont les plus inondées.

    Zones inondable PACA
    Superposition des zones inondables avec la densité de population en 2016 pour la région Provence-Alpes-Côte -d’Azur. Source : Insee, Fidéli 2016 ; Dreal, AZI 2010 et périmètre de la crue du Rhône de 2003

    L’étude de l’INSEE apporte des précisions : « Parmi eux, 42 000 sont soumis à un niveau de risque élevé : plus d’une « chance » sur deux d’être touché en quarante ans. ». Avec 30% de la population vivant en zone inondable, les départements des Alpes-Maritimes et du Vaucluse sont les plus vulnérables de la région. Dans la ville de Nice, par exemple, 54% des habitants sont situés en zone inondable, soit plus de 200 000 personnes. Les touristes n’en sont pas moins vulnérables : en 2017, 111 000 d’entre eux pouvaient être accueillis dans des zones plus ou moins inondables, tout particulièrement dans les Hautes-Alpes et les Alpes-Maritimes. 

    Une pression urbaine et touristique

    La pression touristique des zones côtières accroît également la vulnérabilité de ces territoires. Elle a contribué à urbaniser massivement le littoral méditerranéen mais aussi l’arrière-pays. En effet, l’urbanisation imperméabilise les sols et empêche l’eau de s’infiltrer. L’eau ruisselle donc sur les terrains artificialisés et les inondations provoquent des dégâts plus importants. Un phénomène connu sous le nom de « ruissellement urbain ». Quand bien même les zones ne sont pas urbanisées, la sécheresse qui sévit régulièrement dans la région ralentit également l’absorption de l’eau. 

    La catastrophe de Trèbes dans l’Aude en 2018, qui a provoqué la mort de 14 personnes, celle de l’arrière-pays niçois en octobre 2020, ont clairement mis en évidence les problématiques d’aménagement du territoire de l’arc méditerranéen. Le relief et la météorologie spécifiques de ces territoires en font une zone propice aux précipitations et aux inondations induites. D’autres facteurs aggravants comme le ruissellement urbain, la forte densité de population et l’urbanisation des zones inondables augmentent l’exposition des populations les rendant particulièrement vulnérables. Dans le sud-est de la France, la hausse des températures de l’air et de la mer Méditerranée, la sécheresse qui s’installe durablement dans le cadre du réchauffement climatique, devraient amplifier l’intensité des épisodes méditerranéens.

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