Le saviez-vous ? Le désert du Sahara, cette étendue de dunes et de roches n’a pas toujours été la région aride que nous connaissons aujourd’hui. Il y a environ 10 000 ans, un Sahara vert a bel et bien existé ! Les différents fossiles retrouvés dans le lac Méga-Tchad ainsi que l’analyse de la cire des végétaux conservée dans ceux-ci prouve que cette région était verdoyante. L’Afrique du Nord oscillerait entre un climat sec et humide depuis plusieurs millions d’années.
L’existence d’un Sahara vert il y a 5 000 à 11 000 ans
C’est en 1850 que l’explorateur allemand Heinrich Barth découvre pour la première fois des ornements et peintures rupestres dans l’Ouest de la Libye. Bien plus tard, en 1956, Henri Lhote, explorateur et anthropologue français, conduit une expédition en Algérie, sous l’égide du musée de l’Homme à Paris, du CNRS et de l’Institut d’études sahariennes d’Algérie. Il découvre de nombreuses autres peintures préhistoriques qui représentent des animaux tels que des girafes, des rhinocéros, des lions, des antilopes. Selon l’anthropologue Jean Loïc Le Quellec, ces fresques et peintures datent d’il y a environ 5 000 ans. Ces œuvres représentent des animaux sauvages dont le milieu de vie nécessite la présence d’eau et de nourriture, ce qui indique l’existence d’un climat plus doux à cette période.
Une étude récente menée par des chercheurs de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 et des Universités de Rabat et d’Oujda vient de mettre en évidence de nouvelles traces de l’existence d’un Sahara vert au Maghreb. Ils ont découvert la présence de dépôts sédimentaires fluviaux contenant du calcaire autour du bassin de Moulouya ainsi que sur les Hauts Plateaux du Maroc Oriental. Ces dépôts dateraient d’il y a 5 000 à 11 000 ans. A cette époque, des zones humides étaient donc courantes sur les hauteurs du Maroc. Depuis, de nombreux paléolacs ont été révélés dans la région du Tchad et du Niger. La période africaine humide se serait développée lors de l’Holocène ancien et moyen (ère quaternaire).
Le Sahara, entre climat aride et climat humide : une histoire vieille de plusieurs millions d’années
Selon une autre étude menée par l’anthropologue français, Jean Maley, directeur de recherche à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), d’autres périodes humides auraient été détectées en Afrique du Nord, dès l’ère Tertiaire. Il y a donc plusieurs millions d’années que le Sahara oscille entre sécheresse prononcée et humidité marquée. On le constate grâce aux nombreuses études des différents groupes d’espèces de plantes et de pollens retrouvés partout dans le Sahara. Des variétés de Cycadales ont été découvertes dans la partie nord-orientale de l’Afrique. Ces espèces de végétaux ressemblent à des palmiers, et seraient les descendantes de plantes tropicales déjà présentes lors de l’ère Mésozoïque. Des pollens de la famille des Gramineae (céréales), et des Compositae (plantes à fleurs) ont également été repérés au Niger. Ces pollens seraient datés de l’époque de l’Eocène, il y a 50 millions d’années !
Dans la région nigérienne, des sédiments ont été identifiés : de la kaolinite, une argile typique des climats tropicaux. En outre, des dépôts lacustres, avec la présence de silice, ont été retrouvés à travers tout le Sahara. Ces éléments démontrent la présence d’eau à l’endroit où se situe aujourd’hui une zone extrêmement aride.
Dans son étude, Jean Maley évoque également l’apparition de conditions désertiques, à la fin du Pliocène, il y a environ 5 millions d’années. En effet, la faune et la flore changent drastiquement durant cette période, et des espèces de plantes xérophiles, vivant dans des environnements très secs, émergent.
Ces fluctuations nettes de climat dans le Sahara laissent place à une variété de végétaux impressionnante, encore présente aujourd’hui. Lorsque les conditions climatiques induisent des épisodes de sécheresse, la flore, préférant les milieux tempérés, survit sur les hauteurs, là où il fait plus frais.
Une zone humide en Afrique du Nord favorisée par les vents et les océans
Toujours selon l’anthroplogue Jean Maley, des précipitations fréquentes étaient concentrées au Nord de l’Afrique tandis qu’un anticyclone subtropical dominait en Afrique du Sud, au début de l’ère Tertiaire. Cet événement est attribuable à la position de l’équateur qui se situait au Nord du Nigeria il y a 50 millions d’années. Aujourd’hui, l’équateur se situe plus au Sud, au niveau du Gabon.
Les précipitations, très fréquentes en Afrique du Nord, seraient aussi attribuables à des changements dans la pression atmosphérique. L’humidité de l’air varie en fonction de ce facteur, mais pas seulement. Lors de l’époque Eocène, il y a 50 millions d’années, la position des continents était bien différente d’aujourd’hui. L’Europe et l’Asie fusionnent pour former l’Eurasie. Un paléo-océan nommé Téthys apportait de l’humidité à l’Est du Sahara. De plus, les sédiments retrouvés dans la boucle du Niger indiquent l’existence de mers épicontinentales à l’Ouest. Ces mers peu profondes communiquent avec les océans et révèlent la faible élévation d’un continent par rapport au niveau de la mer.
Il y a 20 millions d’années environ, pendant les époques Oligocène et Miocène, les conditions climatiques changent. La circulation atmosphérique évolue, l’hémisphère Nord refroidit. L’évaporation des océans qui apportait des précipitations s’amenuise. Un anticyclone se met en place et cela entraîne alors le début d’une nouvelle désertification en Afrique du Nord. La fuite massive de rongeurs vers les régions se situant au sud confirme cette théorie. C’est au début de l’époque Pliocène, il y a environ 5 millions d’années, que le désert du Sahara, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est pleinement installé.
Des questions persistent malgré tout : pourquoi l’hémisphère Nord s’est-il refroidi ? Comment expliquer une position équatoriale si différente pendant l’ère Tertiaire ? Les réponses sont apportées au début du XXe siècle par un astronome serbe : Milutin Milanković.
Des climats aux antipodes causés par des variations de l’orbite terrestre
Pourquoi de tels changements climatiques se manifestent-ils au Sahara depuis tant d’années ? Cela serait en partie dû à de très légères altérations de l’orbite de la Terre. En effet, celle-ci est perturbée par des planètes comme Jupiter, Saturne, mais aussi par la Lune. Ces variations des paramètres orbitaux de notre planète au cours du temps se nomment les cycles de Milanković.
Les variations extrêmes de climats au Sahara sont, en partie, expliquées par de légères variations de l’orbite de la Terre autour du Soleil.
Les cycles de Milanković comportent 3 paramètres orbitaux :
- Selon les calculs de l’astronome, l’angle d’inclinaison de la Terre diffère lorsque celle-ci tourne autour du Soleil, entre 22° et 24°5’ : on parle d’obliquité de l’axe de rotation de la Terre. Cette oscillation fluctue par période de 41 000 ans. Elle joue sur l’intensité des saisons. Plus l’angle d’obliquité est élevé, plus les saisons sont marquées. Actuellement, cette inclinaison est de 23°27’, ce qui confère à notre planète des saisons relativement clémentes.
- L’axe de rotation du globe ou axe des pôles a également une direction. Cependant, cet axe n’est pas fixe et oscille au cours du temps : ce phénomène est appelé de précession des équinoxes. L’axe de rotation de la planète subit une rotation et décrit lentement un cône selon un cycle d’environ 25 000 ans. Il faut imaginer la Terre comme une toupie qui aurait reçu un choc. Cela a pour effet d’inverser les saisons entre l’hémisphère Nord et l’hémisphère Sud. Par exemple, au cours du mois de juillet, le pôle Nord pointe vers le Soleil. On estime que dans 10 000 ans, ce sera le pôle Sud qui pointera vers notre étoile : le mois de juillet sera donc un mois d’été pour l’hémisphère Sud de la Terre.
- La dernière variation calculée par Milanković est l’excentricité de l’orbite terrestre. Bien souvent, on imagine que les corps célestes tournent en cercle parfait autour du Soleil. Ce n’est pas tout à fait exact : l’orbite d’un corps autour d’un autre décrit une ellipse, plus ou moins prononcée. Le chiffre pour dépeindre cela est situé entre 0 et 1. Tous les 100 000 environ, l’excentricité de notre planète se meut entre 0 et 0,06. Plus l’excentricité est grande et plus les saisons sont marquées (hivers rigoureux et étés chauds).
Les variations cycliques des paramètres orbitaux de notre planète permettent d’expliquer les changements climatiques qui ponctuent son histoire depuis des millions d’années. Cela n’altère pas l’intensité de l’énergie solaire reçue par la Terre, mais l’intensité des saisons, avec des étés plus ou moins secs et des hivers plus ou moins rigoureux. Le Sahara est une région à l’équilibre fragile. De légères variations de l’orbite terrestre peuvent profondément modifier le climat du Sahara, tantôt verdoyant et plein de vie, tantôt aride et inhospitalier pour la plupart des espèces vivantes. Tout porte à croire qu’un jour ou l’autre, le Sahara vert fera son retour. Mais pour cela, il faudra sans doute, attendre plusieurs milliers d’années.
Une étude récente (R. Cheddadi et al., Early Holocene greening of the Sahara requires Mediterranean winter rainfall, PNAS, vol. 118(23), 8 juin 2021) met en évidence 2 sources de précipitations lors de dernière période humide il y a 6000 ans : la mousson atlantique qui pénétrait jusqu’au coeur de ce qui est aujourd’hui le Sahara, et surtout les pluies venues de Méditerranée qui descendait jusqu’au sud du Maroc (et donc allait beaucoup plus loin que la situation actuelle où elles restent bloquées au nord de l’Atlas). Reste à expliquer le pourquoi de ces changements…