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    Télescope James-Webb : l’Univers se Dévoile dans des Clichés Inédits

    Après une trentaine d’années de développement et de nombreux défis techniques, le télescope James-Web (JWST) a commencé à scruter l’Univers. Sa mission, et non des moindres, tenter de dévoiler les secrets les mieux gardés du cosmos. Une première moisson de clichés a été dévoilée aux yeux du monde entier au cours de l’été 2022. Les superlatifs ne manquent pas. Jamais l’Univers n’est apparu aussi net et détaillé, pour le plus grand plaisir des astronomes mais aussi du grand public. Avec James-Webb, l’astronomie est, ni plus ; ni moins, entrée dans une nouvelle ère. Et l’aventure ne fait que commencer tant les espoirs sont immenses. Partez à la découverte des premières révélations du James-Webb à travers la description d’une série de clichés à couper le souffle.

    Le télescope James-Webb dévoile l’immensité du cosmos avec une précision inégalée

    Une partie de l'Univers photographiée par le télescope James-Webb.
    Le premier champ profond de l’Univers photographié en juin 2022 par le télescope James-Webb. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Voici la première image du télescope James-Webb, dévoilée au monde entier le 12 juillet 2022 par la NASA. Il s’agit d’un cliché inédit : le plus net et le plus détaillé de l’Univers lointain capturé à ce jour. Sans aucun doute, on y recense les galaxies les plus lointaines jamais observées dans l’histoire de l’astronomie.

    Connue sous le nom de « Webb’s First Deep Field », cette image montre en détail une portion infime de l’Univers observable. En effet, ce cliché représente approximativement la taille d’un grain de sable tenu à bout de bras par une personne au sol, soit un 1/25 millionième de l’intégralité de la voûte céleste.

    Cet champ profond de l’Univers, pris par la caméra proche infrarouge de James-Webb (NIRCam), est en fait une image composite réalisée à partir de nombreux clichés capturés à différentes longueurs d’onde. La prise de cette image historique a demandé environ 12 heures de travail au James-Webb, là où le télescope Hubble demandait des semaines de traitement.

    L’image montre de nombreux objets superposés à différentes distances.

    Au premier plan figurent des étoiles de la Voie Lactée, notre Galaxie, reconnaissables à leurs 6 aigrettes bleues avec des pointes de diffraction de la lumière, produites par les bords du miroir hexagonal du télescope.

    Au second plan, on aperçoit des galaxies blanchâtres, plus lointaines par rapport à notre point de vue. Elles font partie de l’amas de galaxies SMACS 0723 tel qu’il est apparu il y a 4,6 milliards d’années.

    La masse combinée de cet amas de galaxies agit comme une lentille gravitationnelle, déformant et magnifiant des galaxies beaucoup plus éloignées derrière lui, à l’arrière-plan de l’image. Ainsi, elle prennent des formes courbées et sont visibles en orange. La plupart apparaissent comme des ovales flous, mais quelques-unes ont des bras spiraux distinctifs.

    Ces galaxies de fond nous renvoient leur lumière des profondeurs de l’espace et du temps, il y a environ 13 milliards d’années, soit peu de temps après la naissance de l’Univers ou Big Bang.

    Avec James-Webb, les chercheurs commenceront bientôt à en savoir plus sur la masse, l’âge, l’histoire et la composition de ces galaxies, car le télescope est à la recherche des galaxies les plus lointaines, donc les plus anciennes de l’Univers.

    Les « falaises cosmiques » de la nébuleuse de la Carène

    La nébuleuse orangée de la Carène photographiée par le télescope James-Webb.
    La nébuleuse de la Carène est un immense nuage de gaz et de poussières au sein duquel naissent des étoiles. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Ce qui ressemble à des montagnes escarpées par un soir de lune est en fait le bord d’une jeune région de formation d’étoiles dans la nébuleuse de la Carène. Capturée dans l’infrarouge par la caméra NIRCam (Near-Infrared Camera) du télescope spatial, cette image révèle des zones de naissance d’étoiles jusqu’alors masquées.

    Appelée « falaises cosmiques », cette région est en fait le bord d’une gigantesque cavité gazeuse au sein de NGC 3324, située à environ 7 600 années-lumière de la Terre. La zone caverneuse a été creusée dans la nébuleuse par le rayonnement ultraviolet intense et les vents stellaires provenant de jeunes étoiles extrêmement massives et chaudes situées au centre de la bulle, au-dessus de la zone représentée sur cette image. Le rayonnement à haute énergie de ces étoiles sculpte la paroi de la nébuleuse en l’érodant lentement.

    Nébuleuse de la Tarentule : un pouponnière pour la formation des étoiles

    La nébuleuse de la Tarentule photographiée par le télescope James-Webb.
    La région de formation d’étoiles de la nébuleuse de la Tarentule photographiée sous un jour nouveau par James-Webb. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI, Webb ERO Production Team

    Dans cette mosaïque de 340 années-lumière (al) de largeur, la caméra proche infrarouge de James-Webb (NIRCam) montre la région de formation d’étoiles de la nébuleuse de la Tarentule sous un jour nouveau. Il apparaît sur ce cliché des dizaines de milliers de jeunes étoiles jamais vues auparavant.

    La région la plus active semble étinceler de jeunes étoiles massives, qui apparaissent en bleu pâle. Parsemées parmi elles, des étoiles encore enfouies, apparaissant en rouge. Elles doivent encore émerger du cocon poussiéreux de la nébuleuse.

    Plus loin de la région centrale des jeunes étoiles chaudes, le gaz plus froid prend une couleur rouille, indiquant aux astronomes que la nébuleuse est riche en matière complexe.

    Ce gaz dense est le matériau qui formera les futures étoiles. Lorsque les vents des étoiles massives balaient le gaz et la poussière, une partie de ceux-ci s’accumule et, avec l’aide de la gravité, forme de nouvelles étoiles.

    Le Quintette de Stephan et ses flux intergalactiques

    L'amas de galaxies du Quintette de Stephan photographié par James-Webb.
    Le Quintette de Stephan est un amas de galaxies qui tournent les unes autour des autres. Deux d’entre-elles sont en train d’échanger leurs flux intergalactiques et de fusionner. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Ensemble, les cinq galaxies du quintette de Stephan sont également connues sous le nom de groupe compact Hickson 92 (HCG 92). Bien que l’on parle de « quintette », seules quatre de ces galaxies sont réellement proches les unes des autres et prises dans une danse cosmique.

    La cinquième galaxie, la plus à gauche, appelée NGC 7320, est bien au premier plan par rapport aux quatre autres. Cette galaxie se trouve à 40 millions d’années-lumière de la Terre, tandis que les quatre autres galaxies, à droite (NGC 7317, NGC 7318A, NGC 7318B et NGC 7319), se trouvent à environ 290 millions d’années-lumière. Cela reste assez proche en termes cosmiques, comparé à des galaxies plus lointaines situées à des milliards d’années-lumière.

    Cette proximité permet aux astronomes d’être aux premières loges pour assister à la fusion et aux interactions entre galaxies proches. Dans la partie centrale de l’image, NGC 7318A et NGC 7318B sont en train de fusionner (points blancs brillants et très proches) et échanger leurs flux intergalactiques, un processus suspecté de jouer un rôle déterminant dans leur évolution.

    Le quintette de Stephan se présente ainsi comme un fantastique « laboratoire » pour étudier les processus fondamentaux de formation des étoiles et l’interaction des gaz interstellaires entre les différentes galaxies du cosmos.

    De plus, le centre de la galaxie la plus élevée du groupe (NGC 7319) abrite un noyau galactique actif, ou trou noir supermassif de 24 millions de fois la masse du Soleil et 40 millions de fois plus lumineux, qui dévore activement de la matière.

    En prime, les instruments du James-Webb (NIRCam et MIRI) ont révélé une vaste mer de plusieurs milliers de galaxies lointaines en arrière-plan, rappelant les champs profonds du télescope Hubble.

    Le télescope spatial James-Webb a dévoilé des clichés de l’Univers avec une précision inédite.

    Galaxie de la Roue de chariot et sa morphologie transitoire

    La galaxie de la Roue de chariot capturée par le télescope James-Webb.
    La galaxie de la Roue de Chariot s’est formée à la suite d’une collision à grande vitesse avec une autre galaxie, il y a environ 400 millions d’années. Elle est dans un état transitoire. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI, Webb ERO Production Team

    Cette galaxie s’est formée à la suite d’une collision à grande vitesse avec une autre galaxie, il y a environ 400 millions d’années. La roue de Chariot est composée de deux anneaux, un anneau intérieur brillant et un anneau extérieur coloré. Les deux anneaux s’étendent vers l’extérieur à partir du centre de la collision, comme des ondes de choc.

    Toutefois, une grande partie de la galaxie spirale qui existait avant la collision demeure, y compris ses bras en rotation. C’est ainsi que sont apparus les « rayons » rouges que l’on perçoit entre les anneaux intérieurs et extérieurs et qui ont inspiré le nom de la galaxie : la roue de Chariot.

    Ces teintes rouges brillantes, que l’on retrouve non seulement dans la galaxie de la roue, mais aussi dans la galaxie spirale compagne en haut à gauche, sont dues à une poussière incandescente riche en matière stellaire.

    Au milieu des tourbillons de poussière rouges, on trouve de nombreux points bleus individuels, qui représentent des étoiles ou des poches de formation d’étoiles.

    Les observations du James-Webb ont capturé la galaxie de la roue dans un stade très transitoire. La forme que prendra définitivement celle-ci reste un mystère. Cependant, cet instantané donne une perspective sur ce qui est arrivé à la galaxie dans le passé et sur ce qu’elle pourrait devenir dans le futur.

    La nébuleuse de l’Anneau austral ou la mort d’une étoile

    La nébuleuse de l'Anneau austral et sa matière stellaire.
    La nébuleuse de l’Anneau austral est le résultat de l’explosion d’une étoile en fin de vie (supernova) qui a expulsé son enveloppe d’hydrogène dans l’espace. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, STScI

    Cette image fantasmagorique représente la nébuleuse de l’Anneau austral, un nuage de gaz et de poussières interstellaires. Les nébuleuses jouent une rôle déterminant dans la naissance de futures étoiles et de planètes.

    L’astre brillant au cœur de la nébuleuse est en réalité un système double formé d’une étoile et d’une naine blanche, c’est-à-dire un résidu d’étoile en fin de vie.

    Après que le noyau de cette étoile en fin de vie ait gonflé et explosé, il a expulsé son enveloppe extérieure d’hydrogène dans l’espace, tandis que son cœur s’est rétracté sur lui-même. A terme, il ne resta plus qu’un noyau d’étoile chaud qui a évolué lentement vers une naine blanche : une étoile de petite taille, froide, et avec une faible luminosité.

    L’enveloppe d’hydrogène est visible sur la photo en orange, tandis que le halo bleu provient du plasma d’hydrogène électrisé par la naine blanche qui continue à briller au cœur de la photo, bien que non visible sur la photo.

    La faible lumière de cette naine blanche est masquée par la lumière de son étoile compagnon, quant à elle bien visible au centre de l’image (étoile blanche avec ses 6 aigrettes bleues).

    En observant les nébuleuses, James-Webb permettra d’appréhender la mort programmée de notre propre Soleil, dans environ 6 milliards d’années. L’explosion de notre étoile en fin de vie (supernova) produira alors un cliché similaire à celui-ci : une naine blanche et une nébuleuse qui pourra potentiellement engendrer de nouvelles étoiles et planètes.

    James-Webb ouvre la voie à de nouvelles observations d’exoplanètes

    L'exoplanète HIP65426 b capturée par les coronographes du télescope James-Webb.
    L’exoplanète HIP65426 b a été capturée grâce aux deux coronographes du télescope James-Webb, de minuscules filtres qui bloquent la lumière des étoiles. Crédit photo : NASA, ESA, CSA, Alyssa Pagan (STScI)

    Pour la première fois, des astronomes ont utilisé le télescope spatial James-Webb de la NASA pour prendre une image directe d’une planète située en dehors de notre Système solaire.

    L’exoplanète représentée sur l’image de Webb, appelée HIP 65426 b, a une masse de six à douze fois celle de Jupiter. Elle est assez jeune : 15 à 20 millions d’années seulement contre 4,5 milliards d’année pour la Terre. L’exoplanète est une géante gazeuse, ce qui signifie qu’elle n’a pas de surface rocheuse et ne pourrait pas être habitable. Les astronomes ont découvert la planète en 2017 à l’aide de l’instrument SPHERE sur le Very Large Telescope (VLT) de l’Observatoire européen austral au Chili.

    Comme HIP 65426 b est environ 100 fois plus éloignée de son étoile hôte que la Terre ne l’est du Soleil, elle est suffisamment éloignée pour que James-Webb puisse observer facilement la planète.

    Pour les astronomes, prendre des images directes d’exoplanètes est un véritable défi car les étoiles sont beaucoup plus lumineuses que leurs planètes. La planète HIP 65426 b émet une lumière 10 000 fois plus faible que son étoile hôte dans le proche infrarouge.

    L’image a été prise dans différentes bandes de lumière infrarouge par les instruments NIRCam et MIRI du télescope. Ils sont notamment équipés de deux coronographes, de minuscules filtres qui bloquent la lumière des étoiles, permettant au télescope de prendre des images directes de certaines exoplanètes comme celle-ci. Dans le cas présent, l’exoplanète est vue à travers quatre filtres lumineux qui capturent la lumière de manière différente (encarts en bas de l’image). Ainsi la morphologie et les couleurs de l’exoplanète changent quelque peu.

    Bien que ce ne soit pas la première image directe d’une exoplanète prise depuis l’espace – le télescope spatial Hubble a capturé des images directes d’exoplanètes auparavant – HIP 65426 b indique la voie à suivre pour l’exploration des exoplanètes par James-Webb.

    RETENEZ


    • Le télescope spatial James-Webb (JWST) a dévoilé des clichés de notre Univers avec une précision inégalée.
    • Grâce à ce télescope performant, les astronomes vont pouvoir en apprendre plus sur l’âge et l’histoire de l’Univers.
    • James-Webb va braquer ses instruments sur des exoplanètes, des planètes situées hors du Système solaire afin d’étudier leur composition chimique.

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    WebbTelescope.org [En ligne]. Webb Home; [cité le 28 sept 2022]. Disponible: https://webbtelescope.org/home

    Mont Kilimandjaro : Le Mythique Toit de l’Afrique

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    Au milieu du XIXème siècle, les premiers rapports d’expédition faisant état de l’observation de neige en Tanzanie provoquent la stupéfaction. Personne ne veut croire qu’à ces latitudes tropicales du continent africain, de l’or blanc puisse exister. La légende était alors en marche autour du mont Kilimandjaro. Avec ses dimensions monumentales et son altitude de 5 895 mètres, faisant de lui le point culminant de l’Afrique, ce volcan en impose dans la savane. Mais ce sont bien les glaciers et les neiges éternelles coiffant son sommet qui ont forgé sa célébrité. Joyau de la Nature et objectif plébiscité par de nombreux randonneurs, le toit de l’Afrique n’en reste pas moins un site fragile menacé par l’activité humaine. Comment ce massif volcanique est-il né et quelle évolution a-t-il traversée ? Découvrez les processus qui ont jalonné la formation du mont Kilimandjaro, les richesses qu’il renferme, mais aussi les dangers qui pèsent sur lui.

    La formation géologique du mont Kilimandjaro

    Un volcan enfanté par la vallée du Grand Rift

    Le mont Kilimandjaro entame sa formation il y a près d’un million d’années au cœur de la vallée du Grand Rift. Cette immense faille parcourt une grande partie de l’Afrique de l’Est depuis la mer Rouge au nord jusqu’au lac Malawi au sud. Un perpétuel mouvement s’y joue, provoqué par la séparation de la plaque somalienne de la plaque africaine. Cette activité tectonique a favorisé la remontée de magma, qui est parvenu à jaillir de trois ouvertures dans le sol de l’actuelle Tanzanie. Trois volcans sont alors apparus, donnant naissance à ce qui allait devenir le massif du Kilimandjaro. Ces édifices volcaniques entrent dans la catégorie des stratovolcans. Formés par une succession d’éruptions explosives et effusives, ils se caractérisent par des versants pentus et un dôme situé à leur sommet.

    Le Mont Kilimandjaro doit son origine à la grande faille de la vallée du Grand Rift.
    La vallée du Grand Rift et sa faille au sein de laquelle le Kilimandjaro est né. Crédits : © Sémhur / Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0

    Le Kilimandjaro, un alignement de plusieurs volcans

    Le Kilimandjaro est à proprement parler un massif volcanique formé de plusieurs volcans, dont trois principaux.

    Dans le langage courant, il désigne en réalité le volcan du Kibo. Plus récent géologiquement, il est aussi le plus élevé avec son pic Uhuru, d’une altitude de 5 895 mètres. Ce sommet fait de lui le point culminant du continent. Sa partie supérieure prend la forme d’un large plateau sommital au sein duquel les traces d’une caldeira de 2,5 km de diamètre sont encore visibles. Une caldeira désigne un vaste cratère circulaire provoqué par une éruption très explosive. Une paroi rocheuse de 200 mètres de haut encercle cet espace. En contrebas, une activité volcanique subsiste au cœur de ce plateau. Deux cratères concentriques et emboîtés laissent échapper quelques fumerolles sulfureuses : l’Ash Pit et le cratère Reusch. Le volcan n’est donc pas considéré comme totalement éteint, bien que sa dernière éruption majeure ait eu lieu il y a probablement plus de 135 000 ans.

    Le Shira, situé à l’extrémité ouest du massif, est le plus ancien et le moins accidenté des sommets. À la suite d’un effondrement, il prend la forme d’un cratère d’explosion, progressivement aplani par l’érosion.

    Tout à l’est, s’établit le Mawenzi autour d’un culot de lave refroidi. Sous l’effet de l’érosion, il devient par la suite un pic rocheux abrupt.

    Le mont Kilimandjaro aride trône au milieu de la savane.
    Avec ses 5 895 mètres d’altitude, la mont Kilimandjaro est le point culminant de l’Afrique. Crédit photo : Stephan Bechert on Unsplash

    Les neiges du Kilimandjaro, origine de sa célébrité

    Plus que son altitude impressionnante, c’est la présence de neige sur son sommet qui assure à ce massif un émerveillement et une renommée mondiale. Observée pour la première fois en 1848 par le missionnaire allemand Johannes Rebmann, sa découverte crée la polémique et une certaine réserve. Les géographes européens de l’époque allèrent même jusqu’à le soupçonner d’avoir confondu du calcaire avec de la neige. Il faudra attendre une dizaine d’années et de nouvelles explorations pour confirmer définitivement la présence de neiges éternelles aux abords du sommet du Kilimandjaro.

    Le spectacle étonnant des glaciers sous l’Équateur

    La présence de neige sous des latitudes proches de l’Équateur est pourtant bien avérée et confère au Kilimandjaro sa dimension mythique. Au milieu de la savane africaine, trône ainsi ce massif volcanique imposant et solitaire, auréolé de ses neiges éternelles étincelantes.

    Des glaciers cantonnés au Kibo surmontent en effet la montagne. On en dénombre douze, qui s’étendent le long de ses versants. Ils offrent un contraste saisissant entre la pâleur de leurs blocs et l’opacité de la lave figée.

    À cet endroit du globe, le rayonnement des ultraviolets frappe la surface terrestre en ligne directe. Les zones de glace fondent ainsi verticalement, et sculptent les glaciers de manière très étrange. Leur aspect acéré très caractéristique ferait presque penser à une œuvre cubiste.

    Les glaciers trônent au sommet du mont Kilimandjaro.
    Les glaciers du Kibo et leur forme caractéristique. Crédit photo : guillaumeastruc / Adobe Stock

    Des neiges « éternelles » menacées de disparaître

    Le glacier du Kilimandjaro vit aujourd’hui une phase de retrait rapide qui le rapproche inexorablement de sa disparition. Sa fonte s’est amorcée dès 1850, mais elle connaît une accélération sans précédent ces dernières décennies. Depuis le début du XXème siècle, la masse de glace a diminué de 80 %. À ce rythme effréné, on estime que les glaciers auront totalement disparu du sommet vers 2040. Les cratères du Kibo conserveront leur aspect majestueux, mais le volcan devrait perdre une partie de sa superbe avec la disparition de son manteau blanc.

    Images satellites illustrant la fonte des glaciers du Kilimandjaro entre 1993 et 2000.
    Images satellites illustrant le recul des glaciers du Kilimandjaro entre 1993 et 2000. Crédit photo : Images courtesy Jim Williams, NASA GSFC Scientific Visualization Studio, and the Landsat 7 Science Team

    Le réchauffement climatique est indéniablement responsable de cet impressionnant recul des glaciers. Cependant, la principale raison résiderait plutôt dans le phénomène de la déforestation. Avec l’intensification des activités humaines au pied du volcan telles que l’élevage et l’agriculture, l’humidité atmosphérique a fortement chuté autour du massif. Les répercussions se font sentir jusqu’au sommet qui enregistre une régression significative des précipitations. Dans cette situation, le rythme de formation de la glace ne compense plus celui de la fonte. La hausse globale des températures conjuguée au recul des précipitations consécutif au resserrement de la couverture végétale explique la disparition imminente des glaciers.

    AU MILIEU DE LA SAVANE AFRICAINE TRÔNE LE MONT KILIMANDJARO, MASSIF VOLCANIQUE IMPOSANT ET SOLITAIRE, AURÉOLÉ DE SES NEIGES ÉTERNELLES ÉTINCELANTES.

    Une biodiversité parfaitement adaptée à l’altitude

    Le randonneur qui se lance dans l’ascension du Kilimandjaro est rapidement frappé par la diversité des paysages qu’il rencontre. Au fur et à mesure que le sol s’élève, des sortes d’étages naturels se succèdent, avec leur population animale et végétale propre.

    Les plaines

    Aux abords de la montagne, des plaines s’imposent dans le panorama. Situées à des altitudes oscillant entre 600 et 1800 mètres, elles se caractérisent par un climat chaud et sec et des paysages de savane. Les étendues d’herbes dominent la végétation, mais on observe également des arbustes et des arbres, comme le baobab africain ou différentes sortes d’acacias. Cette flore abrite de nombreux oiseaux et mammifères.

    La forêt de montagne

    De 1800 à 3000 mètres d’altitude, s’étend l’étage montagnard. La forêt tropicale prolifère dans cet espace, faisant place à une végétation épaisse et humide. Sous la canopée, on peut observer des genévriers, des albizias ou encore d’impressionnantes fougères arborescentes. Une riche population d’oiseaux et de mammifères y a élu domicile, comme le babouin, le léopard et la mangouste.

    Une forêt tropicale dense et humide ceinture le Mont Kilimandjaro.
    Dans la forêt tropicale du Kilimandjaro, dense et humide. Crédit photo : Stephane Pothin / Adobe Stock

    La lande

    Entre 3000 et 4000 mètres d’altitude, l’étage alpin se déploie avec ses ambiances de landes et de maquis. Une végétation plus trapue se développe, composée de plantes à fleurs et d’arbustes comme la bruyère arborescente. De nombreuses espèces de passereaux aux couleurs très vives occupent ce territoire. L’aigle huppard y est également présent, chassant différentes sortes de rongeurs qui peuplent ces paysages.

    Le désert alpin

    Aux alentours des 4000 à 5000 mètres d’altitude, la nature fait place au désert alpin, aussi appelé étage afro-alpin. Une atmosphère sèche et un climat rude prédominent dans cet environnement. La végétation qui parvient à s’y développer se limite à des espèces parfaitement adaptées pour des conditions rigoureuses. Le séneçon géant, plante endémique au Kilimandjaro, constitue l’exemple le plus remarquable de cette flore coriace. Quant à la faune, elle se cantonne à quelques rapaces capables de s’aventurer dans ces territoires hostiles, comme la buse rounoir, l’aigle des steppes et le gypaète barbu.

    Vue sur un séneçon géant, espèce endémique de la région du Kilimandjaro.
    Un séneçon géant, spécimen observable uniquement aux abords du Kilimandjaro. Crédit photo : guillaumeastruc / Adobe Stock

    Les neiges éternelles

    Au-delà des 5000 mètres d’altitude, un décor désolé domine le dernier étage nommé nival. Cette appellation souligne son rapport direct à la neige. Ses ambiances minérales ne laissent quasiment aucune place à toute forme de vie. Seuls quelques rares lichens et araignées parviennent à subsister dans cet environnement inhospitalier.

    Le Kilimandjaro, un patrimoine naturel menacé à protéger

    Le mont Kilimandjaro mérite le qualificatif de site naturel remarquable à bien des égards. Volcan imposant de près de 100 km de long, il est visible par temps clair depuis Nairobi, la capitale du Kenya distante de 200 km. Sa situation isolée dominant des paysages de savane, son sommet enneigé et sa très grande altitude parachèvent son caractère unique.

    Toutefois, le massif manifeste des signes de fragilité qui mettent en péril la richesse de sa biodiversité. Conscientes de cette situation délicate, les autorités ont pris des mesures pour protéger l’intégrité naturelle du volcan.

    Un site naturel en proie à des dangers multiples

    Le massif du Kilimandjaro demeure très vulnérable du fait de nombreuses menaces ayant pour dénominateur commun l’activité humaine.

    L’agriculture aux abords de la montagne provoque une pression sur les terres boisées et augmente les risques d’incendie. Elle génère par ailleurs un risque accru de pollution de l’air, de l’eau, et l’apparition d’espèces envahissantes.

    Le tourisme de masse apparu avec la notoriété acquise par l’ascension du Kilimandjaro suscite également son lot de nuisances environnementales. Le prélèvement illégal de ressources ou encore le dépôt sauvage de déchets comptent parmi les conséquences néfastes de cet afflux de visiteurs.

    Le changement climatique exerce aussi une tension sur le site. La fonte des glaces apparaît comme la manifestation la plus évidente, mais la hausse des températures est également nocive pour la biodiversité du lieu.

    La création d’un parc national pour sanctuariser le mont Kilimandjaro

    Face aux dangers de plus en plus pressants sur l’écosystème de l’édifice volcanique, le Parc national du Kilimandjaro voit le jour en 1973. En 1987, son inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO est entérinée. Le périmètre de cette zone protégée comprend l’ensemble du massif situé au-dessus de la limite supérieure de la forêt. L’instauration de cette réserve naturelle implique la mise en place d’un plan de gestion. Des gardes forestiers sont notamment formés et déployés pour assurer l’exécution sur le terrain des actions concrètes de surveillance et de préservation de l’environnement.

    Éléphants devant le Mont Kilimandjaro au milieu de la savane.
    Le mont Kilimandjaro dominant la savane. Crédit photo : André / Adobe Stock

    Le parc a pour but de sanctuariser le site naturel du Kilimandjaro et ainsi préserver son caractère exceptionnel. L’atteinte de cet objectif se décline en plusieurs axes :

    • protéger l’intégrité visuelle de ce site naturel spectaculaire ;
    • conserver la couverture forestière de la montagne ;
    • défendre la biodiversité de cet écosystème.

    Au beau milieu de la savane africaine, sa silhouette massive, solitaire et sa parure blanche en son sommet ont propulsé le Kilimandjaro dans la légende. Reste à savoir si le mythe entourant ce grandiose volcan africain survivra à la disparition inévitable des neiges qui ont construit sa célébrité.


    RETENEZ


    • Le mont Kilimandjaro est le point culminant du continent africain, avec un sommet culminant à 5 895 mètres.
    • Ce volcan est né dans la vallée du Grand Rift, suite à la séparation de la plaque somalienne et de la plaque africaine.
    • Sa célébrité tient principalement à la présence de neiges éternelles sous forme de glaciers à son sommet, fait rare sous les tropiques.
    • Ses glaciers sont voués à disparaître rapidement à cause du réchauffement climatique et des activités humaines menées aux abords du volcan.
    • Le Parc National du Kilimandjaro est créé est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.

    1.
    DELANO T. Volcans. Epa. [En ligne]. 2021 [cité le 9 sept 2022]. 336 p. Disponible: https://www.editionsepa.fr/epa/nature-et-animaux/volcans-9782376711681
    1.
    Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis E. KILIMANDJARO ou UHURU; [cité le 9 sept 2022]. Disponible: https://www.universalis.fr/encyclopedie/kilimandjaro-uhuru/
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Parc national du Kilimandjaro; [cité le 9 sept 2022]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/403/
    1.
    Collectif. Sanctuaires sauvages: les plus beaux sites naturels de l’UNESCO [En ligne]. Chamalières : Artémis éditions; 2018. Disponible: https://www.editions-artemis.com/beauxlivres/2690-9782816014198-sanctuaires-sauvages-les-plus-beaux-sites-naturels-de-l-unesco.html
    1.
    Chazot G. La belle histoire des merveilles de la terre [En ligne]. De Boeck Supérieur; 2020. 320 p. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329119-la-belle-histoire-des-merveilles-de-la-terre

    Comment se Forment les déserts ? Immersion dans des Milieux Extrêmes

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    En géographie, les déserts sont caractérisés par des paysages secs, avec peu de précipitations. On les définit souvent comme des endroits sableux où règne la chaleur. Mais ils peuvent être également de glace, voire de pierre. Cependant, ils ont un point commun : un taux démographique très bas, voire inexistant, et une forte aridité. Alors, comment se forment les déserts ? Comment différencier ces différentes zones désertiques ? Pour mieux comprendre l’origine de ces milieux arides et leurs caractéristiques, on vous explique tout dans cet article.

    Analyser les climats désertiques

    Aridité : comprendre la sécheresse

    Les déserts les plus chauds se trouvent essentiellement de part et d’autre de l’équateur, à environ 30° de latitude. En effet, l’air qui retombe à cet endroit est beaucoup plus dense et possède moins d’eau. Il se produit donc moins de précipitations. Mais ces déserts parviennent à recevoir un peu d’humidité grâce au brouillard qui se forme lorsque l’air chaud se condense au-dessus de l’océan, plus froid.

    Selon la quantité d’eau reçue, les déserts peuvent être :

    • Hyperarides : moins de 50 mm d’eau par an. C’est le cas pour une partie du Sahara se trouvant entre l’Algérie et le Mali.
    • Arides : entre 50 mm et 250 mm de précipitations par an, comme l’Atacama au Chili.
    • Semi-arides : entre 250 et 500 mm de pluie par an, telle que la toundra.

    Suivant leur localisation, les déserts ne bénéficient donc pas du même pourcentage de précipitation. Ce qui apporte indéniablement une chaleur plus ou moins intense. Dans tous les cas, une sécheresse s’installe durablement.

    Sol complètement sec et craquelé dans le désert de Atacama en Argentine.
    Désert du Diable, à Puna de Atacama, Argentine. Crédit photo : Maurizio-AdobeStock

    Température : des extrêmes importants

    En France, nous recevons en moyenne 2 000 heures de soleil par an. Certains déserts, comme le Sahel par exemple, peuvent subir plus de 3 000 heures d’ensoleillement sur une année. Le soleil chauffe constamment l’air et le sol. Les températures élevées conduisent à une évaporation conséquente.

    Cependant, s’il fait chaud en journée, les nuits, elles, se rafraîchissent et peuvent atteindre des températures très basses. En effet, les nuages ne sont pas présents la nuit, il n’existe donc plus de barrière pour bloquer la chaleur émise par le sol qui est tout simplement renvoyée vers l’espace. Le sable, lui, possède une faible capacité calorifique, ce qui veut dire qu’il conserve mal la chaleur emmagasinée dans la journée. Dès que le soleil disparaît, chaque grain de sable s’isole et cela accélère la dissipation de la forte température. Ainsi, il n’est pas rare qu’il gèle en pleine nuit dans ces déserts dits chauds.

    Comme ils reçoivent moins de lumière du soleil, les déserts polaires ont une température moyenne beaucoup plus basse. Au pôle Nord, en Arctique, elle se situe autour de 0 °C, mais en hiver elle peut chuter jusqu’à -40 °C. Tandis qu’en Antarctique, qui se situe au pôle Sud, la température moyenne est encore plus basse. En effet, elle se situe autour de -28 °C pendant l’été austral, mais en hiver elle est plutôt autour de -60 °C.

    Comprendre comment se forment les déserts

    Point de vue géologique

    La plupart des déserts naissent à l’issue du processus de la tectonique des plaques. La collision des plaques océaniques et continentales crée alors des massifs montagneux, façonnant alors une barrière naturelle qui empêche la formation de précipitations.

    D’autres zones arides doivent leur formation à la dérive des masses continentales au cours du temps, des hautes latitudes vers les basses latitudes. L’exemple parfait est celui de l’Australie qui se trouvait autrefois dans une région où les précipitations étaient abondantes. C’est en se déplaçant vers le nord, dans une zone subtropicale aride, que le continent australien se transforma en désert.

    Tous les déserts ne se ressemblent pas, et l’on peut trouver, parfois dans la même zone aride, différents types de milieux désertiques :

    • Les déserts de pierres, nommés reg, représentent les paysages désertiques les plus répandus. On y trouve d’immenses espaces de graviers et de cailloux.
    • Les déserts de sable, appelés erg. Il s’agit de champs de dunes, modelés sans cesse par les vents dominants. Erg est le terme principal utilisé en géographie. Les Touaregs du Sahara parlent, quant à eux, de edeyen pour désigner ces dunes de sable.
    • Les déserts de glace relèvent d’un climat polaire. L’Arctique et l’Antarctique font partie des biomes polaires, avec la toundra. Ils se différencient des déserts chauds par des températures extrêmement basses toute l’année, et une évapotranspiration importante.
    • Les déserts de sel : il s’agit de lacs temporaires dont les sédiments sont composés essentiellement de sel. Ces zones sont exploitées pour extraire du nitrate de potassium ou encore du salpêtre, comme c’est le cas dans le salar d’Uyuni en Bolivie.
    Le désert du Hoggar est un désert rocailleux et montagneux.
    Désert du Sahara et massif montagneux du Hoggar en Algérie. Crédit photo : Adobe Stock

    La diversité des dunes

    Les déserts de sable peuvent être très divers. Beaucoup d’entre eux offrent des paysages spectaculaires grâce à des dunes aux formes très différentes. Une dune peut se déplacer de 30 cm par an, et cela change constamment le paysage des déserts. Le vent pousse les grains vers le sommet puis ils redescendent sur le côté opposé. Ainsi la dune progresse à son rythme, selon la force et la direction du vent.

    Il existe différents types de dunes :

    • En demi-lune : il s’agit de la forme la plus commune. La formation de ce type de dunes résulte d’une vent dominant dont la direction reste toujours la même. Ces dunes de sable sont plus larges que courtes.
    • Linéaires : elles sont représentatives des régions où les vents soufflent dans deux directions contraires. Plus longues que larges, elles peuvent mesurer 400 kilomètres de long sur 600 mètres de large. Ces dunes sont rarement isolées.
    • En étoile : on les trouve dans les régions où les vents vont dans toutes les directions. De formes pyramidales, ces dunes grandissent plus souvent en hauteur que sur les côtés.
    • À coupole : plutôt rares, elles se forment en marge des déserts et sont de forme ovale ou circulaire.
    • En parabole : typiques des zones arides côtières, ces dunes ressemblent à des U. Elles ont pour origine un élément, souvent de la végétation, qui stoppe la progression du sable tandis que la partie centrale continue à avancer.

    On peut trouver ces différents types de dunes sous trois formes : simple (petites collines), composée (grandes dunes surmontées de dunes plus petites), ou complexe (plusieurs types de dunes différents).

    Dunes dans le désert de Namibie.
    Dunes dans le désert de Namibie. Crédit photo : Sugrit / Adobe Stock

    Situer les différents déserts

    Où se trouvent les déserts chauds ?

    Les déserts chauds sont des déserts subtropicaux ou tropicaux. On les trouve au niveau des latitudes comprises entre 30° et 35° nord et sud. C’est dans ces zones que l’on trouve une ceinture permanente d’anticyclones subtropicaux dynamiques, ce qui en fait des zones à haute pression. Ces anticyclones sont responsables de l’air chaud et asséchant. Effectivement, l’air qui descend au niveau du sol est très sec, car il a perdu une grande quantité d’humidité au-dessus des zones équatoriales.

    Les vents dominants de ces régions, les alizés (soufflant d’est en ouest), sont également responsables de la chaleur et de la sécheresse. L’aridité de ces déserts est accentuée par la continentalité ou encore par l’ombre pluviométrique due à un relief. L’ombre pluviométrique est un phénomène qui se produit sur une barrière montagneuse qui n’est pas soumise au flux direct des masses d’air humide. Un côté de la montagne reçoit beaucoup de précipitations, alors que le côté protégé du vent reste beaucoup plus sec.

    Ce phénomène explique la sécheresse de nombreux déserts, qu’ils s’agissent des déserts chauds ou des déserts froids.

    Localisation des déserts les plus froids

    Les déserts froids se forment aux latitudes les plus élevées. Certains de ces déserts se trouvent dans des lieux très éloignés de sources d’eau comme les océans et se forment à l’intérieur des terres, comme ceux situés en Asie centrale.

    D’autres déserts polaires sont séparés des océans par des chaînes de montagnes ou des reliefs importants, ce qui amène une faible quantité d’humidité et donc peu de précipitations.

    La nuit, le ciel dégagé du désert permet à la chaleur emmagasinée la journée de s’échapper. Dans le désert du Sahara, la température peut alors passer de 49 °C à -18 °C, au cours de la même journée.

    Connaître la typologie des différents déserts

    Lorsqu’on nous parle de désert, nous avons tendance à penser directement au Sahara. Bien qu’il soit l’un des déserts les plus grands et les plus chauds du globe, il n’est pas le seul, d’autant que les déserts peuvent répondre à des critères bien différents. L’Antarctique est également un désert, bien qu’il soit plus polaire. La géographe Monique Mainguet est parvenue à réaliser un classement typologique de ces paysages.

    Les déserts chauds côtiers

    Ces déserts sont souvent brumeux, et toutes les conditions météorologiques y sont particulières. Ils résultent de la formation d’anticyclones, de masses d’air de basse température et des remontées d’eau des profondeurs de l’océan. Ces dernières sont appelées upwellings. Le désert d’Atacama et celui du Namib sont des exemples typiques de ce type de zone désertique.

    Les déserts tropicaux et subtropicaux sans hivers notables

    Le Sahara ou encore le désert australien font partie de ces déserts tropicaux et subtropicaux. Ce type de désert se caractérise par un fort ensoleillement et une forte évaporation. La faible humidité (15 à 35 %) participe à la sécheresse des lieux. Les températures moyennes dépassent régulièrement les 30 °C, pouvant aller jusqu’à 49 °C en journée au Sahara.

    Les déserts d’abri de basse latitude aux hivers tempérés

    Leurs caractéristiques météorologiques se rapprochent de celles des déserts tropicaux ou subtropicaux : une chaleur très forte et un ensoleillement prononcé. Mais ces lieux désertiques sont situés à l’abri des montagnes, ce qui a tendance à bloquer les dépressions qui arrivent de l’océan. Lorsque l’air atteint le sommet du relief, il se refroidit et s’assèche. En dévalant le versant sous le vent de la montagne, cette masse d’air froid et sec se réchauffe progressivement à mesure qu’il se rapproche du sol : le vent devient chaud. C’est ce qu’on appelle l’effet de Foehn. Par exemple, ceux des Mojaves ou le Sonora aux États-Unis sont des déserts d’abri.

    Les déserts continentaux à fortes amplitudes thermiques et hivers froids

    Placés également à l’abri des chaînes montagneuses, ils se trouvent sous des latitudes tempérées. Le désert de Gobi ou celui de Karakoum sont, comme une grande partie de ces déserts continentaux, situés en Asie centrale. Les hivers y sont très froids et les étés souvent extrêmement chauds. L’amplitude thermique annuelle de ces régions connaît d’importantes variations.

    Les déserts polaires froids

    Les zones arctiques et antarctiques connaissent très peu de précipitations. En effet, la présence d’anticyclones alimentés en air glacial et très sec empêche la pluie de se former. La plupart des déserts polaires sont recouverts de champs de glace ou de calottes glaciaires toute l’année. La toundra, bien différente, peut soutenir une vie végétale et animale en été : il s’agit plus d’une typologie de désert subpolaire semi-aride.

    Étendue glacée et blanche du continent Antarctique.
    Désert polaire en Antarctique. Crédit photo : Wayne / Adobe Stock

    Découvrir la biodiversité des zones désertiques

    La faune et la flore de ces milieux désertiques, qu’ils soient chauds ou froids, ont su montrer une capacité d’adaptation remarquable. Les espèces végétales et animales ont développé des critères anatomiques et physiologiques leur permettant de supporter des conditions climatiques extrêmes.

    Une faune riche et diversifiée

    Les températures extrêmes et l’environnement offrant peu de cachettes, les animaux vivant dans les déserts chauds sont souvent des espèces nocturnes. La journée, la température du sol est très élevée puis l’air suffoquant, ce qui rend les animaux actifs surtout la nuit. Cela leur permet de profiter de la fraîcheur. Certaines espèces animales ont développé des compétences hors-norme comme la fourmi argentée du Sahara, Cataglyphis bombycinus, qui peut marcher sur le sol brûlant du désert, à plus de 70°.

    Les animaux les plus typiques des déserts chauds sont les fennecs, les dromadaires, les serpents, mais aussi les scorpions, tous capables de s’adapter à ces zones hostiles. Les gazelles, quant à elles, ont tendance à rester là où poussent des épineux.

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    Jeune dromadaire, animal typique des déserts arides. Crédit photo : Christophe Aymand, Tous droits réservés.

    En ce qui concerne les déserts polaires, la faune a aussi évolué pour s’adapter aux conditions froides. C’est le cas des baleines, des phoques ou encore les renards et les lièvres polaires qui ont dû s’acclimater pour apprendre à se nourrir et se cacher des prédateurs. Comme les ours polaires, qui, grâce à leur épaisse fourrure blanche, peuvent se fondre dans le paysage et se protéger du froid avec les couches de graisses se trouvant sous leurs poils.

    Une végétation hors du commun

    Les plantes du désert ont dû trouver des techniques leur permettant de vivre avec très peu d’eau. Elles ont trouvé des adaptations pour économiser l’eau et limiter la transpiration. Puiser l’eau du sol est également difficile dans ces milieux arides, stocker le maximum d’eau quand il est possible d’en avoir est alors indispensable.

    La végétation typique qui évolue dans les déserts chauds est appelée xérophyte. Il s’agit notamment des plantes succulentes et grasses, cela veut dire qu’elles ont la capacité d’absorber le plus d’eau possible par leurs racines et parviennent à la garder en réserve dans leurs tiges ou leurs feuilles. Le cactus en est l’exemple parfait. Ces épines sèches lui permettent d’évaporer très peu d’eau contrairement aux plantes à feuilles.

    Les végétaux des déserts chauds ont développé un ensemble de stratégies indispensables à leur survie. Par exemple, certaines plantes parviennent à pousser pendant les saisons humides puis leur graines ne germent plus pendant la saison sèche. Elles repoussent à nouveau dès que l’humidité est suffisante. On les appelle les annuelles. Quant à elles, les plantes pérennes vivent toute l’année mais peuvent toutefois arrêter de pousser pendant les saisons sèches.

    Cactus dans le désert de Sonora aux Etats-Unis.
    La végétation du désert s’est adaptée au manque d’eau et à la sécheresse. Crédit photo : Ray Redstone, Adobe Stock

    Concernant les déserts froids, une petite minorité de plantes s’est adaptée aux conditions extrêmes. L’Antarctique abrite une multitude de lichens, de champignons, de bryophytes (petites mousses vertes) et d’algues. Ces plantes ne possédant pas de racines, elles peuvent survivre dans des lieux pauvres en nutriments. En effet, leurs besoins sont moins importants que les végétaux vasculaires qui, eux, ont un système racinaire complexe. Seules deux espèces de plantes vasculaires sont présentes sur ce continent : la canche antarctique et la sagine antarctique. Elles ont développé des capacités d’adaptation pour pallier le manque de lumière et de chaleur.

    Comprendre l’impact des activités humaines sur la désertification

    Comprendre le phénomène de progression des déserts

    Chaque année, près de 40 000 km² de terres se transforment en zones désertiques, soit l’équivalent de la superficie de la Suisse. Ce phénomène est connu sous le nom de désertification ou avancée des déserts et s’aggrave considérablement ces dernières années, notamment à cause des activités humaines.

    La principale cause de cette désertification est liée à l’agriculture intensive. En effet, la désertification survient lorsque les terres agricoles sont surexploitées, principalement sous les climats secs et où les écosystèmes sont déjà fragilisés. La culture intensive et l’élevage du bétail épuisent les terres de leurs nutriments, puis emmagasinent les sels toxiques.

    Désert montagneux et rocheux au sud du Maroc.
    Début du désert au sud du Maroc. Crédit photo : Christophe Aymand, Tous droits réservés

    Les pratiques agricoles déraisonnées, et plus globalement les activités économiques restent les principaux problèmes de l’accentuation de la désertification. La disparition de la mer d’Aral en est, malheureusement, un parfait exemple. Pour la culture du coton, ses ressources en eau ont été puisées à un niveau tel qu’il ne reste seulement plus que 10 % de sa superficie originelle.

    Mais l’action de l’homme n’est pas le seul responsable de la progression des déserts. Le vent y contribue fortement. Phénomène météorologique naturel, il accentue les problèmes en emportant sur son passage les éléments nutritifs des sols. En déplaçant les dunes de sable déjà existantes, il permet au fur et à mesure du temps une avancée inévitable des déserts.

    De plus, la végétation qui meurt laisse alors le sable et la terre à nue, ce qui reflète davantage la chaleur. Ainsi la formation des courants ascendants d’air humide, à l’origine des nuages et de la pluie, est plus rare : le processus de désertification s’accentue.

    Découvrir les alternatives pour ralentir la désertification

    Pour tenter de stopper, ou tout du moins de ralentir la progression des déserts, plusieurs idées ont été mises en place dans diverses régions du monde :

    • La Grande Muraille verte : lancée en 2007, ce projet a pour but de planter des arbres sur une ligne sur 7 800 km entre Dakar et Djibouti, afin de créer une barrière forestière pour ralentir la progression du désert.
    • En Chine, Pékin lutte pour ralentir l’avancée du désert de Gobi en plantant des arbres depuis 2014. En 2020, des milliards d’arbres avaient déjà été plantés, soit 30 % du projet.
    • En France, des palissades de bois (appelées ganivelles) sont installées à proximité des dunes le long des côtes, comme au bassin d’Arcachon, pour faire office de brise-vent. Pour parfaire cette installation, des couvertures de débris végétaux ont été installées sur les dunes. Ce système ingénieux permet de piéger les graines et assure une bonne rétention d’eau pour la croissance des plantes.

    La progression des déserts est en constante augmentation dans le monde, et les populations tentent comme elles peuvent de s’adapter. Ces zones arides aux températures extrêmes ne facilitent pas non plus l’épanouissement du vivant.


    RETENEZ


    • La formation des déserts est liée à l’aridité du climat (faible précipitations) et des températures extrêmes (valeurs positives et/ou négatives).
    • Il existe 3 grands types de déserts : les déserts de pierre (reg), les déserts de sable (erg) et les déserts de glace des zones polaires.
    • Malgré des conditions climatiques extrêmes, les zones désertiques possèdent une certaine biodiversité qui a su s’adapter au manque d’eau.
    • Les activités humaines, tout particulièrement l’agriculture intensive, participent à la progression des déserts dans le monde entier.
    • L’Homme tente de stopper cette désertification par plusieurs moyens, notamment en plantant des barrières d’arbres.

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    Les milieux « naturels » du globe [En ligne]. 2000 [cité le 6 sept 2022]. Disponible: https://www.dunod.com/histoire-geographie-et-sciences-politiques/milieux-naturels-du-globe
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    Office national des forêts [En ligne]. La protection des dunes : une histoire qui a de l’avenir !; 4 nov 2019 [cité le 6 sept 2022]. Disponible: https://www.onf.fr/onf/+/5c3::la-protection-des-dunes-toute-une-histoire.html
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    Techno-Science.net [En ligne]. 🔎 Désert - Définition et Explications; [cité le 6 sept 2022]. Disponible: https://www.techno-science.net/glossaire-definition/Desert.html
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    [En ligne]. Géomorphologie des déserts (erg, reg...) — Géoconfluences; [cité le 6 sept 2022]. Disponible: http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/geomorphologie-deserts
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    Burney D, Challoner J, Coyne C, Harrar S, McGhee K. La Terre extrême et prodigieuse : faune, flore, climat, relief. Cachan (Val-de-Marne) : Sélection du Reader’s Digest; 2019. 320 p.

    La Mangrove : une Forêt sur Pilotis entre Terre et Mer

    Il y a 4000 ans, les mangroves étaient déjà connues des peuples australiens et amérindiens qui les utilisaient pour leurs nombreuses ressources. En Occident, leur première mention écrite en 305 av. J.-C. est attribuée à Androsthène de Thasos, scribe d’Alexandre le Grand. Mais la surface de cette forêt sur pilotis autrefois gigantesque ne cesse de diminuer. En effet, plus de 35 % des mangroves ont disparu en 20 ans. Nimbées de mystères, résilientes, riches en faune et en flore, elles sont aujourd’hui menacées par la pollution, le défrichage et l’implantation de bassins à crevettes. Zoom sur la mangrove, réservoir de biodiversité exceptionnelle en péril.

    La formation d’une mangrove

    Cette formation végétale est caractéristique des régions tropicales et subtropicales. Elle borde ¼ des côtes tropicales, principalement entre les latitudes 25°N et 25°S. On retrouve des mangroves en Australie, de l’Indonésie aux Philippines, en passant par Madagascar, le Niger, jusqu’en Amérique Centrale et le long de la côte brésilienne.

    Répartition des littoraux à mangroves dans les régions tropicales.
    Répartition des littoraux à mangrove dans le monde (in Taureau, 2017 [12] d’après Alongi, 2009 [13] ; Hogarth 2007 [14] et Tomlinson, 1994 [15]), ResearchGate

    La formation d’une mangrove dépend de plusieurs conditions. Cette forêt littorale pousse dans des eaux saumâtres et pauvres en oxygène. Les mangroves naissent suite à l’accumulation de sédiments qui se déposent à chaque marée basse sur le littoral. Ces derniers, mélangés à l’eau venant du front de mer, protègent de la houle la partie du banc de sable située le long du rivage. C’est là que se dépose la vase, formée de sédiments qui étaient alors en suspension dans la mer, et d’excédents de nutriments provenant du ruissellement terrestre.

    Les mangroves ne sont pas stables. Elles se déplacent de quelques mètres à chaque saison. Soumises au flux et reflux des marées, elles sont inondées à chaque marée haute. Les courants marins grignotent les bancs de vase situés à l’arrière du rivage. Ce faisant, les sédiments protègent les mangroves à l’avant pour former une nouvelle zone sur laquelle des arbres vont s’implanter.

    Vue satellite d’une mangrove dans la région des Sundarbans, dans l’État du Bengale, en Inde.
    Vue satellite de la région des Sundarbans et ses mangroves au Bangladesh et en Inde. Crédit photo : NASA image created by Jesse Allen, Earth Observatory, using data obtained from the University of Maryland’s Global Land Cover Facility., Public domain, via Wikimedia Commons

    Cette instabilité oblige la végétation à s’adapter. Une espèce s’est particulièrement acclimatée à ce milieu atypique : le palétuvier.

    Le palétuvier : un hôte omniprésent de la mangrove

    Appartenant à la famille des Rhizophoracées, le palétuvier est une halophyte, c’est-à-dire une plante adaptée aux milieux salés grâce au processus de l’osmose. Par un système de transfert de molécules d’eau, les palétuviers luttent contre le sel présent dans l’eau de mer. Ils la filtrent pour en excréter le surplus de salinité, notamment à la base des feuilles.

    Même si l’on en compte entre 60 et 70 espèces à travers le monde, la mangrove regroupe 3 grandes espèces de palétuviers :

    • Le Rhizophora mangle ou palétuvier rouge se déploie plutôt à l’intérieur des mangroves d’estuaires, dans les zones de balancement des marées.
    • L’Avicennia germinans ou palétuvier blanc forme des peuplements arbustifs de 4 à 5 mètres de haut. C’est l’espèce la plus adaptée aux estrans, zones du littoral recouvertes périodiquement par la marée.
    • Le Laguncularia racemosa ou palétuvier gris s’est adapté aux mangroves côtières à fort taux de salinité.

    Ces arbres développent une grande capacité d’adaptation dans un environnement naturel hostile à la végétation. Sur le palétuvier rouge, les fruits, ou propagules, ont la forme d’une gousse. Arrivés à maturité, ils se détachent de l’arbre pour se planter dans la vase, sans risquer d’être emportés par la marée. Cependant, dans les zones soumises à de forts courants marins, les propagules dérivent sur plusieurs kilomètres dans une eau très saline avant de s’enraciner. Le palétuvier est vivipare, c’est-à-dire que la graine a déjà germé lorsque le fruit tombe au sol.

    Le palétuvier présente une autre caractéristique : ses racines aériennes apparentes en forme d’arceaux. Telles des échasses, elles lui permettent de s’ancrer dans la vase afin de ne pas être emporté par la marée. Ces racines aériennes sont couvertes de lenticelles, de petits pores permettant l’apport d’oxygène. Piégées dans le limon, les racines des palétuviers développent des pneumatophores. Semblables à des excroissances, ce sont des capteurs d’oxygène à marée basse, garnis de lenticelles.

    Véritable forêt amphibie, la mangrove doit faire preuve d’ingéniosité pour survivre. La richesse nutritive du sol favorise une croissance très rapide des arbres. Adultes, certains peuvent atteindre jusqu’à 30 mètres de haut.

    La mangrove est un écosystème exceptionnel qui ne cesse de régresser, fragilisé par les activités humaines et le réchauffement climatique.

    Un refuge naturel favorable à un écosystème marin et terrestre très riche

    Les mangroves couvrent les zones intertidales, ou zones de bord de mer recouvertes à marée haute et découvertes à marée basse. Ces écosystèmes uniques sont des zones de repères pour de nombreuses espèces vivantes. Poissons et invertébrés marins y migrent pour s’y nourrir et se reproduire.

    En effet, ce réservoir de biodiversité est une nurserie : c’est un refuge pour les poissons coralliens juvéniles, les jeunes requins, ou encore les tortues. Les racines de palétuviers forment un véritable réseau labyrinthique dans lequel les alevins trouvent refuge et grandissent à l’abri des prédateurs.

    C’est également une importante zone de nidification pour les oiseaux, notamment des sternes. Ces oiseaux marins pondent leurs œufs directement sur le sol, ce qui les rend extrêmement vulnérables.

    Les mangroves offrent également des zones de refuge et de reproduction pour bon nombre d’espèces terrestres. C’est notamment le cas du tigre du Bengale, en danger d’extinction. C’est aussi le cas de la loutre géante d’Amazonie, considérée comme une espèce en danger par le WWF (Fonds Mondial pour la Nature).

    La fréquentation croissante des mangroves par l’Homme constitue une réelle menace pour de nombreux animaux.

    La mangrove : une position stratégique entre terre et mer

    Les mangroves rendent de nombreux services aux sociétés humaines, et leur préservation est essentielle dans la lutte contre le réchauffement climatique.

    Un puits de carbone

    Les mangroves stockent environ 34 millions de tonnes de carbone (CO2) par an. Il s’agit de l’écosystème qui absorbe le plus de CO2 au monde. Les feuilles des palétuviers l’absorbent avant de le rejeter dans l’eau. Ce sont de véritables puits de carbone à ciel ouvert, indispensables à la régulation du climat.

    Un filtre antipollution et purificateur naturel

    Les racines des palétuviers filtrent l’eau et la purifient, tout en empêchant les sédiments d’être emportés par les vagues. Le limon retient les polluants et les métaux lourds. En 2018, une expérience réussie a été menée à Mayotte. Sur l’île, les mangroves ont servi de « filtres » aux eaux usées, selon l’étude menée par Emma Michaud, écologue marine au CNRS.

    Une barrière de protection naturelle

    Les mangroves forment une barrière de protection contre les ouragans et les cyclones qui menacent les villes côtières. Elles servent aussi à lutter contre l’érosion des sols et les chaleurs extrêmes. La montée des eaux liée au réchauffement climatique représente une réelle menace pour les zones urbaines, privées des zones tampons que constituent les mangroves.

    La mangrove : un réservoir de biodiversité menacé

    Cette forêt amphibie ne cesse de reculer d’année en année. Selon François Fromard, directeur de recherche émérite au CNRS, dans certaines régions, la mangrove est remplacée à 80% par des bassins à crevettes. Les palétuviers sont coupés pour laisser la place à des fermes à crevettes. Tous les 6 mois, des eaux chargées de toxines sont relâchées dans les flots environnants. Au fil des ans, le taux de nocivité est tel que les palétuviers meurent, tandis que les bassins saturés en toxines sont abandonnés pour en construire d’autres.

    L’élevage intensif des crevettes entraîne la déforestation et la pollution des mangroves.
    Fermes à crevettes face à la mangrove. Crédit photo : © Srikanth Mannepuri, Ocean Image Bank

    En 2019, selon Energy Observer, la production mondiale de crevettes a atteint un niveau record : 74 millions de tonnes. Elle devrait atteindre les 92 millions de tonnes en 2022.

    La mangrove est encore souvent considérée par les populations locales comme un réservoir quasi inépuisable de nourriture et de bois de chauffage. C’est une zone de pêche surexploitée qui déséquilibre tout l’écosystème terrestre et marin.

    Certains organismes, tel que le WWF, mènent des campagnes de protection et de valorisation de la mangrove. À Madagascar, un programme de restauration des mangroves et de gestion durable de la pêche des filières « poissons » et « crabes » a été mis en place dès le milieu du 20ème siècle. Ce programme permettrait d’augmenter les volumes de pêche de plus de 10 %.

    Si elle semble inatteignable et parfaitement résiliente, la mangrove n’en demeure pas moins une forêt fragile qui doit être préservée. En effet, de nombreuses espèces animales et végétales en dépendent. De la même manière, la biodiversité des zones tropicales dépend en très grande partie de la préservation de la mangrove.


    RETENEZ


    • Cette forêt amphibie entre terre et mer borde 1/4 des côtes tropicales.
    • La mangrove évolue dans la zone de balancement des marées. Elle sert de lieu de reproduction et de refuge pour de nombreuses espèces animales.
    • L’arbre emblématique de cette écosystème marin est le palétuvier qui vit sur pilotis grâce à ses racines aériennes.
    • La mangrove est l’écosystème qui absorbe le plus de dioxyde de carbone (CO2) dans le monde.
    • Cette forêt littorale est menacée par les activités humaines (pollution, déboisement, implantation de bassin à crevettes).

    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Message de Mme Audrey Azoulay, Directrice générale de l’UNESCO, à l’occasion de la Journée internationale pour la conservation de l’écosystème de la mangrove (26 juillet 2022); [cité le 17 août 2022]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/actualites/2455/
    1.
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    Les Énergies Fossiles : de Leur Origine à Leur Impact sur la Planète

    Chaque jour, l’homme utilise les énergies fossiles pour se déplacer, faire fonctionner les usines, se chauffer ou encore fabriquer des vêtements. Sans la découverte et l’utilisation du charbon, du pétrole et du gaz, les progrès humains auraient été plus limités durant ces derniers siècles. Aujourd’hui ces énergies sont décriées. Elles participent activement aux émissions de gaz à effet de serre qui détruisent les écosystèmes planétaires. Mais, savez-vous quelles sont les origines des énergies fossiles et comment elles se sont formées ? Et finalement, comment l’activité humaine a pu transformer des ressources naturelles en poison pour notre planète ?

    La lente formation des énergies fossiles

    Pour bien comprendre la formation des énergies fossiles, il faut remonter le temps à environ 350 millions d’années avant notre ère. C’est à cette époque lointaine que le charbon, le gaz et le pétrole se sont formés dans des processus très lents et naturels. Le plus incroyable reste que les énergies fossiles n’auraient jamais pu voir le jour sans deux éléments clés : les espèces animales et végétales.

    La formation du charbon : de l’ère du carbonifère à nos jours

    Il faut bien imaginer qu’aux périodes du Carbonifère et du Permien, la Terre était alors composée d’immenses régions tropicales, très humides et à la végétation dense. Au fil du temps, les débris d’arbres, de fougères et d’autres végétaux se sont déposés naturellement sur le sol. Rapidement, ces résidus se sont enfouis sous une couche d’eau.

    Illustration d'un paysage à l'époque du carbonifère.
    Représentation d’une forêt à l’époque du Carbonifère. Crédit photo : Adobe Stock

    Puis, cette matière organique végétale s’est ensevelie plus profondément dans le sol au gré de l’apport en nouveaux sédiments, pour ensuite se mélanger et recouvrir totalement la couche. Ainsi, un nouveau support apparaît à la surface pour donner vie à une nouvelle végétation.

    Sous terre, le mélange formé de sédiments et de végétaux a commencé sa transformation. Il est passé progressivement à l’état de roche, sous l’effet de trois actions :

    • l’augmentation de la température au fil de l’enfouissement,
    • la transformation des molécules organiques par des bactéries. En effet, celles-ci ont libéré l’oxygène (O2), l’hydrogène (H2) et l’azote(N2) contenus dans les tissus des végétaux et augmenté leur concentration de carbone (C),
    • et la faible teneur en dioxygène dans l’eau qui a empêché la décomposition et favorisé la fossilisation.

    C’est ainsi que le charbon s’est formé durant plusieurs millions d’années. Au fil des temps géologiques, une succession de couches se sont déposées pour former aujourd’hui le sous-sol terrestre, alternant entre strates de charbon et roches sédimentaires.

    Schéma présentant la formation et l'origine du charbon.
    Les différentes étapes de la formation du charbon. Crédit photo : Adobe Stock

    Durant ces différents stades de sédimentation et d’enfouissement, la teneur en carbone du charbon évolue avec la profondeur. Ainsi, on peut retrouver :

    • la tourbe, au plus proche de la surface (50 à 55 % de carbone),
    • le lignite, entre 0 et 2 mètres de profondeur (55 à 75 % de carbone),
    • la houille, de 4 à 8 mètres (75 à 90 % de carbone),
    • et l’anthracite, du carbone presque pur, à environ 12 mètres du sol (plus de 90 % de carbone).
    Schéma présentant la teneur en carbone du charbon au fil de son enfouissement.
    Le charbon augmente sa teneur en carbone au fil de son enfouissement. Crédit photo : Dosto, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

    Le charbon reste là où il est né. Parfois, les formations géologiques vont former des veines qui peuvent faire varier l’épaisseur du charbon de quelques centimètres à une centaine de mètres.

    D’où viennent le pétrole et le gaz ?

    Pour le pétrole et le gaz, le processus est légèrement différent. Tout commence par la mort d’organismes vivants, il y a 20 à 350 millions d’années. Théoriquement, à cette époque reculée, lorsqu’un être meurt, il se décompose de deux manières :

    • soit il est mangé par des bactéries ou des charognards,
    • soit il est exposé à l’air ambiant ou à des eaux chargées en oxygène et il se transforme en engrais naturel qui permettra la croissance de nouvelles plantes.

    Toutefois, 0,1 % de ces êtres vivants ne rentrent pas dans ce schéma. À la fin de leur existence, ils viennent se déposer au fond de l’océan, très pauvre en oxygène et avec peu de courant. Cette matière organique, presque totalement préservée, vient se mêler à des minéraux (argile, sables fins, etc.) et au plancton marin mort. Ce mélange forme des couches successives de boue qui vont durcir et se transformer à terme en roches sédimentaires.

    Sous le poids des différentes couches, cette roche s’enfonce de plus en plus dans la croûte terrestre. Plus elle descend, plus la température et la pression augmentent. L’azote et l’oxygène disparaissent progressivement. La matière se transforme alors en kérogène, une matière liquide composée d’eau, de dioxyde de carbone et d’hydrogène.

    Arrivé entre environ 3 800 et 5 000 mètres sous terre et sous l’effet de fortes chaleurs, le kérogène devient plus léger. Il a tendance à remonter. Si rien ne l’arrête, il peut suinter à la surface de la Terre ou se transformer en bitume. Parfois, il peut se retrouver piégé dans une roche étanche qui forme un réservoir. C’est à ce moment-là que le mélange décante lentement et que trois matières se distinguent : le gaz, plus léger, remonte en premier, suivi du pétrole et enfin de l’eau. Ce sont ces poches qui vont être forées par l’homme pour en extraire le gaz ou le pétrole.

    Les origines du pétrole et du gaz présentées en cinq illustrations.
    Des millions d’années sont nécessaires pour que se forment pétrole et gaz. Crédit photo : Adobe Stock

    Les énergies fossiles n’auraient jamais pu voir le jour sans deux éléments clés : les espèces animales et végétales.

    L’homme et les hydrocarbures

    L’histoire de l’homme et des hydrocarbures est très récente. Leur extraction et leur utilisation sont intimement liées à l’activité industrielle humaine depuis quelques siècles seulement.

    Une brève histoire de l’exploitation du charbon

    Le charbon est exploité dans des mines souterraines ou à ciel ouvert, creusées sur plusieurs centaines de mètres de profondeur. Selon son taux de carbone, le charbon est utilisé dans différents domaines :

    • En sidérurgie, le coke (du charbon quasiment pur), sert à fabriquer la fonte.
    • L’anthracite est utilisé pour le chauffage domestique.
    • Le lignite est utilisé surtout pour des chaudières industrielles.
    • La tourbe, sous forme de briques séchées, sert au chauffage de certaines maisons (en Irlande, par exemple).

    Au milieu du XIXème siècle, le déclin du charbon se fait sentir. Son extraction est difficile, ses rejets de particules sont trop importants et s’avèrent nocifs pour la santé et l’environnement. Il est remplacé d’abord par le pétrole, puis progressivement par le gaz. Aujourd’hui, il est utilisé principalement pour la production d’électricité, dans des centrales thermiques, notamment en Chine.

    Une mine de charbon à ciel ouvert permet de comprendre les origines des hydrocarbures.
    Un mine de charbon à ciel ouvert. Crédit photo : Adobe Stock

    Gaz et pétrole, des énergies récentes et omniprésentes

    Extraction et transport

    Le gaz et le pétrole sont extraits grâce à des forages ou des puits. De grands tuyaux vont creuser le sol jusqu’à atteindre le réservoir. La pression naturelle est couplée aux machines pour éjecter le liquide ou le gaz convoité. Le plus compliqué est ensuite de déplacer ces ressources naturelles qui se trouvent généralement assez loin de leur lieu d’utilisation final.

    Le pétrole est acheminé par voie maritime ou par oléoduc. Le gaz, quant à lui, a longtemps été impossible à transporter et à exploiter. Aujourd’hui il transite via des gazoducs ou par liquéfaction grâce à un réseau de 4 millions de kilomètres de conduites dans le monde.

    Un plateforme pétrolière en mer.
    Exploitation de gaz et de pétrole sur une plateforme offshore. Crédit photo : Adobe Stock

    Usages

    Le pétrole, une fois raffiné, fournit une base indispensable à de nombreux produits : matières plastiques, solvants, cosmétiques, textiles, détergents, caoutchoucs, adhésifs, certains médicaments, bitume, engrais, pesticides, etc. En 2011, 59 % de la production mondiale de pétrole servait exclusivement aux transports. Le fioul, un dérivé du pétrole, est largement consommé pour le chauffage, dans certaines centrales thermiques et comme carburant pour les bateaux et certaines machines agricoles.

    Le gaz sert à la production électrique, au chauffage des maisons et bureaux, aux chaudières industrielles. Il intervient en tant que matière première pour la chimie et dans les transports sous forme de GNL (Gaz Naturel Liquéfié).

    Le côté sombre des énergies fossiles et leurs impacts sur l’environnement

    Un danger pour l’homme…

    L’exploitation du charbon à ciel ouvert défigure les sites et pollue l’atmosphère locale par ses rejets de poussières et de particules fines.

    Les galeries des mines souterraines de charbon sont de véritables pièges pour l’homme. La liste des accidents est longue : inondations, effondrements, élévation mortelle de la température (les coups de poussière), et le tristement fameux  » coup de grisou « . Il s’agit de poches de méthane impossibles à détecter qui se mélangent à l’air des galeries et explosent au contact du feu.

    De plus, le forage et le transport du pétrole provoquent de nombreux accidents graves comme les marées noires. Mais au-delà des incidences sur l’homme, l’autre problème de taille des énergies fossiles tient à leur combustion.

    Les effets de la pollution au pétrole en pleine mer.
    Pollution maritime au pétrole. Crédit photo : Adobe Stock

    … et pour la planète

    Pour délivrer leur énergie, le pétrole, le gaz et le charbon doivent être brûlés. Cette combustion rejette du gaz carbonique (CO2) dans l’atmosphère. Le CO2 fait partie des émanations plus connues sous le nom de « gaz à effet de serre ».

    Il est important de savoir que les émissions de gaz à effet de serre existent sur Terre depuis la nuit des temps, avant même que l’espèce humaine n’apparaisse. Un cycle naturel permet de garder leur concentration stable. Par exemple, la photosynthèse régule la teneur en CO2 et la pluie vient équilibrer les émissions de vapeur d’eau. Le CO2 est donc indispensable à l’épanouissement de la vie sur Terre.

    Mais, depuis les débuts de la révolution industrielle, l’activité humaine a considérablement modifié ces concentrations de gaz. En effet, lors de la combustion des énergies fossiles, d’énormes quantités de CO2 sont rejetées dans l’atmosphère. Ces gaz artificiels ne sont pas réutilisés dans le cycle naturel des écosystèmes de notre planète. Ils restent piégés dans l’atmosphère. Ainsi, 65 % de l’effet de serre additionnel vient du gaz carbonique. Le charbon représente à lui seul plus de 40 % de ces émissions, 31 % pour le pétrole et le gaz, 20 %.

    Les effets visibles de la pollution au CO2 dans l'air.
    Les rejets de CO2 liés aux activités humaines sont à l’origine du réchauffement climatique. Crédit photo : Adobe Stock

    Le véritable problème est que le surplus de gaz carbonique met un siècle environ avant de disparaître de l’atmosphère. En découvrant et en utilisant les énergies fossiles, l’homme a mis la main sur un trésor empoisonné. Depuis l’ère industrielle, pas moins de 2 500 milliards de tonnes de CO2 ont été rejetées dans l’air par l’utilisation croissante de gaz, de pétrole et de charbon. En conséquence, notre planète subit un phénomène désormais bien connu et inquiétant : le réchauffement climatique. Voilà pourquoi désormais de nouvelles solutions sont de plus en plus plébiscitées pour remplacer les hydrocarbures. Les énergies renouvelables comme le solaire, l’éolien ou encore la géothermie, par exemple, constituent des alternatives sérieuses pour la survie de la vie sur terre.


    RETENEZ


    • Les espèces végétales et animales sont à l’origine de la formation des gisements d’hydrocarbures (énergies fossiles).
    • Le formation du gaz, du pétrole et du charbon a débuté il y a environ 350 millions d’années. Il s’agit de ressources naturelles épuisables.
    • La combustion des énergies fossiles par les activités humaines dégage des émissions de gaz à effet de serre (GES).
    • Les GES participent au réchauffement climatique global.
    • 65 % de l’effet de serre additionnel provient du gaz carbonique (C02).

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    Qu’est-ce qu’un Lahar ?

    Un volcan peut-il forcément tuer sans être en éruption ? Quel est le lien entre un volcan et une coulée de boue dévastatrice ? Si les éruptions fascinent autant qu’elles font peur, un autre phénomène naturel lié à l’activité volcanique terrestre doit être pris en compte dans la prévention des risques volcaniques : les lahars. Pourquoi ces aléas naturels sont-ils aussi dangereux pour les sociétés humaines ?

    Le lahar : une coulée de cendres et de roches volcaniques destructrice

    Nom masculin d’origine indonésienne, le lahar désigne des coulées torrentielles boueuses, composées d’eau et de matériaux solides de diverses tailles. Un lahar peut se produire pendant une éruption, ou en dehors d’une phase d’activité volcanique (phase post-éruptive). Son origine peut être multiple. En effet, l’eau à l’origine de la formation des lahars, peut provenir du volcan en éruption, des rebords d’un lac de cratère qui se sont rompus, de l’eau de pluie ou de la fonte de la neige ou de la glace.

    Le lahar suit ensuite l’inclinaison du terrain et entraîne avec lui tous types de fragments volcaniques expulsés par le volcan, tout particulièrement des cendres et des blocs volcaniques. Les lahars empruntent donc le lit des rivières et les zones de dépressions. Ils peuvent s’écouler à des vitesses pouvant atteindre des dizaines de km/h pour les plus rapides d’entre eux. Les lahars se produisent à proximité des volcans explosifs – c’est-à-dire ceux qui émettent de la cendre – et préférentiellement en milieu intertropical car les pluies y sont abondantes.

    Par ailleurs, un lahar peut se déclencher plusieurs années après une éruption, à condition que les pentes du volcan soient recouvertes d’assez de cendres et que les eaux de pluie tombent en quantité suffisante.

    Pourquoi ce phénomène naturel est-il si dangereux ?

    Un lahar représente un risque majeur pour les populations et les infrastructures. En effet, si sa force est suffisamment puissante, il peut emporter dans son sillage des personnes, des routes, des ponts ou encore des bâtiments. Ce sont souvent des lahars qui sont responsables des plus grandes catastrophes volcaniques.

    A titre d’exemple, aux Philippines, les lahars du mont Pinatubo se produisirent pendant près de 10 ans suite à l’éruption de 1991, tant le volume de matériel volcanique déposé par le volcan était abondant. Au total, des centaines de milliers de familles ont été affectées, dont plus de 40 000 individus durent être relogés (Gaillard et al., 1998). Le matin du 1er octobre 1995, suite au passage du typhon Mameng, des lahars de plus de 6 mètres de hauteur se sont formés sur les pentes du Pinatubo. Ils ont enseveli la ville de Bacolor située à une trentaine de kilomètres au sud-est du volcan, tuant des centaines de personnes. Les matériaux mobilisés par les lahars ont élevé la ville à son niveau actuel d’environ 37 mètres au-dessus du niveau de la mer.

    Video explicative de la formation des lahars. Crédit vidéo : VolFilm – Les lahars: la menace (version française), avec le soutien du GFDRR.

    Les lahars dans la culture indonésienne : entre subsistance et spiritualité

    Les populations indonésiennes entretiennent une synergie avec les volcans. En 2004, sur les pentes du volcan Merapi en Indonésie, une procession religieuse informelle réclamait le retour des lahars qui s’étaient raréfiés depuis quelques saisons. Ceux-ci revêtent une importance particulière pour les cultures locales et leurs assurent un moyen de subsistance. En effet, les lahars représentent une ressource minérale très riche en sable et blocs volcaniques, utile pour la construction des bâtiments et assurent la fertilité des terres agricoles environnantes (culture du riz notamment).

    La dimension spirituelle des volcans et des lahars est très ancrée dans la culture indonésienne. Chaque année, une procession officielle est donnée en l’honneur des lahars. Le labuhan ndalem est encadré par la cour du sultan de Yogyakarta. La procession est dirigée par une personnalité chamanique appelée juru kunci afin de garantir la pérennité des bonnes relations entre les hommes et l’esprit protecteur du volcan.

    Les lahars sont des écoulements boueux composés de matériaux et d’eau. ILS présentent un risque accru pour les populations qui vivent à proximité des volcans explosifs.

    Dépôts de lahars sur le Pinatubo.
    Dépôts de lahars sur les flancs du mont Pinatubo aux Philippines. Crédit photo : Adobe Stock

    Les risques de lahars

    L’exemple de la gestion des risques de lahars en Indonésie

    Les lahars constituent à la fois une source de bienfaits mais également un danger pour les communautés locales car ils sont fréquents et difficilement prévisibles. La population doit donc se protéger du risque naturel que représentent les lahars.

    A titre d’exemple, en Indonésie, les autorités locales ont mis en place une politique de prévention pour protéger les populations installées à proximité des volcans actifs. Il s’agit notamment de sensibiliser et préparer les individus à la survenue de lahars dévastateurs afin de réduire leur vulnérabilité. In fine, le but est de développer la résilience des communautés locales, c’est-à-dire leur permettre de continuer à vivre à proximité du volcan malgré la menace volcanique qui pèse sur eux, tout en continuant à profiter de ses bienfaits.

    Le schéma suivant montre comment les scientifiques estiment les risques de lahars sur les pentes du volcan Merapi en Indonésie, selon la nature du terrain étudié et la répartition des populations locales. Les populations les plus menacées par les lahars sont celles qui résident dans les fonds de vallées, à proximité des cours d’eau, ou dans les zones de dépressions naturelles. Les zones en rouge sur la carte sont les zones où la population est la plus vulnérable aux lahars, compte tenu de la topographie, de la densité de population (dense habitat urbain), et d’infrastructures humaines stratégiques (zone d’enjeux élevés).

    Carte des risques de lahars sur le volcan Merapi en Indonésie.
    Estimations des risques liés aux lahars sur les flancs du volcan Merapi dans les années suivants l’éruption de 2010. Conception : E. de Bélizal, 2016 ; Géoconfluences, 2019

    Le cas de l’arc antillais

    En France, une base de données (French Antilles Historical Lahar, BDfahl) a été constituée afin de surveiller une zone à risque : les Antilles. En effet, l’arc antillais compte 22 volcans actifs. La constitution de cette base de données est donc une nécessité dans la prévention des risques volcaniques. Il s’agit avant tout d’une démarche historienne puisqu’elle recense tous les épisodes de lahars depuis le début de l’ère chrétienne jusqu’à aujourd’hui à partir de descriptions visuelles ou d’analyse des dépôts volcaniques. L’objectif principal est de pouvoir anticiper ou localiser la survenue probable des lahars. Certains lahars firent même avancer le trait de côte de certaines îles, comme ce fut le cas en Martinique suite à l’éruption de la Montagne Pelée en 1902. En effet, les matériaux volcaniques charriés par les lahars ont agrandi la superficie de l’île.


    RETENEZ


    • Les lahars se forment dans les cours d’eau à proximité des volcans. Ils sont composés d’un mélange d’eau et de matériaux en forte concentration.
    • Ils sont fréquents à proximité des volcans explosifs de la zone intertropicale.
    • Les lahars peuvent se former pendant ou après une éruption volcanique (phase post-éruptive).
    • Ils représentent une ressource naturelle pour les communautés locales : matériaux de construction, fertilité des sols.
    • Les lahars constituent un risque élevé pour les populations implantées sur les flancs des volcans.

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    Géoconfluences [En ligne]. Le volcan Merapi (Indonésie) : espaces et temporalités du risque sur un volcan indonésien singulier — Géoconfluences; [cité le 14 juill 2022]. Disponible: http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/asie-du-sud-est/articles-scientifiques/volcan-merapi-risques-indonesie

    Le Fly Geyser : Formation d’un Geyser Artificiel d’Origine Humaine

    Le Fly Geyser est un site naturel qui s’est métamorphosé à la suite d’une maladresse de l’homme. C’est aux États-Unis, dans le désert Black Rock au Nevada qu’on peut observer cette curiosité géologique. Cette zone géographique semi-aride concentre une activité géothermique intense. Le Fly Geyser est également appelé Geyser Fly Ranch, du nom de la propriété sur laquelle il se trouve, ou encore « Fontaine des trois Bouddhas ». Le Fly Geyser s’observe depuis la State Route 34 au nord de la ville de Gerlach. Découvrez l’histoire de ce paysage insolite aux couleurs arc-en-ciel et son écosystème si particulier.

    Un premier forage donne naissance à un geyser

    Tout a commencé en 1916 lorsque le propriétaire du Fly Ranch a fait forer un puits. Il voulait rendre sa propriété prospère en cultivant son sol et en élevant du bétail. Lors du forage du puits, les habitants ont découvert la pression géothermique naturelle de leur terrain. De l’eau chauffée à 93 degrés et fortement minéralisée est sortie de terre. Comme cette eau ne pouvait pas servir à irriguer cet endroit, les résidents ont abandonné le geyser. Un cône de carbonate de calcium de 3 à 3,6 m de haut s’est formé progressivement autour de cette gerbe d’eau nommée The Wizard.

    Une métamorphose du paysage due à une bévue des hommes

    En 1964, un second forage a eu lieu dans le but d’utiliser cette source de géothermie. Le puits a été percé à une centaine de mètres du premier. La température de l’eau s’élevait à nouveau à 93 degrés mais ce n’était pas suffisant pour l’exploiter. Ce deuxième puits a donc été rebouché. Mais le colmatage n’a pas résisté à la pression. Le jet d’eau qui sortait du cône issu du premier forage du Wizard s’est réduit après le deuxième creusement. Une nouvelle source est apparue : il s’agit du Fly Geyser.

    Le Fly Geyser et ses 3 protubérances de calcaire.
    Le Fly Geyser est né suite à un forage humain dans une zone géothermique. Crédit photo : Adobe Stock

    Les caractéristiques géologiques du Fly Geyser

    Le Fly Geyser crache plusieurs jets d’eau en continu qui peuvent atteindre 1,5 m de hauteur. Les minéraux contenus dans la poche d’eau géothermique sont remontés à la surface du désert et ont précipité pour former progressivement trois petits monticules de carbonate de calcium. Ce tertre de travertin multicolore – roche sédimentaire calcaire – ne cesse de croître depuis sa naissance. En effet, ces trois protubérances bigarrées évoluent en permanence depuis ces quarante dernières années. Cependant, les cônes du Fly Geyser ne sont pas aussi gros que ceux du Wizard.

    Carolina Muñoz Saez, chercheuse à LDEO Columbia University et à EAS CUNY, volcanologue spécialisée en géothermie, a étudié le Fly Geyser. Elle a constaté que l’intérieur de ce geyser est recouvert de quartz. C’est un fait surprenant, car le quartz se développe lentement. On le trouve plutôt sur des geysers beaucoup plus anciens qui datent d’environ 10 000 ans. La présence du quartz dans le Fly Geyser est due à la grande quantité de silice. La chaleur de l’eau associée à la silice fait croître rapidement le cône autour de la source et accélère l’apparition du quartz. Selon la chercheuse, aucun autre geyser au monde ne peut se comparer au Fly Geyser.

    Les dépôts de sel et de calcaire des geysers ont engendré entre 30 et 40 terrasses de travertin remplies d’eau. Les bassins s’étendent sur une surface de 30 hectares. L’eau de certaines piscines dépasse les 90°C degrés.

    La formation du Fly Geyser résulte de l’activité humaine, tandis que ses couleurs bigarrées sont liées à la présence d’organismes microscopiques.

    Vue sur les terrasses de travertin du Fly Geyser.
    Le Fly Geyser et ses terrasses de travertin remplies d’eau. Crédit photo : Jeremy C. Munns, Public domain, via Wikimedia Commons

    La cause des couleurs arc-en-ciel du geyser

    Les couleurs arc-en-ciel du Fly Geyser sont dues à des bactéries dites thermophiles, c’est-à-dire qu’elles vivent dans des environnements extrêmes, chauds et humides dans le cas présent. La présence de ces organismes microscopiques mêlée aux sédiments du désert crée les nuances de couleurs surréalistes du Fly Geyser. Leurs teintes vertes et rouges varient en fonction de la température de l’eau.

    Des dépôts de carbonate de calcium constituent les roches brillantes rouges et jaune orangé. Le vert des algues thermophiles s’ajoute à cet éventail de nuances. Si les geysers s’assèchent complètement un jour, les cônes prendraient une teinte de roche grise. La présence de l’eau permet une forme de vie qui donne ces couleurs hors du commun. Le même phénomène s’observe dans le parc de Yellowstone, aux Etats-Unis.

    La naissance d’un troisième geyser

    En 2006, un troisième geyser est découvert et serait d’origine naturelle. Il se nomme Will’s Geyser. Cette formation volcanique grandit d’environ quinze centimètres chaque année.

    Ces trois geysers sont aussi connus sous le nom de « Geysers des 3 Bouddhas », car ils font référence à la célèbre statue indienne. En effet, les extrémités des sources sont émoussées en raison du débit constant de l’eau.

    Le Fly geyser est donc un geyser artificiel, car il est né à la suite d’une maladresse des êtres humains. On appelle aussi ces geysers artificiels des « puits géothermiques jaillissants ». En juin 2016, le projet Burning Man a acheté la propriété du Fly Ranch. Depuis lors, des guides organisent des promenades pour s’approcher de ce geyser unique au monde.


    RETENEZ


    • Le Fly Geyser est né suite à un forage géothermique d’origine humaine.
    • Ces 3 petits monticules sont constitués de travertin, une roche sédimentaire.
    • La diversité des couleurs du Fly Geyser résulte de l’activité d’organismes microscopiques thermophiles.

    1.
    HowStuffWorks [En ligne]. Nevada’s Fly Geyser Is a Manmade Wonder; 12 mars 2019 [cité le 9 juill 2022]. Disponible: https://science.howstuffworks.com/environmental/earth/geology/nevadas-fly-geyser.htm
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    Grose LT, Sperandio RJ. Geology of the Gerlach--Hualapai Flat geothermal area, northwestern Nevada. Q Colo Sch Mines; (United States) [En ligne]. 1 juill 1978 [cité le 9 juill 2022];73:3. Disponible: https://www.osti.gov/biblio/6766243-geology-gerlach-hualapai-flat-geothermal-area-northwestern-nevada
    1.
    Grose LT. Late quaternary tectonic controls of occurrence of geothermal systems in Gerlach--Hualapai Flat area, northwestern Nevada. Q Colo Sch Mines; (United States) [En ligne]. 1 juill 1978 [cité le 9 juill 2022];73:3. Disponible: https://www.osti.gov/biblio/6389967-late-quaternary-tectonic-controls-occurrence-geothermal-systems-gerlach-hualapai-flat-area-northwestern-nevada
    1.
    KUNR Public Radio [En ligne]. Fly Geyser Opens To Public For First Time In Two Decades; 6 avr 2018 [cité le 9 juill 2022]. Disponible: https://www.kunr.org/energy-and-environment/2018-04-06/fly-geyser-opens-to-public-for-first-time-in-two-decades

    Les Stromatolithes ou l’Origine de la Vie sur Terre

    En Australie occidentale, Shark Bay (ou « la baie aux requins ») n’est pas uniquement célèbre pour sa population de Dugongs et ses herbiers marins, les plus riches et les plus grands au monde. Elle abrite également d’étranges structures rocheuses vieilles de plus de 3,4 milliards d’années qui pourraient bien être nos lointains ancêtres : les stromatolithes. Que sont ces structures vivantes primitives ? En quoi nous renseignent-ils sur l’histoire de l’évolution de la vie sur Terre ?

    Les stromatolithes : de mystérieux champs de roches

    Shark Bay, un patrimoine mondial

    Avec ses 2,2 hectares, Shark Bay est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1991. Cette inscription résulte non seulement de l’incroyable biodiversité de la baie mais également de la présence d’un champ de roches assez étranges. En effet, ce site fait partie des très rares endroits au monde où il est possible d’observer des stromatolithes en développement actif. Ces derniers demeurent aujourd’hui les plus célèbres du monde avec ceux situés aux Bahamas.

    Les stromatolithes vivants de la baie de Shark en Australie à marée basse.
    Les stromatolithes de la baie Shark en Australie est un des rares endroits au monde à abriter des stromatolithes en développement actif. Crédit photo : Adobe Stock

    Des dômes rocheux atypiques

    Les stromatolithes sont d’étranges dômes rocheux comparables à des chapeaux de champignons que l’on peut observer un peu partout à la surface du globe, tout particulièrement en Australie, en Amérique du Nord ou encore en Europe. Ces structures se forment en milieux aquatiques peu profonds et généralement marins. Bien qu’ils prennent la forme d’une structure rocheuse, les stromatolithes sont composés d’organismes vivants qui grandissent et s’épanouissent en présence d’eau. Leur croissance est cependant très lente avec seulement 0,4 millimètres par an pour ceux de Shark Bay par exemple.

    Carte des principaux sites mondiaux avec des stromatolithes.
    Carte des principaux lieux d’observation de stromatolithes et autres formations similaires actuelles. Crédit infographie : Elise Heinen, d’après SURnaturelles, Les merveilles de notre planète (Larousse), Tous droits réservés

    Des roches vivantes ?

    Les stromatolithes : une origine bactérienne

    Bien que les stromatolithes ne puissent pas être caractérisés de vivant, ils résultent de l’activité d’organismes bien vivants : des cyanobactéries (ou « algues bleues »). Ces organismes procaryotes (micro-organismes unicellulaires) sont des bactéries capables de réaliser une photosynthèse oxygénique. Ce processus énergétique vise à produire de la matière organique nourricière grâce à la lumière. Les cyanobactéries convertissent l’énergie lumineuse captée en énergie chimique tout en relâchant du dioxygène (O2) dans l’environnement.

    Mais pourquoi cette forme ?

    Les stromatolithes possèdent une structure laminaire (en lames superposées) qui forment des aspérités à leur surface. A l’origine, un tapis bactérien se développe sur un substrat. Puis, une couche de calcaire et de sédiments se forme et se dépose au-dessus de cette couche de bactéries. Ce premier étage de cyanobactéries meurt tandis qu’un autre se développe à la surface et ainsi de suite. Le dôme ainsi formé, évolue et grandit au fil des années.

    Schéma de la structure d'un stromatolithe.
    Schéma de la structure d’un stromatolithe. Crédit infographie : Schéma de Elise Heinen, d’après SURnaturelles, Les merveilles de notre planète (Larousse), Tous droits réservés

    Une apparition inattendue

    Il y a 3,4 milliards d’années, la Terre était différente de celle que nous connaissons aujourd’hui. Outre les différences de positions des océans et des continents, l’atmosphère avait une composition différente. Il n’y avait pas de dioxygène (O2) dans l’atmosphère mais beaucoup de dioxyde de carbone (CO2). Cette atmosphère primitive est dite réductrice. Les organismes vivants de l’époque, principalement bactériens, vivaient alors sans oxygène, ni dans l’air, ni dans l’eau.

    L’activité des stromatolithes a totalement bouleversé le monde du vivant à l’époque Précambrienne, entre 4,5 milliards et 542 millions d’années.

    Le dioxygène étant toxique pour une majeure partie des organismes de l’époque, une véritable crise écologique a eu lieu, entrainant la toute première « extinction de masse » sur Terre. Les organismes qui ont survécu se sont adaptés en se servant du dioxygène nouvellement disponible dans l’atmosphère, pour alimenter leur machine métabolique.

    La Grande Oxydation : un tournant majeur dans l’histoire du vivant sur Terre

    La libération du dioxygène dans l’océan, puis dans l’atmosphère, a considérablement changé le visage de la planète. Ce phénomène de relargage de l’oxygène est connu sous le nom de « Grande Oxydation ». Elle a eu lieu entre -1,8 et -2,4 milliards d’années et a eu de nombreuses conséquences, notamment sur l’érosion des sols, la chimie des océans, le climat et bien évidemment l’évolution du vivant sur Terre.

    Les plus anciens stromatolithes sont datés de -3,4 à -3,5 milliards d’années, la date étant encore discutée par les scientifiques. Mais à ce jour, ils sont considérés comme la plus ancienne forme de vie sur Terre. Ils représenteraient nos ancêtres les plus lointains. L’hypothèse la plus communément admise par la communauté scientifique est la suivante : en captant le dioxyde de carbone (CO2) présent en grande quantité dans l’atmosphère terrestre, l’activité photosynthétique des stromatolithes a permis une accumulation de l’oxygène dans l’océan. 

    A cette époque, dans l’océan, des ions ferreux (Fe2+), très solubles dans l’eau de mer, ont été apportés par l’action de l’érosion des roches continentales, mais aussi par un apport des sources hydrothermales sous-marines. Au contact de l’oxygène nouvellement libéré par les cyanobactéries, ces ions ferreux se sont oxydés sous forme de fer ferrique (Fe3+) de couleur rouge et ont précipité au fond des océans. Une fois l’essentiel du fer oxydé dans les océans, l’oxygène s’est accumulé ensuite dans l’atmosphère terrestre à partir de 2,5 milliards d’années.

    Cette « Grande Oxydation » a laissé des traces dans des roches sédimentaires anciennes très riches en fer, connues sous le nom de formations de fer rubanées (ou BIF en anglais, pour « Banded Iron Formations »). Ces couches alternent avec des strates rouges-orangées continentales pauvres en oxydes de fer. L’ensemble de la séquence sédimentaire s’est déposé en milieu marin entre -3,5 à -1,8 milliards d’années.

    Vue rapprochée sur des couches rouges riches en fer.
    Formation de fer rubanée de Jaspilite du Précambrien de l’Ontario, Canada. Crédit photo : James St. John, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

    Les stromatolithes ont donc joué un rôle essentiel dans l’évolution de la vie sur Terre permettant le développement de la vie aérobie (besoin d’oxygène). Cette dernière a elle-même permis le développement d’organismes pluricellulaires plus complexes et terrestres tel que l’être humain.

     


    RETENEZ


    • Les stromatolithes sont des constructions fossiles à la fois constituées de cyanobactéries et de structures calcaires laminaires superposées.
    • La baie Shark en Australie est un des rares endroits au monde à abriter des stromatolithes en développement actif.
    • Les stromatolithes ont joué un rôle essentiel dans l’évolution de la vie sur Terre en oxygénant les océans dans un premiers temps, puis l’atmosphère terrestre dans un second temps.
    • Les formations de fer rubanées témoignent du relargage en grande quantité d’oxygène par la photosynthèse des cyanobactéries (ou « algues bleues »). Cet événement est qualifié de « Grande Oxydation ».

    1.
    Editions Larousse [En ligne]. SurNaturelle, les merveilles de notre planète; 2 mai 2022 [cité le 13 juin 2022]. Disponible: https://www.editions-larousse.fr/livre/surnaturelle-les-merveilles-de-notre-planete-9782035993526
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    Presses Universiataires de Bordeaux (PUB) [En ligne]. DESPOIS (Didier), GARGAUD (Muriel), PARISOT (Jean-Paul) L’environnement de la terre primitive (2e édition); [cité le 13 juin 2022]. Disponible: http://www.pub-editions.fr/index.php/ouvrages/champs-disciplinaires/sciences/l-27environnement-de-la-terre-primitive-282e-c3-a9dition-57.html
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    National Geographic [En ligne]. @NatGeoFrance. Qu’est-ce qu’une extinction de masse ?; 8 sept 2021 [cité le 13 juin 2022]. Disponible: https://www.nationalgeographic.fr/sciences/culture-quest-ce-quune-extinction-de-masse
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    Futura [En ligne]. König C. Les stromatolites, formation sédimentaire des cyanobactéries; [cité le 13 juin 2022]. Disponible: https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/botanique-algues-surprenants-vegetaux-aquatiques-523/page/3/
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    Encyclopædia Universalis [En ligne]. Universalis E. STROMATOLITHES ou STROMATOLITES; [cité le 13 juin 2022]. Disponible: https://www.universalis.fr/encyclopedie/stromatolithes-stromatolites/
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    Chazot G. La belle histoire des merveilles de la terre [En ligne]. De Boeck Supérieur; 2020. 320 p. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329119-la-belle-histoire-des-merveilles-de-la-terre

    Le Parc National Phong Nha-Ke Bang et la Plus Grande Grotte du Monde

    Des grottes époustouflantes, des forêts tropicales luxuriantes, des rivières émeraude ruisselantes… Telles sont les premières impressions des visiteurs qui contemplent le parc national Phong Nha-Ke Bang. Ce parc situé au Vietnam est notoire pour son paysage karstique extraordinaire et sa biodiversité unique. Inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2003, cette région renferme la grotte la plus grande connue au monde : Hang Son Doong. Mais qu’est-ce qui fait de cet endroit insolite une merveille géologique aussi attrayante pour les scientifiques et pour les passionnés de nature ? Découvrez les paysages, les écosystèmes et les beautés singulières de ce lieu étonnant encore peu exploré aujourd’hui.

    Le Parc National de Phong Nha-Ke Bang

    Portrait de ce paradis végétal d’Asie

    Le parc national Phong Nha-Ke Bang se situe dans la province de Quang Binh au Vietnam. À l’origine, c’était une réserve naturelle. Ce n’est qu’en 2001 que le parc a été créé afin de protéger et préserver cette région karstique ainsi que sa biodiversité. Il est inscrit deux ans plus tard au patrimoine mondial de l’UNESCO. La majorité de cette zone est recouverte de forêts. Bien que ce parc impressionne par son envergure, il se démarque surtout par la diversité des écosystèmes que l’on y retrouve, comme par exemple ses grottes gigantesques, ses forêts vierges, ses rivières souterraines ou sa jungle dense. D’après l’UNESCO, c’est l’un des plus grands réseaux souterrains de grottes au monde et ce dernier s’étire sur 104 km. Parmi les grottes les plus connues, on peut nommer Phong Nha ou encore celle de Thien Duong aussi appelée la « grotte du Paradis ».

    Phong Nha-Ke Bang : un paysage karstique hors du commun

    Avec ses 2 000 km², le parc de Phong Nha-Ke Bang constitue l’une des régions karstiques les plus vastes au monde. Il se caractérise par ses nombreuses grottes et rivières souterraines, mais également par ses stalagmites, stalactites ou encore ses dolines. On dénombre environ 300 grottes dans ce lieu d’Asie et chacune d’entre elles est différente. Des grottes sèches, en terrasses, suspendues, centriques ou encore d’autres qui s’entrecoupent. On retrouve les mêmes caractéristiques géologiques dans le parc national des lacs de Plitvice en Croatie.

    Vue panoramique de la rivière Son depuis la grotte Phong Nha.
    Grotte souterraine dans la région karstique de Phong Nha-Ke Bang. Crédit Photo: Adobe Stock

    D’après l’UNESCO, la formation karstique du site s’est formée il y a environ 400 millions d’années, au cours du Paléozoïque, ce qui fait de ce site le plus ancien d’Asie. À l’origine, cette zone était couverte par une mer chaude. Au fil des millions d’années, des centaines de mètres d’épaisseur de débris calcaires contenant des fossiles de coraux ou d’animaux marins se sont déposés au fond de la mer.

    À la suite de la formation d’une faille tectonique dans le calcaire, une rivière s’est infiltrée dans la roche et l’eau a commencé à sculpter le plateau karstique. L’immense réseau de grottes souterraines de Phong Nha-Ke Bong est né ainsi. L’action érosive de l’eau a engendré des formations géologiques que l’on retrouve à la fois dans le réseau souterrain et à la surface du plateau karstique comme des dolines. Ce phénomène de dissolution du calcaire est également à l’origine des populaires cénotes de la péninsule du Yucatán.

    Le réseau de grottes souterraines du parc Phong Nha-Ke Bang est l’un des plus vastes au monde.

    Une biodiversité unique

    Le parc national renferme une importante faune et flore. On y retrouve 876 espèces de plantes et plus de 800 animaux vertébrés. La biodiversité de ce lieu est unique grâce à la présence d’espèces endémiques animales et végétales comme des geckos ou des gaurs, des bovidés sauvages. De nouvelles espèces sont découvertes régulièrement, tandis que d’autres sont en voie de disparition comme la panthère nébuleuse ou l’éléphant d’Asie. Malheureusement, le braconnage ainsi que le développement du tourisme mettent en péril les différents écosystèmes de Phong Nha-Ke Bang. Afin de protéger la biodiversité de ce lieu, plusieurs lois ont été promulguées pour préserver son intégrité.

    La grotte de Hang Son Doong, la plus grande du monde

    Cette grotte fut aperçue pour la première fois en 1990 par un Vietnamien appelé Ho Khanh sans qu’il puisse y accéder. Ce n’est qu’en 2009 qu’elle fut découverte et explorée par une équipe de scientifiques britannique de la British Cave Research Association. Une expédition fut réalisée pour explorer les profondeurs de cette galerie souterraine.

    La grotte fut nommée Hang Son Doong, ce qui signifie « caverne de la montagne ». Elle fut très rapidement reconnue comme l’une des plus grandes du monde. Située au fin fond du parc national, la grotte a été estimée à plus de 9 km de long. Certaines parties atteignent 200 mètres de hauteur et 175 mètres de largeur. Cette cavité est assez grande pour contenir un bloc d’immeubles de quarante étages. Cette grotte est fascinante pour son monde souterrain qui lui est propre. En effet, elle renferme un écosystème et un climat spécifiques.

    La rivière souterraine de Hang Son Doong éclairée par un puits de lumière et la torche d'un explorateur.
    La plus grande grotte du monde Hang Son Doong et sa rivière souterraine. Crédit Photo: Unsplash

    Le toit de la grotte s’est effondré à deux endroits. Grâce à ses ouvertures, la lumière peut pénétrer et permettre le développement d’une incroyable biodiversité dans certaines parties de la grotte. Par exemple, une jungle vierge s’est formée. Elle contient des espèces végétales uniques, dont des arbres qui peuvent atteindre 20 m de hauteur. Des explorateurs ont aussi repéré une grande variété d’espèces animales comme des oiseaux, des singes ou encore des serpents. De manière générale, la grotte est parsemée de stalactites et de stalagmites aux dimensions incommensurables. À ce titre, la cavité souterraine héberge l’une des plus grandes stalagmites du monde avec ses 75 mètres de hauteur.

    Estimer l’âge de la grotte de Hang Son Doong est très difficile. Selon les scientifiques, elle aurait été façonnée par l’eau au Pliocène, c’est-à-dire entre 5 millions et 2 millions d’années. Ils y ont découvert des fossiles ainsi que des perles de caverne très rares. Cette grotte contient des trésors qui restent encore à être dévoilés. Pour visualiser la richesse de ce lieu, National Geographic propose une visite interactive pour les plus curieux.


    RETENEZ


    • Le réseau karstique de Phong Nha-Ke Bang au Vietnam est l’un des plus vastes au monde.
    • Hang Son Doong est la plus grande grotte connue à ce jour avec une longueur estimée à plus de 9 km.
    • Le tourisme et le braconnage menacent les écosystèmes et la biodiversité endémique du parc.

    1.
    Geo.fr [En ligne]. AFP G avec. Vietnam : Son Doong, la plus grande grotte du monde, un écosystème unique sous la menace; 20 janv 2021 [cité le 3 juin 2022]. Disponible: https://www.geo.fr/environnement/vietnam-son-doong-la-plus-grande-grotte-du-monde-un-ecosysteme-unique-sous-la-menace-203475
    1.
    UNESCO Centre du patrimoine mondial [En ligne]. mondial UC du patrimoine. Parc national de Phong Nha - Ke Bang; [cité le 3 juin 2022]. Disponible: https://whc.unesco.org/fr/list/951/
    1.
    L’univers de la géologie [En ligne]. Hang Sơn Đoòng, la plus grande grotte du monde; 26 févr 2020 [cité le 3 juin 2022]. Disponible: https://actugeologique.fr/2020/02/hang-son-doong-la-plus-grande-grotte-du-monde/
    1.
    Chazot G. La belle histoire des merveilles de la terre [En ligne]. De Boeck Supérieur; 2020. 320 p. Disponible: https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807329119-la-belle-histoire-des-merveilles-de-la-terre

    Monument Valley : l’Histoire des Colosses aux Pieds d’Argile

    Paysage emblématique de l’ouest des États-Unis, le parc tribal de Monument Valley offre un panorama à couper le souffle. Ce fabuleux décor cinématographique à ciel ouvert occupe une surface de 370 km2 à la frontière entre Arizona et Utah, au sein de la réserve indienne des Navajos. Son relief est jalonné par des colosses faits de grès et d’argile. Ces derniers ont marqué l’imaginaire collectif en étant mis à l’honneur, à de nombreuses reprises, dans les westerns américains avec John Wayne ou Clint Eastwood. Ces monuments, qui semblent inébranlables, n’ont pas toujours trôné en maître sur le plateau du Colorado. Comment ont-ils été créés ? Découvrez le long processus de formation de Monument Valley ainsi que la place de la culture navajo dans le parc.

    L’histoire géologique de Monument Valley

    Du plancher sous-marin du golfe du Mexique au plateau du Colorado

    Monument Valley n’est pas une vallée au sens strict de sa définition, c’est-à-dire « une dépression allongée, plus ou moins évasée, creusée par un cours d’eau ou par un glacier » (Dictionnaire Larousse). Le terme qui la qualifie le mieux est celui de cuesta qui désigne une forme de relief dissymétrique.

    Située à une altitude comprise entre 1800 et 2000 m, Monument Valley occupe aujourd’hui une partie du plateau du Colorado qui s’étend sur 4 états : le Colorado, l’Utah, l’Arizona et le Nouveau-Mexique. Toutefois, sa position géographique a évolué fortement au cours du temps.

    Au cours de l’ère du Paléozoïque, entre -542 et -251 millions d’années, le plateau du Colorado se trouvait au sud du golfe du Mexique et immergé. Les roches les plus anciennes découvertes dans le parc apportent la preuve que le plateau était autrefois situé en milieu marin. À travers les âges, il a connu différents paysages : recouvert par les mers, transformé en zone terrestre désertique ou irrigué par des rivières. Une activité volcanique importante a aussi marqué les lieux et des traces de celle-ci subsistent encore sur le site. 

    Les parois de teinte ocre qui caractérisent Monument Valley sont formées de roches sédimentaires composées de débris : les grès. Ils sont le résultat de l’accumulation et de la cimentation de grains de sable au cours des périodes géologiques du Permien et du Trias, entre 270 et 240 millions d’années.

    Panorama de Monument Valley avec West Mitten Butte au premier plan.
    Monument Valley : vue de West Mitten Butte au premier plan. Crédit photo : J. Croiset, Tous droits réservés ©

    L’autre étape importante, pour le parc tribal, survient il y a 30 millions d’années. L’ensemble du plateau du Colorado commence à se soulever jusqu’à atteindre 2000 m d’altitude. Cette surrection cause des plissements et des failles verticales dans la roche. Dans ce contexte, l’érosion poursuit son œuvre et sculpte ce territoire, laissant les célèbres buttes témoins et mesas sur son passage. 

    Monument Valley : des tours en constante évolution

    Sur l’immense étendue du site se dressent des tours de grès dont la hauteur est comprise entre 30 et 300 m. Leur couleur rouge caractéristique est due à la présence d’oxydes de fer

    Si le sol est composé d’un mélange de sable et de grès fins, les formations rocheuses présentent des strates de nature et de résistance différentes. De la base au sommet de Merrick Butte, par exemple, on distingue : 

    • Organ Rock : le piédestal de toutes les tours du site date du Permien. Cette couche de schiste argileux a été créée au gré des courants marins. Vulnérable aux effets du vent et de l’eau, elle s’érode en pente « douce ». 
    • De Chelly : au-dessus d’Organ Rock, les grès sont plus résistants. Ils constituent les blocs massifs et majestueux de Monument Valley. 
    • Moenkopi : ces grès argileux sont plus récents et datent du Trias. Ils se situent au-dessus de la formation De Chelly des mesas et des buttes. Des fossiles de reptiles, d’amphibiens et de poissons y ont été découverts.
    • Shinarump : les conglomérats de cette strate forment, au sommet, une couche sédimentaire protectrice très résistante, datant aussi du Trias.
    Les différentes strates de Merrick Butte à Monument Valley.
    Les différentes strates de Merrick Butte à Monument Valley. Crédit photo : J. Croiset, Tous droits réservés ©

    Des millions d’années d’érosion ont façonné le paysage de Monument Valley

    En fonction des stades d’érosion, les tours du parc peuvent être classées en 3 catégories : 

    1. La mesa, qui signifie « table » en espagnol, correspond au premier stade. Elle est large et stable comme Rain God Mesa
    2. La butte (prononcez « bi-ute ») est le second stade. Elle est de taille plus petite. C’est le cas d’East Mitten Butte et West Mitten Butte.
    3. La spire, enfin, qui signifie « aiguille » en anglais, représente le dernier stade d’érosion. À l’image de Three Sisters, la roche est étroite. Elle conserve uniquement les grès massifs de la formation De Chelly et les alternances argilo-gréseuses d’Organ Rock.
    Vue sur les Three Sisters : exemple de spire à Monument Valley.
    Exemple de spire à Monument Valley : Three Sisters. Crédit photo : J. Croiset, Tous droits réservés ©

    Le passage de la mesa à la spire s’explique par l’existence, dans les grès, de grandes fissures verticales appelées diaclases. Sous les assauts du vent et de l’eau, des pans entiers de roches se détachent et s’éboulent en bloc, laissant place à des parois vertigineuses. La région est en constante évolution et des écroulements peuvent intervenir à chaque instant pour redessiner le paysage.

    Exemple de fissures verticales et d'éboulements sur le site de Monument Valley.
    Exemple de fissures verticales et d’éboulements sur le site de Monument Valley. Crédit photo : J. Croiset, Tous droits réservés ©

    La faune et de la flore de Monument Valley : entre discrétion et adaptation

    Le plateau abrite une faune et une flore riches et diversifiées malgré ses conditions désertiques. Parmi les espèces animales présentes sur le site, on trouve des pumas, des coyotes, des lièvres, des lézards et de nombreuses espèces d’oiseaux.

    Le puma est agile et s’adapte parfaitement à cet environnement grâce à sa capacité à escalader des rochers escarpés. Il est cependant difficile de l’observer tant il cultive l’art de la dissimulation.

    En revanche, en levant les yeux vers le ciel, les visiteurs de Monument Valley pourront éventuellement apercevoir une buse à queue rousse, dont l’envergure peut atteindre 1,30 m.

    En ce qui concerne la végétation, les arbustes résistants dominent le paysage. La sauge de Russie, reconnaissable à ses fleurs bleues, est habituée à la sécheresse et ne craint aucun parasite. Le Yucca de Mojave pousse lentement et produit des fleurs blanches. Tout comme le brittlebush, buisson à la floraison jaune, le Yucca est actif la nuit facilitant ainsi la préservation de son humidité.

    La place de la culture Navajo dans le parc tribal

    Les premières traces de présence humaine sur le site datent de 1200 avant J.-C. Les Indiens Anasazi ont gravé, dans la roche, des pictogrammes encore visibles. Monument Valley se situe, aujourd’hui, dans la réserve navajo. Le conseil de la nation navajo fonde le parc tribal en 1958 afin de protéger cet environnement si précieux. 

    Le mode de vie des habitants de Tse’Bii’Ndzisgaii (« la vallée dans le rocher ») se veut simple et en communion avec la nature qui les entoure. Les nappes phréatiques offrent une humidité suffisante pour les cultures et l’élevage. S’inspirant des paysages grandioses, les familles réalisent des tapis tissés à la main, des peintures sur sable, des poteries et des bijoux.

    L’histoire orale de la création de Monument Valley est transmise au sein de la tribu. Les célèbres Jumeaux, héros de la mythologie navajo, auraient combattu et vaincu les monstres qui habitaient ce monde. Les carcasses des terribles bêtes se seraient alors transformées en roche et auraient créé les buttes présentes sur le site.

    Les noms des tours sont, quant à eux, le produit de l’imagination des premiers colons ou des Navajos. En voici quelques exemples : 

    • East Mitten Butte et West Mitten Butte ressemblent à des mains et désignent les êtres spirituels qui veillent sur la Vallée.
    • Merrick Butte et Mitchell Mesa rendent hommage à deux anciens soldats reconvertis dans la recherche non pas d’or, mais d’argent sur le site.
    • Elephant Butte et Camel Butte sont des noms attribués du fait de leur ressemblance avec l’éléphant et le chameau. 
    • The Hub représente le feu qui se trouve au cœur du foyer dans les maisons Hogan.
    • Rain God Mesa est le centre géologique du parc.
    Le site de Monument Valley observé via Google Earth avec le nom des mesas et des buttes.
    Le site de Monument Valley observé via Google Earth. Crédit photo : Google Earth

    Monument Valley fascine ses visiteurs. Ses colosses aux pieds d’argile imposent le respect et suscitent l’émerveillement. Le temps semble s’être arrêté pour ces gardiens du site et pourtant l’érosion, elle, ne connaît pas de répit. Elle poursuit sa route et continue de modeler les emblématiques mesas, buttes et spires.


    RETENEZ


    • Monument Valley est connu pour ses tours de grès rouges, car elles sont riches en oxydes de fer.
    • Les différentes formations rocheuses sont composées de strates sédimentaires de nature et de résistance différentes.
    • Mesas, buttes témoins et spires ponctuent le paysage du parc tribal et ont été façonnées par des millions d’années d’érosion.
    • La faune et la flore présentes sur le site ont su s’adapter aux conditions désertiques.
    • Le parc de Monument Valley a été créé en 1958 par les Navajos afin de protéger cet environnement exceptionnel.

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