Les océans constituent la principale ressource en eau de la planète. Les activités humaines ont un impact majeur sur le climat et les océans. Les surveiller est fondamentale pour comprendre comment la quantité et la qualité des eaux évoluent avec le temps. Un paramètre physique qui est surveillé de près depuis des centaines d’années par les scientifiques est celui du niveau moyen des océans. Il est en constante augmentation depuis plus d’un siècle et s’accélère ces dernières décennies. Comment les scientifiques mesurent-ils cette variation du niveau marin ? Depuis combien de temps ? Pourquoi est-ce que le niveau moyen des océans augmente depuis des décennies ? Qu’est-ce que la montée des eaux ou élévation du niveau de la mer ? Quelles en sont les causes et les conséquences ?
Les mesures locales du niveau moyen des océans
Les marégraphes
Les premières mesures du niveau moyen des océans ont été effectuées par l’intermédiaire de marégraphes, à partir du XIXème siècle. Les mesures étaient réalisées à la main et en journée. A partir des années 1840, le déploiement des marégraphes analogiques (ou marégraphes à flotteur) a permis d’effectuer des mesures continues du niveau marin, à proximité des côtes françaises. En 1859, il y en avait une dizaine en activité sur le littoral français.
De nos jours, ce sont les marégraphes numériques qui ont pris le relais. Ils mesurent les changements du niveau de l’océan en fonction d’une hauteur de référence : le datum. En complément de cette mesure, il est nécessaire de réaliser un certain nombre de corrections géophysiques. Les plus importantes sont liées aux marées ou encore au positionnement absolu de la station de mesure qui peuvent fausser les mesures.
Les bouées météorologiques GPS
De nos jours, les météorologues utilisent également des bouées océanographiques. Elles présentent l’intérêt de pouvoir transmettre en temps réel leurs données, grâce au système de liaison VHF ou encore par satellite (système ARGOS).
Deux types de bouées météorologiques existent :
- Les bouées dérivantes permettent de mesurer la température des eaux de surface et la pression atmosphérique. Elles peuvent peser jusqu’à 100 kg.
- Les bouées GPS ancrées sont fixes et peuvent peser plusieurs tonnes. Elles peuvent enregistrer de nombreux paramètres géophysiques tels que la houle, la pression, la température, l’humidité ou encore la force du vent. Certains bouées ancrées sont souvent dédiées qu’à une seule mesure. Ce type de bouée permet d’effectuer des mesures en des points précis de l’océan. Les données obtenues sous forme de valeurs absolues sont utilisées pour certaines études climatiques.
Les mesures globales des océans via l’altimétrie satellitaire
Dans les années 1970, le développement de l’altimétrie satellite a révolutionné le travail de calcul de la variation du niveau des océans. En effet, les altimètres radar ont permis aux scientifiques d’avoir une vision plus globale des surfaces océanographiques.
Le schéma suivant explique le principe de l’altimétrie satellite. Cette méthode permet de mesurer avec précision (de l’ordre du centimètre) la distance qui sépare le satellite de la surface des océans.
Plusieurs réglages et paramètres sont à prendre en compte, il faut notamment :
- Positionner avec précision le satellite sur son orbite. Ceci est réalisé grâce aux mesures GPS ainsi qu’aux stations DORIS et laser, positionnées sur l’ensemble du globe terrestre. Le satellite est toujours positionné par rapport à une surface mathématique imaginaire, appelée ellipsoïde de référence (WGS84) ;
- Réaliser des mesures altimétriques en plein océan au nadir du satellite. Cela signifie que le satellite doit toujours réaliser des mesures à la verticale par rapport à son orbite ;
- Mesurer avec précision la distance séparant le satellite de la surface océanique. Cette quantité s’appelle le range et il est mesuré avec une précision atteignant les 2 cm ;
- Evaluer la topographie de l’océan grâce au géoïde. Le géoïde est une surface géophysique fondamentale qui sert de référence pour les mesures précises d’altitudes.
Surveiller le niveau moyen des océans est primordial pour comprendre l’évolution du climat mais aussi pour anticiper les conséquences socio-économiques de l’élévation des océans, dans le cadre du rechauffement climatique.
L’élévation du niveau de la mer, conséquence du réchauffement climatique
Les deux missions altimétriques franco-américaines Topex-Poséidon (1992-2005) et Jason-1 (2001-2015), ont permis d’étudier de manière continue le niveau moyen des océans (aussi appelé Mean Sea Level en anglais, en abrégé MSL). D’autres missions satellitaires ont permis d’affiner les données de variation du niveau marin (Jason-2/3, Sentinel-3/6, Saral/AltiKa, etc).
La carte présentée ci-dessous a été réalisée en combinant les différentes missions altimétriques disponibles entre les périodes de janvier 1993 et octobre 2019.
Les zones où le niveau des mers a augmenté sont symbolisées en rouge sur le planisphère, tandis que celles où il a baissé sont représentées en couleur cyan. De manière générale, le niveau moyen des océans augmente de manière continue sur la majorité du globe. Cette élévation est particulièrement flagrante au large du Japon, de l’Argentine et de l’Australie avec des taux allant de 5 à 10 millimètres par an.
La montée des eaux s’explique par deux principaux phénomènes, de manière conjointe :
- La fonte des glaces continentales – calottes de glace du Groenland et de l’Antarctique (35%) et glaciers de montagnes (24%) – liée au réchauffement de l’atmosphère par les gaz à effet de serre. Après la fonte des glaces, le volume d’eau liquide se surajoute à l’océan. Mécaniquement la hauteur du niveau marin augmente.
- La dilatation ou l’expansion thermique des océans (35%). Le volume de la masse d’eau océanique augmente en raison de la hausse de la température de l’eau. Une eau plus chaude est une eau qui occupe plus de volume.
La figure suivante confirme que la hausse du niveau marin entre 2006 et 2015 est majoritairement liée à la fonte des inlandsis continentaux du Groenland et de l’Antarctique, ainsi que l’expansion thermique des océans.
Globalement, le niveau marin augmente en moyenne de +3,4 millimètres par an (erreur de ±0.5mm/an) depuis les années 1990. Le rythme est trois supérieur à ce qui était mesuré par les marégraphes avant 1950. La figure suivante montre cette variation depuis le début des années 90 jusqu’à nos jours. Les altimètres radar ont permis aux scientifiques d’avoir une vision plus globale des surface océanographiques, à la fois dans le temps et dans l’espace.
L’étude des surfaces océaniques est rendue complexe du fait d’un nombre important de paramètres en jeu. L’élévation du niveau moyen des océans est l’un des indicateurs les plus visibles du réchauffement climatique. Surveiller cet indicateur est primordial pour comprendre l’évolution du climat mais aussi pour anticiper les conséquences socio-économiques de l’élévation des océans. De nombreuses populations côtières vont devoir migrer vers des terres hors d’eau, comme par exemple au Bangladesh, au Nigeria ou encore en Indonésie qui subissent déjà la montée des eaux. Ce phénomène est voué à s’accentuer dans les prochaines décennies si les puissances mondiales ne diminuent pas drastiquement et rapidement leurs émissions de gaz à effet de serre.