La surface des océans sert de repère général pour définir l’altitude zéro des cartes topographiques. Ces gigantesques étendues d’eau, qui occupent plus de 70 % de la surface de notre planète, sont rythmées par des mouvements réguliers : les vagues et les marées. Ce phénomène, observé le long de la plupart des côtes maritimes, est le processus qui fait inlassablement varier le niveau de la mer plusieurs fois par jour. Grâce aux observations réalisées par les plus grands scientifiques, il est possible de comprendre le phénomène des marées à travers le monde. Pourquoi, comment et quand se forment-elles ? Par quel moyen arrivons-nous aujourd’hui à prévoir, observer et anticiper ce mouvement ?
Les marées : une source d’observations et de découvertes depuis l’Antiquité
Des premières observations à l’attraction de la Lune
C’est un astronome Grec nommé Pythéas qui, vers 330 avant Jésus-Christ, entreprit un voyage depuis Marseille jusqu’en Angleterre. Il constata alors que le phénomène de marée était en lien direct avec le cycle lunaire.
Après lui, de nombreux observateurs confirmèrent le lien étroit avec cet astre nocturne. Platon, quant à lui, soutenait comme d’autres scientifiques, que les différents mouvements de la Terre étaient la cause des marées. Plus tard, Galilée s’appuya sur les travaux de Copernic pour affirmer que ces dernières étaient générées par l’effet combiné de la rotation de la Terre autour de son axe et de son mouvement autour du Soleil.
Les travaux d’Isaac Newton
Les véritables bases de la compréhension du phénomène des marées voient le jour au 17e siècle grâce à la théorie de la gravitation universelle d’Isaac Newton. Il démontre que notre planète, en tournant sur elle-même, exerce deux forces : la force gravitationnelle et la force centrifuge.
La force gravitationnelle
La force gravitationnelle permet à la Lune de tourner autour de la Terre sans jamais la percuter. Newton précise que la Lune exerce la même force d’attraction sur la Terre et attire vers elle ce qui se trouve à sa surface. Voilà pourquoi l’eau des océans est attirée vers la Lune.
La force centrifuge
La force centrifuge, quant à elle, tend à éloigner tout ce qui se trouve à la surface de la Terre en raison de sa rotation. Il s’agit du mécanisme que l’on peut ressentir dans un manège qui tourne très vite : les personnes ont la sensation d’être éjectées à l’extérieur du manège.
Ces deux forces agissent ensemble. D’un côté de notre planète, la force gravitationnelle attire une partie de l’océan et la force centrifuge va éloigner de la Terre l’autre partie. Ainsi, l’océan se déforme en deux bourrelets diamétralement opposés. Deux marées hautes vont apparaître simultanément de chaque côté du globe alors que les marées seront basses aux deux pôles.
Pour visualiser ce phénomène à plus petite échelle, il suffit d’appuyer sur une balle en mousse avec la main : les deux côtés opposés s’étirent comme le font les océans sous l’effet de ces deux forces.
L’influence du Soleil
La preuve de l’influence de la Lune sur les marées est posée. Mais qu’en est-il du Soleil ? Bien que sa masse soit bien plus grande, du fait de son éloignement plus important, le Soleil exerce une attraction sur la Terre équivalente à 46 % à celle de la Lune. Le phénomène des marées est donc dû à la fois à l’attraction de la Lune et à celle du Soleil sur nos océans.
Les clés pour comprendre le phénomène des marées
Lorsque la Lune et le Soleil sont alignés, c’est-à-dire durant les périodes de pleine et nouvelle Lune, les effets d’attractions se renforcent (à gauche dans le schéma ci-après) Cela donne naissance à de grandes marées, appelées également vives-eaux. En revanche, lorsqu’ils sont en quadrature, aux premiers et derniers quartiers de Lune (à droite dans le schéma), les effets se compensent et les marées sont de plus faible amplitude ; il s’agit des mortes-eaux.
L’orbite lunaire en décalage
Les travaux d’Isaac Newton ont montré que le déplacement de la Lune sur son orbite n’est pas exactement calé sur celui de la Terre. Le temps qu’il faut à la Lune pour réaliser un seul tour sur elle-même est de 24 heures et 50 minutes alors que pour la Terre il est de 24 heures. C’est ce décalage qui fait que les marées ne se forment jamais à la même heure d’un jour à l’autre.
En se postant face à la mer, il est assez facile d’observer que le flot (mouvement de montée des eaux) et le jusant (la descente) sont quotidiennement en décalage de quelques minutes par rapport au jour précédent.
Le cycle semi-diurne
Ce cycle de deux marées hautes par jour est appelé semi-diurne. Il est observable, entre autres, sur la côte Atlantique. Bien que ce phénomène se répète à un rythme régulier, les deux marées quotidiennes ne sont jamais de même hauteur ; cela dépend de la position de la Lune par rapport à notre planète.
Pour bien comprendre ce point, il faut rappeler qu’en une journée, la Terre tourne sur elle-même autour d’un axe nord-sud. Cet axe est séparé par une ligne perpendiculaire, le plan équatorial qui sépare notre planète en deux hémisphères, sud et nord. L’orbite lunaire est décalée de 5 degrés par rapport à cet équateur. Elle peut donc, se trouver soit plus haute, soit plus basse ou en face de notre plan équatorial. Ce sont ces variations de positions qui vont influencer directement la hauteur des marées.
Les équinoxes et les solstices
Dans cette même logique, lorsque tous les astres sont alignés avec l’équateur terrestre, l’attraction est forte. C’est aux équinoxes de printemps et d’automne que les plus grandes marées sont générées.
À l’inverse, durant les solstices d’hiver et d’été, l’attraction est plus faible car l’équateur est décalé par rapport aux astres. Les marées sont donc moins intenses en ces périodes.
Newton, dans son explication des mouvements de nos océans, part du principe qu’il n’y a que de l’eau sur toute la surface du globe terrestre. Il s’agit là d’un modèle statique. Les éléments qui permettent de comprendre le phénomène des marées sur notre planète sont plus complexes et intègrent d’autres aspects très importants.
La compréhension moderne des marées
En 1799, les travaux de Paul-Simon de Laplace ont une influence déterminante. Dans son Traité de Mécanique Céleste, il complète les observations de Newton et démontre que les marées sont en réalité dynamiques. Il propose d’imaginer en premier lieu un doigt qui soulèverait l’eau et la relâcherait sur une terre immobile sans rien d’autre que l’océan et sans Lune ni Soleil. Inévitablement, une grande vague se crée, comme une ondulation qui traverse le globe. Pour comprendre le phénomène des marées, Laplace ajoute à cette vision de base les différents facteurs qui vont interagir avec les mouvements aquatiques terrestres.
Les continents
La forme géométrique des côtes joue un rôle crucial dans la propagation des marées. L’ondulation rencontre un obstacle de taille qui freine et bloque sa course.
Le marnage
L’importance des marées dépend également en grande partie du marnage. Ce terme décrit la différence entre le niveau de l’eau lors de la plus haute marée et celui de la plus basse marée.
Sur les côtes françaises, le marnage est plutôt fort au niveau de l’océan Atlantique avec des grandes marées qui peuvent monter à plus de 10 mètres au Mont Saint-Michel. À contrario, il est très faible en mer Méditerranée avec une amplitude d’environ 40 centimètres, d’où la difficulté de visualiser le phénomène de marées sur les côtes méditerranéennes.
La baie de Fundy, au Canada, sur la côte Atlantique, est un bras de mer en forme d’entonnoir entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse. Il s’agit de la plus grande amplitude connue au monde. Elle peut monter jusqu’à seize mètres dans certaines conditions.
La force de Coriolis
Le mouvement de rotation de la Terre créé sur le globe la force de Coriolis. Celle-ci provoque un déplacement des mouvements d’eau sur la planète. Dans l’hémisphère sud, l’eau est dirigée dans le sens des aiguilles d’une montre. Dans l’hémisphère nord, elle est déviée dans le sens inverse. Ainsi l’onde de la marée se déplace sous l’effet de la force de Coriolis.
Le schéma ci-dessus montre bien le déplacement des ondes de la marée sur la Terre. Pour bien comprendre, il faut prendre l’exemple d’une marée haute au niveau de Brest à cinq heures. Cette même marée sera haute au Havre qui se situe au nord-est de Brest car la force de Coriolis tend à dévier l’onde de la marée vers la droite.
En conséquence, aucune marée n’est identique au même moment sur différents points du globe à un instant donné.
Les marées sont façonnées par l’attraction de la Lune et du Soleil sur la Terre et par les mouvements de notre planète, ses particularités géographiques et la profondeur de ses océans.
Observer et prévoir les marées
Depuis le 19e siècle, l’Homme a bien perçu l’importance de comprendre le phénomène des marées. Il faut garantir les meilleures conditions de navigation maritime et prévoir les impacts sur le littoral en fonction des mouvements de l’océan. Pour mesurer les hauteurs d’eau, l’utilisation de marégraphes à flotteur à longtemps été de rigueur. Aujourd’hui les données GPS sont d’une fiabilité sans précédent de l’ordre du centimètre. Observer le niveau de la mer est d’ailleurs une spécialité typiquement française grâce au SHOM, le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine.
Les partitions des marées : les harmoniques
Dans cette recherche, la science s’intéresse particulièrement aux harmoniques des marées. Celles-ci correspondent à l’amplitude d’une marée relevée à un endroit donné durant une période précise. Les harmoniques sont représentées sous forme de graphiques qui donnent une vision précise du mouvement et de la fréquence de la marée. Elles permettent de mesurer et prédire le phénomène avec précision, mais seulement là où les spécialistes les ont observées, soit principalement le long des côtes. Grâce à elles, il est aisé de voir qu’aucune marée n’est identique sur le globe.
Alors qu’à Brest, l’harmonique traduit une marée semi-diurne (deux marées hautes par jour), d’autres localités sur le globe sont sujettes à des marées totalement différentes. À Do Son, au Vietnam, la marée est diurne (une seule par jour). À Victoria, au Canada, la marée est de type mixte (entre une à deux par jour). À Seattle, la marée est de type semi-diurne à inégalité diurnes. À cet endroit de la côte ouest américaine, on observe le même cycle de marée qu’en France mais avec des inégalités plus marquées du niveau de la mer.
Les coefficients de marées
Les coefficients de marée sont un autre indicateur utilisé uniquement pour les côtes françaises. Ils permettent de savoir si la mer a un marnage faible ou important en un lieu donné. Ils varient de 20 à 120 ; 90 étant une grande marée. Le coefficient 119 a été atteint deux fois, en 1918 et en 1993.
Ces indicateurs ne donnent cependant pas la hauteur d’eau. Sur deux journées distinctes dans l’année avec un coefficient identique, une des marées basses peut atteindre une hauteur plus faible. Dans ce cas de figure, à marée haute, le niveau de la mer sera également plus bas alors que le marnage et le coefficient restent les mêmes.
Les effets des marées et de l’attraction sur la planète
D’autres phénomènes notables sont directement liés aux marées. Certains courants peuvent ainsi être rapides et dangereux par le resserrement de l’onde dans un détroit par exemple.
L’attraction sur les continents
L’attraction fait varier la hauteur des continents. Sous nos pieds, le sol monte et descend d’environ vingt-deux centimètres chaque jour au moment des marées. Cela reste difficile à percevoir car le phénomène est à la fois lent et de très grande ampleur.
Le mascaret
Le mascaret est la rencontre du courant d’un fleuve qui se jette dans l’océan et de la force d’une grande marée qui se dirige en sens inverse. La poussée d’eau de la marée qui se déplace vers l’intérieur des terres crée des vagues proches d’un tsunami. Le plus grand mascaret se trouve sur le fleuve Qiantang au sud-est de la Chine. Sa vague peut atteindre neuf mètres de haut et une vitesse de quarante kilomètres par heure.
Au Brésil, le Pororoca, d’une hauteur de quatre mètres, parcourt une distance de huit cents kilomètres sur l’Amazone. Le bruit de la vague précède l’effet de trente minutes. Il s’agit d’un des endroits les plus dangereux pour l’homme, la faune et la flore locale.
Le raz de marée, une exception
Le raz de marée est un phénomène de submersion. Ce terme désigne des inondations liées à des dépressions atmosphériques marquées (des très basses pressions) et à des phénomènes de tempêtes. Bien que la marée n’ait pas de réel rapport avec ce phénomène, le terme de « raz-de-marée » est devenu une expression généraliste qui définit tous les phénomènes de submersion marine. La force de friction du vent peut également influer sur le niveau de l’eau. Celui-ci a tendance à baisser lorsque le vent est dirigé vers le large et à monter quand il souffle vers les terres.
En calculant la force gravitationnelle Soleil Terre je trouve un résultat en dix puissance 22 et pour le système Terre Lune en dix puissance 20. Alors pourquoi dit-on que la force gravitationnelle de la Lune est plus importante que celle du Soleil ?
Bonjour Richard. Merci pour l’intérêt que vous portez à notre article. En effet, la force gravitationnelle du soleil est plus importante que celle de la lune. Les calculs qui le prouvent considèrent que l’attraction entre deux astres se fait à partir de leurs centres respectifs. Comme la Lune est très proche de la Terre, son action est davantage marquée sur les surfaces déformables de notre planète : les océans. Comme le Soleil est plus éloigné, son action sur nos océans est moins importante. L’astre solaire intervient d’ailleurs sur le phénomène des marées à environ un tiers des forces en action. C’est pour cela qu’il est souvent considéré, spécifiquement dans l’étude du phénomène des marées, que la force gravitationnelle de la Lune est plus importante que celle du Soleil.
Merci pour la réponse.
La dernière phrase est fausse. La force gravitationnelle de la lune est moins importante que celle du soleil d’un facteur 100. Il suffit de faire le calcul comme Richard pour s’en rendre compte. Par contre il faut considérer l’effet centrifuge. L’accélération gravitationnelle annule l’accélération centrifuge au centre de la terre, mais pas à sa surface. Comme le ration rayon terre / distance lune est plus grand que celui rayon terre / distance soleil, l’effet de la lune est bien plus important que celui du soleil.