Qui n’a jamais rêvé en regardant les nuages défiler dans le ciel ? Nous les scrutons régulièrement pour découvrir la forme d’un animal imaginaire ou pour prédire le temps à venir. Leur évocation est souvent poétique, mais, d’un point de vue scientifique, c’est un phénomène météorologique complexe et fascinant. Les moyens techniques modernes permettent de les étudier avec précision tout en appréciant leur influence sur nos différents climats. Ils conservent pourtant une large part de mystère. Alors qu’est-ce qu’un nuage et comment se forme-t-il ? Comment les spécialistes organisent-ils la classification des différents types de nuages ? Gardez les pieds sur terre quelques instants, ce guide va éclaircir votre horizon.
La composition des nuages
Pour Aristote, les nuages sont des phénomènes célestes créés par les quatre éléments. Au Moyen-Âge, on les appelle nues et ils revêtent alors un caractère divin. Puis, au XIIIe siècle, des encyclopédistes évoquent une matière composée d’air et d’eau. Ce n’est finalement qu’au XIXe siècle qu’une définition scientifique est avancée.
Définir un nuage est effectivement compliqué, car sa nature est changeante et insaisissable.
Il est constitué d’un amas de particules en suspension dans l’atmosphère terrestre : gouttelettes d’eau, cristaux de glace et aérosols, ainsi que de minuscules fragments d’origine naturelle ou provenant de l’activité humaine (poussières, fumées). Ces particules rendent visible la masse plus ou moins importante du nuage. Leur nature, leur taille et leur répartition, combinées à l’éclairage naturel, définissent également son aspect général.
D’apparence compacte, les nuages sont avant tout composés d’un énorme volume d’air contenant de la vapeur d’eau. Ils se situent principalement dans la troposphère, la couche la plus basse de l’atmosphère, comprise entre la surface terrestre et la stratosphère. Épaisse de huit à quinze kilomètres (selon la latitude et la saison), elle est le théâtre des phénomènes météorologiques et du cycle de l’eau.
La formation des nuages
La troposphère est composée d’azote et d’oxygène, mais également d’autres gaz en plus faible quantité et de corps solides en suspension (aérosols). Elle stocke pratiquement toute l’eau présente dans l’atmosphère sous forme liquide, solide et surtout gazeuse. Il s’agit effectivement de la vapeur d’eau provenant de l’évapotranspiration des végétaux et de l’évaporation de l’eau présente à la surface terrestre.
La troposphère présente deux phénomènes favorisant l’apparition des nébulosités : la baisse régulière de la température avec l’altitude et la convection thermique provoquant des mouvements d’air verticaux (l’air chaud léger monte, tandis que l’air froid, plus dense, descend).
La condensation de la vapeur d’eau
La formation d’un nuage découle de la condensation de la vapeur d’eau contenue dans une masse d’air se refroidissant. De l’état gazeux invisible, la vapeur d’eau passe alors à l’état solide ou liquide visible. La présence d’aérosols favorise ce changement d’état. Ils jouent le rôle de noyaux de condensation (ou de congélation) sur lesquels la vapeur d’eau se dépose pour former des gouttelettes (ou des cristaux de glace). Sous l’action de processus microphysiques, ces fines particules se regroupent peu à peu pour former une masse nuageuse.
Plusieurs mécanismes peuvent provoquer le refroidissement d’une masse d’air dans la troposphère et, par conséquent, l’apparition de formations nuageuses.
La convection atmosphérique
La convection est un processus thermodynamique produisant des nuages très étendus verticalement et de faible surface horizontale. Au contact d’une surface réchauffée par le soleil, une masse d’air se réchauffe à son tour et se charge en vapeur d’eau. En effet, plus l’air est chaud, plus il contient de vapeur d’eau et plus il perd en densité. Plus léger, il s’élève dans la troposphère et se refroidit avec l’altitude, déclenchant ainsi la condensation de la vapeur d’eau et l’apparition de nuages.
Le soulèvement orographique et frontal
Le soulèvement orographique génère également des nuages. À l’approche d’un relief, une masse d’air poussée par le vent prend progressivement de l’altitude en remontant la pente. Cela enclenche le processus de condensation de la vapeur d’eau qu’elle contient, ennuageant alors le versant exposé au vent.
Le mouvement ascendant peut également provenir de la rencontre frontale de deux masses d’air de températures différentes. L’air chaud s’élève alors au-dessus de l’air froid, se refroidit et provoque l’apparition d’une couverture nuageuse le long du front de la perturbation.
Le refroidissement par la base
Le dernier mécanisme favorisant la création des nuages est le refroidissement au contact d’une surface plus froide. Ainsi, une masse d’air doux circulant au-dessus d’une étendue froide conduira à l’apparition de nuages bas ou de brouillard.
La dissipation des masses nuageuses
Inversement aux processus précédents, les nuages se dissipent lorsque la masse d’air se réchauffe. On assiste alors à l’évaporation des gouttelettes et cristaux de glace. En retournant à l’état gazeux, ils réduisent progressivement la masse nuageuse visible.
Les nuages perdent également une partie de leur volume sous forme de précipitations. Les particules d’eau et de glace peuvent effectivement grossir et s’agglomérer. Elles finissent par tomber sous l’effet de la gravité en donnant pluie, neige ou grêle.
La classification des différents types de nuages
Les scientifiques se penchent réellement sur l’étude des nuages à partir du XIXe siècle. La première classification date ainsi de 1802 avec l’Annuaire météorologique pour l’an X de la République française du naturaliste français Jean-Baptiste de Lamarck. L’année suivante, Luke Howard, pharmacien anglais passionné de météorologie, publie On the modifications of clouds. Il propose alors une nomenclature basée sur des termes latins pour faciliter les échanges internationaux entre météorologistes.
Le véritable tournant est la publication de l’Atlas international des nuages en 1896 par trois météorologues : le Suédois Hildebrand Hildebrandsson, le Suisse Riggenbach et le Français Teisserenc de Bort. Cet ouvrage enrichit les recherches d’Howard et propose la classification qui fait toujours autorité. Aidé par les progrès techniques, ce travail a fait l’objet de plusieurs révisions.
Les scientifiques ont défini une nomenclature précise et similaire à celle utilisée pour la faune et la flore. Elle prend en compte les principales caractéristiques des nuages : forme, structure, composition, aspect (couleur et opacité), volume, mode de formation, développement et altitude.
LE NUAGE EST UN MAILLON ESSENTIEL DU CYCLE DE L’EAU ET DES PHÉNOMÈNES QUI RÉGISSENT LA RÉPARTITION DES RESSOURCES HYDRIQUES SUR LA TERRE.
Les 10 principaux types de nuages
Le premier niveau de la classification présente dix genres ou groupes principaux (un nuage ne peut appartenir qu’à une seule de ces catégories). Ils sont définis selon les caractéristiques générales des nébulosités.
Mais plusieurs écoles s’opposent quant au mode de classement des différents types de nuages. Certains météorologues optent pour une classification troposphérique (selon l’altitude de leur base) et d’autres réclament une nomenclature pratique basée sur leur mode de formation (nuages en amas et nuages en voile ou couche).
Les genres principaux
Trois genres principaux se dégagent de la classification officielle tirée de l’Atlas international des nuages. Il s’agit des trois formes caractéristiques observées très fréquemment sur l’ensemble du globe.
Le cirrus est un nuage élevé provenant du soulèvement frontal d’une vaste masse d’air chaud. Il annonce généralement une dégradation des conditions météorologiques. Minces, blancs et essentiellement transparents, ses filaments lui valent le surnom de cheveux d’ange. Les éléments isolés peuvent également former des bancs nuageux. Composé de cristaux de glace petits et clairsemés, le cirrus ne donne néanmoins aucune précipitation.
Le stratus apparaît à très basse altitude sous l’effet du refroidissement par la base d’une masse d’air. Sa texture présente un aspect grisâtre uniforme et faiblement translucide (la grisaille). Peu épais, il est composé de gouttelettes d’eau voire de petits cristaux de glace. De la brume ou du brouillard l’accompagne souvent. Il produit alors de la bruine (très fines gouttelettes) et de la neige en petits grains.
Le cumulus présente une forme boursouflée facilement reconnaissable. Des bourgeonnements blancs et éclatants (chou-fleur ou mouton nuageux) surmontent sa base plane et sombre. Il s’étend verticalement depuis la basse altitude jusqu’à l’étage moyen de la troposphère. Il apparaît généralement après une perturbation et lorsque le soleil réchauffe à nouveau la surface terrestre. La convection atmosphérique crée alors un courant ascendant permettant à la vapeur d’eau de s’élever et de se condenser en altitude. Dans ce ciel de traîne caractéristique, le cumulus peut donner à son tour de la bruine ou des précipitations sous forme de fines particules de glace ou de neige.
Les genres intermédiaires
Les trois genres suivants présentent des caractéristiques intermédiaires et dérivées des formes principales.
Le cirrocumulus est un nuage élevé qui, à l’image du cirrus, se forme lors de la rencontre frontale de deux masses d’air de températures différentes. Il trahit donc une instabilité et nous informe de l’arrivée d’un front froid. Cette couche nuageuse très mince comprend de très petits composants agencés plus ou moins régulièrement. Il s’agit de cristaux de glace et de gouttelettes d’eau surfondues (forme liquide à une température négative). Le cirrocumulus ne donne cependant aucune précipitation.
Provenant du soulèvement d’une masse d’air chaude et humide, le cirrostratus annonce l’arrivée prochaine d’une dépression sans donner de précipitations. Il forme un voile translucide et blanchâtre pouvant masquer le ciel. D’aspect filamenteux ou complètement lisse, il provoque souvent un phénomène de halo lumineux au niveau du soleil. Installé dans l’étage supérieur de la troposphère, il est composé de petits cristaux de glace disposés sur une faible épaisseur.
Le stratocumulus est un nuage bas composant des masses arrondies, grises et blanchâtres, alternant les parties sombres et plus claires. Il forme des alignements réguliers ou des vagues uniformes et lisses. Le stratocumulus provient de la convection atmosphérique. Cependant, son développement vertical est stoppé par une couche d’air stable. Il s’étale alors horizontalement sur de grandes surfaces. Ce type de nuage est essentiellement constitué de gouttes d’eau et de neige roulée (très petits fragments de glace arrondis). Il produit de rares précipitations sous forme de pluie faible, de bruine, de neige ou de particules de glace.
Les genres dérivés
Les quatre derniers genres sont directement dérivés des cumulus et stratus.
Disposé à une altitude moyenne, l’altocumulus donne un aspect ondulé ou pommelé au ciel. Les petits nuages blancs ou gris, en forme de lamelles, de cylindres ou de boules, se regroupent plus ou moins densément. Ils contiennent des gouttelettes d’eau voire des cristaux de glace à très basse température. L’altocumulus apparaît avant un orage ou un changement de temps. Il dénote l’instabilité d’une masse d’air sous l’effet d’un soulèvement frontal ou orographique.
L’altostratus est un nuage de moyenne altitude pouvant déborder sur l’étage supérieur de la troposphère. Il résulte du soulèvement d’une masse d’air à l’approche d’une perturbation. Composé de cristaux de glace et de gouttelettes d’eau, il forme une couche nuageuse grise et homogène, très étendue, mais peu dense et translucide. Il s’accompagne généralement de précipitations sous forme de pluie ou de neige.
La formation du nimbostratus découle également du soulèvement d’une masse d’air chaude et humide. Mais, contrairement aux altostratus, il présente une forte extension verticale sur plusieurs étages de la troposphère. Il produit un couvert nuageux gris, sombre et opaque, aux contours flous. Comprenant une grande concentration de gouttelettes d’eau, de flocons de neige et de cristaux de glace, il donne des précipitations modérées et continues sous forme de pluie ou de neige.
Le cumulonimbus ressemble à une montagne surmontée d’un gigantesque panache. Il présente la plus importante extension verticale (entre 5 et 12 km) et il peut s’étendre sur une surface de 5 à 15 km. Une forte convection atmosphérique – causée par le réchauffement rapide d’une masse d’air humide ou par la rencontre violente de deux masses d’air opposées – provoque son développement. Il est accompagné de turbulences et de phénomènes violents (orages, tornades, rafales, fortes averses). Isolé ou regroupé en une file continue, il est composé de gouttelettes, gouttes d’eau surfondue et cristaux de glace.
Les sous-catégories de la classification internationale des nuages
Les nuages évoluent en permanence et ils peuvent revêtir une multitude d’aspects différents. Les météorologistes ont donc développé la classification afin de préciser ces variations. La nomenclature, inspirée de celle utilisée pour les animaux et les végétaux, comprend donc plusieurs sous-catégories (espèces, variétés et particularités) permettant d’affiner la description des genres principaux.
Ainsi, l’altocumulus lenticularis est une déclinaison du genre altocumulus présentant une forme lenticulaire caractéristique. À proximité d’un relief, ce nuage stationnaire prend la forme d’une lentille, d’une aile d’avion ou d’une soucoupe volante sous l’effet du soulèvement orographique le long du versant exposé au vent.
Par ailleurs, les scientifiques ont recensé des éléments nuageux annexes et spéciaux comprenant de petites formations secondaires et des nuages provenant de phénomènes naturels ou de l’activité humaine.
Par exemple, le cirrus homogenitus est un nuage élevé du genre cirrus créé artificiellement par le passage d’un avion dans le ciel. La circulation des aéronefs modifie effectivement les propriétés de l’atmosphère et provoque des traînées de condensation s’étendant horizontalement dans leur sillage.
Une connaissance essentielle
La connaissance des nuages est primordiale pour l’activité humaine dépendant des prévisions météorologiques.
D’une part, le nuage est un maillon essentiel du cycle de l’eau. Ce phénomène naturel se développe en circuit fermé entre la mer, le ciel et la terre. Sous l’effet du soleil, l’évaporation de l’eau présente à la surface terrestre provoque la formation de nuages. Ces derniers produisent des précipitations qui alimentent les nappes phréatiques souterraines puis les cours d’eau, les mers et les océans. Un nouveau cycle peut alors débuter.
D’autre part, les différents types de nuages aident à réguler la température ressentie à la surface de la Terre. Ils réfléchissent une partie du rayonnement solaire vers l’espace et ils constituent un écran protégeant notre planète des températures excessives. De plus, la couverture nuageuse permet de limiter les déperditions de chaleur. Elle participe à l’effet de serre naturel en renvoyant vers le sol une partie du rayonnement infrarouge émis par la surface terrestre chauffée par le soleil.
Les météorologistes ont ainsi mis en évidence l’impact direct des formations nuageuses sur la répartition des ressources hydriques et sur la régulation de la température à l’échelle de notre planète. Mais, si l’étude des nuages est passionnante, elle est rendue complexe par leur perpétuelle évolution. La modélisation de ces structures s’avère ainsi particulièrement difficile et de nombreux mystères doivent encore être percés. Levez les yeux ! Les nuages n’ont pas fini de nous faire rêver.
Bravo pour ce guide des nuages qui a de quoi faire pâlir les météorologues de Météo France !
Merci Florian ! Evelyne Dhéliat et Louis Bodin n’ont qu’à bien se tenir ! En attendant, je remets les pieds sur terre et je surveille la SERP….