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    Comprendre la Dynamique du Littoral : Un Fragile Tango entre Terre et Mer

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    Le changement climatique exerce une influence significative sur la dynamique du littoral en modifiant profondément sa physionomie et ses écosystèmes. Les reliefs côtiers sont des milieux naturels façonnés par les courants marins et le vent. Les phénomènes météorologiques extrêmes et l’activité humaine érodent les plages, les dunes et les falaises. Progressivement, les zones côtières, leurs habitats naturels et leurs infrastructures humaines sont menacés. Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on évoque le littoral ? Que représente-t-il géographiquement ? Quels moyens sont mis en place pour le protéger de l’érosion et de la montée du niveau des océans ? État des lieux de la dynamique du littoral face aux effets du changement climatique.

    Qu’est-ce qu’un littoral ?

    Le littoral est généralement défini comme la zone côtière séparant la mer de la terre. En réalité, la définition de ce terme est plus complexe qu’il n’y paraît. La dynamique du littoral dépend de trois paramètres :

    • Géologique qui concerne l’évolution du relief côtier sur le long terme ;
    • Physique pour l’interaction entre les vagues et les côtes ;
    • Biologique pour la manière dont les êtres humains et les organismes coexistent et transforment les côtes.

    Une zone à forte mobilité

    Il faut néanmoins préciser que le littoral est un environnement extrêmement mobile par essence, car il est constamment soumis aux forces de la nature. En effet, le littoral subit le phénomène naturel d’érosion, notamment lors des tempêtes hivernales. À l’inverse, lors des périodes plus calmes, elles sont alors dans une phase de reconstruction.

    Il existe trois types principaux de littoraux, à savoir :

    • Les estuaires et les deltas sont des zones transitoires entre le domaine marin et fluvial. Selon les types, ils peuvent être des côtes d’érosion ou d’accumulation.
    • Les plages de sable et les dunes font partie des côtes d’accumulation.
    • Les côtes rocheuses et à falaises ou les grottes marines correspondent aux côtes d’érosion.

    Les types de littoraux présentent donc des morphologies bien distinctes. Par conséquent, leur processus d’évolution varient également.

    Schéma des différents types de côtes en proportion.
    Graphique des différentes types de côtes en France. Crédit schéma : Cerema

    Les côtes d’accumulation : les plages

    Les côtes d’accumulation ou sableuses sont dominées par des processus de dépôt de sédiments d’origine continentale apportés par les fleuves et rivières. Les courants marins remanient le sable qui vient sans cesse remodeler la physionomie des plages. Dans un second temps, le vent intervient dans l’édification de formes littorales telles que les dunes. L’énergie des vagues est également une source d’érosion sur les côtes d’accumulation.

    Ce qui définit la forme d’une plage, c’est avant tout, sa position par rapport au trait de côte. Par exemple, si une plage se situe dans une zone à l’abri de l’assaut des vagues, le sable aura tendance à s’accumuler progressivement. De plus, la nature et la taille du sédiment sont utilisées pour caractériser le type de plage. Tandis que les sédiments fins forment une plage sableuse, quant à eux, les sédiments grossiers forment des grèves.

    Des dunes et la plage avec la mer.
    Les dunes de Keremma à Tréflez dans le Finistère. Crédit photo : Wikimédia Commons

    Les côtes d’érosion: les falaises

    Les côtes d’érosion ou rocheuses se caractérisent par une faible quantité de sédiments déposés, car elle est rapidement transportée vers le large. Il existe plusieurs types de côtes rocheuses, comme celles composées de craie, de granite, d’argile ou encore de schiste. Leur résistance face à l’érosion dépend donc du type de roche. Contrairement aux plages, qui peuvent parfois avancer, les falaises ne font que reculer. Leur érosion est liée à une combinaison de deux facteurs :

    • Les processus continentaux et subaériens, comme les alternances de gel et de dégel ou les infiltrations qui s’insinuent dans les anfractuosités préexistantes de la roche. Cette érosion continentale déstabilise les côtes rocheuses et entraîne, par conséquent, des mouvements de terrains.
    • Le vent ainsi que l’ensemble des courants marins interviennent dans un second temps. Une fois que les falaises ont été fragilisées par les processus continentaux et subaériens, les vagues et la houle viennent fragiliser les falaises, ce qui contribue à leur recul.
    Schéma de l'érosion du littoral à travers le temps.
    Schéma des différents stades d’érosion des falaises. Les vagues creusent et créent une grotte marine. Une arche se forme. L’arche s’effondre. Crédit photo : Adobe Stock

    Comment délimiter le littoral ?

    Le trait de côte

    Le trait de côte définit la limite entre la mer et le continent. Néanmoins, il n’y a pas de consensus sur la frontière exacte, car cela dépend du type de littoral (falaise, plage, etc.). Par exemple, il peut être la limite entre le pied d’une dune et la plage ou entre le sommet d’une falaise et la mer. L’objectif n’est pas d’opter pour une définition homogène, mais plutôt de mesurer l’évolution du trait de côte de façon pérenne dans le temps. En effet, le trait de côte n’est pas fixe et évolue au fil du temps selon les conditions géomorphologiques et climatiques locales.

    Les dispositifs pour cartographier

    Différentes techniques existent pour cartographier les littoraux et suivre le trait de côte et les impacts sur son évolution. Le plus souvent, l’objectif est de dresser une carte en trois dimensions d’une zone prédéfinie pour étudier les évolutions morphologiques. Les différents dispositifs incluent :

    • Litto 3D® est une collaboration entre le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM) et l’Institut Géographique National (IGN) qui a pour but d’établir une Référentiel Géographique du Littoral (RGL) pour toute la façade maritime française et d’outre-mer. Il permet également de délimiter les eaux territoriales et la zone économique exclusive de la France ;
    • Les données satellitaires, notamment celles du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) et des satellites SPOT et Pléiades ;
    • L’imagerie aérienne par drone ou par scanners aéroportés ;
    • Les scanners laser terrestre ou les bornes GPS ;
    • Les lasers bathymétriques, qui peuvent pénétrer dans l’eau pour fournir des données plus détaillées.

    La cartographie du littoral n’a pas pour unique but de créer des cartes géographiques, car elle vise aussi à enregistrer des données précises. Des organismes scientifiques comme le CNRS, le BRGM, le CNES et le SHOM cherchent à caractériser les mécanismes et l’évolution du trait de côte notamment dans le cadre du réchauffement climatique. L’objectif est de comprendre la dynamique du littoral et de limiter l’érosion en tenant compte de sa mobilité naturelle et de ses capacités d’adaptation.

    Comment protéger le littoral ?

    En France, depuis les années 1970, plusieurs types d’ouvrages ont été érigés pour pallier l’érosion. Ces dispositifs présentent pour intérêt de fixer le trait de côte. Néanmoins, beaucoup d’entre eux ne font que retarder le problème.

    Les ouvrages aux effets limités

    Divers ouvrages ont été construits pour freiner le recul du littoral, tels que :

    • Les digues, des ouvrages parallèles au littoral qui offrent une protection directe lors d’événements climatiques importants comme les tempêtes.
    • Les épis, généralement construits en série et perpendiculaires au littoral, ont pour objectif de contrôler l’érosion côtière en stabilisant les plages.
    • Les enrochements, tels que les brise-lames situés en mer, ont pour objectif de casser le déferlement des vagues afin que le sable se dépose derrière eux.
    La digue du Curnic à Guisseny dans le Finistère.
    La digue du Curnic à Guissény dans le Finistère, un exemple d’ouvrage humain qui aggrave l’érosion du littoral. Crédit photo : Wikimédia Commons.

    Cependant, ces procédés sont lourds et massifs. Lorsque la dynamique du littoral est fixée par des ouvrages en dur tels que les enrochements, les digues ou les épis, cela provoque une érosion massive à un autre endroit du trait de côte. La dérive littorale emporte avec elle plus de sédiments d’un côté de l’ouvrage qu’elle n’en ramène, ce qui génère de l’érosion.

    De plus, ces ouvrages sont coûteux et ont un besoin d’entretien accru. De plus, ils ne s’adaptent pas aux évolutions des aléas climatiques et ils ont été installés au détriment des écosystèmes côtiers.

    Le littoral est un espace naturellement mobile, en recul sous l’effet de l’érosion côtière, de la pression humaine et du changement climatique.

    Les solutions plus pérennes

    Il existe néanmoins plusieurs solutions pour lutter contre l’érosion du littoral sur le long terme, à savoir :

    • L’ensablement, qui consiste à rajouter du sable pour rétablir un équilibre perturbé.
    • Le reboisement ou la plantation de végétation, qui permettent de fixer le sable et de réduire sa mobilité lors des périodes de vent. Ces zones naturelles amortissent la houle et freinent la migration des dunes vers l’intérieur des terres.
    • L’atténuateur de houle est un géotextile qui stabilise le sable en cassant les vagues au large plutôt que sur la plage.
    • Le système de drainage de plage permet à l’eau de s’infiltrer lorsque les vagues montent, de sorte que le sable se dépose. L’eau est ensuite évacuée dans la mer.
    • La pose de ganivelles, sortes de pieux en bois installés sur les plages qui permettent de freiner l’action du vent.
    La forêt des Landes sous le soleil couchant.
    La forêt des Landes, un exemple de reboisement pour fixer les dunes. Crédit photo : Wikimédia Commons

    L’objectif de ces solutions est de gérer progressivement la dynamique du littoral plutôt que d’essayer de la contrôler de manière définitive. Cependant, tous les littoraux ne sont pas en érosion. En effet, certaines plages accumulent du sable et gagnent parfois du terrain.

    En quoi le dérèglement climatique affecte la dynamique littorale français ?

    Le réchauffement climatique accentue la fonte des glaces et provoque une élévation du niveau de la mer. De plus, l’océan se réchauffe et se dilate, c’est-à-dire qu’il gagne en volume, ce qui impact également les reliefs côtiers. La généralisation des submersions marines et l’intensification des tempêtes et des cyclones favorisent et amplifient l’érosion du littoral.

    L’état actuel du littoral en France

    Le littoral de France métropolitaine, sur ses trois façades maritimes (la manche, la mer du Nord, l’océan Atlantique et la mer méditerranée), est constitué de :

    • 44 % de côtes rocheuses ;
    • 39 % de côtes d’accumulation ;
    • 17 % de côtes artificialisées.

    Sur les 39 % de côte d’accumulation, les côtes sableuses évoluent le plus, car 37 % d’entre elles sont en recul, ce qui équivaut à un linéaire d’environ 700 km. 

    Entre 1960 et 2010, environ 30 km² de trait de côte ont disparu en France. Cette surface équivaut à environ 4 200 terrains de football. Le trait de côte mesuré entre 2005 et 2014 a une longueur totale de 6 215 km, tandis que celui observé entre 1924 et 1958 atteignait 6 515 km.

    Tous les départements français sont concernés par le recul du trait de côte. La cartographie de l’indicateur national de l’érosion côtière, consultable dans son visualiseur dynamique en ligne, révèle que près de 20 % des côtes françaises (hors Guyane) sont en recul. En France, selon les estimations, 50 000 logements seraient menacés d’ici 2050. Cependant, il existe quelques territoires où la côte progresse, comme au sud de la baie de Somme.

    Cartographie du trait de côte français.
    Cartographie de l’indicateur national de l’érosion côtière avec les secteurs en recul et avec avancée. Crédit photo : Cerema et Ministère de la transition écologique et solidaire. Réalisation : François Hédou, 2018.

    Vers une prise en compte des institutions

    Les différents rapports du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) soulignent l’urgence de la situation. Entre 1901 et 2018, le niveau de la mer a augmenté en moyenne de 20 cm, ce qui a pour conséquence directe l’accélération de la dégradation des littoraux.

    La vitesse d’élévation du niveau de la mer est actuellement très préoccupante. D’après les dernières données du GIEC de 2023, elle n’a cessé d’augmenter depuis le début du XXème siècle

    • 1,3 mm/an entre 1901 et 1971 ;
    • 1,9 mm/an entre 1971 et 2006 ;
    • 3,7 mm/an entre 2006 et 2018 ;

    En 2050, l’élévation probable du niveau moyen de la mer est comprise entre 0,15 m et 0,23 m et 0,20-0,29 m pour le scénario le plus pessimiste.

    Néanmoins, les élus, en concertation avec les scientifiques et la population, abordent le problème du recul des littoraux et des risques associés avec davantage de sérieux. C’est pourquoi, la loi Climat et résilience de 2021 propose des outils pour aider les collectivités à aménager le littoral face aux risques côtiers.

    En résumé, le littoral est un milieu naturel et anthropisé qui évolue constamment. Aujourd’hui la dynamique du littoral est perturbée par l’activité de l’homme et les effets du changement climatique. Des avancées majeures sont réalisées pour rétablir l’équilibre naturel des reliefs côtiers et relever les défis actuels de gestion du littoral. Une prise de conscience collective est nécessaire afin de créer un avenir profitable à tous.

     

    RETENEZ


    • Le dynamique de littoral est un phénomène naturel, mais elle est perturbée par le changement climatique. La montée des mers accélère l’érosion côtière.
    • Les ouvrages visant à pallier l’érosion du littoral peuvent être bénéfiques mais également désavantageuses.
    • Le trait de côte est une représentation schématique utilisée pour calculer la délimitation entre la mer et le continent au fil du temps.
    • Le littoral français est en recul depuis les années 60.
    • Les élus et les parties civiles, en lien avec les organismes scientifiques, ont pris en compte l’ampleur des risques côtiers.

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