L’île de Pâques, également appelée Rapa Nui, signifie dans la langue autochtone, « le nombril du monde ». En effet, cette étendue de terre mystérieuse de 164 km², à mi-chemin entre le Chili et la Polynésie française, fascine le monde entier. Connue pour ses célèbres statues Moaïs, l’île de Pâques classée aujourd’hui au patrimoine mondial de l’UNESCO, a connu un bouleversement environnemental sans précédent. Zoom sur l’île de Pâques, l’un des territoires les plus isolés au monde.
Île de Pâques : histoire volcanologique du site
Cette île, de forme triangulaire, est située au sud de l’océan Pacifique, à 4 200 km de Tahiti et à 3 500 km du Chili. D’origine volcanique, Rapa Nui est le résultat d’une activité éruptive de 3 volcans désormais éteints qui ont émergé de l’océan Pacifique. À l’est, le mont Poike est apparu, il y a 3 millions d’années. Un million d’années plus tard, plus au sud-ouest, le volcan Rano Kau s’impose, reconnaissable à son cratère à fond plat de 1,5 km de large, occupé par de nombreux lacs. Ce dernier est le plus grand volcan de l’île, mais également le plus haut avec ses 511 mètres d’altitude. Sans son éruption, aucune jonction n’aurait été possible entre les deux premiers volcans. Sa lave a ainsi permis de souder les trois cratères en une seule île. Aujourd’hui, ses laves solidifiées couvrent 80 % du territoire. Une fois l’activité volcanique éteinte, la végétation s’est ensuite développée.
Les mystérieux Moaïs de l’Île de Pâques
Il est difficile de ne pas parler de l’île de Pâques sans évoquer ses célèbres et mystérieuses statues : les Moaïs. Sculptés dans les tufs volcaniques de la carrière du volcan Rano Raraku, presque 1 000 Moaïs auraient été érigés entre 1510 et 1645 par les premiers habitants de l’île (Hanau-Eepe) bien avant l’arrivée des côlons. Plus de 400 statues gisent encore aujourd’hui dans cette carrière.
Certains scientifiques affirment que les Moaïs servaient à indiquer les sources d’eau de l’île. D’autres encore avancent que leur construction favorisait la fertilité des sols, l’agriculture et par conséquent une production importante de nourriture. En effet, une étude poussée du terrain a montré qu’une ancienne culture de bananes, de taro et de patates douces existait. Composée de différents éléments tels que du calcium et du phosphore, la terre de la carrière Rano Raraku était la plus riche de l’île et a ainsi favorisé la croissance des végétaux. Une source d’eau douce mêlée à une extraction du tuf volcanique aurait permis de stimuler la croissance des plantes. Selon les scientifiques, il y aurait donc un lien étroit entre la richesse des terres, l’agriculture et l’édification des moaï.
Néanmoins, certains mystères demeurent toujours. À ce jour, aucun scientifique ne peut encore confirmer comment ces statues ont été transportées jusqu’au littoral.
Rapa Nui : une catastrophe écologique
Lorsque les premiers habitants polynésiens de l’île de Pâques ont colonisé cette terre entre les XIIème et XIIIème siècles, celle-ci était couverte de forêts qui ont disparu au cours du temps.
Il existe une hypothèse selon laquelle la population aurait coupé tous les arbres de l’île afin de construire et d’ériger les impressionnants Moaïs, si emblématiques de l’île de Pâques, en l’honneur de leurs clans. La colonisation des Hollandais en 1722, l’introduction de bétail et d’espèces invasives telles que les rats, l’agriculture et le confinement des autochtones dans des zones restreintes ont bouleversé l’environnement et son écosystème entre le XVIème et le XVIIIème siècle. Le palmier et les grands arbres ont disparu pour ne laisser la place qu’à quelques buissons.
Les avis des scientifiques diffèrent sur l’origine de ces bouleversements environnementaux. En 1992, les géographes et botanistes John Flenley et Paul Bahn élaborent une théorie. Après avoir étudié les pollens de la flore pascuane au cours des 37 000 dernières années, les scientifiques affirment que l’île de Pâques aurait subi une expansion démographique incontrôlée. Par conséquent, l’île a été surexploitée et la forêt a totalement disparu au cours du XVème siècle. Pour Grant McCall (1994) et Rosalind Hunter-Anderson (1998), tous les deux anthropologues, attribuent en grande partie la déforestation de l’île à une crise climatique (El Niño-Southern Oscillation). Par ailleurs, une importante sécheresse aurait pu jouer un rôle déterminant dans la déforestation et l’équilibre de la société insulaire.
En étudiant les 3 000 dernières années de l’histoire écologique de l’île de Pâques, les scientifiques ont démontré que la déforestation se serait faite de façon progressive.
Les statues Moaïs de Rapa Nui auraient été érigées par les premiers habitants de l’île de Pâques pour qu’ils s’assurent de bonnes récoltes.
Île de Pâques : un écosystème fragile et menacé
Réchauffement climatique
Comme sur les autres îles, les effets du changement climatique se font ressentir sur Rapa Nui. L’élévation du niveau de la mer et l’érosion des côtes à cause des submersions marines (suite aux tempêtes) transforment progressivement les zones littorales de l’île. De plus, Rapa Nui subit de nombreuses pénuries d’eau douce en raison de la réduction des précipitations et de l’assèchement progressif des sols. La flore native est malheureusement en danger d’extinction.
Biodiversité de l’île de Pâques
La flore et surtout la faune de l’île de Pâques sont très pauvres. Le territoire recense seulement 48 espèces végétales insulaires, dont 14 introduites par les Rapanuis (ethnie polynésienne). Les arbres visibles sur l’île aujourd’hui ont tous été introduits au cours du siècle dernier, car l’île de Pâques de la fin du XIXème siècle en était totalement dénuée. Pourtant, à l’arrivée des Polynésiens, la zone était couverte de forêts d’un cousin du cocotier du Chili (Jubaea chilensis) nommé Paschalococos disperta, une espèce endémique de l’île, aujourd’hui disparue. Les plantes envahissantes telles que le mélinis (Melinis minutiflora) pionnière et pyrophile ou le lantana (Lantana camara) impénétrable et épineux viennent dorénavant prendre la place des plantes natives ce qui a un impact sur le paysage et la biodiversité locale. Par ailleurs, la situation de la mer à proximité des côtés de Rapa Nui est préoccupante. En effet, la pêche illégale a en effet provoqué une forte diminution des espèces marines autochtones comme le thon rouge du sud ou la murène.
Zone maritime dorénavant protégée
Afin de protéger davantage cet espace menacé, le gouvernement chilien a organisé la création d’un sanctuaire marin de plus de 720 000 km² autour de l’île en 2017. Il est ainsi protégé de toute activité humaine menacée par l’introduction d’espèces invasives, la hausse du tourisme et la surpêche. En effet, les écosystèmes coralliens de l’île de Pâques possèdent des espèces de poissons uniques au monde tels que le poisson-papillon ou le poisson-ange. Ainsi, le mode de vie des Rapanuis est préservé en soutenant une pêche artisanale. La préservation et la restauration de la biodiversité si particulière de l’île de Pâques est aujourd’hui devenue essentielle. Cette sanctuarisation est d’autant plus intéressante qu’elle est à l’initiative des Pascuans, qui ont développé au fil de leur histoire une conscience écologique très forte.
Depuis 1995, le parc national de Rapa Nui, qui couvre environ 40% de la superficie de l’île, est protégé et inscrit au Patrimoine mondial de l’UNESCO. La communauté Rapanui veille précieusement sur les traces de ce patrimoine culturel et naturel et constitue localement un pouvoir parallèle aux autorités chiliennes. Fort heureusement, le parc national de Rapa Nui présente toujours un degré élevé d’authenticité. Reste à savoir combien de temps encore.