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    La Formation de l’Ambre : Chronique d’une Captivante Métamorphose

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    Les propriétés de l’ambre fascinent l’humanité depuis la Préhistoire. Véritable capsule temporelle, cette résine fossile renferme parfois des inclusions. Ces éléments emprisonnés se révèlent d’une valeur inestimable pour reconstituer l’histoire des écosystèmes disparus. Quels sont les processus à l’œuvre dans la formation de l’ambre ? Comment expliquer la présence d’organismes piégés parfaitement conservés ? Depuis des siècles, les « larmes des dieux » intriguent les scientifiques. Pour en percer les secrets, zoom sur l’ambre de la Baltique, le plus célèbre et le plus étudié.

    Quelle est l’origine de l’ambre ? 

    À l’état brut, l’ambre ressemble à de petites pierres inégales, de couleurs variées, mates à translucides, voire fluorescentes.

    Amas de nodules d'ambre de la Baltique brut.
    Ambre de la Baltique brut. Crédit photo : Lanzi, CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons

    La résine est une substance collante et aromatique sécrétée par certains arbres, principalement des conifères. Ces représentants du groupe des gymnospermes se caractérisent par des organes reproducteurs en forme de cône (pommes de pin) et des aiguilles persistantes. Les cèdres, mélèzes, ifs, cyprès, thuyas, pins et autres sapins en font partie. Attention à ne pas confondre la résine avec la sève dont elle se distingue par sa composition et un rôle différent.

    Les arbres fabriquent de la résine pour se protéger des blessures, des maladies, des champignons et des insectes xylophages. Elle est produite par des cellules spécialisées avant de circuler dans des petits tubes, appelés canaux résinifères situés dans le bois (xylème) et occasionnellement dans l’écorce (phloème).

    Vue au microscope de canaux résinifères de pin.
    Canaux résinifères de pin vus au microscope. Crédit photo : Bweil2, CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons

    Quand l’arbre est blessé, la résine s’écoule de ces canaux pour recouvrir et cicatriser la plaie. Exposée à l’air libre et au soleil, elle commence à durcir. Elle agit alors comme un pansement, formant une barrière physique et chimique contre les agresseurs : la sécrétion de résine est donc avant tout un mécanisme de défense.

    Comment se forme l’ambre ?

    La transformation graduelle de la résine en ambre est un processus long et complexe qui s’étend sur des millions d’années et suit plusieurs étapes. 

    1. Sécrétion de résine

    Le processus débute avec la sécrétion de résine fraîche. Essentiellement constituée de terpènes – les huiles volatiles qui donnent aux plantes leur odeur caractéristique –, cette oléorésine est instable et sujette aux changements.

    Écoulement de résine sur un tronc de conifère.
    Résine s’écoulant d’un tronc de résineux. Crédit photo : Kanechka via Pixabay

    2. Oxydation et déshydratation initiales

    Dès qu’elle est exposée à l’air, la résine s’oxyde et se déshydrate. Les terpènes les plus légers s’évaporent, ce qui entraîne un durcissement partiel de la substance.

    3. Enfouissement

    Pour entamer sa métamorphose, la résine doit être rapidement ensevelie dans des conditions anaérobies (sans oxygène). Cet enfouissement peut se produire de différentes manières :

    • La résine coule le long du tronc et se retrouve enterrée au pied de l’arbre, sous une couche d’humus.
    • Elle peut atterrir directement dans la boue ou le sable.

    Transportés par l’eau, des morceaux sont déposés au fond d’un lac ou d’une plaine alluviale puis recouverts par le limon.

    4. Polymérisation et durcissement

    Une fois enfouie, la résine entame un processus de polymérisation lent, mais régulier. Sous l’effet de la chaleur et des hautes pressions dues à l’accumulation de sédiments, elle poursuit sa solidification. Appelée diagenèse, cette évolution se déroule en plusieurs étapes :

    • L’évaporation des composés volatils restants se poursuit doucement.
    • Les molécules résiduelles se lient entre elles et forment progressivement un réseau tridimensionnel qui se densifie avec le temps : c’est la réticulation avancée. Les connexions moléculaires se multiplient et s’entremêlent, ce qui renforce la dureté et la stabilité de la matière.

    5. Maturation

    La formation de l’ambre résulte de la polymérisation complète de la résine. Après des millions d’années, la structure moléculaire se stabilise. Les réactions chimiques ralentissent considérablement, et la composition devient quasi inerte, c’est-à-dire qu’elle ne change presque plus.

    6. Processus géologiques ultérieurs

    Une fois formé, l’ambre peut encore subir divers bouleversements géologiques qui influencent sa répartition et son accessibilité :

    • Les mouvements tectoniques et l‘érosion exposent des gisements auparavant enfouis.
    • Les fluctuations du niveau marin découvrent et submergent les dépôts.
    • Les courants océaniques ou fluviaux déplacent et redistribuent certains morceaux vers de nouveaux sites.
    Taphonomie de l'ambre : de la sécrétion de résine à la formation de l'ambre.
    (A) Les insectes sont piégés par la résine. (B) La résine peut s’accumuler dans les fissures et poches internes du bois, ainsi que sous et entre l’écorce. (C) Lorsque la résine n’est pas contrainte, elle peut former des stalactites, des gouttes et des écoulements, et piéger des insectes et d’autres organismes. Dans des conditions subaériennes, les résines perdent des substances volatiles. (D) Des dépôts souterrains de résines se forment également, produits par les racines et par les parties aériennes de l’arbre, et s’accumulent sous forme de grandes masses au pied de l’arbre. (E) Dans la majorité des cas, on ne sait pas si la résine est transportée jusqu’au gisement dans lequel elle se fossilise avec l’arbre ou séparément. (F) Les résines tombent dans l’eau directement ou suite à l’érosion du sol. (G) Dépôt initial de la résine, généralement associé à des sédiments riches en matières organiques. (H) La diagenèse de la résine commence par l’enfouissement. (I) L’ambre est souvent déplacé et redistribué au cours du temps. Crédit schéma : Image reproduite avec l’aimable autorisation de Xavier MartínezDelcìos (Barcelone) sous licence Creative Commons.

    Où trouve-t-on de l’ambre ?

    Les gisements d’ambre sont disséminés dans le monde entier. La plupart se rencontrent dans les couches sédimentaires d’anciens lagons et deltas fluviaux.

    Des gisements sur tous les continents

    On connaît de grands dépôts dans le nord du Myanmar (~100 millions d’années), en République dominicaine et au Mexique (15-17 Ma). L’Inde et l’Indonésie recèlent de vastes gisements d’ambre du Tertiaire. Le Liban, le New Jersey et l’ouest du Canada possèdent des filons plus modestes datant du Crétacé.

    L’Europe n’est pas en reste avec des gisements en Roumanie, dans les Alpes, en Espagne (105 Ma), en Sicile et même en France (100 Ma), notamment dans l’Oise et en Charente. La source la plus généreuse repose dans les sédiments littoraux de la mer Baltique.

    La formation de l’ambre de la Baltique : genèse et caractéristiques

    « L’or du Nord » se démarque pour plusieurs raisons :

    • Son abondance : les anciennes forêts de conifères en auraient produit plus de 100 000 tonnes. C’est actuellement le plus grand gisement connu au monde.
    • Sa portée culturelle et économique : prisé dès le Paléolithique, valorisé pour sa beauté et ses propriétés supposées curatives depuis l’Antiquité, l’ambre est devenu la base d’importantes routes commerciales aux époques romaine et médiévale. La plus célèbre reliait la mer Baltique à la Méditerranée.
    • La diversité des organismes vivants retrouvés.

    La sécrétion de résine : une réponse adaptative aux bouleversements climatiques

    Pour comprendre l’origine de l’ambre balte, également appelé succin, nous devons remonter le temps jusqu’au Cénozoïque, il y a 65,5 millions d’années. Cette ère géologique se subdivise en trois périodes :

    • le Paléogène (65,5 à 23 Ma), lui-même découpé en Paléocène (65,5-56 Ma), Éocène (56-34 Ma) et Oligocène (34-23 Ma) ;
    • le Néogène (23 à 2,58 Ma) ;
    • le Quaternaire (débuté il y a 2,58 Ma).

    À l’Éocène (56-34 Ma), le paysage de l’Europe du Nord ne ressemble pas à celui d’aujourd’hui. Le climat chaud et humide favorise le développement de vastes forêts d’apparence subtropicale dominées par les conifères. Ces peuplements denses sont bordés de marécages et de clairières ouvertes.

    La formation de l’ambre jaune est intimement liée aux changements climatiques survenus entre la fin de l’Éocène et le début de l’Oligocène (34-23 Ma). Cette période est marquée par un refroidissement progressif et une intense activité volcanique. Les arbres sont confrontés à des températures plus fraîches et des conditions plus sèches. De plus, les émissions massives de cendres obstruent les stomates des feuilles. Or, ces orifices assurent les échanges gazeux entre la plante et l’atmosphère. En réponse à ce stress environnemental, les conifères augmentent leur production de résine.

    Dépôts et extraction d’ambre balte : de la mer aux mines

    Les gisements de succinite sont parmi les plus étudiés. Ils sont situés dans les régions côtières de la mer Baltique :

    • Russie, en particulier dans l’enclave de Kaliningrad d’où provient plus de 90 % de l’ambre mondial ;
    • Allemagne (ambre de Bitterfeld) ;
    • pays baltes : Estonie, Lituanie, Lettonie ;
    • Pologne ;
    • Ukraine (ambre de Rovno) ;
    • Danemark et Suède.
    Carte de répartition de l'ambre de la Baltique.
    Sources d’ambre de la Baltique. Crédit photo : carte bathymétrique de la mer Baltique Oona Räisänen CC BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons, adaptée par AM

    Aujourd’hui, l’industrie de l’ambre continue de jouer un rôle économique important dans des pays comme la Russie, la Pologne et la Lituanie. Il est largement utilisé dans la bijouterie, l’artisanat, mais également dans la fabrication de vernis ! La technique d’exploitation dépend de la nature du gisement :

    • Ramassage : rejeté par la mer, il est récolté sur les plages, surtout après les tempêtes, lorsque l’action des vagues détache des morceaux de la couche de « terre bleue » (glauconite) située à environ 25-40 mètres de profondeur.
    • Dragage : dans les zones côtières peu profondes.
    • Plongée.
    • Extraction souterraine ou à ciel ouvert : la majorité de l’ambre balte commercialisé de nos jours provient de la carrière de Iantarny, située dans l’enclave de Kaliningrad.

    La formation de l’ambre, de la résine fraîche à la matière inerte arrivée jusqu’à nous, résulte d’un lent, mais régulier processus de polymérisation sur des millions d’années.

    Gisement d'ambre balte de la mine de Iantarny, dans l'enclave de Kaliningrad.
    Mine d’ambre de la Baltique en 2014 (Iantarny, Kaliningrad). Crédit photo : PrinWest Handelsagentur J. Kossowski, CC BY 3.0, via Wikimedia Commons

    Des propriétés physico-chimiques singulières

    Les caractéristiques chimiques de l’ambre de la Baltique sont bien documentées et présentent plusieurs aspects distinctifs :

    • Il contient entre 3 % et 8 % d’acide succinique, ce qui le différencie des résines modernes de conifères et d’autres variétés d’ambre.
    • Avec une densité comprise entre 1,05 et 1,10, il flotte sur l’eau salée.
    • Sous la lumière UV, il émet une fluorescence qui révèle le fluage, c’est-à-dire les traces des écoulements successifs de résine.
    • Il se dissout dans certains solvants organiques (chloroforme, alcool) mais pas dans l’eau.
    • Son point de fusion, autour de 350-380 °C, est plus élevé que la plupart des autres ambres.
    • Il est inflammable et brûle en produisant une odeur aromatique.
    Morceau d'ambre enflammé.
    L’ambre, facilement inflammable, tire son nom allemand « Bernstein » du bas allemand « börnen » qui signifie « brûler ». Crédit photo : Rhetos CC0 1.0, via Wikimedia Commons
    • Propriétés électrostatiques : frotté, l’ambre se charge en électricité et attire les matières légères. Cette caractéristique observée dès l’Antiquité a conduit les Grecs anciens à le nommer elektron, à l’origine du mot « électricité ».

    En fonction de son âge et des conditions de dépôt, il peut être transparent, translucide ou opaque, sa couleur variant du jaune au noir, en passant par le rouge, le bleu, le blanc et même le vert.

    Comprendre la formation de l’ambre jaune : une origine végétale connue depuis l’Antiquité

    De nombreux scientifiques cherchent à déterminer l’espèce d’arbre productrice d’ambre et à décrypter les différentes étapes de sa formation.

    Antiquité : premières hypothèses sur les sources du succin

    L’origine botanique de l’ambre est attestée depuis l’Antiquité. Le philosophe grec Aristote (384-322 av. J.-C.) est l’un des premiers à l’évoquer. Dans son ouvrage Les Météorologiques (Livre IV), il suggère qu’il se forme par solidification. Cette théorie s’appuie sur la présence d’animaux piégés.

    Cette idée sera également soutenue par le naturaliste romain Pline l’Ancien (23-79 apr. J.-C.) dans son Histoire naturelle. Celui-ci ne cache pas son mépris pour les fables et légendes qui expliquent sa création (mythe de Phaéton, larmes d’Apollon, urine de lynx durcie…).

    Bien que les mécanismes exacts lui échappent, il pressent que des processus géologiques sont à l’œuvre. À partir de ses observations, il décrit l’ambre comme une résine de pin solidifiée au fil du temps sous l’effet du froid ou de l’eau de mer : (III.) […] Ce qui prouve qu’il provient du pin, c’est que frotté il exhale l’odeur de cet arbre, et qu’enflammé il brûle à la façon et avec l’odeur des torches résineuses. […] Ce qui prouve qu’il est d’abord à l’état liquide, c’est qu’on voit à l’intérieur, grâce à sa transparence, différents objets, tels que des fourmis, des moucherons, des lézards. […].

    Ces constatations, quoique rudimentaires, posent les premiers jalons de notre compréhension. Mais comment passe-t-on de l’intuition à la preuve scientifique ?

    XVIIIe-XIXe siècles : l’ambre jaune sous la loupe des naturalistes

    Au XVIIIe siècle, le développement de la microscopie optique et l’essor des sciences conduisent à un intérêt renouvelé pour l’ambre. Les cabinets d’histoire naturelle fleurissent. Les naturalistes Buffon (Œuvres complètes, vol. 2) et Linné (Systema Naturae,1735) confirment son origine végétale, mais l’associent, à tort, au pétrole. Dans son Discours sur la naissance des métaux par les tremblements de terre (1757), le savant russe Mikhaïl Lomonossov (1711-1765) réfute cette analogie et le relie à la résine d’arbres anciens. Le géologue Charles Lyell (1797-1875) confortera cette théorie.

    XIXe-XXIe siècles : vers l’identification des arbres producteurs

    En 1811, le naturaliste et géologue Ernst Friedrich Wrede, après l’examen minutieux de morceaux de bois fossilisés, suggère que la formation de l’ambre balte provient de la résine d’anciens conifères, probablement des pins. En 1890, le biologiste Wilhelm Hugo Conwentz regroupe ces arbres sous le terme générique de Pinus succinifera. À sa suite, le botaniste et paléontologue Heinrich Göppert (On Amber and the Organic Remains Found in It, 1846) et le savant Georg Karl Berendt réalisent des études pionnières sur les inclusions, établissant des liens entre espèces modernes et préhistoriques.

    Les méthodes d’analyse sophistiquées qui caractérisent le XXe siècle permettent aux chercheurs d’extraire un maximum d’informations des échantillons :

    • Les images en haute définition produites par la microscopie électronique à balayage (MEB) facilitent l’observation de l’ambre en surface et dévoilent les infimes détails des inclusions.
    • La chromatographie en phase gazeuse couplée à la spectrométrie de masse (GC-MS) est une technique puissante qui, en séparant et identifiant les composés chimiques, permet d’examiner les altérations et de comparer les divers types d’ambre. La spectroscopie infrarouge vient en complément. Ces procédés combinés révèlent que le succin diffère des résines d’arbres actuels et que sa formation s’est étendue sur une période trop longue pour être attribuée à une seule espèce de conifère.
    • Les analyses isotopiques qui étudient les variantes d’un même élément chimique (isotopes), en déterminent l’âge, la source et le processus de formation.
    • La spectroscopie RMN (Résonance Magnétique Nucléaire) représente une méthode d’analyse non destructive. En comparant les « signatures » des ambres avec celles de résines de plantes contemporaines, elle spécifie leur origine botanique. En discernant les types en fonction de leur âge géologique et de leur structure chimique, elle participe à l’authentification des échantillons. Elle favorise également la compréhension des processus de polymérisation et de dégradation.
    • Les résines fossiles et modernes de conifères examinées avec la spectroscopie infrarouge à transformée de Fourier (FTIR) ont démontré que des arbres apparentés aux Sciadopityaceae sont impliqués dans la production des ambres baltes. Le Pin parasol du Japon (Sciadopitys verticillata) est aujourd’hui l’unique représentant de cette famille.
    Pin parasol du Japon, unique représentant actuel de la famille des Sciadopytyaceae.
    Pin parasol du Japon (Sciadopitys verticillata), seul représentant moderne de la famille des Sciadopytyaceae. Crédit photo : Goonmirk CC BY 2.0 via Flickr

    Cette chronologie reflète l’évolution de la connaissance : chaque avancée technologique dévoile de nouvelles facettes de ce matériau fascinant tout en ouvrant d’autres pistes de recherche.

    Pourquoi peut-il y avoir des insectes dans l’ambre ?

    Pour répondre à cette « captivante » question, penchons-nous sur les inclusions.

    Le petit peuple de l’ambre : une mine d’or pour la paléontologie

    Des êtres vivants se retrouvent parfois englués dans la résine fraîche avant d’être totalement recouverts par les écoulements. Au cours de la solidification, les composants acides de celle-ci pénètrent leur corps et le déshydratent, créant les fameuses inclusions.

    Création d'une inclusion d'insecte résumée en 4 étapes.
    Processus de formation d’une inclusion d’insecte. Crédit photo : Dinosaurnot CC BY 4.0 via Wikimedia Commons

    Les micro-organismes (bactéries, protozoaires, champignons) et les arthropodes représentent les formes de vie les plus couramment observées, en particulier :

    • les insectes avec plus de 3 500 espèces allant des mouches et des moustiques aux fourmis, abeilles, guêpes parasitoïdes, sauterelles et coléoptères, etc. ;
    • les arachnides avec plus de 650 espèces d’araignées et d’acariens.
    Une fourmi, d'une espèce aujourd'hui disparue, piégée dans l'ambre de la Baltique.
    Spécimen mâle de Proceratium eocenicum, une espèce éteinte de fourmi, figé dans l’ambre balte. Éocène moyen. (Institut et musée géologiques et paléontologiques, Université de Hambourg Anciennement spécimen CGC nº 3306 ; Collection privée Carsten Gröhn). Crédit photo : Vincent Perrichot from www.AntWeb.org CC BY 4.0 via Wikimedia Commons

    Quoique plus rares, des parties de plantes (pollen, feuilles, fleurs, graines, écorce) et de petits vertébrés (lézards, grenouilles, plumes), mais aussi des bulles d’air et d’eau, sont également représentées.

    Les organismes présents dans l’ambre ne sont pas à proprement parler des « fossiles », mais plutôt des « momies ». En effet, la fossilisation est un processus de substitution de matière organique par des minéraux. Dans l’ambre, au contraire, les tissus mous sont préservés dans un état proche de l’original. Cette momification s’explique par la composition chimique de la résine et l’absence d’oxygène : elles protègent les inclusions de la putréfaction.

    Bien que l’ADN des individus incrustés soit trop dégradé pour envisager un clonage à la Jurassic Park, leur parfaite conservation permet un examen détaillé de leur anatomie.

    Un aperçu des écosystèmes et de la biodiversité de l’Éocène

    De nombreux genres et espèces de plantes et d’animaux aujourd’hui éteints ont été découverts et décrits grâce aux inclusions. Grâce à l’étude de feuilles, de fleurs et de graines incrustées, les scientifiques ont identifié une centaine de plantes à fleurs (angiospermes), dont la graminée Eograminis balticus, à présent disparue. La comparaison des individus piégés avec les taxons modernes (Cf. le gecko Yantarogekko balticus, daté d’environ 54 millions d’années) permet de comprendre l’évolution des espèces et certains changements morphologiques.

    Les organismes figés dans l’ambre témoignent des interactions entre espèces (prédation, parasitisme, communautés végétales, etc.) et des relations au sein d’une même espèce, comme l’accouplement chez les termites.

    Ils délivrent aussi des informations sur la diversité des écosystèmes, les conditions climatiques (températures, régimes des précipitations) et les bouleversements environnementaux qui caractérisent l’Éocène.

    Néanmoins, les inclusions ne reflètent pas de manière exhaustive la biodiversité de l’époque : certains groupes, comme les petits insectes volants, sont surreprésentés, tandis que d’autres, comme les vertébrés, sont minoritaires. Les chercheurs doivent tenir compte de ces biais dans leur interprétation des données.

    Préservation et étude des incrustations : défis et solutions

    L’ambre de la Baltique constitue une ressource scientifique d’une valeur inestimable pour la compréhension de l’histoire de la vie. Néanmoins, les scientifiques sont confrontés à plusieurs difficultés. En effet, l’extraction et la conservation des inclusions demeurent problématiques. On l’a vu, l’ambre est sensible à la lumière, à la température, à l’humidité relative, à l’oxygène, ainsi qu’à certains produits. Sa porosité le rend vulnérable aux contaminations liées aux manipulations et aux traitements de conservation. Tous ces éléments compliquent le dégagement des spécimens. Les techniques modernes, comme l’imagerie par tomographie aux rayons X (Synchrotron) et la dissolution contrôlée de la matière par des moyens chimiques, visent à concilier recherche d’informations et sauvegarde des collections.

    L’ambre de la Baltique est le fruit d’un long processus de transformation s’étendant sur des millions d’années. La résine d’anciens conifères, riche en terpènes, s’écoule en réponse à un stress. Elle piège parfois des organismes avant d’être enfouie sous des sédiments, à l’abri de l’oxygène. La chaleur et la pression entraînent alors une modification chimique durant laquelle les molécules de terpènes se polymérisent, solidifiant la résine. Grâce aux inclusions, les scientifiques d’hier et d’aujourd’hui parviennent à retracer les différentes étapes de cette fascinante métamorphose.

     

    RETENEZ


    • La formation de l’ambre est d’origine organique. C’est une résine « fossile ».
    • La sécrétion de résine est un mécanisme de défense provoqué par un stress.
    • La transformation de la résine en ambre implique des processus chimiques et géologiques complexes.
    • Des organismes englués dans la résine fraîche sont incrustés dans l’ambre, créant des inclusions.
    • L’ambre de la Baltique, qui provient de conifères d’Europe du Nord et date de l’Éocène (il y a 56 à 34 millions d’années), est le mieux connu.

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