Paysage emblématique de l’ouest des États-Unis, le parc tribal de Monument Valley offre un panorama à couper le souffle. Ce fabuleux décor cinématographique à ciel ouvert occupe une surface de 370 km2 à la frontière entre Arizona et Utah, au sein de la réserve indienne des Navajos. Son relief est jalonné par des colosses faits de grès et d’argile. Ces derniers ont marqué l’imaginaire collectif en étant mis à l’honneur, à de nombreuses reprises, dans les westerns américains avec John Wayne ou Clint Eastwood. Ces monuments, qui semblent inébranlables, n’ont pas toujours trôné en maître sur le plateau du Colorado. Comment ont-ils été créés ? Découvrez le long processus de formation de Monument Valley ainsi que la place de la culture navajo dans le parc.
L’histoire géologique de Monument Valley
Du plancher sous-marin du golfe du Mexique au plateau du Colorado
Monument Valley n’est pas une vallée au sens strict de sa définition, c’est-à-dire « une dépression allongée, plus ou moins évasée, creusée par un cours d’eau ou par un glacier » (Dictionnaire Larousse). Le terme qui la qualifie le mieux est celui de cuesta qui désigne une forme de relief dissymétrique.
Située à une altitude comprise entre 1800 et 2000 m, Monument Valley occupe aujourd’hui une partie du plateau du Colorado qui s’étend sur 4 états : le Colorado, l’Utah, l’Arizona et le Nouveau-Mexique. Toutefois, sa position géographique a évolué fortement au cours du temps.
Au cours de l’ère du Paléozoïque, entre -542 et -251 millions d’années, le plateau du Colorado se trouvait au sud du golfe du Mexique et immergé. Les roches les plus anciennes découvertes dans le parc apportent la preuve que le plateau était autrefois situé en milieu marin. À travers les âges, il a connu différents paysages : recouvert par les mers, transformé en zone terrestre désertique ou irrigué par des rivières. Une activité volcanique importante a aussi marqué les lieux et des traces de celle-ci subsistent encore sur le site.
Les parois de teinte ocre qui caractérisent Monument Valley sont formées de roches sédimentaires composées de débris : les grès. Ils sont le résultat de l’accumulation et de la cimentation de grains de sable au cours des périodes géologiques du Permien et du Trias, entre 270 et 240 millions d’années.
L’autre étape importante, pour le parc tribal, survient il y a 30 millions d’années. L’ensemble du plateau du Colorado commence à se soulever jusqu’à atteindre 2000 m d’altitude. Cette surrection cause des plissements et des failles verticales dans la roche. Dans ce contexte, l’érosion poursuit son œuvre et sculpte ce territoire, laissant les célèbres buttes témoins et mesas sur son passage.
Monument Valley : des tours en constante évolution
Sur l’immense étendue du site se dressent des tours de grès dont la hauteur est comprise entre 30 et 300 m. Leur couleur rouge caractéristique est due à la présence d’oxydes de fer.
Si le sol est composé d’un mélange de sable et de grès fins, les formations rocheuses présentent des strates de nature et de résistance différentes. De la base au sommet de Merrick Butte, par exemple, on distingue :
- Organ Rock : le piédestal de toutes les tours du site date du Permien. Cette couche de schiste argileux a été créée au gré des courants marins. Vulnérable aux effets du vent et de l’eau, elle s’érode en pente « douce ».
- De Chelly : au-dessus d’Organ Rock, les grès sont plus résistants. Ils constituent les blocs massifs et majestueux de Monument Valley.
- Moenkopi : ces grès argileux sont plus récents et datent du Trias. Ils se situent au-dessus de la formation De Chelly des mesas et des buttes. Des fossiles de reptiles, d’amphibiens et de poissons y ont été découverts.
- Shinarump : les conglomérats de cette strate forment, au sommet, une couche sédimentaire protectrice très résistante, datant aussi du Trias.
Des millions d’années d’érosion ont façonné le paysage de Monument Valley
En fonction des stades d’érosion, les tours du parc peuvent être classées en 3 catégories :
- La mesa, qui signifie « table » en espagnol, correspond au premier stade. Elle est large et stable comme Rain God Mesa.
- La butte (prononcez « bi-ute ») est le second stade. Elle est de taille plus petite. C’est le cas d’East Mitten Butte et West Mitten Butte.
- La spire, enfin, qui signifie « aiguille » en anglais, représente le dernier stade d’érosion. À l’image de Three Sisters, la roche est étroite. Elle conserve uniquement les grès massifs de la formation De Chelly et les alternances argilo-gréseuses d’Organ Rock.
Le passage de la mesa à la spire s’explique par l’existence, dans les grès, de grandes fissures verticales appelées diaclases. Sous les assauts du vent et de l’eau, des pans entiers de roches se détachent et s’éboulent en bloc, laissant place à des parois vertigineuses. La région est en constante évolution et des écroulements peuvent intervenir à chaque instant pour redessiner le paysage.
La faune et de la flore de Monument Valley : entre discrétion et adaptation
Le plateau abrite une faune et une flore riches et diversifiées malgré ses conditions désertiques. Parmi les espèces animales présentes sur le site, on trouve des pumas, des coyotes, des lièvres, des lézards et de nombreuses espèces d’oiseaux.
Le puma est agile et s’adapte parfaitement à cet environnement grâce à sa capacité à escalader des rochers escarpés. Il est cependant difficile de l’observer tant il cultive l’art de la dissimulation.
En revanche, en levant les yeux vers le ciel, les visiteurs de Monument Valley pourront éventuellement apercevoir une buse à queue rousse, dont l’envergure peut atteindre 1,30 m.
En ce qui concerne la végétation, les arbustes résistants dominent le paysage. La sauge de Russie, reconnaissable à ses fleurs bleues, est habituée à la sécheresse et ne craint aucun parasite. Le Yucca de Mojave pousse lentement et produit des fleurs blanches. Tout comme le brittlebush, buisson à la floraison jaune, le Yucca est actif la nuit facilitant ainsi la préservation de son humidité.
La place de la culture Navajo dans le parc tribal
Les premières traces de présence humaine sur le site datent de 1200 avant J.-C. Les Indiens Anasazi ont gravé, dans la roche, des pictogrammes encore visibles. Monument Valley se situe, aujourd’hui, dans la réserve navajo. Le conseil de la nation navajo fonde le parc tribal en 1958 afin de protéger cet environnement si précieux.
Le mode de vie des habitants de Tse’Bii’Ndzisgaii (« la vallée dans le rocher ») se veut simple et en communion avec la nature qui les entoure. Les nappes phréatiques offrent une humidité suffisante pour les cultures et l’élevage. S’inspirant des paysages grandioses, les familles réalisent des tapis tissés à la main, des peintures sur sable, des poteries et des bijoux.
L’histoire orale de la création de Monument Valley est transmise au sein de la tribu. Les célèbres Jumeaux, héros de la mythologie navajo, auraient combattu et vaincu les monstres qui habitaient ce monde. Les carcasses des terribles bêtes se seraient alors transformées en roche et auraient créé les buttes présentes sur le site.
Les noms des tours sont, quant à eux, le produit de l’imagination des premiers colons ou des Navajos. En voici quelques exemples :
- East Mitten Butte et West Mitten Butte ressemblent à des mains et désignent les êtres spirituels qui veillent sur la Vallée.
- Merrick Butte et Mitchell Mesa rendent hommage à deux anciens soldats reconvertis dans la recherche non pas d’or, mais d’argent sur le site.
- Elephant Butte et Camel Butte sont des noms attribués du fait de leur ressemblance avec l’éléphant et le chameau.
- The Hub représente le feu qui se trouve au cœur du foyer dans les maisons Hogan.
- Rain God Mesa est le centre géologique du parc.
Monument Valley fascine ses visiteurs. Ses colosses aux pieds d’argile imposent le respect et suscitent l’émerveillement. Le temps semble s’être arrêté pour ces gardiens du site et pourtant l’érosion, elle, ne connaît pas de répit. Elle poursuit sa route et continue de modeler les emblématiques mesas, buttes et spires.