Situées en plein cœur de l’Afrique, les chutes Victoria s’érigent parmi les plus grandes cascades du monde. Elles sont larges de 1 708 mètres et plongent à plus de 100 mètres de profondeur. Inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1989, elles forment une frontière naturelle entre la Zambie et le Zimbabwe et sont le berceau d’une biodiversité florissante. Zoom sur ce lieu singulier, qui ne cesse d’émerveiller tous ceux qui ont la chance de l’observer.
Géologie et découverte des chutes Victoria
Formation géologique du plus grand rideau d’eau du monde
Les chutes Victoria sont le résultat d’un long processus issu de la rencontre entre le fleuve Zambèze et plateau basaltique Batoka. Il y a 150 millions d’années, cette région faisait l’objet d’une forte activité volcanique. Des couches de lave se sont ainsi superposées et ont laissé place au basalte. Le refroidissement de cette roche, associé à la tectonique des plaques, a provoqué la formation de failles qui se sont remplies de grès plus tendre.
C’est là qu’intervient le Zambèze : il s’agit du quatrième plus grand fleuve d’Afrique. Il prend sa source en Zambie, à environ 1 500 mètres d’altitude, et parcourt plus de 2 700 kilomètres avant de finir sa course dans l’océan Indien au Mozambique. Lors de son passage sur le plateau, son eau chargée en sédiments a progressivement érodé la roche en exploitant les brèches de grès préexistantes. Elles se sont alors transformées en une série de gorges étroites, façonnant le paysage que l’on connaît aujourd’hui. Il faut cependant noter qu’elles n’ont pas toujours occupé le même emplacement : elles ne cessent de reculer. Par le passé, il y a eu huit autres chutes en amont qui se sont asséchées avant que de nouvelles ne voient le jour. On peut d’ailleurs observer que la cataracte du Diable, à l’extrémité ouest côté Zimbabwe, est en train de s’enfoncer : les scientifiques estiment qu’une prochaine fera son apparition dans environ 10 000 ans. Ceci s’explique par la puissance érosive du torrent et de son débit qui peut atteindre les 500 millions de litres par minute lors de la saison des pluies.
Les principales cataractes situées le long des 1,7 km de large des chutes Victoria sont les suivantes :
- Devil’s Cataract, la « cataracte du Diable » ;
- Main Falls, les « chutes principales » ;
- Horse Shoe Falls, les « chutes du fer à cheval » ;
- Rainbow Falls, les « chutes de l’arc-en-ciel » ;
- Eastern Cataract, la « cataracte de l’est ».
L’une des particularités de cet endroit est l’embrun généré par les rapides. Ce brouillard haut de 400 mètres est visible jusqu’à 50 kilomètres à la ronde. Il produit une pluie fine qui s’abat en continu sur cette zone.
Arrivée du premier explorateur européen
Mosi-oa-Tunya, ou autrement dit, « fumée qui gronde » : voilà l’appellation donnée à ces chutes par le peuple Lozi avant la venue de l’explorateur écossais David Livingstone en 1855. Alors qu’il avait entamé un périple au cœur de l’Afrique, c’est en remontant le cours du Zambèze qu’il a fait la découverte de ces cascades au bruit assourdissant qui leur a valu ce nom. Il les a rebaptisées en l’honneur de la reine Victoria, qui était à la tête du Royaume-Uni.
« Seuls les anges dans leur vol ont dû contempler des visions aussi magnifiques que celles-ci. » David Livingstone, le premier explorateur européen qui a découvert les Chutes Victoria
Description et préservation d’un écosystème unique
Un sanctuaire de vie
L’humidité instaurée par ce nuage d’eau est à l’origine d’un climat tropical propice au développement de la biodiversité. On ne dénombre pas moins de 400 variétés d’arbres (ébénier, figuier, acajou, etc.) et autres végétaux. Certains sont rares et endémiques à cette contrée, telle que la fougère Cheilantes farinosa. Des forêts, établies sur les îlots en amont des falaises, servent de lieu de reproduction à quatre espèces menacées d’oiseaux migrateurs. Parmi elles figurent le faucon taita et l’aigle noir. Par conséquent, les chutes ont été classées Zone Importante pour la Conservation des Oiseaux (ZICO) par BirdLife International.
Cette flore luxuriante est un point de ravitaillement important pour les mammifères, tels que les mythiques Big Five. Éléphants, buffles, lions, léopards et rhinocéros noirs viennent s’y réfugier. La présence d’eau permanente leur est vitale et la nourriture y abonde, aussi bien pour les herbivores que les carnivores.
Des mesures de protection nécessaires
La sauvegarde de ce site est indispensable, tant pour les écosystèmes qu’il renferme que pour la population locale. C’est pourquoi l’UNESCO l’a inscrit à son patrimoine mondial en 1989, en raison de ses caractéristiques géologiques et géomorphologiques exceptionnelles.
Des réserves ont été établies des deux côtés de la frontière : le parc national de Mosi-oa-Tunya en Zambie, et le parc national des chutes Victoria au Zimbabwe. En effet, plusieurs menaces pèsent sur elles :
- La sécheresse. En 2019, les chutes ont connu un épisode sans précédent : elles ont été réduites à un filet d’eau. Bien que la diminution du débit soit courante en dehors de la saison des pluies, elle n’avait pas été aussi marquée depuis plus d’un siècle. S’il est encore trop tôt pour attribuer cet événement au réchauffement climatique, celui-ci est un facteur aggravant qui risque de rendre ces phénomènes hydrologiques plus fréquents et plus intenses à l’avenir.
- Le tourisme. Cette destination est l’une des plus visitées du continent africain. Il s’agit d’une véritable source de revenus pour les villes à proximité. Elles ont fait l’objet d’une urbanisation incontrôlée, aboutissant à un accroissement significatif de la fréquentation et de la pollution.
- Les activités illégales. D’une part, le braconnage appauvrit la biodiversité en décimant la faune. De plus, la déforestation prive les animaux de leur habitat. Cela les rend vulnérables et réduit les ressources dont ils ont besoin pour survivre. Le déboisement affecte également le cycle de l’eau, modifiant les précipitations et le débit du Zambèze, éléments essentiels au maintien des chutes.
- La construction d’infrastructures. Le projet de barrage de Batoka Gorge sur le fleuve Zambèze est un exemple controversé. Cette centrale hydroélectrique qui verra bientôt le jour pourrait perturber, elle aussi, le flux du cours d’eau et les écosystèmes.
Les chutes Victoria, du fait de leur beauté et leur richesse écologique, sont l’une des chutes d’eau les plus remarquables de la planète. Elles sont le produit de millions d’années d’évolutions géologique et hydrologique, et abritent une vie sauvage notable. Cependant, elles sont confrontées à des dangers croissants, d’où l’importance de protéger cet héritage naturel précieux pour les générations futures.