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Découvrez la Grande Muraille Verte, initiative panafricaine qui restaure les terres du Sahel, lutte contre la désertification et soutient les communautés rurales.
La désertification constitue aujourd’hui l’un des principaux processus de dégradation des terres à l’échelle mondiale. Sécheresse, érosion des sols et perte de biodiversité compromettent la productivité agricole et la sécurité alimentaire. Le Sahel, zone de transition entre le Sahara hyperaride et les savanes plus humides du sud, constitue un point critique. Les variations climatiques, la pression humaine et la fragilité des sols entraînent une baisse progressive de la productivité écologique. Ces phénomènes s’inscrivent dans l’histoire du Sahara, dont les cycles d’humidification et d’aridification ont façonné les paysages actuels, comme le révèlent les recherches paléoclimatiques sur les périodes où le désert du Sahara était vert et fertile. Pour faire face à ces défis environnementaux et climatiques, la Grande Muraille Verte (GMV) se déploie comme une initiative panafricaine ambitieuse. Elle vise à restaurer les terres dégradées et à renforcer la résilience des systèmes socio-écologiques. Le projet soutient également les activités agricoles et pastorales dans cette vaste zone sahélienne et accompagne les communautés rurales confrontées aux impacts du changement climatique. Mais que représente vraiment cette Grande Muraille Verte ? Est-ce uniquement une ligne d’arbres ou un ensemble complexe d’interventions écologiques ? Quels pays sont concernés et quels résultats ont été observés jusqu’à présent ? Grâce à la télédétection, aux indices de végétation et aux satellites d’observation, il est désormais possible de suivre la progression de cette restauration écologique sur des millions d’hectares.
Cadre général, étendue et objectifs de la Grande Muraille Verte
La Grande Muraille Verte (GMV) est une initiative africaine de lutte contre la désertification . Elle suit un tracé d’environ 8 000 kilomètres, du Sénégal à Djibouti. Elle traverse une douzaine de pays sahéliens caractérisés par une pluviométrie annuelle faible et très variable, comprise entre 150 et 600 mm. La Grande Muraille Verte traverse une zone de transition entre steppes et savanes soudano-sahéliennes, où les activités pastorales et agricoles sont prédominantes.
Carte du tracé prévu de la Grande Muraille verte, des pays participants et du Sahel. En vert reforestation sur une bande de 7 100 km de longueur. Crédit photo : Sevgart, CC BY-SA 4.0 Wikimédia
Contrairement au concept initial d’un alignement continu d’arbres, le projet correspond aujourd’hui à un ensemble d’interventions hétérogènes incluant :
la régénération naturelle assistée ;
des aménagements anti-érosion ;
la restauration des parcours pastoraux ;
la séquestration du carbone ;
le développement de l’agroforesterie ;
la création d’emplois et l’amélioration des revenus des communautés locales, tout particulièrement des femmes.
Ce corridor de restauration lancé en 2006 s’inscrit dans des stratégies contemporaines de lutte contre la désertification. Il s’appuie aussi sur une compréhension plus large de l’évolution des milieux sahariens et sahéliens, éclairée par les travaux sur les oasis culturelles du Tassili n’Ajjer et les dynamiques historiques du Sahara.
Contraintes climatiques, fragilité des sols et pressions anthropiques
Le Sahel est une région où la variabilité climatique structure la dynamique des écosystèmes. Les cycles d’humidification et de sécheresse, associés au réchauffement global, influencent la disponibilité en eau, la distribution de la végétation et la stabilité des sols. Ces phénomènes s’inscrivent dans un cadre plus large d’évolution des paysages arides, détaillé dans les analyses consacrées à la formation des déserts et aux milieux extrêmes.
Les sols sahéliens, majoritairement sableux ou limono-sableux, présentent une faible teneur en matière organique et une faible capacité de rétention d’eau. Leur vulnérabilité au ruissellement et à la compaction s’accentue lorsqu’ils perdent leur couverture végétale, ce qui accélère la dégradation des sols.
À ces contraintes naturelles s’ajoutent de fortes pressions humaines liées à la croissance démographique, au déboisement, au surpâturage et à l’extension agricole. La désertification résulte ainsi de l’interaction constante entre facteurs climatiques et pratiques d’usage des terres.
La Grande Muraille Verte n’est pas une ligne d’arbres de 8 000 kilomètres, mais une stratégie intégrée de restauration des terres sahéliennes, dont les progrès dépendent autant des données que des décisions prises localement.
Désert du Sahara depuis l’espace. Crédit image : NASA
Organisation du projet : gouvernance et rôle des communautés
La gouvernance de la GMV repose sur plusieurs niveaux d’intervention : États, institutions régionales, partenaires techniques et financiers, collectivités locales. Les études montrent que la réussite dépend fortement de l’implication des communautés, notamment dans la sélection des espèces, la gestion de l’eau et la surveillance des plantations.
Pays participants à l’Initiative Grande Muraille Verte (GMV). Crédit schéma : African Union
Les approches participatives présentent des résultats plus durables que les modèles centralisés reposant sur des plantations massives.
La régénération naturelle assistée s’impose progressivement comme un levier efficace, car elle mobilise les pratiques existantes, s’adapte aux usages pastoraux et maximise les chances de survie des arbres et arbustes.
Nombre de projets en cours par pays participant. Crédit schéma : Great Green Wall (GGW)
Télédétection et données spatiales : évolution du suivi scientifique
Les avancées en matière d’observation de la Terre permettent le suivi précis des dynamiques végétales. Les indices de végétation, comme le NDVI (Normalized Difference Vegetation Index) et l’EVI (Enhanced Vegetation Index), permettent de quantifier l’état et la densité du couvert végétal. Les données radar offrent, quant à elles, une information complémentaire, indépendante de la couverture nuageuse. Enfin, les mesures issues de programmes satellitaires tels que la mission GEDI de la NASA(Global Ecosystem Dynamics Investigation) permettent d’estimer la biomasse et l’analyse fine de la progression de la végétation. L’ensemble de ces outils contribue à mieux distinguer les effets du climat de ceux liés aux activités humaines.
Le programme GEDI de la NASA (Global Ecosystem Dynamics Investigation) sur l’ISS permet d’étudier l’évolution détaillée de la sur Terre grâce à des données satellitaires. Crédit photo : Nasa
Les plateformes telles que Google Earth Engine facilitent l’analyse multi-temporelle.
Dans certaines régions du Sénégal et du Niger, les analyses montrent une augmentation significative du couvert végétal, attribuée à la combinaison de pratiques locales de restauration et de dynamiques climatiques favorables.
Exemple de spatialisation des changements d’occupation du sol par la végétation sur la période 1999-2010 à Téssékré (A) et Hombori (B) et sur la période 2000/01-2010 à Dantiandou (C). Crédit schémas : journals.openedition.org/physio-geo
Limites de la littérature scientifique et de la représentation médiatique
Les représentations publiques simplifient souvent la GMV en la réduisant à une barrière d’arbres. Cette vision occulte la diversité des interventions menées et les mécanismes écologiques en jeu. La restauration repose largement sur la régénération naturelle assistée et sur des techniques de gestion de l’eau plutôt que sur la plantation linéaire.
L’hétérogénéité des méthodologies nationales complique la comparaison des résultats. Les critères permettant de définir une zone comme « restaurée » varient d’un pays à l’autre. Les capacités d’inventaire et de suivi diffèrent également, rendant les évaluations globales plus incertaines.
Les analyses de la recherche documentaire sur la Grande Muraille Verte révèlent une sous-représentation des données récentes. Elles mettent également en évidence la faible prise en compte des dimensions socio-économiques. À cela s’ajoute une quasi-absence de références aux innovations scientifiques, comme l’intelligence artificielle (IA) ou la modélisation climatique.
Impacts observés et perspectives
Les évaluations disponibles indiquent qu’environ 20 millions d’hectares ont été restaurés.
Les effets recensés concernent :
l’amélioration de la productivité agricole ;
l’augmentation de la biodiversité herbacée et ligneuse ;
la réduction de l’érosion des sols ;
la diversification des revenus en milieu rural.
Les résultats demeurent néanmoins contrastés selon les contextes nationaux.
La Grande Muraille Verte s’impose également comme un véritable laboratoire à ciel ouvert, où se combinent les modèles climatiques régionaux (notamment à travers les cadres CORDEX-Africa et CMIP6), l’utilisation d’algorithmes d’apprentissage tels que les réseaux ConvLSTM, ainsi que le développement d’approches agroécologiques innovantes. Ces dispositifs permettent d’adapter les stratégies de gestion des écosystèmes et des ressources naturelles aux projections climatiques à moyen terme, en intégrant de manière dynamique les interactions entre climat, végétation, pratiques agricoles.
En résumé, la Grande Muraille Verte ne correspond pas à une barrière végétale continue, mais à un ensemble coordonné d’interventions visant la restauration de terres dégradées et la résilience des systèmes socio-écologiques au Sahel. Elle illustre l’importance de l’articulation entre politiques publiques, savoirs locaux, innovation scientifique et gestion durable des ressources. Les résultats observés confirment qu’une restauration écologique à grande échelle est possible lorsque les actions s’appuient sur des données solides, des méthodes adaptées et une participation locale structurée. Il est intéressant de noter que le Sahara était vert il y a environ 10 000 à 5 000 ans, période durant laquelle des écosystèmes fertiles et des zones humides prospéraient, offrant un précédent naturel inspirant pour la restauration écologique en cours au Sahel.
RETENEZ
La Grande Muraille Verte n’est pas qu’une barrière végétale, mais un ensemble d’actions de restauration adaptées aux contextes locaux.
La réussite des projets dépend largement de l’implication des communautés locales et de la gestion durable des sols et de l’eau.
Les outils de télédétection permettent aujourd’hui de mesurer objectivement l’évolution du couvert végétal et de comparer les progrès entre régions sahéliennes.
Les résultats restent contrastés, mais environ 20 millions d’hectares présentent déjà des signes de restauration mesurables.
Les recherches en modélisation climatique et en intelligence artificielle affinent les scénarios d’avenir et aident à ajuster les stratégies.
Marega O, Emeterio JLS, Fall A, Andrieu J. Cartographie par télédétection des variations spatio-temporelles de la couverture végétale spontanée face à la variabilité pluviométrique au Sahel : approche multiscalaire. Physio-Géo Géographie physique et environnement [En ligne]. 2 janv 2021 [cité le 29 déc 2025];(Volume 16):1‑28. Disponible: https://journals.openedition.org/physio-geo/11977?lang=en#illustrations