Un volcan peut-il forcément tuer sans être en éruption ? Quel est le lien entre un volcan et une coulée de boue dévastatrice ? Si les éruptions fascinent autant qu’elles font peur, un autre phénomène naturel lié à l’activité volcanique terrestre doit être pris en compte dans la prévention des risques volcaniques : les lahars. Pourquoi ces aléas naturels sont-ils aussi dangereux pour les sociétés humaines ?
Le lahar : une coulée de cendres et de roches volcaniques destructrice
Nom masculin d’origine indonésienne, le lahar désigne des coulées torrentielles boueuses, composées d’eau et de matériaux solides de diverses tailles. Un lahar peut se produire pendant une éruption, ou en dehors d’une phase d’activité volcanique (phase post-éruptive). Son origine peut être multiple. En effet, l’eau à l’origine de la formation des lahars, peut provenir du volcan en éruption, des rebords d’un lac de cratère qui se sont rompus, de l’eau de pluie ou de la fonte de la neige ou de la glace.
Le lahar suit ensuite l’inclinaison du terrain et entraîne avec lui tous types de fragments volcaniques expulsés par le volcan, tout particulièrement des cendres et des blocs volcaniques. Les lahars empruntent donc le lit des rivières et les zones de dépressions. Ils peuvent s’écouler à des vitesses pouvant atteindre des dizaines de km/h pour les plus rapides d’entre eux. Les lahars se produisent à proximité des volcans explosifs – c’est-à-dire ceux qui émettent de la cendre – et préférentiellement en milieu intertropical car les pluies y sont abondantes.
Par ailleurs, un lahar peut se déclencher plusieurs années après une éruption, à condition que les pentes du volcan soient recouvertes d’assez de cendres et que les eaux de pluie tombent en quantité suffisante.
Pourquoi ce phénomène naturel est-il si dangereux ?
Un lahar représente un risque majeur pour les populations et les infrastructures. En effet, si sa force est suffisamment puissante, il peut emporter dans son sillage des personnes, des routes, des ponts ou encore des bâtiments. Ce sont souvent des lahars qui sont responsables des plus grandes catastrophes volcaniques.
A titre d’exemple, aux Philippines, les lahars du mont Pinatubo se produisirent pendant près de 10 ans suite à l’éruption de 1991, tant le volume de matériel volcanique déposé par le volcan était abondant. Au total, des centaines de milliers de familles ont été affectées, dont plus de 40 000 individus durent être relogés (Gaillard et al., 1998). Le matin du 1er octobre 1995, suite au passage du typhon Mameng, des lahars de plus de 6 mètres de hauteur se sont formés sur les pentes du Pinatubo. Ils ont enseveli la ville de Bacolor située à une trentaine de kilomètres au sud-est du volcan, tuant des centaines de personnes. Les matériaux mobilisés par les lahars ont élevé la ville à son niveau actuel d’environ 37 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Les lahars dans la culture indonésienne : entre subsistance et spiritualité
Les populations indonésiennes entretiennent une synergie avec les volcans. En 2004, sur les pentes du volcan Merapi en Indonésie, une procession religieuse informelle réclamait le retour des lahars qui s’étaient raréfiés depuis quelques saisons. Ceux-ci revêtent une importance particulière pour les cultures locales et leurs assurent un moyen de subsistance. En effet, les lahars représentent une ressource minérale très riche en sable et blocs volcaniques, utile pour la construction des bâtiments et assurent la fertilité des terres agricoles environnantes (culture du riz notamment).
La dimension spirituelle des volcans et des lahars est très ancrée dans la culture indonésienne. Chaque année, une procession officielle est donnée en l’honneur des lahars. Le labuhan ndalem est encadré par la cour du sultan de Yogyakarta. La procession est dirigée par une personnalité chamanique appelée juru kunci afin de garantir la pérennité des bonnes relations entre les hommes et l’esprit protecteur du volcan.
Les lahars sont des écoulements boueux composés de matériaux et d’eau. ILS présentent un risque accru pour les populations qui vivent à proximité des volcans explosifs.
Les risques de lahars
L’exemple de la gestion des risques de lahars en Indonésie
Les lahars constituent à la fois une source de bienfaits mais également un danger pour les communautés locales car ils sont fréquents et difficilement prévisibles. La population doit donc se protéger du risque naturel que représentent les lahars.
A titre d’exemple, en Indonésie, les autorités locales ont mis en place une politique de prévention pour protéger les populations installées à proximité des volcans actifs. Il s’agit notamment de sensibiliser et préparer les individus à la survenue de lahars dévastateurs afin de réduire leur vulnérabilité. In fine, le but est de développer la résilience des communautés locales, c’est-à-dire leur permettre de continuer à vivre à proximité du volcan malgré la menace volcanique qui pèse sur eux, tout en continuant à profiter de ses bienfaits.
Le schéma suivant montre comment les scientifiques estiment les risques de lahars sur les pentes du volcan Merapi en Indonésie, selon la nature du terrain étudié et la répartition des populations locales. Les populations les plus menacées par les lahars sont celles qui résident dans les fonds de vallées, à proximité des cours d’eau, ou dans les zones de dépressions naturelles. Les zones en rouge sur la carte sont les zones où la population est la plus vulnérable aux lahars, compte tenu de la topographie, de la densité de population (dense habitat urbain), et d’infrastructures humaines stratégiques (zone d’enjeux élevés).
Le cas de l’arc antillais
En France, une base de données (French Antilles Historical Lahar, BDfahl) a été constituée afin de surveiller une zone à risque : les Antilles. En effet, l’arc antillais compte 22 volcans actifs. La constitution de cette base de données est donc une nécessité dans la prévention des risques volcaniques. Il s’agit avant tout d’une démarche historienne puisqu’elle recense tous les épisodes de lahars depuis le début de l’ère chrétienne jusqu’à aujourd’hui à partir de descriptions visuelles ou d’analyse des dépôts volcaniques. L’objectif principal est de pouvoir anticiper ou localiser la survenue probable des lahars. Certains lahars firent même avancer le trait de côte de certaines îles, comme ce fut le cas en Martinique suite à l’éruption de la Montagne Pelée en 1902. En effet, les matériaux volcaniques charriés par les lahars ont agrandi la superficie de l’île.