La Californie, célèbre pour ses paysages de rêves, ses plages qui regorgent de soleil et son dynamisme économique, vit sous une menace géologique de taille : la faille de San Andreas. Vieille de plus de 30 millions d’années, cette faille tectonique forme une frontière naturelle de 1300 kilomètres depuis le nord-ouest près de Cape Mendocino jusqu’à la frontière mexicaine au sud-est. Cette cicatrice, au carrefour des plaques tectoniques pacifique et nord-américaine, interroge les sismologues et les experts en gestion des risques naturels. Chaque jour qui passe rapproche un peu plus le jour tant redouté du Big One, un séisme de grande intensité qui menace la côte Ouest des États-Unis. Comment cette faille s’est-elle formée ? Pourquoi suscite-t-elle autant d’inquiétude ? Et surtout, comment la population se prépare à la survenue d’un nouveau tremblement de terre ? Découvrez l’origine de la formation de la faille de San Andreas et les efforts de préparation pour faire face au risque sismique.
La faille de San Andreas, une faille dite transformante
Il y a environ 30 millions d’années, la faille de San Andreas s’est formée lorsque la plaque pacifique est entrée en contact direct avec la plaque nord-américaine. Avant cela, la côte ouest des États-Unis était marquée par une zone de subduction. Ce phénomène sismique se manifeste par l’enfoncement d’une plaque lithosphérique océanique sous une plaque continentale adjacente. Dans ce contexte, la plaque Farallon s’enfonçait sous la plaque nord-américaine. Au fur et à mesure de la subduction de la plaque Farallon et de sa quasi-disparition, la plaque pacifique a commencé à se déplacer latéralement vers la plaque nord-américaine.
La faille de San Andreas est l’une des structures tectoniques les plus significatives de la planète. Les chercheurs, notamment ceux de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP), la qualifient de “faille transformante” en raison des mouvements horizontaux des deux plaques tectoniques.
En effet, les scientifiques distinguent 3 types de failles :
- La faille normale : lorsque la croûte terrestre s’étire, le bloc supérieur, appelé le “toit”, glisse vers le bas par rapport au bloc inférieur, appelé le “mur”. Ce genre de faille se forme dans les zones de divergence où les plaques tectoniques s’éloignent l’une de l’autre.
- La faille inverse : le bloc supérieur (le toit) se déplace vers le haut par rapport au bloc inférieur (le mur). Ce phénomène, dû à une compression, se produit dans les zones de convergence, c’est-à-dire où les plaques tectoniques se rapprochent.
- La faille transformante : les deux blocs de la faille glissent latéralement l’un par rapport à l’autre, sans mouvement vertical significatif.
Contrairement aux failles normales ou inverses qui provoquent des mouvements verticaux, les failles transformantes se distinguent par un déplacement latéral, souvent considérable.
Ce phénomène se manifeste surtout le long de la faille de San Andreas. La plaque pacifique et la plaque nord-américaine glissent parallèlement, mais dans des directions opposées, transformant le relief environnant. La plaque pacifique se déplace vers le nord-ouest à un rythme d’environ 3 à 4 centimètres par an, tandis que la plaque nord-américaine se déplace vers le sud-est. Cette faille est toujours active de nos jours, ce qui en fait une des zones sismiques les plus actives au monde.
L’activité des plaques tectoniques dans cette région de la Californie entraîne l’accumulation d’importantes tensions dans la croûte terrestre. Quand les tensions accumulées au fil du temps se relâchent, elles entraînent des séismes ou tremblements de terre. Certains s’avèrent très dévastateurs comme par exemple le séisme du 11 mars 2011 au Japon. En Californie, ce fut le cas du tristement célèbre séisme de San Francisco en 1906.
Les ravages du séisme de San Francisco en 1906
Le 18 avril 1906 à 5 heures 12 survint l’épisode sismique le plus destructeur de l’histoire des États-Unis. Un séisme d’une magnitude de 7.8 sur l’échelle de Richter réveilla San Francisco. Une première secousse de 45 à 60 secondes se fit ressentir. Puis, s’en suit une seconde, plus dévastatrice, de 20 à 25 secondes. Durant les heures et les jours suivants, plusieurs autres répliques se manifestèrent. L’épicentre du séisme se situait à seulement 12 kilomètres de la ville. Les secousses sismiques les plus intenses ont été ressenties dans un rayon de plus de 400 000 kilomètres carrés, jusque dans les états voisins de l’Oregon et du Nevada.
Cette catastrophe naturelle fut provoquée par un mouvement brutal le long de la taille de San Andreas. En effet, les scientifiques comme le géodésien Harry Fielding Reid mettent en avant la théorie du “rebond élastique” pour expliquer ce séisme majeur. Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS), les mesures effectuées à l’époque ont permis de conclure que la plaque pacifique s’est déplacée en 40 secondes de 6 mètres par rapport à la plaque nord-américaine. Ce phénomène libéra toute l’énergie accumulée pendant plusieurs années.
Des dégâts structurels et des conséquences géologiques
Suite au séisme de 1906, de nombreux dommages ont été identifiés, à savoir :
- 28 000 bâtiments furent détruits ou sérieusement endommagés.
- De nombreux bâtiments historiques se sont effondrés.
- Des incendies de taille ont ravagé la ville pendant trois jours. La lutte contre les incendies s’est compliquée en raison des conduites d’eau coupées.
- Le déplacement des axes de communication : chemins de fer, ponts et routes qui ont entravé les déplacements et ont rendu difficile l’accès des secours aux zones sinistrées.
- La coupure des lignes électriques a plongé la ville dans le désordre.
Outre les dégâts en surface, le tremblement de terre a engendré d’importantes conséquences géologiques. Le séisme a provoqué des déformations du sol et des modifications de la géométrie des cours d’eau. Des effondrements rocheux ont également été enregistrés dans les zones côtières et dans les zones humides environnantes
Les scientifiques ont aussi observé des phénomènes de liquéfactions des sols. Dans des sols saturés en eau, les vibrations sismiques peuvent entrainer une perte de résistance des grains de sable entre eux. Les couches se comportent alors comme un liquide et les infrastructures peuvent être déstabilisées et parfois s’enfoncer littéralement dans le sol sous leur propre poids.
Un bilan humain conséquent
Le séisme qui a frappé San Francisco toucha une grande partie de la population. Un bilan officiel de 1990 fait état d’environ 3 000 morts, bien que certaines estimations plus récentes suggèrent que le nombre pourrait être plus élevé, plutôt de l’ordre de 5 000 morts. Les effondrements de bâtiments et les multiples incendies qui ont suivi le tremblement de terre ont fait plusieurs milliers de blessés graves.
À l’époque, cette expérience traumatisante laissa plus de 250 000 personnes sans domicile fixe sur une population totale d’environ 400 000 habitants. Cette proportion correspond aux deux tiers de la population. Suite à la catastrophe, un exode majeur s’est produit. En effet, beaucoup d’habitants quittèrent la ville afin de se réfugier dans les environs.
Le danger représenté par la faille de San Andreas n’est pas une question de « si », mais de « quand ». Un tremblement de terre majeur est inévitable, et il pourrait causer des destructions sans précédent en Californie. Dr Lucy Jones, sismologue
Le Big One, le géant endormi aux pouvoirs dévastateurs
Le « Big One » désigne un tremblement de terre de forte intensité qui surviendra dans les prochaines années le long de la faille de San Andreas. Ce mégaséisme serait susceptible de causer des destructions massives dans des zones densément peuplées, telle que la mégalopole de Los Angeles dont l’aire métropolitaine compte à ce jour environ 13 millions d’habitants.
Cette faille a connu des séismes importants au cours de l’histoire, mais certaines parties, notamment la partie sud, n’ont pas été affectées par un séisme majeur depuis plus de 160 ans, depuis le séisme de Fort Tejon en 1857. En raison de cette accumulation de tension, un séisme de cette ampleur est statistiquement inévitable.
La faille de San Andreas : une zone surveillée en permanence par les scientifiques
Les scientifiques se posent la même question : quand aura lieu le Big One ? Malheureusement, il est très difficile, voire impossible de prédire précisément quand le Big One aura lieu. Toutefois, les sismologues comme Lucy Jones étudient la faille quotidiennement pour mieux comprendre ses mouvements et évaluer les risques.
Les chercheurs considèrent aujourd’hui qu’il existe une forte chance qu’un puissant séisme frappe la Californie du Sud dans les prochaines décennies. Selon les modèles sismiques développés par l’Institut d’études géologiques des États-Unis (USGS) et le rapport sur les probabilités de survenue des séismes en Californie, un tremblement de terre de type 1906 se produit en moyenne tous les 200 ans. Un groupe de travail a estimé qu’il y avait 67% de chances qu’un tremblement de terre de magnitude 7 se produise dans les 30 prochaines années dans la région de la baie de San Francisco. La faille de Hayward, le segment de la péninsule de la faille de San Andreas est particulièrement concerné.
Pour rappel, le système de faille de San Andreas traverse des zones densément peuplées avec des enjeux économiques importants, c’est pourquoi cette faille est l’une des plus étudiées au monde. Il est crucial d’analyser attentivement son comportement pour prévoir les impacts des futurs séismes dévastateurs. Cela permettra également de développer des techniques de construction parasismique et des stratégies de préparation pour protéger les populations face au risque sismique.
Des mesures de prévention et de préparation
Une récente étude parue en 2023 suggère que le Big One pourrait être moins destructeur que prévu, en particulier à proximité de Los Angeles. Les scientifiques ont notamment étudié un amas de rochers situés à 15 kilomètres de la faille, pour comprendre l’histoire des secousses au cours de 50 000 dernières années. Les scientifiques ont étudié les isotopes radioactifs de la roche pour déterminer leur fragilité et modéliser leur résistance aux secousses sismiques. Les résultats indiquent que le sol pourrait trembler jusqu’à 65% moins intensément que les modèles de risques sismiques actuels ne le suggèrent.
Malgré une surveillance accrue de la zone sismique, il n’est pas possible de prédire avec exactitude quand se produira le tant redouté Big One. Les autorités et les habitants doivent donc rester vigilants et se préparer le mieux que possible pour faire face aux conséquences d’un séisme d’une telle ampleur. De plus, les récentes recherches soulignent l’importance de renforcer les infrastructures, les plans d’urgence et les normes pour minimiser les pertes humaines et matérielles. Afin de sensibiliser la population et d’adopter les bons comportements en cas de catastrophe, chaque année sont organisés des exercices de préparation tels que le Great California ShakeOut.
La faille de San Andreas ne se limite pas à une simple fracture dans la croûte terrestre. Cette faille transformante est à la fois un sujet de recherche scientifique et une menace persistante pour les millions d’habitants qui vivent à proximité. Le mystère et la crainte qui plane au-dessus de la faille nous rappellent que notre planète demeure en activité permanente.