Aod ar vein ruz pour les bretons ou la Côte de Granit Rose pour les touristes, cette particularité géologique s’étend sur une superficie de 35km² le long du littoral français. Elle se situe dans les Côtes-d’Armor au nord de la Bretagne. Ce paysage de blocs de granite rose est le fruit d’un long travail de la tectonique, de l’érosion et du refroidissement du magma, remontant à plus de 300 millions d’années. D’où vient la couleur du granite rose ? Classée zone Natura 2000, cette côte est le deuxième site naturel le plus visité en Bretagne après la Pointe du Raz. Qu’est-ce qui en fait sa beauté et toute sa singularité ? Le granite rose, bien sûr, mais également toute la biodiversité marine et terrestre qu’elle abrite. Cet écosystème côtier unique en Europe est le refuge pour de nombreuses les oiseaux marins, les phoques gris et les plantes rares. Zoom sur des paysages géologiques uniques et une biodiversité remarquable.
Un paysage sculpté sur des millions d’années
Nichée dans le Trégor, près de Lannion, la Côte de Granite Rose tire son nom de la teinte singulière de ses roches aux nuances brunes et rosées. Ce littoral emblématique du nord de la Bretagne dévoile un paysage minéral unique, sculpté par le vent et les marées.
Les principaux aspects de la géologie de cette région s’observent à travers diverses structures géologiques. On y repère notamment des zones de cisaillement, des failles et des schistosités. Ces formations sont des traces visibles de grands phénomènes géologiques. Elles sont le résultat de processus anciens tels que :
- Le magmatisme : la formation de roches par la cristallisation du magma
- Le métamorphisme : la transformation des roches sous l’effet de la pression et de la température
- L’érosion : l’usure et transport des matériaux
- La tectogénèse : la déformation de la croûte terrestre liée aux mouvements des plaques.
Les scientifiques désignent ce type de formations rocheuses par les termes de « chaos granitique » ou « d’amas chaotiques ». Ces appellations décrivent des empilements de blocs de granite aux formes irrégulières. En géomorphologie, on parle de modelé, c’est-à-dire d’un relief façonné par l’érosion ou influencé par la nature des roches en place.
Les agents d’érosion comme la pluie, le vent et la mer ont, pendant des millions d’années, mis le granite à nu et l’ont peu à peu sculpté. Cela a donné naissance à des ces formes arrondies spécifiques, souvent interprétées par l’œil humain et à l’origine de nombreuses légendes.
La géologie de la Côte de Granit Rose
L’origine des teintes caractéristiques du granite rose témoigne d’un long processus de refroidissement en milieu profond. Une importante quantité de magma s’est accumulée dans les profondeurs de la croûte terrestre. En refroidissant, ce magma a permis la formation de grands cristaux, dont des cristaux de feldspath potassique que l’on retrouve dans la composition du granite rose.
Ces groupes de roches plutoniques sont le résultat de plusieurs intrusions magmatiques. Le magma s’infiltre dans des fissures ou entre des couches de roche déjà existantes. Il crée ainsi des structures rocheuses comme cela est le cas pour la Côte de Granit Rose.
En 1979, Michel Barrière, géologue, partage une cartographie précise du complexe granitique présent dans la région du Trégor, dans les Côtes-d’Armor. Il montre une disposition des différentes couches géologiques de forme elliptique s’étendant de la région de Ploumanac’h jusqu’à Trébeurden :
- Un premier groupe de roches granitiques rouges à gros grains et de roches basiques sombres
- Un deuxième groupe de granites à grain fin et de couleurs variés (rose, ocre, gris)
- Un troisième groupe de granites à grain fin, cette fois, de couleur gris-blanc
De quoi est composé le granite rose ?
Précision orthographique : « Granite » est un terme utilisé par les géologues pour parler des roches granitiques. « Granit » est une forme plus commune et commerciale, utilisée par les marbriers par exemple.
Le granite rose est composé de trois minéraux principaux :
- Le feldspath potassique : un minéral rose, se présentant sous forme de grands cristaux
- Le quartz : un minéral gris transparent, qui contribue à la résistance du granite face à l’érosion
- La biotite : un mica noir, sous forme de paillettes brillantes, qui contribue à la texture caractéristique du granite.
La proportion plus importante de feldspaths potassiques donne au granite sa teinte rose caractéristique, qui peut varier du rose pâle au rose plus soutenu selon les secteurs et selon l’oxydation du feldspath.
Et c’est ce qui en fait sa rareté. En effet, il n’existe que trois côtes de granites roses dans le monde :
- La Côte de Granit Rose en Bretagne, classée zone naturelle protégée. On retrouve également du granit rose dans le Massif Central, sur le plateau de Millevaches, en Nouvelle-Aquitaine.
- Les calanques de granite rose de Piana en Corse, classées au patrimoine mondial de l’UNESCO.
- La Côte de Granit Rose au nord-est de la Chine, à Qingdao.
Bien que remarquable, le granite rose n’est pas la seule spécificité de ce site naturel qui accueille des centaines de milliers de visiteurs chaque année. Ces imposants amas de roches sculptées par l’érosion abritent également une incroyable biodiversité.
La Côte de Granit Rose : un site classé et protégé
La Côte de Granit Rose est une zone d’une grande richesse écologique qui doit être préservée également pour les espèces qui y trouvent refuge.
Avant 2007, 17 zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique avaient été identifiées. Par ailleurs, 11 sites faisaient déjà l’objet d’un classement ou d’une inscription à la protection des monuments naturels et historiques.
L’ensemble de ces zones a été réuni en un seul périmètre lors de la désignation de la Côte de Granit rose-Sept-Îles comme site Natura 2000.
Classée parmi les plus beaux sites de France, la Côte de Granit Rose allie trésor géologique et sanctuaire écologique classé Natura 2000.
Un site naturel protégé par l’Union Européenne
Cette zone spéciale de conservation, reconnue par l’Union Européenne, vise à assurer le bon état de conservation des espèces et des habitats protégés, afin de garantir leur survie à long terme.
L’Union Européenne s’engage également à maintenir la biodiversité des sites Natura 2000 tout en tenant compte des exigences économiques, sociales, culturelles et régionales dans une logique de développement durable.
Le site de la Côte de Granit Rose relève de deux directives du réseau Natura 2000, sous les désignations Zone Spéciale de Conservation (ZSC) et Zone de Protection Spéciale (ZPS).
- La directive « Habitat » veille à la conservation des habitats naturels ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages.
- La directive « Oiseaux » assure la protection et la gestion des populations d’espèces d’oiseaux sauvages du territoire européen, c’est-à-dire les oiseaux eux-mêmes mais aussi leurs nids, leurs œufs et leur habitat.
Dans ce cadre, des plans d’actions et des objectifs de gestion sont mis en place afin de préserver ce site naturel, qui abrite des espèces protégées tant animales que végétales.
Les espèces les plus emblématiques de la Côte de Granit Rose sont :
- Pour la faune : le lézard vert, la rainette verte, le crapaud calamite, l’escargot de Quimper, le triton marbré, les phoques gris et de nombreux oiseaux marins comme les fous de Bassan et les macareux moines, pour ne citer qu’eux.
- Pour la flore : l’oseille des rochers et les trichomanès remarquables.
De nombreuses activités humaines contribuent à l’économie de la région, mais peuvent également fragiliser l’équilibre de ces sites naturels. Sur terre, l’agriculture, la randonnée ou encore la forte fréquentation des plages ont un impact sur les milieux. En mer, la pêche, qu’elle soit professionnelle ou récréative, ainsi que les loisirs comme la baignade ou les sports de glisse, peuvent également perturber les écosystèmes.
La Côte de Granit Rose et l’Archipel des Sept-Îles
Cette zone Natura 2000 s’étend jusqu’en mer, car en face de la Côte de Granit Rose se trouve l’archipel des Sept-Îles : la plus ancienne et la plus importante réserve ornithologique privée de France. Elle est administrée depuis 1912 par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO)
Créée en réaction au massacre des macareux moine, cette réserve est peuplée aujourd’hui d’espèces d’oiseaux marins rares et/ou protégées comme les pingouins Torda, les macareux moines, les fous de Bassan, les puffins des Anglais, les cormorans, les fulmars boréals ou encore les guillemots de Troïl.
C’est également un site de reproduction pour le phoque gris et un site de fréquentation saisonnière pour des mammifères marins comme le grand dauphin, le dauphin commun et le marsouin commun.
En 2023, la réserve naturelle des Sept-Îles a connu une extension majeure, passant de 280 à 19 700 hectares. Cet élargissement vise à inclure un plus grand nombre d’habitats naturels sensibles et à renforcer la protection de la faune qui y vit. Ce qui en fait la deuxième plus grande zone naturelle maritime protégée de France métropolitaine en termes de superficie.
Une zone de quiétude a également été créée en 2023 dans le but d’interdire toute activité humaine dans une zone de 130 hectares au sein de la réserve naturelle, entre le 1er avril et le 31 août chaque année. Cette période de quiétude a pour objectif de préserver la reproduction des oiseaux protégés, notamment les fous de Bassan. En effet, la majorité de leurs poussins ont été décimés par la grippe aviaire de 2022.
L’intégralité de la zone de la réserve naturelle de l’Archipel des Sept-Îles est incluse dans la zone protégée du réseau Natura 2000 incluant la Côte de Granit Rose. Ce qui en fait un site exceptionnel reconnu mondialement et protégé.
La Côte de Granit Rose est une merveille géologique mais également un site naturel d’exception pour y observer la biodiversité locale. C’est la raison pour laquelle la Côte de Granit Rose est classée « Site naturel remarquable » depuis 1967. Elle est également reconnue comme l’un des plus beaux parcs régionaux de notre pays.
