En 1965, Claude Lorius, glaciologue français, effectue un hivernage en Antarctique dans le cadre d’une mission scientifique à la base française d’Urmont d’Urville. Avec son équipe ils étudient les carottes prélevées dans les glaces de l’Antarctique.
Après une journée difficile, Claude Lorius et ses coéquipiers prennent un whisky et un bout de glace, extrait directement du carottage du jour. Des bulles commencent alors à se dégager à l’intérieur du verre. « Je vois soudain le whisky s’animer de bulles : en fondant, le glaçon relâche brutalement l’air qui était emprisonné dans la glace. Et cet air-là, c’est l’air du passé ! […] Chaque couche de neige a emprisonné avec elle le souvenir du climat qui l’a vu naître, de minuscules capsules d’atmosphère fossile, sans doute intactes, qui ont traversé le temps. Il suffirait d’analyser la succession de chacune de ces bulles sur toute la profondeur du glacier pour faire ressurgir l’histoire de la composition de l’atmosphère depuis la nuit des temps » par Claude Lorius, dans La Glace et le Ciel, 2015.
Les glaces racontent l’histoire du climat terrestre
Cette découverte capitale ébranle le monde de la glaciologie : les glaces détiennent les preuves des paléoclimats. Le système climatique s’inscrit durablement dans les glaces. Les deux disciplines sont désormais corrélées. Les bulles emprisonnées dans les glaces de l’Antarctique témoignent de la composition chimique de l’atmosphère qu’a connue successivement la Terre.
Au début des années 70, l’étude des carottes démontre, pour la première fois, l’influence de l’homme sur le climat. L’équipe de Claude Lorius repère les marqueurs des premiers essais nucléaires effectués dans les années 50 et 60.
A ce jour, les glaces de l’Antarctique ont révélé 800 000 ans d’histoire du climat.
Les carottages effectués entre 1984 et 1991 sur la base russe Vostok, au Dôme C, permettent de reconstituer la teneur et l’évolution des gaz à effet de serre – notamment du dioxyde de carbone (CO2) – sur 400 000 d’histoire du climat. L’étude démontre que la hausse des températures s’accompagne nécessairement d’une hausse de la concentration en CO2 dans l’atmosphère. La température varie en moyenne de 5°C entre les phases chaudes (interglaciaires) et froides (glaciaires). La carotte de glace extraite en Antarctique, dans le cadre du forage européen EPICA (saison 2002-2003) permettra de retracer 800 000 ans d’évolution du climat terrestre.
Les glaces confirment le réchauffement climatique d’origine humaine
Point d’orgue, les différentes études démontrent clairement une augmentation de la courbe du CO2 au milieu du XIXème siècle, imputable à la Révolution Industrielle. Dés lors, il n’y a plus de doutes : les activités humaines contribuent à la hausse du CO2 dans l’atmosphère, et ce indépendamment de la variabilité naturelle du climat.
En 1988, les Nations Unies créent le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution de climat (GIEC) pour partager et lancer le débat public autour de l’état des connaissances sur le réchauffement climatique d’origine anthropique. La prise de conscience est lancée.