Après une trentaine d’années de développement et de nombreux défis techniques, le télescope James-Web (JWST) a commencé à scruter l’Univers. Sa mission, et non des moindres, tenter de dévoiler les secrets les mieux gardés du cosmos. Une première moisson de clichés a été dévoilée aux yeux du monde entier au cours de l’été 2022. Les superlatifs ne manquent pas. Jamais l’Univers n’est apparu aussi net et détaillé, pour le plus grand plaisir des astronomes mais aussi du grand public. Avec James-Webb, l’astronomie est, ni plus ; ni moins, entrée dans une nouvelle ère. Et l’aventure ne fait que commencer tant les espoirs sont immenses. Partez à la découverte des premières révélations du James-Webb à travers la description d’une série de clichés à couper le souffle.
Le télescope James-Webb dévoile l’immensité du cosmos avec une précision inégalée
Voici la première image du télescope James-Webb, dévoilée au monde entier le 12 juillet 2022 par la NASA. Il s’agit d’un cliché inédit : le plus net et le plus détaillé de l’Univers lointain capturé à ce jour. Sans aucun doute, on y recense les galaxies les plus lointaines jamais observées dans l’histoire de l’astronomie.
Connue sous le nom de « Webb’s First Deep Field », cette image montre en détail une portion infime de l’Univers observable. En effet, ce cliché représente approximativement la taille d’un grain de sable tenu à bout de bras par une personne au sol, soit un 1/25 millionième de l’intégralité de la voûte céleste.
Cet champ profond de l’Univers, pris par la caméra proche infrarouge de James-Webb (NIRCam), est en fait une image composite réalisée à partir de nombreux clichés capturés à différentes longueurs d’onde. La prise de cette image historique a demandé environ 12 heures de travail au James-Webb, là où le télescope Hubble demandait des semaines de traitement.
L’image montre de nombreux objets superposés à différentes distances.
Au premier plan figurent des étoiles de la Voie Lactée, notre Galaxie, reconnaissables à leurs 6 aigrettes bleues avec des pointes de diffraction de la lumière, produites par les bords du miroir hexagonal du télescope.
Au second plan, on aperçoit des galaxies blanchâtres, plus lointaines par rapport à notre point de vue. Elles font partie de l’amas de galaxies SMACS 0723 tel qu’il est apparu il y a 4,6 milliards d’années.
La masse combinée de cet amas de galaxies agit comme une lentille gravitationnelle, déformant et magnifiant des galaxies beaucoup plus éloignées derrière lui, à l’arrière-plan de l’image. Ainsi, elle prennent des formes courbées et sont visibles en orange. La plupart apparaissent comme des ovales flous, mais quelques-unes ont des bras spiraux distinctifs.
Ces galaxies de fond nous renvoient leur lumière des profondeurs de l’espace et du temps, il y a environ 13 milliards d’années, soit peu de temps après la naissance de l’Univers ou Big Bang.
Avec James-Webb, les chercheurs commenceront bientôt à en savoir plus sur la masse, l’âge, l’histoire et la composition de ces galaxies, car le télescope est à la recherche des galaxies les plus lointaines, donc les plus anciennes de l’Univers.
Les « falaises cosmiques » de la nébuleuse de la Carène
Ce qui ressemble à des montagnes escarpées par un soir de lune est en fait le bord d’une jeune région de formation d’étoiles dans la nébuleuse de la Carène. Capturée dans l’infrarouge par la caméra NIRCam (Near-Infrared Camera) du télescope spatial, cette image révèle des zones de naissance d’étoiles jusqu’alors masquées.
Appelée « falaises cosmiques », cette région est en fait le bord d’une gigantesque cavité gazeuse au sein de NGC 3324, située à environ 7 600 années-lumière de la Terre. La zone caverneuse a été creusée dans la nébuleuse par le rayonnement ultraviolet intense et les vents stellaires provenant de jeunes étoiles extrêmement massives et chaudes situées au centre de la bulle, au-dessus de la zone représentée sur cette image. Le rayonnement à haute énergie de ces étoiles sculpte la paroi de la nébuleuse en l’érodant lentement.
Nébuleuse de la Tarentule : un pouponnière pour la formation des étoiles
Dans cette mosaïque de 340 années-lumière (al) de largeur, la caméra proche infrarouge de James-Webb (NIRCam) montre la région de formation d’étoiles de la nébuleuse de la Tarentule sous un jour nouveau. Il apparaît sur ce cliché des dizaines de milliers de jeunes étoiles jamais vues auparavant.
La région la plus active semble étinceler de jeunes étoiles massives, qui apparaissent en bleu pâle. Parsemées parmi elles, des étoiles encore enfouies, apparaissant en rouge. Elles doivent encore émerger du cocon poussiéreux de la nébuleuse.
Plus loin de la région centrale des jeunes étoiles chaudes, le gaz plus froid prend une couleur rouille, indiquant aux astronomes que la nébuleuse est riche en matière complexe.
Ce gaz dense est le matériau qui formera les futures étoiles. Lorsque les vents des étoiles massives balaient le gaz et la poussière, une partie de ceux-ci s’accumule et, avec l’aide de la gravité, forme de nouvelles étoiles.
Le Quintette de Stephan et ses flux intergalactiques
Ensemble, les cinq galaxies du quintette de Stephan sont également connues sous le nom de groupe compact Hickson 92 (HCG 92). Bien que l’on parle de « quintette », seules quatre de ces galaxies sont réellement proches les unes des autres et prises dans une danse cosmique.
La cinquième galaxie, la plus à gauche, appelée NGC 7320, est bien au premier plan par rapport aux quatre autres. Cette galaxie se trouve à 40 millions d’années-lumière de la Terre, tandis que les quatre autres galaxies, à droite (NGC 7317, NGC 7318A, NGC 7318B et NGC 7319), se trouvent à environ 290 millions d’années-lumière. Cela reste assez proche en termes cosmiques, comparé à des galaxies plus lointaines situées à des milliards d’années-lumière.
Cette proximité permet aux astronomes d’être aux premières loges pour assister à la fusion et aux interactions entre galaxies proches. Dans la partie centrale de l’image, NGC 7318A et NGC 7318B sont en train de fusionner (points blancs brillants et très proches) et échanger leurs flux intergalactiques, un processus suspecté de jouer un rôle déterminant dans leur évolution.
Le quintette de Stephan se présente ainsi comme un fantastique « laboratoire » pour étudier les processus fondamentaux de formation des étoiles et l’interaction des gaz interstellaires entre les différentes galaxies du cosmos.
De plus, le centre de la galaxie la plus élevée du groupe (NGC 7319) abrite un noyau galactique actif, ou trou noir supermassif de 24 millions de fois la masse du Soleil et 40 millions de fois plus lumineux, qui dévore activement de la matière.
En prime, les instruments du James-Webb (NIRCam et MIRI) ont révélé une vaste mer de plusieurs milliers de galaxies lointaines en arrière-plan, rappelant les champs profonds du télescope Hubble.
Le télescope spatial James-Webb a dévoilé des clichés de l’Univers avec une précision inédite.
Galaxie de la Roue de chariot et sa morphologie transitoire
Cette galaxie s’est formée à la suite d’une collision à grande vitesse avec une autre galaxie, il y a environ 400 millions d’années. La roue de Chariot est composée de deux anneaux, un anneau intérieur brillant et un anneau extérieur coloré. Les deux anneaux s’étendent vers l’extérieur à partir du centre de la collision, comme des ondes de choc.
Toutefois, une grande partie de la galaxie spirale qui existait avant la collision demeure, y compris ses bras en rotation. C’est ainsi que sont apparus les « rayons » rouges que l’on perçoit entre les anneaux intérieurs et extérieurs et qui ont inspiré le nom de la galaxie : la roue de Chariot.
Ces teintes rouges brillantes, que l’on retrouve non seulement dans la galaxie de la roue, mais aussi dans la galaxie spirale compagne en haut à gauche, sont dues à une poussière incandescente riche en matière stellaire.
Au milieu des tourbillons de poussière rouges, on trouve de nombreux points bleus individuels, qui représentent des étoiles ou des poches de formation d’étoiles.
Les observations du James-Webb ont capturé la galaxie de la roue dans un stade très transitoire. La forme que prendra définitivement celle-ci reste un mystère. Cependant, cet instantané donne une perspective sur ce qui est arrivé à la galaxie dans le passé et sur ce qu’elle pourrait devenir dans le futur.
La nébuleuse de l’Anneau austral ou la mort d’une étoile
Cette image fantasmagorique représente la nébuleuse de l’Anneau austral, un nuage de gaz et de poussières interstellaires. Les nébuleuses jouent une rôle déterminant dans la naissance de futures étoiles et de planètes.
L’astre brillant au cœur de la nébuleuse est en réalité un système double formé d’une étoile et d’une naine blanche, c’est-à-dire un résidu d’étoile en fin de vie.
Après que le noyau de cette étoile en fin de vie ait gonflé et explosé, il a expulsé son enveloppe extérieure d’hydrogène dans l’espace, tandis que son cœur s’est rétracté sur lui-même. A terme, il ne resta plus qu’un noyau d’étoile chaud qui a évolué lentement vers une naine blanche : une étoile de petite taille, froide, et avec une faible luminosité.
L’enveloppe d’hydrogène est visible sur la photo en orange, tandis que le halo bleu provient du plasma d’hydrogène électrisé par la naine blanche qui continue à briller au cœur de la photo, bien que non visible sur la photo.
La faible lumière de cette naine blanche est masquée par la lumière de son étoile compagnon, quant à elle bien visible au centre de l’image (étoile blanche avec ses 6 aigrettes bleues).
En observant les nébuleuses, James-Webb permettra d’appréhender la mort programmée de notre propre Soleil, dans environ 6 milliards d’années. L’explosion de notre étoile en fin de vie (supernova) produira alors un cliché similaire à celui-ci : une naine blanche et une nébuleuse qui pourra potentiellement engendrer de nouvelles étoiles et planètes.
James-Webb ouvre la voie à de nouvelles observations d’exoplanètes
Pour la première fois, des astronomes ont utilisé le télescope spatial James-Webb de la NASA pour prendre une image directe d’une planète située en dehors de notre Système solaire.
L’exoplanète représentée sur l’image de Webb, appelée HIP 65426 b, a une masse de six à douze fois celle de Jupiter. Elle est assez jeune : 15 à 20 millions d’années seulement contre 4,5 milliards d’année pour la Terre. L’exoplanète est une géante gazeuse, ce qui signifie qu’elle n’a pas de surface rocheuse et ne pourrait pas être habitable. Les astronomes ont découvert la planète en 2017 à l’aide de l’instrument SPHERE sur le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral au Chili.
Comme HIP 65426 b est environ 100 fois plus éloignée de son étoile hôte que la Terre ne l’est du Soleil, elle est suffisamment éloignée pour que James-Webb puisse observer facilement la planète.
Pour les astronomes, prendre des images directes d’exoplanètes est un véritable défi car les étoiles sont beaucoup plus lumineuses que leurs planètes. La planète HIP 65426 b émet une lumière 10 000 fois plus faible que son étoile hôte dans le proche infrarouge.
L’image a été prise dans différentes bandes de lumière infrarouge par les instruments NIRCam et MIRI du télescope. Ils sont notamment équipés de deux coronographes, de minuscules filtres qui bloquent la lumière des étoiles, permettant au télescope de prendre des images directes de certaines exoplanètes comme celle-ci. Dans le cas présent, l’exoplanète est vue à travers quatre filtres lumineux qui capturent la lumière de manière différente (encarts en bas de l’image). Ainsi la morphologie et les couleurs de l’exoplanète changent quelque peu.
Bien que ce ne soit pas la première image directe d’une exoplanète prise depuis l’espace – le télescope spatial Hubble a capturé des images directes d’exoplanètes auparavant – HIP 65426 b indique la voie à suivre pour l’exploration des exoplanètes par James-Webb.