Avec ses 5,5 millions de km², on entend souvent dire que l’Amazonie est le principal poumon de la planète. En effet, on a appris à l’école que les arbres sur Terre réalisent une réaction chimique appelée photosynthèse qui permet de transformer le dioxyde de carbone (CO2) en dioxygène (O2), un gaz que nous respirons tous les jours. Cela peut paraître surprenant mais la principale source d’oxygène provient des océans ! Cette fois, ce ne sont pas les arbres qui sont à l’œuvre mais bien des micro-organismes marins appelés phytoplanctons qui réalisent également le processus de la photosynthèse. Les phénomènes de regroupement de ces organismes dans les océans portent le nom d’efflorescences de phytoplanctons. Du fait de leur coloration et de leur étendue sur plusieurs centaines de kilomètres, il est actuellement possible de suivre ces phénomènes depuis l’espace grâce aux satellites d’observation de la Terre.
Qu’est-ce-que le phytoplancton ?
Le phytoplancton constitue l’ensemble des cyanobactéries et microalgues (végétaux microscopiques) présentes dans les eaux de surface et qui dérivent au gré des courants marins. La plupart de ces organismes sont invisibles à l’œil nu, à part quand ils se regroupent en amas. Cela produit alors de vastes étendues colorées visibles à la surface de l’eau : les efflorescences de phytoplanctons (ou bloom en anglais).
La couleur verte de l’eau est associée à la présence de pigments dans les cellules des phytoplanctons, telle que la chlorophylle. Notons que le phytoplancton produit plus de la moitié du dioxygène que nous respirons grâce à la photosynthèse. En effet, chaque cellule végétale a besoin de plusieurs éléments pour pouvoir se développer : l’eau, la lumière, les sels minéraux et le CO2.
Par ailleurs, le phytoplancton est un maillon fondamental des réseaux trophiques océaniques, c’est-à-dire à la base de la chaîne alimentaire des espèces animales aquatiques et des oiseaux marins. Cependant, certaines espèces de planctons peuvent s’avérer nocives pour la vie animale.
De plus, une part importante des phytoplanctons en fin de vie servira à couvrir des dépôts organiques au fond des océans. Ils serviront notamment à nourrir la vie abyssale et à plus long terme à la formation d’hydrocarbures.
Le phytoplancton est donc essentiel à la survie et la bonne cohésion des espèces marines. Toutefois, un envahissement de phytoplanctons dans les océans peut s’avérer nuisible pour la vie aquatique, et de manière plus générale à certains écosystèmes terrestres. En effet, les phytoplanctons appauvrissent les eaux en nutriments et sels minéraux, ce qui leur permet de se multiplier au détriment d’autres espèces marines.
Dans le cas extrême où le phytoplancton dominerait le milieu marin, la lumière n’atteindrait même plus les couches supérieures de l’océan. Toute autre forme de vie marine deviendrait alors impossible.
Les efflorescences de phytoplanctons : un phénomène visible depuis l’espace
L’image satellitaire ci-dessous a été enregistrée par le satellite d’observation de la Terre, Sentinel-3A (Agence Spatiale Européenne, ESA), le 17 janvier 2021, sur les côtes de l’Antarctique, au niveau de la langue de glace Drygalski (flèche rouge sur la carte de l’Antarctique).
La masse verte qui s’étale sur environ 200 km dans la mer de Ross correspond à une prolifération de phytoplanctons. Ce phénomène naturel a été révélé à nos yeux grâce à un traitement en fausses couleurs de l’image satellitaire. Sans ce travail, nous ne pourrions tout simplement pas observer ce phénomène à l’œil nu depuis l’espace.
Les satellites du programme Copernicus nous renseignent notamment sur les impacts anthropiques, qui peuvent nuire ou favoriser le développement des efflorescences de phytoplanctons dans les océans.
Dans la mer de Ross, les saisons sont marquées par une alternance de phases de gel et de fonte des glaces. Ces différentes phases créent des mouvements marins qui brassent l’eau de mer, ce qui permet de redistribuer du sel et des nutriments. Au cours du printemps et de l’été austral, l’afflux d’éléments nutritifs le long de l’Antarctique fait virer l’eau au vert, en raison de la prolifération massive de phytoplanctons qui viennent profiter de ce véritable garde-manger naturel.
A quoi sont dues les efflorescences de phytoplanctons dans les océans ?
Les phénomènes d’upwelling
La principale cause de formation d’efflorescences de phytoplanctons dans les océans du globe trouve son origine dans les phénomènes naturels de remontée d’eau, aussi appelés upwelling. L’upwelling est un phénomène océanographique qui prend naissance à proximité de certaines zones côtières du globe. Des vents longeant le littoral entraînent une remontée d’eau froide des fonds marins. Riche en nutriments, elle est favorable au développement de phytoplanctons le long des côtes.
Ce sont d’ailleurs dans ces zones que l’on retrouve la plupart des zones de pêche, puisque la plupart des espèces de poissons et crevettes sont attirées par le phytoplancton, comme par exemple, à proximité de la côte Ouest des États-Unis ou encore de l’Amérique du Sud. Des phénomènes d’upwelling saisonniers ont aussi lieu le long des côtes brésiliennes, dans le golfe du Mexique, près de l’Inde ou encore celles de la Nouvelle-Zélande.
La pollution favorise le développement du phytoplancton
L’agriculture intensive, les usines et le jardinage des particuliers rejettent dans les eaux de rivières des sels minéraux tels que les nitrates, le phosphore ou le potassium qui sont utiles à la croissance du phytoplancton. Cependant, en quantités trop importantes, ces sels minéraux qui se déversent dans les océans provoquent l’apparition de bloom le long des côtes.
L’un des meilleurs exemples est celui du Brésil qui pratique l’agriculture intensive depuis des années dans le bassin amazonien, ce qui entraîne un important drainage de nitrates dans l’Amazone. Ainsi, les efflorescences de phytoplancton sont plus fréquentes et intenses dans l’océan Atlantique.
La fonte des glaces et le bloom dans les zones polaires
Une cause moins courante de formation naturelle de phytoplancton est liée à la fonte des glaces au niveau des pôles terrestres, durant l’été austral et boréal. En fondant, les glaces continentales déversent leurs minéraux dans les océans, ce qui favorise la formation d’efflorescences de phytoplanctons. L’image satellitaire de la mer de Ross, exposée précédemment, est un parfait exemple de ce phénomène naturel.
En raison du réchauffement climatique, ces phénomènes de bloom dans les zones polaires devraient se multiplier en bordure des zones englacées. En effet, l’accélération de la fonte des glaces va permettre de libérer davantage de minéraux dans les eaux polaires.
L’observation d’efflorescences de phytoplanctons dans les régions polaires permettra également de surveiller l’ampleur de la fonte des glaces. Cependant, la présence régulière de masses nuageuses au-dessus des pôles terrestres rend cette surveillance difficilement réalisable.
Le phytoplancton : un écosystème menacé ou favorisé par le réchauffement climatique ?
Les phytoplanctons sont des puits de carbone important sur Terre, ils ont donc leur rôle à jouer dans la régulation climatique. En effet, leur présence est fondamentale et ce serait une catastrophe écologique s’ils étaient amenés à disparaître, tant de nombreuses espèces marines en dépendent. Cependant, il faut noter que les phytoplanctons ne pourraient pas enrayer à eux seuls les problèmes actuels de rejets anthropiques de CO2 sur Terre, car leur capacité de stockage et de transformation du carbone reste limitée.
La hausse de la température de l’océan pourrait réduire la quantité de phytoplanctons, car l’oxygénation de l’eau sera moindre. Son développement est également mis à mal par l’acidification des océans. Paradoxalement, les nutriments et les polluants anthropiques, libérés dans les cours d’eau et acheminés dans les zones côtières, pourraient favoriser leur croissance !
Les satellites d’observation de la Terre permettent d’admirer la multiplication des espèces planctoniques depuis l’espace. Grâce à eux, les scientifiques peuvent déterminer les causes de la prolifération de ces organismes microscopiques dans les océans. Leur observation détaillée nous renseigne notamment sur les impacts anthropiques, qui peuvent nuire ou favoriser leur développement. Le programme Copernicus de l’Agence Spatiale Européenne (ESA) a notamment été instauré pour fournir des données utiles à la surveillance de la qualité des eaux côtières et veiller à ce que le phytoplancton garde sa place dans l’équilibre biologique des écosystèmes marins.